Gautier de COINCI
Les Miracles de Nostre-Dame
Ensemble Alegria


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medieval.org
muziekweb.nl

1994
Pierre Vérany 794113

janvier 1994






1 - Richard de SEMILLY: On doit la mere Dieu honorer * (fin XIIème s.)   [4:53]

FE: vièle à archet, voix
JMD: vielle à roue, zarb, voix
FO: chant, citole
DZ: flûte traversière, voix



2 - Anon. d'après Jacques de CAMBRAI: Quand voi la flor novele (fin XIIIème s.)   [5:54]

FE: vièle à archet
JMD: psaltérion
FO: chant, citarrina
DZ: carillon



3 - Gautier de COINCI: Pour la pucele en chantant me deport *   [4:13]

FE: vièle à archet
JMD: vielle à roue
FO: chant, luth
DZ: flûte


Vilene gent / Honte et dolor / Hec dies
(motet du ms. de Montpellier, XIIIème s.)

FE: vièle à archet
JMD: hautbois à capsule
FO: luth
DZ: hautbois à capsule



4 - mélodie anon.: Ma viele vieler veut un biau son   [1:58]

FE: vièle à archet
JMD: vielle à roue



5 - Gautier de COINCI: Entendez tuit ensemble le salu Nostre Dame   [3:58]

FE: vièle à archet, voix
JMD: cornemuse, flûte, voix
FO: chant, luth
DZ: flûte traversière, voix


Beata Viscera
(motet-conduit du ms. de Worcester, fin XIIIème s.)

FE: vièle à archet
JMD: flûte, voix
FO: luth, voix
DZ: flute, voix



6 - Gautier de COINCI: Hui matin   [3:34]

FE: vièle à archet
JMD: flûte à bec, chalumeau
FO: citarrina
DZ: chant



7 - Gautier de COINCI: Por mon chief reconforter   [2:42]

FE: vièle à archet, voix
JMD: hautbois à capsule, voix
FO: luth, tambour, voix
DZ: chalémie, voix



8 - lai pieu anonyme: Virge glorieuse *   [6:17]

FE: vièle à archet
JMD: flûte
FO: chant
DZ: flûte



9 - lai marial, Thibaut de CHAMPAGNE: Commencerai à faire un lai   [4:07]

JMD: improvisation à la grande cornemuse

D'une amour coie et serie
(mélodie d'après une chanson de Gilles de Vieux-Maisons
et du refrain Vilaine gent)

FE: vièle à archet
JMD: grande comemuse
FO: citole
DZ: chalémie



10 - Gautier de COINCI: Amours qui bien set enchanter   [2:49]

FE: vièle à archet
JMD: vielle à roue
FO: chant, tambour sur cadre
DZ: flûte



11 - Gautier de COINCI: Puisque voi la fleur novele   [3:43]

FE: vièle à archet
JMD: chalémie
FO: chant, citole
DZ: chalémie



12 - Gautier de COINCI: Royne celestre *   [3:23]

FE: vièle à archet
JMD: chalumeau, vielle à roue
FO: chant



13 - Gautier de COINCI: Pour conforter mon cuer et mon courage   [4:03]

FE: vièle à archet
JMD: crotales, tambours
FO: luth, chant
DZ: hautbois à capsule



* arrangement D. Zaidman – Instrumentation et agencements musicaux: Alegria




Ensemble Alegria

Jean-Michel Deliers (JMD) • vielle à roue, cornemuses, psaltérion, hautbois à capsule, chalémie, flûte à bec, chalumeau, percussions
Françoise Enock (FE) • vièle à archet
Francisco Orozco (FO) • chant soliste, luth médiéval, citole, citarrina, percussions
Denis Zaidman (DZ) • flûtes à bec et traversière, hautbois à capsule, chalémie, voix



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Chansons à la Vierge du XIIIème siecle

Sous l'impulsion de Saint Bernard, le grand abbé de la première moitié du XIIème siècle, la devotion à la Vierge a imprégné tout le XIIIème siècle. Ni la literature ni la musique ne devaient y rester étrangères. Toutes deux ont trouvé un modèle d’expression dans les Miracles de Nostre-Dame de Gautier de Coinci, auxquels ce disque a emprunté la majeure partie de son repertoire (10 pièces sur 15).

Originaire du bourg de ce nom, entre Soissons et Château-Thierry, près de Fère en Tardenois, Gautier était entré comme moine à St Médard de Soissons, et fut près de 20 ans prieur de Vic sur Aisne, titre sous lequel il signe volontiers ses œuvres, les datant ainsi avec quelque precision d’entre 1214 et 1233. Son œuvre majeure, qui a inspiré des poètes comme Rutebeuf avant d’être imitée par Alphonse le Sage, est un imposant recueil de récits en vers, relatant des légendes mariales où le plus souvent on voit des innocents sauvés du peril ou des coupables preserves du châtiment grace à l’intercession de la Vierge qu’ils ont invoquée in extremis. Le Miracle de Théophile qui ouvre le recueil a valu au theater le chef d’œuvre de Rutebeuf qui a gardé ce nom.

Mais Gautier était aussi musician que lettré, Familier du repertoire des trouvères, il se trouvait, en cette partie d’Ile de France unissant la Champagne à la Picardie, au cœur même de leur floraison. Il savait que dans la littérature Romanesque, depuis le petit Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole des années 1200, il était de mode d’illustrer le récit (qui, ne l’oublions pas, était lu à haute voix) par des citations chantées ou refrains qui stimulaient l’attention des auditeurs, et qui ne tardèrent pas à former un cycle cohérent autour d’Aëlis ou de quelque autre belle mythique. Gautier conçut le dessein de faire de même pour ses Miracles, et agrandit même le procédé en ne citant pas seulement un refrain, mais des pièces entières, dont il transforma les paroles en conservant la musique, le rythme et parfois les rimes ou assonances. Ces nouvelles paroles, toutes dédiées à la Vierge, traduisaient une ardente dèvotion, où l’amour humain chanté par ses modèles se voyait transformé en un amour sublimé pour la Vierge Marie, et il n’est pas jusqu’à la classique rencontre galante entre un chevalier et une bergère, dont Adam de la Halle devait faire son Jeu de Robin et Marion, qui ne se voie transposée en une rencontre mystique entre le chrétien et Notre-Dame.

Entraîné par sa lancée, Gautier ne se borne pas au seul répertoire des trouvères. Il connaît et utilise aussi bien la lyrique latine des versus jadis mis en honneur à St Martial de Limoges, que le répertoire des conduits ou les "duplums" d’organa où à ce moment même s’illustrait l’École de Notre-Dame de Paris conduite par Pérotin le Grand. Il n’ignore rien non plus du vaste répertoire des lais qui prolongeaient en son siècle les toujours vivaces chansons de geste. Si bien qu’à travers ses contrafacta, l’œuvre de Gautier de Coinci se présente comme une véritable anthologie de la quasi-totalité du répertoire lyrique de son temps. D’où son intérêt exceptionnel qui n’a pas échappé aux réalisateurs de ce disque.

Conformément à l’usage le plus répandu actuellement, ceux-ci n’ont pas cherché à rendre compréhensible un texte dont l’ancien français nous échappe parfois, et ils ont harmonisé, instrumenté et développé avec intelligence des originaux dont la plupart étaient monodiques et strophiques. Le résultat est séduisant autant qu’évocateur.

Jacques Chailley



Sources:

J. Chailley, les Chansons à la Vierge de Gautier Coinci / édition musicale critique avec introduction et commentaires, Paris, Heugel, 1959; ètude capitale, dans laquelle nous avons très largement puisé, F. Gennich, Cantilenae piae / 31 altfranzösische geistliche Lieder der Hs. Paris, B.N. nouv. acq. fr. 1050, Darmstadt, 1965.

A. Jeanroy, L. Brandin et P. Aubry, Lais et descorts français du XIIIe siècle, Paris, Wellter, 1901.

S. N. Rosenberg, Chanter m’estuet / Songs of the Trouvères, (musique publiée par H. Tischler), Bloomington, Indiana Univ. Press, 1981.

Y. Rokseth, Polyphonies du XIIIe s.: le ms. H 196 de la faculté de Médecine de Montpellier, Paris, L’Oiseau-lyre, 1935-48.

W. Th. Marrocco et N. Sandon, Medieval Music, London, Oxford Univ. Press, 1977.
G. Zink, Phonétique historique du français, Paris, P.U.F., 1986.




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Oberschwäbisch Glasmalerei, Klosterkirche Heiligkreuztal
um 1300