medieval.org
Adda 581 316
1993
Guillaume DuFAY
1. Puis que vous estes campieur
[3:58]
rondeau
Johannes DELAHAYE
2. Puisqu'il convient que le départ
se fasse [1:34]
instrumental
Antoine BUSNOIS
3. Quant ce viendra au droit d'estraindre
[5:38]
rondeau layé
4. La Falla [1:18]
instrumental
5. D'une belle jeune fille
[2:47]
rondeau-triple chanson
Johannes DELAHAYE
6. Mort, j'apelle de ta rigueur
[6:31]
rondeau, texte: Villon
Johannes DELAHAYE
7. O dieu d'amour [2:06]
rondeau
Walter FRYE
Tout a par moy · rondeau
8. instrumental [1:39]
9. vocal [1:39]
Alexander AGRICOLA
10. J'ars de désir à
enflamé d'amer [1:06]
rondeau · instrumental
11. Querez ailleurs paille en estrain
[1:22]
instrumental
12. Vous marchez du bout du pié,
Marion, Marionette [1:56]
13. Puis qu'à vous servir
[4:30]
rondeau
14. J'ay pris amours à ma devise
[1:12]
rondeau · instrumental
Antoine BUSNOIS
15. En tous les lieux ou j'ay esté
[4:45]
bergerette
16. Spania [1:21]
instrumental
Robert MORTON
17. N'auray-je jamais mieulx que j'ay
[3:55]
rondeau
Antoine BUSNOIS
18. Le corps s'en va [5:54]
rondeau
19. D'ung autre amer [1:28]
rondeau
plages #5, 12, 16:
Les harpes utilisées sont équipées de
chevilles crochues de braiement ou "arpions" (harpions), faisant
"nazarder" les cordes.
Instruments
Enregistré à l'Abbaye Royale de Fontevraud du 9 au 11
novembre 1992
Ensemble Amadis
Catherine JOUSSELLIN, dessus et vièle
Emmanuel BONNARDOT, contre-ténor et vièle
Françoise JOHANNEL, harpe
Pascale BOOUET, luth
Paul WILLENBROCK, basse
Raphaël BOULAY, ténor
Luth renaissance d'après Jacob HES (Joël DUGOT - 1981)
Luth XVe à cinq chœurs d'après Arnaud De ZWOLLE
(Ivo MAGHERI - 1991)
Harpe gothique à vingt-six cordes d'après un instrument
du musée de Nuremberg (Simon CAP - 1992)
Harpe gothique d'après Jérôme Bosch (Yves D'ARCIZAS
- 1983)
Vièle XVe (Bernard PRUNIER - 1983)
Vièle XVe (Judith KRAFT - 1986)
Vièle XVe (Judith KRAFT - 1989)
Directeur artistique: Jean-Christophe Frisch
Conseiller prononciation: Eugène Green
Photo de couverture: Tapisserie Cluny - La vie seigneuriale /
Cliché Musées Nationaux
Co-production Centre de Musique Ancienne/ADDA
© 1992 / (P) 1993
Chansons courtoises à la Cour de France
Le chansonnier Nivelle de La Chaussée (vers 1460)
Le chansonnier Nivelle de La Chaussée, maintenant
à la Bibliothèque Nationale (Rés. Vmc. Ms 57),
après avoir été la propriété de
Geneviève Thibault, comtesse de Chambure, figure parmi les
sources majeures de la chanson polyphonique française (ou
franco-bourguignonne) de la deuxième moitié du XVe
siècle, comparable par son importance et par sa datation (vers
1460) aux manuscrits célèbres que sont le Chansonnier
Cordiforme, le Chansonnier Mellon ou le MS. 517 de
la bibliothèque de Dijon.
Sa principale originalité, cependant, est bien son appartenance
quasi certaine à l'environnement musical, poétique
et artistique de la cour de France, autour de quelques villes de
l'actuelle région Centre qui constituaient alors les
résidences privilégiées des rois de France (Tours,
Blois, Bourges...). Il se distingue ainsi des autres grands
chansonniers associés aux cours de Bourgogne (Dijon), de
Savoie (Cordiforme) ou de Naples (Mellon).
Un faisceau d'indices convergents désigne en effet son insertion
dans la vallée de la Loire, la Touraine et le Berry.
L'étude codicologique effectuée par une jeune musicologue
américaine, Paula Higgins, a révélé, par
exemple, une inscription lisible seulement aux ultraviolets ("de
palacio bit"...) qui semble bien désigner le palais de Bourges
("bituricense"). Les textes poétiques, quant à eux,
pour l'essentiel rondeaux et bergerettes affichent de
très nombreuses concordances avec le cercle littéraire
blésois de Charles d'Orléans: En tous les lieux
d'Antoine Busnois, par exemple, est une bergerette qu'un manuscrit
poétique attribue à un certain monsieur Jacques, en fait
Jacques de Savoie, seigneur de Romon, présent à la cour
de Blois en 1457.
Par ailleurs, les nombreuses lettrines initiales enluminées,
peintes selon la technique du "camaïeu d'or" peuvent être
attribuées à l'atelier tourangeau de Jean Fouquet (c.
1420—1481), peintre des rois Charles VII et Louis XI ou Jean
Colombe de Bourges (c. 1430—1498).
En situant ainsi ce manuscrit dans l'entourage de la cour de France,
ces indices permettent de mieux comprendre l'importance
particulière qu'y occupe un petit groupe de compositeurs. Les
deux principaux d'abord, Antoine Busnois et Jean Ockeghem,
respectivement représentés par 11 et 6 chansons.
On a cru longtemps que Busnois avait été essentiellement
attaché à la Cour de Bourgogne (de 1467 à 1483):
des documents récemment découverts attestent sa
présence à Tours, où il est clerc de Saint-Martin
en 1465. Il a donc pu y connaître Ockeghem qui y occupait la
fonction de trésorier depuis 1459 parallèlement à
la charge de "premier chapelain" de la Chapelle royale. On ne sait
pratiquement rien en revanche de Delahaye dont le chansonnier de Dijon
contient aussi quelques chansons: il a dû être
attaché à Louis de Luxembourg, archevêque de Rouen
vers 1443, avant de rejoindre vraisemblablement la chapelle du duc de
Bretagne... Toujours est-il que le Chansonnier Nivelle de La
Chaussée constitue la principale source de ce "petit maistre",
puisqu'on y trouve 7 chansons (dont 4 unica): trois d'entre elles sont
présentées ici, grâce à l'aimable
collaboration de Jane Alden, étudiante en musicologie à
l'université de Manchester et au Centre de la Renaissance de
Tours. On doit notamment à ce compositeur le seul poème
de Villon mis en musique à l'époque, le rondeau Mort
rappelle de ta rigueur (extrait du Grand Testament).
A côté de ce répertoire particulièrement
original, le chansonnier présente aussi les valeurs sûres
de la courtoisie franco-bourguignonne que se partagent les grands
recueils manuscrits contemporains, à quelque cour qu'ils
appartiennent. Au premier rang le très célèbre
rondeau anonyme, J'ay pris amour à ma devise, chanson
liminaire du manuscrit de Dijon, où il semble résumer
emblématiquement le projet courtois.
La chanson d'Ockeghem, D'un aultre amer, figure aussi au nombre
des "classiques" à côté de N'aray-je jamais
mieulx de Morton et de Tout a par moy, de Walter Frye.
Il faut aussi remarquer, cependant, quelques pièces d'un ton
nouveau, doubles ou triples chansons, dans lesquelles on entend comme
un écho (déformé) d'un patrimoine populaire quasi
inaccessible pour cette époque: l'anonyme D'une belle jeune
fille/coquille bobine en est un exemple, de même que la
chanson de Busnois, Vous marchez du bout de pié. Par sa
capacité de transposition registrale, de détournement
parodique, par ses potentialités de métissages qui se
révéleront bientôt de plus en plus nombreux,
la courtoisie, à "l'automne du Moyen Age", manifeste
peut-être ici, en même temps que sa complexité, une
forme de lucidité autocritique...
Jean-Pierre Ouvrard
Issu d'une collaboration productive entre musiciens (l'ensemble AMADIS
et en particulier Catherine Jousselin et Emmanuel Bonnardot) et
musicologues (Jane Alden et Jean-Pierre Ouvrard), ce programme illustre
la volonté du Centre de Musique Ancienne d'articuler recherche
musicologique et pratique musicale, au service du patrimoine
artistique régional.
Au lendemain de l'enregistrement de ce disque s'éteignait
Jean-Pierre Ouvrard, emporté par la maladie.
Musicologue et directeur du Centre de Musique Ancienne de Tours, mais
surtout homme d'une inestimable richesse humaine, il avait
été l'initiateur de ce projet "Nivelle de La
Chaussée".
Que cette musique lui soit dédiée en témoignage de
notre reconnaissance et de notre attachement.
Ensemble Amadis
Songs from the Court of France
The Nivelle de la Chaussée Song Book (c. 1460)
The song book known as the Chansonnier Nivelle de la Chaussée,
formerly owned by the Comtesse de Chambure and now in the
Bibliothèque Nationale (Rés. Vmc. Ms 57), is a major
source of late 15th century French (or Franco-Burgundian) polyphonic
music, comparable in importance and date (c. 1460) to famous
manuscripts such as the Chansonnier Cordiforme, the Chansonnier
Mellon or Dijon Public Library MS. 517.
Its main originality, however, lies in the fact that it almost
certainly belonged to the musical, poetic and artistic environment of
the Court of France, centered on several towns in modern
Région Centre where the kings of France were wont to hold court
(mainly Tours, Blois and Bourges). This distinguishes it from the other
major song books, which are associated with the courts of Burgundy (the
Dijon manuscript), Savoy (Cordiforme) and Naples (Mellon).
A number of convergent clues enable it to be ascribed to the region of
the Loire Valley, Touraine and Berry. For instance, codicological
research by the young American musicologist Paula Higgins has brought
to light a faded inscription (" de palacio bit... ") which
probably refers to the Palace of Bourges (palacio bituricense).
The poems set, mainly rondeaux and bergerettes, display a great
number of concordances with the literary circle of Charles
d'Orléans in Blois. For instance, the words of the bergerette
En tous les lieux by Antoine Busnois are attributed by a poetry
manuscript to someone it calls "Monsieur Jacques", i. e. Jacques de
Savoie, seigneur de Romon, who was at the court in Blois in 1457. In
addition, the many illuminated initials can be attributed to the
ateliers of Jean Fouquet (c. 1420—1481) in Tours or Jean Colombe
(c. 1430—1498) in Bourges.
Once the manuscript is seen to belong to the entourage of the Court of
France,
the particular importance it gives to a small group of composers becomes
more understandable. Two composers are especially prominent within this
group: Antoine Busnois, with eleven songs, and Jean Ockeghem, with six.
For a long time it was thought that Busnois spent most of his career
(from 1467 to 1483) at the Court of Burgundy. Recently-discovered
documents attest his presence as a clerk at St. Martin's in Tours in
1465. So he may well have met Ockeghem, who alongside his job as premier
chapelain in the Chapelle Royale had been treasurer at St. Martin's
since 1459. By contrast, very little is known about Delahaye, a few
songs by whom are also found in the Dijon manuscript. He was apparently
a member of the household of Louis de Luxembourg, archbishop of
Rouen c. 1443, before probably entering the chapel of the Duc de
Bretagne. The Chansonnier Nivelle de la Chaussée is the
main source for Delahaye's works, containing seven songs (of which four
are not found elsewhere). Three are recorded here by courtesy of Jane
Alden, of the University of Manchester and the Centre de la Renaissance
in Tours. This composer wrote the only known contemporary setting of a
poem by Villon, the rondeau Mort j'appelle de ta rigueur from
the Grand Testament.
Alongside its particularly innovative features, the Chansonnier also
contains the stock repertoire of Franco-Burgundian courtly love as
found in a number of important contemporary manuscripts from a
variety of Courts. One of the best known is the anonymous rondeau J'ay
pris amour à ma devise, which opens the Dijon manuscript as
a kind of emblematic summary of the courtly ethos.
Ockeghem's song D'un aultre amer is another classic, alongside
Morton's N'aray-je jamais mieulx and Walter Frye's Tout a
par moy.
However, a few pieces in a new style are also noteworthy. These are
double or triple chansons displaying a kind of (distorted) echo of folk
music, which was almost inaccessible to the aristocratic culture of the
period: the anonymous D'une belle jeune fille/coquille bobine
is one example, as is Busnois's chanson Vous marchez du bout de
pié. In pieces such as this, the late medieval courtly
tradition reveals its capacity for changes of register, parody and
genre -mixing- a tendency which increased as the century advanced and
highlighted, alongside a certain complexity of form and content, a
taste for self-critical playfulness.
Jean-Pierre Ouvrard
Translated by Roger Greaves
This recording is the result of a fruitful collaboration between
musicians (Ensemble Amadis, particularly Catherine Jousselin and
Emmanuel Bonnardot) and musicologists (Jane Alden and Jean-Pierre
Ouvrard). It illustrates the intention of the Centre de Musique
Ancienne in Tours to bring together musicological research and musical
performance in order to promote the artistic heritage of Tours and
its region.
Jean-Pierre Ouvrard died shortly after the recording had been
completed. As a musicologist in charge of the Centre de Musique
Ancienne in Tours, but above all as a very great humanist, he was the
initiator of the Nivelle de la Chaussée project.
We would like this music to be dedicated to him as a sign of our
gratitude and affection.
Ensemble Amadis
Instruments
Renaissance lute by Joël Dugot, 1981, after Jacob Hes.
15th century five-course lute by Ivo Magheri, 1991, after Arnaud de
Zwolle. 26-string Gothic harp by Simon Cap, 1992, after an instrument
in Nuremburg museum.
Gothic harp by Yves d'Arcizas, 1983, after Hieronymus Bosch.
15th century fiddle by Bernard Prunier, 1983.
15th century fiddle by Judith Kraft, 1986.
15th century fiddle by Judith Kraft, 1989.