Anges ou démons
Amadis





medieval.org
DBA Productions 01/09 204

2009





1. Philippe de VITRY. Quid scire proderit · motet  [0:58]

Jehan de LESCUREL
2. A vous, douce debonaire · rondeau  [3:28]
3. Amours, trop vous doi cherir · ballade  [4:11]

4. Philippe de VITRY. Quoniam secta latronum · motet  [2:41]

Jehan de LESCUREL
5. Bien se lace · virelai  [4:06]
6. Belle, com loiaus amans · ballade  [5:13]

7. Estampita heptanova · estampie, Jean Lou Descamps  [3:03]

Jehan de LESCUREL
8. Bontés, sen, valours · ballade  [4:53]
9. Dis tans plus · virelai  [4:39]

10. Philippe de VITRY. Gratissima virginis species · motet  [2:56]

11. Danse Joyeuse · danse, Christophe Deslignes  [4:50]

Jehan de LESCUREL
12. Amours, que vous ai meffait · ballade  [4:20]
13. Bonnement m'agrée · rondeau  [1:57]

Philippe de VITRY
14. Adesto, sancta trinitas · motet  [3:26]
15. Garison selon nature · motet  [3:18]

16. Amours, voulés vous accorder · ballade  [4:15]

17. Lai de l'Ecureuil · lai, Christophe Deslignes  [5:20]

18. Philippe de VITRY. Quid scire proderit · motet  [1:00]




Jean-Lou Descamps, vièles, tambura
Olivier Marcaud, chant, percussions
Catherine Jousselin, chant, vièle
Christophe Deslignes, orguines






Depuis 1989, année de son premier concert à la Fondation Boris Vian, Amadis explore le Moyen-Âge par l'intermédiaire des langages privilégiés que sont la littérature et la musique.

La dizaine de siècles que l'on range commodément sous le terme de Moyen-Âge représente un formidable brassage de peuples, langues et civilisations. Ainsi nous est parvenu un grand nombre d'œuvres littéraires et musicales: romans, poésies, contes, chroniques, jeux, fables, récits, soties, farces, chansons, reverdies, lais, ballades, rondeaux, virelais, motets...

Les interprétations d'Amadis sont basées sur l'étude de la notation originale du texte et de la musique et découlent d'un intérêt tout particulier à fouiller les intentions profondes des auteurs de l'époque. Initialement tourné vers l'époque médiévale, l'ensemble se consacre également à la création contemporaine.

C'est au sein d'ensembles tels que Gilles Binchois, la Chapelle Royale, le Huelgas Ensemble, Millenarium, la Boston Camerata, Hespèrion XXI, etc, que se sont rencontrés les musiciens d'Amadis.

Selon les programmes, Amadis se produit dans des formations de un à six chanteurs, accompagnés ou non d'instrumentistes (vièle, flûte, harpe, cornemuse, percussions, citole, chalemie, douçaine) et d'artistes dramatiques.





Ce programme, centré sur l'Ars nova, propose essentiellement des œuvres de Jehan de Lescurel et de Philippe de Vitry, deux personnalités musicales opposées mais qui témoignent néanmoins chacune à sa manière d'évolutions caractéristiques de la musique au début du XlVe siècle.

La vie de Lescurel nous est pratiquement inconnue: vraisemblablement issu d'une famille de la bourgeoisie, il fut probablement attaché à la cathédrale de Paris avant de finir, semble-t-il, pendu en 1304 pour divers forfaits. Il laisse une œuvre profane constituée d'une trentaine de chansons et de quelques Dits, copiés à la suite de la version à interpolations musicales du Roman de Fauvel dans un unique - et célèbre - manuscrit de la Bibliothèque Nationale. Héritier des trouvères, Lescurel confirme certaines orientations de la lyrique: tout d'abord, les formes poétiques et musicales tendent à s'organiser en trois genres majeurs, la ballade, le rondeau et le virelai (bien que ce dernier terme ne soit pas encore employé); en second lieu la chanson, jusqu'alors essentiellement monodique dans les sources, tend à s'ouvrir à la polyphonie, même si Lescurel n'en offre qu'un seul exemple (A vous douce debonaire) alors qu'on connaît seize rondeaux polyphoniques d'Adam de la Halle. Enfin, la phrase musicale exploite de nouvelles possibilités de déclamation en valeur très brèves (seconde partie de Amours que vous ai meffait), laissant entrevoir une évolution stylistique essentielle dans la mise en musique des textes.

Philippe de Vitry (1291-1361) occupa quant à lui des fonctions plus élevées et fut dès son époque beaucoup plus célèbre. Il mena une carrière ecclésiastique (évêque de Meaux en 1351) et politique, en particulier au service des rois de France. Compositeur et théoricien, on rattache à son enseignement musical le traité Ars nova où sont consignés un certain nombre d'acquis majeurs concernant les divisions des durées; certains de ses motets y sont cités en exemples. Ses œuvres polyphoniques, une quinzaine de motets, sont connues à la fois par les interpolations du Roman de Fauvel (où il côtoie Lescurel) et dans le manuscrit d'Ivrée contenant le répertoire de la chapelle papale d'Avignon - où il fut en mission. Les constructions rythmiques complexes de Vitry constituent une étape majeure du développement du genre. Gratissima virginis species associe une louange à la vierge (voix de motet) et une sévère injonction à en suivre l'exemple (voix de triplum), mais les textes à forte connotation morale sont souvent liés à des circonstances politiques précises (Quoniam secta latronum appartient à un groupe de motets dirigés contre un conseiller de Philippe le Bel et Quid scire critique la vie à la cour d'Avignon).

Au delà de leur contraste, les œuvres ici réunies de Lescurel, chantre de l'amour courtois et de Vitry, défenseur de la foi, sont représentatives des tendances tant musicales qu'intellectuelles qui marquent le début de l'Ars nova.

Gilles Dulong