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Opus 111 OPS 30-216
diciembre de 1998
Hall of the Viziers, Topkapi, Istanbul
Şerif ÇELEBI, c.1700—1750
1. Rast peşrev [5:16]
2. taksim. kopuz solo [1:51]
an. c.1550—1600
3. Rast peşrev [4:10]
4. taksim. ney solo [2:13]
an. c.1600—1650
5. Pençgâh semâî [2:58]
6. taksim. metal-string kanun [1:22]
an. iranian c.1500—1550
7. Neva peşrev [5:09]
8. Muhayyer peşrev [6:42]
9. taksim. tanbur solo [1:43]
Dimitrie CANTEMIR, late 17th centruy
10. Bestenigâr peşrev [6:58]
Ahmed ÇELEBI (c1650—1700
11. Segâh
semâî [3:07]
12. taksim. ºud solo [1:20]
Gazi GIRAY, c.1500—1600
13. Mahur peşrev [4:21]
14. taksim. çeng solo
[1:17]
Derviş MUSTAFA, c.1650—1700
15. Nihavend peşrev [5:31]
16. taksim. kemânçe
solo [0:43]
SOLAKZADE, c.1600—1650
17. Nişabur peşrev [5:36]
18. taksim. santur solo [1:07]
an. c.1600—1650
19. Buselik semâî [3:25]
BEZMÂRÂ
Fikret Karakaya
Fikret Karakaya, çeng
Birol Yayla, kopuz, tanbur
Şenol Filiz, ney
Kemal Caba, kemânçe
Osman Kırklıkçı, şehrud
İhsan Özer, santur
Tugay Başar, mıskal
Serap Çağlayan, metal- & gut-string kanun
Akgün Çöl, ºud
Kâmil Bilgin, nakkare
Mahinur Özüstün, daire
À la découverte de la musique ottomane
Ce projet d'interprétation de musique ottomane avec des
instruments d'époque est né d'une simple interrogation.
Pourquoi ne pas entreprendre ce qui est déjà en train de
se faire depuis plusieurs décennies en Europe avec une
réussite certaine, c'est-à-dire essayer de retrouver
l'esprit et la façon de jouer la musique ottomane des grands
siècles, le XVIIe et le XVIIIe? La réponse donnée
d'habitude à cette question était que la musique
ottomane, comme les autres musiques orientales, n'avait pas
été notée, qu'elle se transmettait de maître
à disciple et qu'on devait toujours chercher les meilleures
interprétations chez les grands maîtres du présent,
seuls détenteurs de l'authenticité.
Cette réponse était loin de nous satisfaire. Elle
présupposait déjà l'immuabilité de l'Orient
jointe à l'inaltérabilité de la tradition, ce que
nous savions ne pas être vrai dans plusieurs autres domaines.
L'influence occidentale avait notamment entraîné à
partir du XIXe siècle une transformation des goûts jointe
à la pénétration de nouveaux outils et pratiques.
Mais ce faisant, l'Orient ne s'est pas seulement occidentalisé;
il s'est également «orientalisé», en adoptant
l'image que l'Occident lui projetait, celle d'un orientalisme souvent
de pacotille. Nous en avions déjà la preuve dans d'autres
domaines, comme celui de l'architecture. Les peintres et graveurs
orientalistes se sont ingéniés à dessiner, dans
leurs vues d'Istanbul, des arcs en fer à cheval et des coupoles
en bulbes qui n'ont jamais existé dans l'architecture ottomane,
jusqu'à ce que les architectes ottomans du XIXe,
influencés précisément par ses images, commencent
à les introduire dans leurs constructions. De même, les
influences arabes ou même indiennes que l'on trouve aujourd'hui
dans la musique turque ne seraient-elles pas l'effet du même
orientalisme?
Une discussion à ce niveau risquait toutefois de rester
stérile, et il fallait passer à l'acte. Nous avions
effectivement de quoi faire face au fait que la musique ottomane
n'était pas notée: si les compositeurs et les
interprètes ne notaient pas leur musique, il s'est trouvé
assez tôt — dès la deuxième moitié du
XVIIe siècle — des personnes intimement liées
à la musique de cour ottomane, compositeurs et
interprètes eux-mêmes, pour noter plusieurs centaines de
pièces vocales et instrumentales, soit au moyen du
système de notation occidentale, soit du système de
notation byzantine, soit enfin grâce à un système
de notes-lettres de leur propre invention. De plus, nous
possédons plusieurs traités de musique, certains portant
sur des instruments aujourd'hui disparus, doublés d'une
abondance de dessins et miniatures représentant et
décrivant ces instruments. Cela montrait au moins que la
transmission orale n'était pas forcément la seule voie
possible pour connaître la musique classique ottomane.
Sur ce constat, l'Institut Français d'Études
Anatoliennes, implanté à Istanbul depuis 1930 et
travaillant sur un large éventail de sciences humaines allant de
l'archéologie aux études contemporaines, tomba d'accord
avec le musicologue Fikret Karakaya pour explorer ce corpus. Pour le
reste, il a surtout fallu du temps, du travail et de l'enthousiasme
à une équipe de professionnels, rapidement prise au jeu
et gagnée par la fascination d'une musique qui nous est apparue
enfin dégagée d'une gangue dans laquelle elle
s'était trouvée engluée au cours des
siècles. Nous ne nous faisons pas d'illusions: la bataille vient
de commencer et nous aurons sans doute à traverser toutes les
phases par lesquelles sont passés nos précurseurs, les
baroqueux u et autres interprètes de la musique du Moyen
Âge et de la Renaissance occidentale. Mais nous sommes d'ores et
déjà convaincus que dans dix ans personne ne jouera plus
la musique ottomane des grands siècles comme avant la sortie de
ce disque.
STÉPHANE YERASIMOS
Directeur de l'Institut Français d'Études Anatoliennes
L'ensemble Bezmârâ
L'ensemble BEZMÂRÂ, spécialisé dans
l'interprétation de la musique ancienne Ottomane, fut
créé en 1996, au moment du lancement du projet
musicologique visant à faire revivre sur instruments
d'époque les compositions figurant dans divers recueils anciens
délaissés par les musiciens d'aujourd'hui. Ce projet de
Fikret Karakaya a pu être réalisé grâce au
soutien de l'Institut Français d'Études Anatoliennes et
avec la contribution du musicologue américain Walter Feldman.
Des instruments comme le çeng, le şehrud, le kopuz
de cour ottomane, le kanun à cordes métalliques,
le kanun piriforme et le ºud à
«joues» dont il n'existe aucun spécimen dans les
musées et les collections privées, ont été
fabriqués en se basant sur les miniatures et les sources
écrites. Certains de ces instruments n'étaient plus en
usage depuis trois siècles, d'autres depuis quatre. Il n'y avait
pas non plus d'indication sur leur technique de jeu.
Fikret Karakaya, qui joue du ºkemençe à la
Radio d'Istanbul depuis 1982, a entrepris de redécouvrir
l'ancienne technique de jeu du çeng. Le
célèbre joueur de kanun Birol Yayla a
réussi d'emblée à obtenir une sonorité
irréprochable sur le kopuz; comme ces deux instruments
n'ont jamais coexisté, il joue à la fois du kanun
et du kopuz au sein de l'ensemble. Le style de Şenol Filiz,
joueur renommé de ney, convenait tout naturellement
à l'interprétation de ces œuvres. Serap
Çağlayan, qui joue du kanun moderne, s'est rapidement
habitué au kanun à cordes métalliques du
xvie sièclè. Kemal Caba, violoniste à la Radio
d'Istanbul depuis 1982, a atteint en peu de temps un haut niveau
technique sur le kemânçe. Osman Kırklıkçı,
joueur de ºud à la Radio d'Istanbul, s'est
très vite adapté au şehrud. Le joueur de kanun
İhsan Özer s'exerçait depuis quelque temps au santur
moderne; il n'a donc pas été difficile pour lui de passer
au santur ancien. C'est au prix de grands efforts que le flûtiste
Tugay Basar est parvenu à maîtriser le miskal, un
instrument extrêmement difficile. La joueuse de kemençe
Mahinur Özüstün, qui pratique aussi le daire,
est l'une des deux percussionnistes de l'ensemble. Kâmil Bilgin,
qui joue du nakkare, s'est adapté très vite aux
rythmes anciens. Le joueur de ºud Akgün
Çöl n'a pas éprouvé de difficulté
à jouer du ºud du XVIe siècle.
L'ensemble Bezmârâ, qui travaille sur les œuvres
notées par Dimitrie Cantemir — qui n'ont pas
été interprétées depuis trois
siècles — a donné de nombreux concerts en 1998,
dont un au Palais de France à Istanbul, un autre au Palais de
Topkapi.
L'ensemble poursuit ses recherches dans le but d'étendre et de
diversifier son répertoire.