medieval.org
2001
Opus 111 Naïve OP 30207
juillet 2001
"Seminario Diocesano" Hall, San Sebastián
1 . Hec est clara dies acclamation [0:42]
enfants – tutti
2 . Procedenti puero rondeau [1:26]
enfants – tutti – cloches
3 . Deus in adiutorium verset tropé [1:22]
tutti
4 . Hodie Christus natus est antienne
[2:42]
enfants – tutti – cloches – verset: CS
5 . Serena virginum motet [2:47]
tutti
6 . Verbum caro factum est répons [0:49]
CM – tutti
7 . Natus est hodie dominus / Igitur mundana fabrics
conduit [3:45]
enfants – tutti
8 . Te laudant angeli répons [4:21]
tutti – versets: LJ – CS
9 . Nicholaus pontifex rondeau [2:03]
BLB SCH
10 . Nicholai solemnia conduit [3:04]
tutti – enfants – cloches
11 . Exultet hec contio, Nicholaus rondeau
[1:18]
tutti – enfants
12 . Beata tu virgo Maria séquence [2:59]
BL CM BLB SCH
13 . Ecce Maria genuit antienne [2:15]
LJ EG – verset: EG
14 . Verbum patris humanatur conduit
[3:27]
BLB BL AG – cloches
15 . Viderunt Emmanuel trope de graduel
[4:18]
EG AG LJ CS – LJ CS
16 . Magnum nomen domini Emmanuel / Resonet in laudibus
antienne et trope [4:28]
enfants – tutti – cloches
17 . Quanto decet honore conduit [1:50]
SCH – BLB CM BL
18 . Castitatis lilium effloruit trope de
Benedicamus domino [2:59]
tutti
19 . Lux hodie, lux leticie prose d'entrée
[1:06]
tutti – cloches
20 . Orientis partibus conduit [2:24]
enfants – tutti
21 . Annus novus in gaudio versus [3:31]
enfants – EG AG
22 . Sanctus – Perpetuo numine trope de Sanctus
[3:10]
BLB CM SCH – BL
23 . Patris eterni filio trope de Benedicamus
domino [1:33]
tutti
24 . Lux optata claruit conduit [1:45]
enfants – tutti
25 . Benedicamus domino – Alleluia organum
[5:14]
tutti – enfants – cloches
Sources:
#1, 4, 5, 7, 13, 17, 20 : Beauvais, London
British
Library, Egerton 2615, XIIIe s., Ed. W. Arlt
#3, 6, 15, 16, 18, 19, 22, 24 : Sens, Office de
Pierre de Corbeil, XIIIe s., Ed. H. Villetard
#8 : Sens, Antiphonaire, XIIIe s.
#2, 9, 11, 25 : Ecole Notre-Dame de Paris, Florence,
Biblioteca Mediceo-Laurenziana, Pluteo 29,1, XIIIe s., Ed L. Dittmer
#10 : Cividale del Friuli, Museo archeologico
nazionale, LVI, XIVe s., Ed. A. Gallo et G. Vecchi
#12 : Bénévent, Biblioteca Capitolare, Ms 34, XIIe
s., Paléographie musicale, tome XV, Ed. Solesmes
#14 : Ecole Notre-Dame de Paris, Cambridge,
University Library, Ff 1.17, XIIIe s., Ed. G. Anderson
#16 : Moosburger Graduale, München Universitätsb.,
Ms 156, XIVe s., Ed. D. Hiley
#21, 23 : Recueil limousin, Paris, BNF, Lat. 1139,
et Ms d'Aurillac, Paris, BNF, Lat. 944, XIIe s.
Discantus
voix de femmes a cappella
Brigitte Lesne
Brigitte Lesne • chant, cloches (BL)
Emmanuelle Gal • chant (EG)
Anne Guidet • chant (AG)
Lucie Jolivet • chant (LJ)
Brigitte le Baron • chant (BLB)
Caroline Magalhaes • chant (CM)
Catherine Schroeder • chant (SCH)
Catherine Sergent • chant (CS)
Coro Easo
voix d'enfants
Xalba Rallo
Paul Arrillaga
Ander Azkue
Iñigo Ruiz
Ibon Estibariz
Aitor Capellan
Jon Mikel Lopetegui
Iñigo Muguruza
Aimar Urkola
Iñaki Areso
Mikel Zapiain
Jon Sarasola
Aitor Zelarain
Eya Pueri: Chants de Noël
Le psalmiste chante : «
Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem » (Ps.VIII,
3). C'est bien de la bouche (ex ore) de ceux qui ne
parlent pas encore (in-fantium), qui boivent le
lait de leur mère (lactentium),
que s'élève la louange la plus parfaite. D'où vient l'attention si
particulière que les liturgies chrétiennes accordent aux enfants ?
Elles recherchent tout d'abord l'innocence, qui élève ces 'petits
anges' et leur permet de s'associer, mieux que d'autres, aux choeurs
célestes dont ils semblent ne pas encore s'être vraiment séparés. Elles
reconnaissent en outre une indigence fondamentale, ce vide qui ne
demande qu'à être comblé et qui par là même confère à leur prière toute
sa puissance et son efficacité.
Ce disque rappelle cet aspect trop oublié des sociétés médiévales, par
un programme composé de chants dont les textes, inspirés de l'Ecriture
sainte ou composés au Moyen Age, magnifient l'enfance. En outre, comme
dans les monastères médiévaux et les grandes cathédrales, des voix
d'enfants sont ici invitées à enrichir de leurs timbres spécifiques
celles des adultes. En effet, il faut se rappeler qu'au Moyen Age, les
chantres étaient formés par une longue pratique de la liturgie dans le
cloître qui les avait accueillis dès l'âge de huit ans. Ce fut, entre
autres, le cas d'Hildegard von Bingen. Ainsi, il ne faut pas s'étonner
de la formidable mémoire que l'on attribue à ces chantres chargés de
transmettre la tradition, puisque dès leur plus tendre jeunesse, ils
étaient instruits dans une ambiance musicale protégée.
Une fois par an, à la faveur des longues soirées d'hiver, la
participation des enfants à la vie du cloître était symboliquement
reconnue par de grandes festivités, que l'on appelait fête des enfants,
des Innocents, ou encore fête des fous, en raison des débordements
auxquels elles donnaient lieu. Les rôles étaient inversés, les enfants
remplissant les fonctions des adultes. Tout était permis ce jour-là, y
compris de faire entrer un âne dans l'église, d'où le nom de 'fête de
l'âne'. Ces fêtes étaient reliées à la célébration de Noël, elles
avaient alors lieu le jour de la fête des Innocents (28 décembre), ou
le 1er janvier, octave de Noël et fête de la Circoncision, cette date
étant alors embellie par la célébration de l'an nouveau et de tous les
espoirs dont il est porteur. Mais Noël et les Innocents ne sont pas les
seuls thèmes attachés à l'enfance. Le mythe de saint Nicolas eut assez
tôt dans le Moyen Age une aura particulière. Dans certaines régions il
a encore une importance plus grande que Noël, au moins en ce qui
concerne la distribution des cadeaux et le symbolisme qu'elle porte
inévitablement : ces présents qui rappellent l'or, l'encens et la
myrrhe avec lesquels les mages vinrent, guidés par l'étoile, adorer
l'enfant de la crèche, le jour de l'Epiphanie, souvent appelée la
Théophanie, manifestation de Dieu.
Ce programme est donc inspiré de textes de l'Ecriture, mais aussi de
compositions poétiques créées à l'occasion de ces fêtes cléricales. À
plusieurs reprises au XIIe siècle, les folies et les désordres de rues
auxquels donnèrent lieu ces festivités furent condamnées, ainsi à
Paris, du temps où Pierre de Corbeil était chanoine, avant de devenir
archevêque de Sens, métropole dont dépendait alors l'évêché de Paris.
Elles se trouvèrent donc un peu maîtrisées dans l'organisation
d'offices religieux (celle de l'office de Sens est attribuée à Pierre
de Corbeil) dont le faste inhabituel rehaussait l'ordonnance
coutumière. C'est ainsi que les chants cités ici comme venant des
offices de Sens, de Beauvais, de Notre-Dame de Paris, de l'école dite
de Saint-Martial de Limoges, et outre-Rhin, de Moosburg ou en Italie,
de Cividale, sont empruntés à la liturgie du jour de la fête ou aux
compositions musicales à la mode (conduits, motets, Benedicamus
Domino) qui s'inséraient dans l'office pour en accroître la
solennité. Qu'est-ce qui, à cette époque, peut mieux contribuer au
faste d'une liturgie, sinon son allongement dans le temps, par l'ajout
de chants nouveaux, insérés à des emplacements privilégiés et qui ne
rompaient pas le déroulement traditionnel de la cérémonie? Les
conduits, chantés lors des déplacements processionnels, étaient
particulièrement bien accordés à la fonction requise, ainsi que les Benedicamus
Domino, puisqu'ils prenaient place en conclusion des offices.
L'entrée est marquée d'une grande solennité avec cet arrêt "aux portes
de l'église", spécifié pour Lux hodie. Dans
l'office de Sens un conduit (Orientis partibus) est
alors chanté ad tabulam, c'est-à-dire vers les
tablettes sur lesquelles était consigné le cérémonial de la fête. Comme
l'écrit Henri Villetard, sur ces tablettes, le célébrant lisait à haute
voix l'ordonnance de l'office, afin que chacun sache ce qu'il avait à
faire. Le cérémonial liturgique que même de nos jours, l'on peut voir à
l'église ou à la télévision, se déroule en effet comme un spectacle où
rien n'est laissé au hasard, les moindres détails étant décrits dans
des livres appelés ordinaires ou cérémoniaux. On imagine, en ce jour où
les enfants jouaient les rôles des adultes, le sérieux, sans doute un
peu emprunt de malice, avec lequel l'un d'entre eux ordonnait à chacun
ce qu'il avait à chanter. C'est aussi une invitation, comme le suggère
l'acclamation Eia, abréviation de recita,
'allez-donc, chantez les enfants'.
Les clercs qui composaient ces textes étaient habités par des
réminiscences bibliques et liturgiques. Les antiennes, refrains qui
donnent le ton, littéraire et musical, à la récitation des psaumes,
rappellent ici le thème de Noël, Hodie annonçant le
chant des anges Gloria, et Ecce Maria
se termine sur l'annonce de Jean au baptême de Jésus: Ecce
agnus Dei. Les chants à refrain sont favorables à l'exécution
par des enfants, ainsi se présentent les antiennes: Magnum
nomen Domini Emmanuel, mais aussi des rondeaux Nicholaus
pontifex, dont la forme est calquée sur la psalmodie à
refrain qui se reconnaît dans Verbum Caro factum est.
Même des chants dont la structure, comme celle des proses, ne prévoit
pas habituellement un refrain, ont pu recevoir des formules
récurrentes, telles les reprises O alma virgo semper Maria
de la prose Beata tu virgo.
Lorsqu'ils n'étaient pas occupés à chanter, à l'école ou à l'église,
les enfants 'nutriti' des écoles monastiques ou
cathédrales n'étaient pas seulement 'nourris' de châtaignes, de fèves,
de lait et de miel, ils étaient aussi rassasiés de grammaire, étudiants
en lettres dirions-nous. Aussi leurs compositions sont-elles fortement
imprégnées par des jeux de langages : le trope, commentaire qui
s'insère dans le chant liturgique, tel celui du graduel Viderunt
Emmanuel, le motet, sorte de trope superposé, qui ne se
contente plus d'ajouter des phrases entre celles de l'ancien chant,
puisqu'il le double dans le même temps, grâce aux possibilités offertes
par la polyphonie (Serena virginum). Car le chant à
plusieurs voix est depuis le IXe siècle attesté comme un puissant
composant de la solennité et ne cesse de se perfectionner jusqu'à
l'organum de l'Ecole Notre-Dame (Benedicamus Domino).
Les jeunes clercs jouent aussi avec les sonorités des mots, Hec
est clara dies, clararum clara dierum... dierum... la langue
française ne peut pas rendre cette clarté du jour aussi clairement que
le latin. Il fallait aussi, en ces jours de récréation, exorciser
l'apprentissage des déclinaisons latines: Nicholaus,
Nicholae..., Annus novus, anne nove, anni novi... et les
subtilités de leurs désinences, en créant des assonances: Patris
eterni filio,.. utero, thalamo, homo, Benedicamus Domino. Et
bien sûr le compositeur, complice, se plaisait à souligner de petites
vocalises ces surprises verbales.
Un jeu de cloches, un des rares instruments certainement attesté dans
les églises pour ces époques reculées, ponctue le chant et donne le
ton, à la manière de ces mélodies sans paroles, qui, à l'école,
enseignaient aux enfants la manière d'être des modes et des formules du
chant.
Marie-Noël Colette
Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris
Bibliographie:
Henri VILLETARD. Office de Pierre de Corbeil (office de la
Circoncision) improprement appelé 'office des fous'.
Texte et chants publiés d'après le manuscrit de Sens (XIIIe siècle).
Paris, Picard, 1907. (Bibliothèque musicologique, 4).
Wulf ARLT. Ein Festoffizium des Mittelalters aus Beauvais in
seiner liturgischen und musikalischen Bedeutung.
Köln, A. Volk, 1970. 2 vol.
notes
in english
Paolo Uccello : Presentazione di Maria al
Tempio
circa 1433-1434
Duomo, Prato