medieval.org
harmonicclassics.com
Harmonic Records, H/CD 8719
1987
2014: J'ay grant dolour Cantus C 9621
Guillaume DUFAY
1. Ce jour de l'an voudray joye mener [3:05]
rondeau — A.-M. Lablaude, D. Vellard, E. Bonnardot, harpe, flûte, vièle RC
2. Belle, que vous ay je mesfait [0:57]
rondeau — harpe, vièle EB, flûte
3. Vergene bella, che di sol vestita [3:54]
stance de Petrarca — A.-M. Lablaude, 2 vièles
4. Par droit je puis bien complaindre et gemir [3:08]
rondeau — A.-M. Lablaude, B. Lesne, luth, vièle EB, flûte
Gilles BINCHOIS
5. Je ne fai tousjours que penser [1:23]
rondeau — orgue
Guillaume DUFAY
6. Quel fronte signorille in paradiso [2:51]
chanson strophique — D. Vellard, E. Bonnardot, Ph. Balloy
7. J'ay grant dolour [4:32]
rondeau — orgue
8. Adieu ces bons vins de Lannoys [4:12]
rondeau — D. Vellard, harpe
9. Resvellies vous et faites chiere lye [2:34]
ballade — luth, vièle EB, flûte
Gilles BINCHOIS
10. Mesdisans m'on cuidie desfaire [1:20]
ballade — harpe, luth
11. Qui veu mesdire [2:53]
rondeau — harpe, 2 vièles
12. Comme femme desconfortee [5:21]
rondeau — A.-M. Lablaude, D. Vellard
13. Triste plaisir et douleureuse joye [3:31]
rondeau — harpe, luth, vièle EB, flûte
14. Mon cuer chante joyeusement [3:12]
rondeau, texte: Charles d'Orléans — A.-M. Lablaude, harpe, vièle
Guillaume DUFAY
15. Franc cuer gentil [1:45]
rondeau, Buxheimer Orgelbuch — orgue
16. Vostre bruit et vostre grant fame [5:39]
rondeau — B. Lesne, Ph. Balloy, flûte
Gilles BINCHOIS
17. Que veut mesdire [2:58]
rondeau, Buxheimer Orgelbuch — orgue
Guillaume DUFAY
18. Lamentatio sanctae matris ecclesiae constantinopolitanae [3:26]
motet — A.-M. Lablaude, Ph. Balloy, 2 vièles
ENSEMBLE GILLES BINCHOIS
Dominique Vellard
Anne-Marie Lablaude — chant
Brigitte Lesne — chant, harpe (Yves d'Arcizas, France 1985)
Dominique Vellard — chant, luth (Richard Earle, Bâle 1983)
Emmanuel Bonnardot — chant, vièle (Bernard Prunier, Paris 1983)
Georges Lartigau — orgue (les Artisans de Tournai 1986)
Philippe Balloy — chant
Pierre Hamon — flûtes (Bob Marvin, Canada 1982-1983)
Randall Cook — vièle (Richard Earle, Bâle 1986)
Tout,
dans la vie des cours les plus brillantes au XVème siècle, est prétexte
à musique que ce soit pour magnifier les offices et les messes a la
chapelle, pour saluer l'arrivée d'un prince ou d'un roi, pour
accompagner un festin, pour célébrer un mariage princier, pour chasser
l'ennui lors d'un long voyage ou pour maintenir le moral des guerriers.
Rois,
princes et ducs invitent les ménestrels les plus réputés, commandent
les plus beaux instruments, font copier de nouveaux livres de musique,
recherchent pour leurs enfants des maîtres prestigieux, engagent dans
leur chapelle les meilleurs chanteurs : la musique est un instrument de
prestige et de puissance qui révèle la grandeur d'un état.
Parmi
toutes les formes musicales la chanson est celle qui nous renseigne le
plus sur les goûts et les habitudes de la Cour : c'est le plaisir de
tous les jours, elle véhicule la poésie, elle embellit la vie au même
titre que la tapisserie et la peinture ; art d'intimité, elle est
l'expression des passions, le remède a la douleur qu'elles entraînent,
elle sublime et catalyse l’ambiguïté et la richesse des rapports
amoureux.
Un jeune homme amoureux s'avance avec son valet vers la
chambre de sa dame “et illecques chantoient moult doucement et
sonnoient de divers instrumens, et estoit tant plaisant et tant doulce
la mélodie des sons et des chants qu'ils faisoient qu'elle passoit
toutes autres douceurs”
Petite forme, miniature, la chanson a le
pouvoir d'évoquer un climat, une humeur, un sentiment ; comme art de
société, elle est du domaine de la convivialité, de la complicité des
interprètes entre eux, de la connivence avec l'auditoire, en cela, elle
s'adresse à l'initié, au connaisseur ; expression de la douceur, elle
charme l'oreille délicate par l'union intime de la musique et de la
poésie et fascine par la maîtrise et le raffinement de ses moyens.
Guillaume
Dufay et Gilles Binchois, s'inscrivant dans une tradition de la chanson
lyrique née avec l'art des troubadours, maintiennent au plus haut
niveau l'équilibre entre la rigueur de l'écriture et un lyrisme empreint
de retenue. Comme l'a souligné poétiquement le grand théoricien du
XVème siècle, Johannes Tinctoris:
“... les œuvres de Egidius
Binchois et Guillermus Dufay respirent une telle suavité qu'on doit a
mon avis les tenir pour dignes non seulement des hommes ou des héros
mais encore des dieux immortels...”
Si leur carrière ne leur a
pas donné l'occasion de se rencontrer souvent, leurs contemporains déjà,
chroniqueurs et théoriciens, et de nos jours les historiens de la
musique, les citent ensemble comme les plus illustres représentants de
la musique de leur siècle :
Tapissier, Carmen, Cesaris
N'a pas longtemps si bien chanterrent
Qu'ilz esbahirent tout Paris
Et tous ceulx qui les frequenterrent,
Mais onques jour ne deschanterrent
En melodie de tel chois,
— Ce m'ont dit qui les hanterrent —
Que G. Dufay et Binchois
[jamais ne firent de chansons
aux mélodies d'une telle qualité
que G. Dufay et Binchois
Ceux quites connurent me l'ont dit]
Car ilz ont nouvelle pratique
De faire frisque concordance
En haulte et basse musique
En fainte en pause et en muance
Et ont prins de la contenance
Angloise et ensuy Dunstable
Pour quoy merveilleuse plaisance
Rend leur chant joyeux et notable.(*)
[belle polyphonie
hauts et bas instruments (1)
altérations, silences, modulations
style
à la suite de Dunstable (2)]
L'un
et l'autre, comme Machaut au siècle précédent, ont su parer la poésie
des plus douces mélodies, sachant trouver aux accents du texte les
sonorités elles climats qui conviennent, la joie des premiers jours de
l'année (Ce jour de l'an voudray joye mener), le souvenir heureux d'un
amour (Mon cuer chante joyeusement), la nostalgie de l'éloignement
(Adieu ces bons vins de Lannoys), le désespoir (Comme femme
desconfortee), la douleur lancinante et obsessionnelle (Par droit je
puis bien complaindre et gemir), la dévotion mariale (Vergene bella). La
musique porte en elle-même et au-delà des mots la quintessence du
message poétique, tant les relations du texte et de la musique sont
profondes ; ainsi la ballade “Resvellies vous et faites chiere lye”, ou
le rondeau “Triste plaisir et douleureuse joye”, joués aux instruments
nous livrent leurs secrets.
La chanson permet au musicien de
jouer des multiples couleurs offertes par les mélanges de voix et
d'instruments. Outre les précieux renseignements que nous lègue
l'iconographie sur la pratique musicale, les chroniqueurs de l'époque
nous suggèrent certaines combinaisons vocales et instrumentales ainsi la
description des festivités du Banquet du Voeu (ou du Faisan), qui se
tint à Lille le 17 Février 1454, nous surprend-elle par sa
précision :
Dans la grande salle du banquet, sur une table, était reconstituée une
église “en laquelle avoit une cloque sonnant et quatre chantres qui
chantoient et jouoient d'orgues”, sur une autre “estoit un pasté dedens
lequel avoit XXVIII personnages vifz juans de divers instrumens”.
“Apres le Dragon fut chanté en l'eglise encore une fois, et
apres au pasté juerrent les aveugles de vielles et aveuc eulx un
leu [luth] bien accordé, et chantoit aveuc eulx une damoiselle de l'ostel de ladicte Duchesse nommee Paquette”.
“... et tantost apprez fut chanté au pasté par trois douches voix une chanchon tout du long”...
“... sy entra ung cherf [cerf]
merveilleusement grant et bel... et par dessus estoit monté ung josne
filz de eage de XII ans... et a l'entres de la salle commencha ledit
enfant le dessus d'une chansson, moult hault et cler, et ledit cherf lui
tenoit la teneur sans avoir autre personne sy non l'enfant et
l'artiffice du cherf”...
“... et apprez le chant de l'eglise
cessé, fut joué au pasté d'un leu, d'un douchainne aveuc ung autre
instrument concordant, laquelle chose il faisoit bon a oyr”.
Mathieu
d'Escouchy à qui nous devons ces savoureuses descriptions nous révèle
combien cette musique est l'expression-même de son milieu où le plaisir
est la grande affaire de la vie. Nous ne parcourons donc pas une fois de
plus les biographies de nos deux maîtres ni les analyses de leurs
chansons quand une écoute exigeante et profonde peut à elle seule nous
faire pénétrer ce monde de raffinement et de plaisir.
Dominique Vellard et Anne-Marie Lablaude
(1) hauts instruments : trompettes, bombardes.., aux sonorités puissantes.
bas instruments : luth, viéle, harpe, flûte.., aux sonorités douces.
(2) John Dunstable est le grand compositeur anglais du XVérne siècle.
(*) Martin Le Franc “Le Champion des Dames” (écrit vers 1441-1442)
Des
informations biographiques et des renseignements sur les œuvres des
musiciens pourront être trouvés dans le “Dufay” de David Fallows
(Editions Dent & Sons, Londres) et dans l'Histoire de la musique et
des musiciens de la cour de Bourgogne sous le règne de Philippe le Bon”
de Jeanne Marix (Editions Minkoff, Genève).
Sources
- Manuscrits de Bologne - codex 2216, Biblioteca universitaria
- l'Escorial - codex VII-24, Biblioteca del Monasterio
- Oxford - codex Canonici misc. 213, Bodleian Library
- Chansonnier Mellon - Yale University Library.
Editions
- Guillelmi Dufay Opera Omnia - Henri Besseler, American Institute of Musicology
- Die chansons von Gilles Binchois - Wolfgang Rehm, Editions Schott
- Les musiciens de la cour de Bourgogne au XVème siècle - Jeanne Marix, Editions de l'Oiseau-Lyre.
Le style et le souffle
Lorsqu'on
examine les “restaurations” faites au XIXème siècle par Viollet-le-Duc
et ses disciples à partir de constructions médiévales détériorées, voire
entièrement détruites, on est souvent surpris de constater à quel point
l'architecte a respecté le “style”, à quel degré son vocabulaire est
“pur” et sa restauration “correcte”, pour utiliser des termes de
l'époque. Qu'est-ce qui fait alors qu'on ne se trompe jamais, que ces
formes et ces espaces “authentiques” restent lourds et froids, et qu'une
façade de cathédrale restaurée par l'illustre architecte de Pierrefonds
frappe l'esprit immédiatement, autant qu'une “villa gothique” de la
côte normande, comme un produit du Second Empire ?
Au-delà de la
forme, il y a l'esprit. L'architecte aurait beau dessiner des roses
“correctes”, conçues rigoureusement d'après des relevés archéologiques,
si le sculpteur qui taillait les réseaux respirait comme un sujet de
Napoléon III, c'est son âme qui se retrouvait forcément dans le résultat
final. Cet exemple mérite la réflexion des nouveaux interprètes de la
musique ancienne. Ces dernières années la science musicologique a fait
d'énormes progrès, mais ces connaissances, appliquées par des musiciens
de la fin du XXème siècle, peuvent-elles jamais réussir à “restaurer” la
musique d'autres époques, c'est-à-dire de la faire revivre ?
La
question demeure ouverte. Néanmoins, il convient de souligner une
différence essentielle entre l'architecture “historique” du dernier
siècle et la musique “ancienne” du nôtre : dans le premier cas il
s'agissait d'un exercice matériel, à savoir, de faire entrer les formes
d'une autre époque dans la civilisation moderne, tandis que le cas
actuel relève d'un exercice spirituel, qui consiste au contraire nous
abstraire, interprètes et public en même temps, d'une autre phase de
cette même civilisation, afin de retrouver, en nous en notre mémoire, un
autre état d'existence.
Parmi les moyens possibles et
nécessaires pour y parvenir, un des plus importants est un travail
approfondi sur le langage poétique et la déclamation, car la source
absolue de la musique, c'est la parole. Mais si ce travail a été jusqu'à
présent négligé, voire rejeté, par les interprètes de la musique
baroque, où ce rapport est une évidence, l'Ensemble Gilles Binchois a
d'autant plus de mérite -et de témérité- de s'y être attaché dans le
domaine médiéval.
Dans les chansons, auquel est consacré ce
disque, le rapport musique-texte ne relève pas directement de la
déclamation, mais le texte poétique constitue néanmoins le fondement de
l'architecture musicale, avec laquelle il forme un tout, de sorte qu'une
déformation de l'un entraîne forcément un déséquilibre dans l'autre.
S'ils ne peuvent assimiler, physiquement et spirituellement, la réalité
du texte, les musiciens, instrumentistes aussi bien que chanteurs,
risquent de donner une interprétation de la chanson aussi “correcte”, et
aussi morte, que l’œuvre des artistes “gothiques” du Second Empire. Ce
travail prend une importance particulière quand il s'agit de chansons en
langue française, non seulement parce que celle-ci comportait des
phonèmes assez différents de ceux que nous connaissons aujourd'hui, mais
aussi, et surtout, parce qu'à partir du XlVème siècle elle conservait
pour la déclamation (ou le chant), c'est-à-dire le cas où le texte était
“littéraire”, un système d'articulation et de prononciation très
distinct de celui gouvernant le discours “ordinaire”, et qui rendait
apparents des éléments de la langue qui ailleurs restaient cachés.
Pour
le moment ce terrain n'en est qu'au défrichage. Mais on peut espérer
que cet enregistrement constituera un exemple, et qu'il pourrait servir à
encourager tous ceux qui comprennent que le “style” est dépourvu de
sens s'il ne respire pas, et que le souffle de la musique, ce sont les
paroles.
Eugène Green
L'ORGUE
Pierre Decourcelle
Everything, in the life of the most brilliant 15th century royal courts,
served as a pretext for music making: chapel services and masses, the
arrival of a prince or king, royal entertainments and marriages, the
banishment of boredom or inspiriting of the warrior in the field.
“... the works of Egidius Binchois and Gillermus Dufay
are infused with such sweetness that to my mind they should be taken
not as men or even as heroes, but as immortal gods...”
Although
the paths taken by their respective careers did not provide them with
many opportunities to meet, contemporary chroniclers and music
theorists, and musical historians today habitually cite them together as
the two most illustrious representatives of the music of their century.
Text after Dominique Vellard and Anne-Marie Lablaude originals
Biographical
material and information on the composers' works can be found in
“Dufay”, by David Fellows (Dent & Sons, London), and in “Histoire de
la musique et des musiciens de la cour de Bourgogne sous le régne de
Philippe le Bon”, by Jeanne Maris (Editions Minkoff, Geneva).
Text after Eugène Green original.
L'Ensemble
Gilles Binchois, créé en 1978, tient à son image d'une équipe
profondément investie dans la découverte et l'interprétation des
musiques du Moyen-Age. Sans concessions aux modes ou contre-modes, il
conserve une absolue fidélité à ses objectifs, à savoir, un travail
d'analyse des différents répertoires (plus spécialement français) et de
leurs rapports avec les musiques de tradition orale, de l'étude des
différentes notations et la recherche d'une vocarité et de sonorités
instrumentales adaptées à ces répertoires.
L'Ensemble a
délibérément choisi de n'accepter que des activités en accord avec la
dynamique du travail entrepris, en sauvegardant le temps nécessaire à la
recherche et à la préparation des programmes proposés. Si cette rigueur
peut quelquefois retarder son développement médiatique, elle lui permet
en revanche d'entretenir des contacts extrêmement précieux et des
relations privilégiées avec ses partenaires musicologues, facteurs
d'instruments, éditeurs, producteurs et mécènes qui alimentent et
stimulent sa créativité.
C'est ainsi que l'Ensemble est appelé à
travailler avec d'éminents musicologues et paléographes tels que
Marie-Noël Colette (Paris), Karin Smith (Baie) et Wulf Arlt (Bâle). Il
est aussi en contact avec plusieurs facteurs d'instruments soucieux de
retrouver une facture qui tienne compte de l'iconographie et des
traités, et dont les instruments correspondent A l'esthétique commune à
l'Ensemble.
L'Ensemble est, d'autre part, attaché à différents
organismes de diffusion de la musique avec lesquels il collabore
régulièrement ; parmi ceux-ci, les programmes de France-Musique et
France-Culture de Radio-France, la Sender-Freies-Berlin, la Direction
Régionale des Affaires Culturelles de Bourgogne et la Fondation Total
pour la Musique ; il associe également son travail à différentes
structures d'enseignement : la Schola Cantorum de Bâle, le Centre de
Musique Ancienne de Genève, le Centre de Musique Médiévale de Paris et
le Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon.
Note de l'éditeur :
L'Ensemble
Gilles Binchois a réalisé en 1986 un disque consacré à l'Ecole de
Notre-Dame de Paris 1163-1245 sous-titré “Le Chant des Cathédrales”
Harmonic Records H/CD 8611.
LA FONDATION TOTAL POUR LA MUSIQUE
La Fondation TOTAL pour la Musique participe à la vie musicale
classique sur la période allant du Moyen-Age à nos jours.
Les
objectifs de la Fondation Total pour la Musique sont de soutenir
l'activité des grands interprètes français, (chefs d'orchestre,
solistes, ensembles instrumentaux ou vocaux) et de servir le rayonnement
de la Musique Française, depuis les œuvres marquantes du Moyen-Age
jusqu'aux plus fortes d'aujourd'hui, par une aide à la redécouverte et à
la création.
Le programme de cet album répond de manière exemplaire
au projet de la Fondation Total pour la Musique.
L'interprétation des chansons de Guillaume Dufay et de Gilles Binchois
est aujourd'hui l'objet d'un renouvellement stylistique et technique,
auquel contribue de manière exemplaire le travail musicologique et
artistique de l'ensemble Gilles Binchois.
L'orgue
joué par Georges Lartigau (plages 5, 7, 15 & 17) est une copie d'un
“Positif de table” du XVIème siècle. L'original, d'un facteur anonyme,
se trouve dans les collections de “Historisches Museum” de Bâle (Suisse)
et fut autrefois la propriété d'une famille suisse, d'où son nom
aujourd'hui d'orgue Ab Yberg. La copie a été réalisée par les Artisans
Facteurs d'Orgues de Tournai (Belgique).
Composition de l'instrument :
1. Un bourdon bouché de 4 pieds de très grosse taille.
2. Une doublette de 2 pieds, taille d'un principal.
3. Une quinte 1 1/3, taille moyenne.
4. Une cymbale de 1 rang, 1 pied, 2 reprises.
Le clavier de 38 notes s'étend de fa1 à la4 sans fa#1, sol#1 et sol#4.
Deux petits soufflets cunéiformes sont posés sur la table, derrière le buffet. Pression du vent : 35 mm.
Tempérament :
Le
tempérament utilisé pour l'orgue est un système de transition entre le
“Pythagoricien” et le “Mésotonique”. Dans son traité écrit au milieu du
XVème siècle, Henri Arnault de Zwolle y explique le tempérament
pythagoricien qui fut en usage durant le moyen âge. Dans ce système,
toutes les quintes sont justes sauf : si - fa#, appelée quinte du loup
cause de sa forte dissonance. Cette quinte fausse avait toutes les
raisons d'être placée a cet endroit, le mode de si étant d'un usage peu
courant. Toutes les tierces majeures sont dures sauf quatre
d'entre-elles, proches de l'accord juste : ré - fa#, la - do#, mi - sol#
et si - ré#. Il n'est donc pas étonnant cette époque, de trouver dans
des livres d'orgues comme le Recueil de Buxheim beaucoup de pièces où
ces tierces sont fortement sollicitées. Or, à la même époque, d'autres
œuvres s'accommodent mal avec ce tempérament pythagoricien. C'est
notamment le cas de certaines pièces jouées pour cet enregistrement où
d'autres tierces sont exigées. Il a donc fallu modifier d'autres quintes
justes, c'est dire s'éloigner du tempérament pythagoricien pour arriver
à un plus grand nombre de tierces justes. Ainsi, peu à peu se profile
le système mésotonique où huit tierces majeures, celles des tons
principaux, sont justes. Dans ce système, les quintes sont toutes
réduites fortement et la quinte du loup se retrouve entre sol# et mi
bémol, c'est à dire à un endroit non exploité par la musique tonale de
l'époque.
Le XVème siècle est donc un siècle charnière dans
beaucoup de domaines. En musique on y remarque le passage de l'écriture
horizontale à l'écriture verticale, du modal au tonal, du pythagoricien
au mésotonique. Le type de tempérament utilisé ici est donc la
réalisation d'une des recherches de ce siècle de transition entre le
moyen âge et la renaissance.
Kings,
princes and noblemen became the patrons of popular minstrels,
commissioned the manufacture of fine instruments, and the copying of new
music books. They sought the best music masters for their children, and
hired the best singers for their chapel choirs. Music became an
instrument of prestige and power reflecting the glory of the state.
Of
all musical forms, song is the one that has the most to teach us
concerning courtly tastes and customs. Song was a daily pleasure, a
vehicle for poetry, an art that enhanced life to the same degree as
tapestry and painting. An intimate art, song expressed human passions
and served as a remedy for the pain caused by them; song sublimated and
catalyzed the ambiguity and infinite variety of love.
Song is a
small, a miniature form. It can create an atmosphere, express a mood or a
feeling. It is a social art, involving conviviality and complicity
among the singers and between singers and listeners; in this it is an
art for the initiate, the connoisseur. Song is a soothing art that
charms the sensitive ear with its intimate blend of music and poetry,
fascinating the mind with its technical refinement.
Guillaume
Dufay and Gilles Binchois belong to a tradition of lyric song that began
with the troubadours. They represent at the highest level that delicate
balance between technical discipline and poetic lyricism. In the
eloquent words of the great 15th century music theorist Johannes
Tinctoris:
Both
men succeeded, as Machaut had the century before, in setting poetry to
completely ravishing melodies, in matching the rhythm of the words with
just the right notes and phrases to create the appropriate atmosphere:
the joy of a new year beginning (Ce jour de l'an voudray joye mener),
the sweet recollection of love (Mon cuer chante joyeusement), the
nostalgia for a distant place (Adieu ces bons vins de Lannoys), despair
(Comme femme desconfortee), piercing, overwhelming pain (Par droit je
puis bien complaindre et gemir), veneration for the Virgin Mary (Vergene
bella). The music goes beyond the mere words, providing the
quintessence of the poetic meaning through the relationship between
poetry and sound on the deepest level: the ballade “Resvellies vous et
faites chiere lye” or the rondeau “Triste plaisir et douleureuse joye”
render up their secrets to us, through the instruments on which they are
performed.
Song as a musical form gives the composer an
opportunity to exploit the wealth of nuance created by blending
instruments and voices. These combinations are amply illustrated by
contemporary drawings and paintings, and also documented in the
historical accounts of contemporary commentators.
We owe this
heady description to Mathieu d'Escouchy, who shows us the degree to
which music was the ideal expression of a culture for whom pleasure was
the most important thing in life. But we will leave further exploration
of our composers' lives and analysis of their works aside: the best way
to come to know them is through careful, concentrated listening to their
songs, a world of pleasure and technical mastery waiting to beguile us.
Artistic style and the breath of life
When
we look at the “restorations” done in the 19th century by
Viollet-le-Duc and his disciples, using medieval ruins as their models,
we may frequently be surprised to note the degree to which the architect
has respected the original “style”, how “pure” is his vocabulary and
“correct” the completed restoration, to use the terms employed at the
time. How is it, then, that these works bear the unmistakable stamp of
the sterile imitation, that these “authentic” reconstructions remain
heavy and cold, that a cathedral façade restored by the famed architect
from Pierrefonds is immediately recognizable, like a “Gothic” villa on
the Norman coast, as a pure product of the Second Empire?
Because,
beyond the form lies the spirit. The architect may well have accurately
researched archeologically “correct” rose windows, but if the
stonecutter who executed them breathed with the spirit of one of
Napoleon III's subjects, then, obviously, this is the spirit that will
inform the completed work. This is something contemporary performers of
ancient music should think about. Musicology has made giant strides in
recent years, but can the new facts that have come to light help
musicians working in the second half of the 20th century “restore” the
music of a former time, i.e. bring it back to Life?
The question
remains unanswered. However, there is one important difference between
the “historic” architecture of the last century and the “ancient” music
of the present one. The former was a material effort, involving the
transposition of forms from another era into our own time, whereas the
latter is a spiritual effort made by performers and public alike to
transpose ourselves and our memories inwardly into another state of
being.
One way to succeed, and one of the best ones, is to do
concentrated, in-depth work on poetics and rhetoric. This is because the
wellspring of music is speech. This is an area, however, that until now
has been neglected if not totally ignored by performers of baroque
music, a field in which the relationship is especially obvious. The
Gilles Binchois Ensemble is thus to be doubly congratulated for having
the courage to deal with it in the field of medieval music.
In
the songs contained on the present record, the relationship linking
words and music is not a directly rhetorical one, however, the text of
the poetry does provide the foundation for the musical construction,
with the two forming an indissoluble whole within which imbalance in one
necessarily creates imbalance in the other. If the performers, whether
vocalists or instrumentalists, are unable physically and spiritually to
assimilate the reality of the text, their interpretation of the song may
well be as “correct”, and as dead, as the “gothic” restorations done
under the Second Empire. Working with the words assumes special
importance with songs in French, not only because the language contained
phonemes once that differ from those familiar today, but also, and most
importantly, because from the 14th century onwards, it maintained a
system of articulation and pronunciation for “literary” rhetoric or song
very different from that governing “ordinary” speech. This parallel
rhetorical system accented aspects of the language that normally
remained obscured.
To date, only a few hesitant steps have been
made onto this terrain. Hopefully, however, the present recording will
serve as an example and an encouragement to all those who understand
that “style” has no meaning if the breath of life is absent from it, and
that the breath of life for music is words.
The
Gilles Binchois Ensemble, founded in 1978, bears the hallmark of a
group dedicated to the discovery and interpretation of music from the
Middle Ages. Unaffected by fads or fashions, the group has remained
completely loyal to its objectives, which include close study of the
various repertoires (especially French) and of their relationship with
music of the oral tradition, study of different types of notation, and
an attempt to achieve the vocal and instrumental tones appropriate to
these repertoires.
The Ensemble has deliberately chosen to accept only those engagements which fit in with the aims it has
set itself, devoting the time required for research and preparation of
the programs offered. This self-imposed discipline may have slowed
development of the group's public image, but it has fostered the
maintenance of extremely valuable contacts and privileged relationships
with musicologists, instrument makers, record companies, and patrons who
have nourished and stimulated the group's creative work.
The
Ensemble has worked with eminent musicologists and paleographers such as
Marie-Noël Colette (Paris), Karin Smith (Basel), and Wulf Arlt (Basel).
It also maintains contacts with instrument makers dedicated to
developing methods that reflect existing contemporary documentation,
both artistic and textual, for ancient instruments, and whose work meets
the aesthetic requirements shared by members of the Ensemble.
The
Ensemble also works regularly with Radio France's France-Musique and
France-Culture stations, with Sender-Freies-Berlin, the Regional
Cultural Affairs Commission of Burgundy and the Total Foundation for
Music. The Ensemble is also active in the field of music education,
through the Schola Cantorum of Basel, the Center for Ancient Music of
Geneva, the Center for Medieval Music of Paris, and the National
Conservatory of Music at Lyon.
Discography:
Ecole de Notre Dame de Paris (1163-1245) Vocal monodies and polyphonies
Harmonic Records H/CD 8611
INFORMATION TECHNIQUE
L'enregistrement
numérique (digital) de ce compact-disc est réalisé a l'aide d'une tête
artificielle, système proche de la perception auditive humaine.
Pour l'oreille humaine :
- le son aigu est perçu d'une façon directive par différence d'intensité sonore
- le son médium, d'une façon directive par différence de phase
- le son grave, d'une façon égale par les deux oreilles, quelque soit son origine.
Il est donc nécessaire de respecter la phase et l'intensité sonore auxquelles nos oreilles sont sensibles.
Les
microphones ont été choisis pour leur faible distorsion, leur respect
des timbres et des niveaux. L'association de la tête artificielle de
type Charlin et du couple de microphones Brüel & Kjaer (capsule 4133
et préamplificateur 2619) donne une image sonore naturelle, en
véritable stéréophonie de phase. L'écoute de ce compact-disc, sur un
système de haute qualité, vous permettra de reproduire chez vous
l'ambiance exacte de la prise de son et de localiser chaque instrument
avec précision dans son environnement sonore, dans sa taille réelle et
son timbre propre.
ELEMENTS DU SYSTEME D'ENREGISTREMENT
Enregistreur : Sony 16 bits, quantification linéaire
Fréquence d'échantillonnage : 44,1 kHz
Réponse en fréquence : 0 à 20 kHz ± 0,5 dB
Rapport signal! bruit : 96 dB linéaire
Pleurage et scintillement : non mesurable
Distorsion : inférieure a 0,01 %
Microphones : 2 Brüel & Kjaer (capsule 4003 S et alimentation 2812)
Gamme dynamique des microphones :
- limite inférieure fixée par le bruit ambiant,
- limite supérieure 151 dB
Contrôle de balance stéréophonique : QUAD ESL-63
(source ponctuelle pour la reproduction effective de la stéréophonie de phase).
Enregistré en la l'Église Saint-Victor de Poiseul, La Ville, Côte-d'Or, France les 18, 19, et 20 novembre 1987.
Notes
: l'ambiance de l'Église Saint-Victor est certains jours
légèrement influencée par le vent.
Ceci est l'explication d'un bruit
ambiant par moment un peu élevé mais parfaitement naturel.
Pendant l'enregistrement les deux soufflets cunéiformes de l'orgue étaient actionnés à la main.
TECHNICAL INFORMATION
For
the recording of this compact disc, we used the digital system with an
artificial head, a system very close to the human hearing.
We hear :
— the high frequency in a directional way, by loudness difference
— the middle range frequency, in a directional way, by phase difference
— the low frequency, in an equal way by two ears, anywhere it comes.
So, it is necessary to respect phase and loudness, to which our ears are sensitive.
We
selected the microphones because of their low distortion, and their
restitution of tone colours and levels. The association of the Charlin
type artificial head with the complete Brüel & Kjaer microphones
system restitutes a natural sound,
in a perfect phase stereo. When you will listen to this compact disc on a
high range system, you will reproduce at home the musical atmosphere of
this recording, and you will be able to put each instrument with
accuracy in its sonorous surroundings, in its right size and its own
tone colours.
ELEMENTS OF THE RECORDING SYSTEM
Recorder: Sony 16 bit linear quantization at 44.1 kHz sampling rate
Frequency reponse: DC to 20 kHz ± 0.5 dB
Signal to noise ratio: more than 96 dB unweighted
Wow and Flutter: below measurable limit
Distortion: less than .01 %
Microphones: 2 Brüel & Kjaer
(4003 S and power supply 2812)
Microphone dynamic range:
— lower limit determined by the room level noise
— upper limit 151 dB
Monitoring speakers : QUAD ESL-63 “FRED”
(Totally homogeneous sound source).
Recorded at Saint-Victor Church, Poiseul, Côte-d'Or, France,
November 18, 19 and 20 1987.
Notes
: The extremly pure tone of the Saint-Victor Church is on certain days
slightly disturbed by the wind. This explains the ocassionally rising
but perfectly natural background noise.
During recording the two cuneiform bellows on the organ
were manipulated by hand
Total playing time / Minutage: 55 mn
Stereo original digital recording by Sony system.
Recording engineer / Prise de son : Dominique Mathieu.
Recorded at Saint-Victor Church, Poiseul La Ville, Côte-d'Or, France
(November 18, 19 & 20, 1987).
Enregistré en l'Eglise de Saint-Victor, Poiseul La Ville, Côte-d'Or, France, les 18, 19 et 20 novembre 1987
Digital editing : Translab SA. Paris, France.
Producers / Producteurs : François-Domnique Jouis & La Fondation TOTAL pour la Musique
Album design / Maquette : Alain Bohn & François-Dominique Jouis.
Cover
picture taken from / Illustration d'après:
«Le jouer de luth et la chanteuse», gravure en taille douce, Bibliothèque Nationale, Estampes.
Liner notes / Textes de presentation musicologique : Dominique Vellard, Anne-Marie Lablaude & Eugène Green.
Special thanks to / Remerciements tout particulières à : Frédéric Marin & Christian Orsini.
Tous droits réservés. Les copies ou reproductions non autrisées song illicites.
All rights of the producer and the owner of the work reproduced are reserved.
© Ⓟ 1987 HARMONIC RECORDS PARIS FRANCE