CURRICULUM VITAE DE
Fondé en 1971 par Paul Van Nevel, l'ensemble Huelgas comprenait
à l'origine quatre membres.
«Les musiciens de l'ensemble Huelgas ont laissé
l'impression d'un groupe dont la maîtrise instrumentale et vocale
n'a d'égale que leur connaissance approfondie de la musique
qu'ils font revivre. Et c'est sans doute par fidélité
à cette musique qu'ils tiennent à la restituer dans le
contexte le plus fidèle possible. En cinq ans, ces artistes se
sont hissés au sommet de la hiérarchie des groupes de
musique ancienne. La justesse des voix est vraiment surprenante, celle
des instruments presque parfaite, l'homogénéité,
l'ensemble des départs, la facilité instrumentale, tout
est vraiment digne de l'admiration la plus grande.»
Guy de Lusignan, edelman uit een Frans geslacht uit de omgeving van
Poitiers en een gevallen koning van Jeruzalem koopt in 1192 het eiland
Cyprus van de orde van de Tempeliers. Het eiland was een van de
belangrijkste strategische punten van het Middellandse zeegebied.
Famagousta was een centrale haven voor de handel tussen Oost en West;
het eiland was bovendien een onmisbare rust- en ravitailleringsplaats
voor de kruistochtlegers. Bovendien lieten vele kruisvaarders zich
verleiden om van Cyprus hun definitieve verblijfplaats te maken. Zo
schrijft Estienne de Lusignan over kruisvaarders in 1256 het volgende:
«Trois cens Gentils-hommes & Barons, tant François,
Flamans, que d'Allemaigne, compaignons de ce Jehan de Mont-fort, voyans
qu'ils ne pouvoient avec leur armée recouvrir la Terre Saincte,
se retirerent aussi en Cypre...»
Leontios Makhairas, een inlands kroniekschrijver vertelt over het
Famagousta van die dagen:
«En als de schepen uit Venetië, Genua, Florence, Pisa,
Catalonië en uit het ganse Westen arriveerden, vonden zij er de
nodige goederen, laadden hun schepen met alles wat er nodig was en
keerden terug. Daarom was de bevolking van Famagousta en van het hele
eiland zo rijk. Het land begon een object van afgunst te worden...
»
Het spreekt vanzelf dat parallel met de bloeiende welvaart van het
eiland ook kunst en kultuur zich snel ontwikkelden.
«...en de mensen begonnen Frans te leren en hun Grieks
verbasterde zoals het tegenwoordig nog is...»
In de loop van de veertiende eeuw ontwikkelt Cyprus zich dan tot een
Europees «buitenverblijf», waaraan een bezoek een
«must» was voor elke kunstenaar of vorst met faam. Het
Cypriotische Hof had uiteraard een eigen Hofkapel, bestaande uit
zangers en instrumentisten, minnestrelz. Zowel voor de muzikale
opluistering van de katholieke erediensten, in een zware
konkurrentiestrijd gewikkeld met de Ortodoxe Kerk, als voor de meer
profane aangelegenheden werd beroep gedaan op 's konings muziekkapel.
Bovendien was de adelstand zelf een grote muziekbeoefenaar op. Cyprus,
althans volgens de kroniekschrijver Estienne de Lusignan:
«...La Noblesse de Chypre... ils se delectoient à
l'escrime et exercice des armes, jouer du luth, et aimoient fort la
musique et ne se trouvait presque Seigneur, qui n'eust l'art parfaict
de chanter & toucher le luth & les dames de jouer de
l'épinette.»
Een van de hoogtepunten van het bewind van de Lusignan-familie was de
regering van Pierre de Lusignan. Deze vorst besteeg de troon in 1359 en
organiseerde een grootscheepse tocht met zijn ganse Hofhouding doorheen
Europa, van Italië tot Engeland en van Vlaanderen tot Polen. De
roem ging de Hofkapel vooraf en overal werden de Cyprioten met de
grootste luister ingehaald. Guillaume de Machaut, en intieme vriend van
Pierre de Lusignan, beschrijft diens intocht in Avignon:
«Car li Papes premierement, li cardinal secondement
De Europese reis die volle drie jaren in beslag nam zorgde uiteraard
voor de nodige muzikale uitwisselingen. Na de terugkeer van het
Cypriotische gezelschap was de Franse Ars-Nova invloed op de
Cypriotische muziek niet meer weg te denken en zal de door en voor de
hofkapel gemaakte muziek naar het einde van de veertiende en het begin
van de vijftiende eeuw typische Ars-Subtilior kunst zijn.
«Ce palais était rempli de lits somptueux, d'une
infinité de meubles d'un grand prix, de tableaux superbes et de
croix d'or et d'argent; mais ce que le général admira le
plus était un orgue qui, lorsqu'on le touchait, rendait les sons
les plus agréables et les plus mélodieux... »
In de regeringsperiode van Janus I de Lusignan is ook het handschrift
ontstaan dat de enige bron is voor de Cypriotische polyfone muziek uit
de veertiende en vijftiende eeuw. Dit manuscript, rond 1412 aan het
Cypriotische Hof geschreven, werd door Janus' dochter Anne de Lusignan
mee naar Savoie genomen naar aanleiding van haar huwelijk met Louis de
Savoie. Paul Van Nevel
En 1192, après avoir été déchu du
trône de Jérusalem, Guy de Lusignan, de haut lignage
poitevin, acheta l'île de Chypre à l'Ordre des Templiers.
L'île était un des points stratégiques les plus
importants de la mer Méditerranée. Le port de Famagouste
jouait un rôle de plaque tournante pour le commerce entre
l'Orient et l'Occident. En outre, l'île constituait une base de
repos et de ravitaillement pour les expéditions de
Croisés; beaucoup de Croisés se laissaient d'ailleurs
aller à faire de Chypre leur lieu de résidence
définitif. Voici ce qu'écrit Estienne de Lusignan
à propos des Croisés de 1256:
«...Trois cens Gentils-hommes & Barons, tant François,
Flamans, que d'Allemaigne, compagnons de ce Jehan de Mont-Fort, voyans
qu'ils ne pouvoient avec leur armée recouvrir la Terre Saincte,
se retirèrent aussi en Cypre...»
Leontios Makhairas, un chroniqueur chypriote, décrit ainsi la
Famagouste d'alors: (texte origi- nel Grec du Moyen-Age):
«...Et lorsque les navires de Venise, Gênes, Florence,
Pise, Catalogne et de tout l'Occident arrivaient, ils trouvaient tout
ce qu'ils avaient besoin, ils le chargaient à bord et s'en
retournaient. C'est pourquoi la population de Famagouste et de toute
l'île était si riche. Le pays devint l'objet de
convoitises...»
Il va de soi que le bien-être matériel de l'île
s'accompagna de l'épanouissement de l'art et de la culture.
«...et les gens commencèrent à apprendre Ie
Français et leur Grec se dégrada, comme on peut encore le
constater aujourd'hui...»
Durant le quatorzième siècle, Chypre devint en quelque
sorte un «lieu de villégiature» européen dont
la visite s'imposait à chaque artiste ou peintre de renom. La
Cour chypriote avait du reste sa propre chapelle composée de
chanteurs et d'instrumentistes-ménestrels.
«...La noblesse de Cypre... ils se délectoient à
l'escrime & exercice des armes, à jouer du luth, et aimoient
fort la musique et ne se trouvait presque Seigneur, qui n'eusse l'art
parfaict de chanter & toucher le luth & les dames de jouer de
l'épinette. »
Un des sommet du règne des Lusignan fut atteint sous Pierre, qui
monta sur le trône en 1359. Il organisa, avec toute sa Cour, un
considérable périple à travers l'Europe, de
l'Italie à l'Angleterre, des Flandres à la Pologne.
Partout leur grande renommée les précédait,
partout ils étaient reçus en grande pompe. Voici comment
Guillaume de Machaut, ami intime de Pierre de Lusignan, décrit
l'entrée de celui-ci à Avignon:
«Car il Papes premierement, li cardinal secondement
Ce voyage en Europe, qui dura trois longues années, permit bien
entendu les indispensables échanges musicaux. Après le
retour de la Cour à Chypre, la musique chypriote porte
indéniablement la marque de l'Ars-Nova français; à
la fin du quatorzième siècle et au début du
quinzième, la musique écrite par et pour la chapelle
royale est typiquement de l'Ars-Subtilior.
«...Ce palais était rempli de lits somptueux, d'une
infinité de meubles d'un grand prix, de tableaux superbes et de
croix d'or et d'argent; mais ce que le général admira le
plus était un orgue qui, lorsqu'on le touchait, rendait les sons
les plus agréables et les plus mélodieux...»
C'est également durant le règne de Janus I, que fut
élaboré le manuscrit qui constitue notre seule source de
musique polyphonique chypriote du quatorzième et
quinzième siècles. Ce manuscrit, qui fut écrit
vers 1412, fut emporté en France par Anne de Lusignan, la fille
de Janus I, à l'occasion de son mariage avec Louis de Savoie.
Aujourd'hui, il se trouve à la Bibliothèque nationale de
Turin, sous le sigle J.II.9. Paul Van Nevel
medieval.org
alpha DB 264
1978
A
1. Hunc diem festis [4:32]
2. Je suis trestout [6:13]
3. Gloria in excelsis [3:48]
4. Greek song. Toe mpaloe
[3:23]
5. Pour leaulte maintenir [3:11]
B
1. Pour haut et liement chante [4:17]
2. Credo in unum Deum [5:36]
3. Qui n'a le cuer rainpli [7:01]
4. Greek song. Tijs soezas [3:02]
HUELGAS ENSEMBLE
Paul van Nevel
Jan CAALS, Tenor - ténor
John DUDLEY, Tenor - ténor
Nils FERBER, Tenorshawm - bombarde ténor
Jo GULINCK, Bas
Michel HOLVECK, Rebec, recorder, lecturer - Flûte-à-bec,
récitant
Marcel ONSIA, Sacbut - sacqueboute
Erik VAN NEVEL, Baritone, trebleshawm, recorder - Baritons, bombarde
alto, flûte-à-bec
Paul VAN NEVEL, Trebleshawm, zornè, recorder - Bombarde alto
Flor VERSCHUEREN, Percussions
Claude WASSMER, Tenorshawm, curtal - Bombarde ténor, basson
renaissance
Enregistré dans l'église romane de Bertem le 21 & 22
octobre 1977.
Recording dates 21 & 22 oktober 1977.
Ingénieur du son: Jan VANWELKENHUYSEN
Philologic advice: Jos MERTENS, Joris BACKELJAUW.
Transcriptions: Richard H. HOPPIN, Paul VAN NEVEL.
SOURCES:
· MS TORINO, Biblioteca Nazionale, J.II.9.
Transcrit partiellement par Richard H. HOPPIN (CMM 21).
· Les chansons avec textes Grecs
sont extraites de la collection Pieris ZARMAS.
BIBLIOGRAPHY - BIBLIOGRAPHIE:
· Muziek aan het Franse Hof van Cyprus 1192-1489 (Paul VAN
NEVEL), Leuven 1978.
· Turino MS Biblioteca Nazionale J.I1.9. (Heinrich BESSELER) -
Archiv für Musikwissenschaft VII, 1925.
· The Cypriot-French repertory of the MS TORINO, Biblioteca
Nazionale J.II.9. (Richard H. HOPPIN) Musica Disciplina XI, 1957.
L'ENSEMBLE HUELGAS
Lauréat avec mention spéciale du jury au Festival des
Flandres à Bruges en 1972, l'ensemble subit quelques
modifications et s'étoffa régulièrement par la
suite pour devenir la formation que l'on connaît aujourd'hui.
Depuis lors l'ensemble s'astreint à une exigeante pratique
musicale: recherche, répétitions, enregistrements,
concerts, ce qui lui vaut d'être un des 4 ou 5 ensembles
actuellement les plus écoutés pour
l'interprétation historique de la musique du Moyen-Age et de la
Renaissance. En ce domaine, l'ensemble Huelgas a fait sienne la
thèse selon laquelle les normes esthétiques de la
technique vocale et instrumentale de cette époque sont
différentes de celles de la musique plus tardive. Par ce fait,
la vie musicale européenne des années 70 s'enrichit d'une
image sonore originale relativement éloignée de ce qui
était donné à entendre auparavant.
Le travail de la recherche effectué au sein de l'ensemble
répond à une interprétation basée sur une
sonorité conforme aux renseignements fournis par les chroniques
médiévales et les traités renaissants. Ainsi les
interprétations de l'ensemble Huelgas se distinguent d'une part
par la symbolique du texte et les techniques de glotte pour la musique
vocale, d'une part, par les ornementations de vibrato et les accents de
ligature pour la partie instrumentale, d'autre part.
Le répertoire révèle essentiellement des musiques,
méconnues jusqu'ici, où la recherche de
l'authenticité entraîne, comme l'affirme Paul Van Nevel,
une interprétation plus vivante.
Le «Nouvel Alsacien» de Strasbourg remarquait
récemment:
L'ensemble fixé à Louvain rayonne dans toute l'Europe
à l'époque des festivals. Il a enregistré les
disques suivants:
· Las Ensaladas de Matheo Flecha el Viejo (DB 225).
· Musique de l'époque de Philippe de Monte
(épuisé).
· Le Chansonnier de Paris de Johannes Heer, vers 1510 (DB 260).
· Musique à la Cour de Chypre, 1192-1489 (DB 264).
· Motets médiévaux tirés du manuscrit
turinois, Biblioteca Reale (Vari 42).
commentaire français
Het Franse Hof in
Cyprus en het muziekleven (1192-1489)
(Origineel Griekse tekst)
De Franse koningen installeerden op het eiland een feodale struktuur
naar Westers model en bouwden er in de loop van de dertiende eeuw
prachtige kerken, kathedralen, abdijen en kastelen. Hun eigen
Hofhouding was een eksklusieve mengeling van de Oosterse weelde en
pracht)Tiet Westers kunst- en religievertoon. Ook de inheemse bevolking
werd langzamerhand «bekeerd» tot het Franse kultuurpatroon.
Leontios Makhairas schrijft in de vijftiende eeuw :
Tout le clergie, tous les prelas, et li pueples a grant solas,
Et a grant joie le (= Pierre) veirent, et plus grant honneur
li feirent... »
(La Prise d'Alexandrie, vv. 669-674).
De laatste grote vorst die voor de Cypriotische muziek van belang
geweest is, was Janus I de Lusignan. Wanneer sultan Al-Malec-al-Aschraf
Barsébai in 1426 het koninklijk paleis in Nicosia bezet en
verwoest, is hij verbaasd over het prachtige orgel dat zich in een van
de kapellen bevond. Wij laten Hofschrijver Khabil Dhabeir aan het woord:
(vertaling L. de Mas-Latrie).
Het manuscript bevindt zich thans in Torino, Biblioteca Nazionale onder
het signatuur J.II.9.
Alhoewel het handschrift in een vrij korte tijdspanne geschreven werd,
bevat het werken die een relatief lange periode beslaan. De misdelen,
motetten, balladen, virelais en rondeaus die deel uitmaken van de
compilatie moeten inderdaad gesitueerd worden in een periode tussen
1360 en het begin van de vijftiende eeuw.
De muziek van het Cypriotische Hof
Zowel tekst als muziek van het Cypriotische handschrift zijn onderhevig
aan twee duidelijke karaktertrekken. Enerzijds de typische Franse stip
van de «Forme Fixes» uit het einde van de veertiende eeuw
en de bevreemdende Ars Subtiliortechnieken in ritme en harmonie;
anderzijds de minder veelvuldige, maar niettemin zeer klare
aanwezigheid in melodie en samenklank van typisch Grieks-Cypriotische
trekken.
JE SUIS TRESTOUT (A2) is het duidelijkste voorbeeld van het Franse
poëzie- en muziekpatroon van de Cypriotische profane literatuur.
In dit virelais van het einde van de veertiende eeuw zijn alle
Ars-Subtiliortrekken verweven. Er is de veelvuldige aanwending van de
Color, die dezelfde ritmische onderverdelingen telkens andere aksenten
geeft (bv. 3/4 in 6/8-maat). Verder zijn er de vele dissonante
wrijvingen veroorzaakt door de ritmische onafhankelijkheid van de drie
stemmen. Bovendien is de tekst zelf een afspiegeling van de
liefdeslyriek uit de «Roman de la Rose». Eenzelfde
komplexiteit doet zich voor in het GLORIA (A3), maar dan enkel op
ritmisch vlak. De vier stemmen bewegen zich in een relatief kleine
ambitus, waardoor talrijke stemkruisingen ontstaan. Dit effect wordt
nog verhoogd door de vele «syncopatio»-fragmenten die van
het geheel een wonder van architectonische struktuur maken. POUR
LEAULTE MAINTENIR (A5) is een ballade met een couleur locale: het
refrein vangt aan met de spreuk van het Cypriotische wapenschild. De
hoge tessituur van de mannenstem en de stroeve kadans-ritmiek tonen aan
dat dit werk geïnspireerd is op de ridderlyriek, ook weer een
kenmerk overgewaaid vanuit het Franse hinterland.
De tekst van POUR HAUT ET LIEMENT CHANTER (B1) is uitermate belangrijk.
Deze ballade bevat bij wijze van hoge uitzondering geen liefdeslyriek,
maar integendeel een korte bandleiding voor het polyfoon musiceren: een
traktaat in een notedop!
Het CREDO (B2) en het rondeau QUI N'A LE CUER RAINPLI (B3) bevatten
beide voorbeelden van inheemse invloeden. In het credo - overigens zeer
profaan uitgewerkt met een wereldlijke Cantus Firmus in de bas en tal
van hoquetusfragmenten in de middenstem - is de melodie-stem (tenor)
van typische Cypriotische intervallen voorzien: de melodische lijn
wordt dikwijls opgesmukt met hexachordvreemde intervallen zoals
overmatige kwarten en chromatische kadensformules. In het rondeau is de
invloed vertikaal aangewend. In het refrein hoort men zo twee
teleenheden lang een grote secunde als samenklank, gevormd door
gis-bes, waarvan de ene toon stijgend, de andere dalend oplost naar de
slottoon a. Deze dubbele leidtoon - stijgend en dalend - is een kenmerk
van de inheemse Cypriotische muziek. Van deze muziek bevat de fonoplaat
overigens twee voorbeelden.
TOE MPALOE (A4) is een middeleeuwse hymne die de rijkdom van Cyprus
bezingt: «Ook al zal de hele wereld vergaan, Cyprus blijft
bestaan omdat ik van zijn water drink.»
TIJS SOEZAS (B4) is een huwelijkszang. De partner - een visser - wordt
gevraagd niet te lang op zee te verblijven, omdat anders de
huwelijksdatum weer moet uitgesteld worden. Beide liederen werden
ontleend aan de PIERIS ZARMAS-verzameling.
De fonoplaat begint met een van de meest archaische stukken uit het
Cypriotische repertoire, HUNO DIEM FESTIS (A1). Dit motet is nog
gebouwd op isoritmische benedenstemmen, een Ars-Nova innovatie. De
kanoninzet in de twee bovenstemmen is de enige invloed die vanuit
Italië nawijsbaar is. De primitieve melodievoeringen - van
Hoquetus voorzien - en de strakke harmonie van de twee onderstemmen
laten vermoeden dat dit werk tot ver in de veertiende eeuw is terug te
wijzen, maar duiden tegelijkertijd ook op het feestkarakter van deze
para-liturgische muziek.
La Cour
française à Chypre et la vie musicale (1192-1489)
Les rois français installèrent dans l'île une
structure féodal de type occidental; ils construisirent dans le
courant du treizième siècle des églises, des
cathédrales, des abbayes et des châteaux somptueux. La vie
de la cour mariait de façon unique le luxe et les splendeurs
orientales avec les démonstrations artistiques et religieuses de
l'Occident. Peu à peu, la population locale s'aligna sur le
modèle culturel français. Au quinzième
siècle, Leontios Makhairas écrivait:
On faisait appel à la Chapelle musicale du roi aussi bien pour
les événements les plus profanes que pour les
cérémonies religieuses catholiques, qui étaient en
concurrence très serrée avec l'Eglise orthodoxe. La
noblesse elle-même prenait une part active à la vie
musicale; c'est ainsi qu'Estienne de Lusignan note dans sa chronique:
Tout le clergie, tous les prelas, et li pueples a grant solas,
Et a grant joie le (= Pierre) veirent, et plus grant honneur
li feirent...»
(La Prise d'Alexandrie, vv. 669-674).
Janus I de Lusignan fut le dernier grand prince qui joua un rôle
dans la vie musicale. Lorsqu'en 1426 le sultan Al-Malec-al-Aschraf
Barsébai occupe et détruit le palais royal de Nicosie, il
reste émerveillé devant un splendide orgue qui se
trouvait dans une des chapelles. L'écrivain de la Cour, Khabil
Dhabeir, rapporte cet épisode:
(traduction L. de Mas-Latrie).
Bien que le manuscrit ait été écrit durant une
période assez brève, il contient des pièces qui
recouvrent une période relativement longue. Les parties de
Messe, les motets, les ballades, virelais et rondeaux qu'on y trouve,
doivent être situés entre 1360 et le début du
quinzième siècle.
La musique de la cour chypriote
Le texte ainsi que la musique du manuscrit chypriote portent la marque
de deux traits bien définis. D'une part, il y a le style
typiquement français des «Formes Fixes» de la fin du
quatorzième siècle et les techniques Ars-Subtilior
très évoluées dans le rythme et l'harmonie;
d'autre part, la présence moins fréquente mais
très claire, dans la mélodie et les accords, de traits
typiquement gréco-chypriotes.
JE SUIS TRESTOUT (A2) est l'exemple le plus clair de l'influence
poétique et musicale française sur la littérature
chypriote profane. Ce virelais de la fin du quatorzième
siècle exploite adroitement tous les traits de l'Ars-Subtilior:
l'emploi fréquent du COLOR, qui donne chaque fois d'autres
accents aux mêmes parties rythmiques (p.e. 3/4 dans un rythme
6/8); les dissonances occasionnées par l'indépendance
rythmique des trois voix; le texte lui-même, enfin, qui est un
reflet de la lyrique amoureuse du Roman de la Rose. Le GLORIA (A3)
présente une complexité identique, mais uniquement sur le
plan rythmique. Les quatre voix évoluent dans une tessiture
relativement étroite; de là de nombreux croisements de
voix. Cet effet est encore renforcé par les nombreux
fragments-«syncopatio» qui font de l'ensemble une
merveilleuse structure architectonique.
POUR LEAULTE MAINTENIR (A5) est une ballade à couleur locale: le
refrain commence avec la devise des armes chypriotes. La haute
tessiture de la voix masculine et le lourd rythme cadencé
indiquent clairement l'inspiration lyrique chevaleresque de cette
pièce; ce caractère provient également de
l'hinterland français.
Le texte de POUR HAUT ET LIEMENT CHANTER (B1) est extrêmement
important. Exceptionnellement cette ballade n'est pas marquée
par la lyrique amoureuse; au contraire, elle contient un bref manuel de
musique polyphonique: un traité dans un dé à
coudre!
Le CREDO (B2) et le rondeau QUI N'A LE CUER RAINPLI (B3) contiennent
tous deux des exemples d'influence indigène. Dans le Credo -
d'allure très profane avec un Cantus Firmus populaire dans la
basse et de nombreux fragments-hoquetus dans le contre-ténor -
la voix mélodique (ténor) contient des intervalles
typiquement chypriotes: la ligne mélodique est
fréquemment ornée d'intervalles étrangers à
l'hexacorde, quartes augmentées et types de cadences
chromatiques. Dans le rondeau, cette influence s'exerce verticalement.
Ainsi, dans le refrain, on entend un accord, de deux unités de
mesure, formé par sol dièse et si bémol, l'un
montant, l'autre descendant pour se résoudre dans le ton final
la. Ces doubles notes sensibles - montant et descendant - sont
également une caractéristique de la musique chypriote
locale.
Ce disque contient par ailleurs deux exemples de cette musique. TOE
MPALOE (A4) est un hymne médiéval qui chante la richesse
de Chypre: «Le monde entier peut bien disparaître, Chypre
reste car je bois de son eau».
TIJS SOEZAS (B4) est un chant d'épousailles. Le futur mari, un
pêcheur, est prié de ne pas rester trop longtemps en mer:
le cas échéant, la date du mariage devrait encore
être reportée. Ces deux chansons sont empruntées
à la collection PIERIS ZARMAS.
La première pièce du disque est extraite du
répertoire chypriote le plus archaïque. Le motet HUNC DIEM
FESTIS (Al) est encore construit, en effet, sur une structure
isorythmique. Les deux voix supérieures se répondent en
canon: c'est la seule influence qui vienne du Trecento italien. La
forme primitive de la mélodie (avec Hoquetus) et l'harmonie
sévère et fonctionnelle des deux voix d'accompagnement
instrumental laissent présumer que cette pièce remonte
très loin dans le quatorzième siècle; ces deux
traits montrent également le caractère pompeux de cette
musique para-liturgique.
Trad. Marc Van der Wielen