Chanter me fait ma Dame / Gérad Lomenec'h
Musiques au temps des ducs de Bretagne





medieval.org
Escalibur CD865

1996








1. Quand je suis mis au retour  [1:38]   virelai de Guillaume de MACHAUT, XIVe siècle
tympanon, tournebout, bendir, harpe celtique, vielle à roue

2. Chanter me fait ma Dame  [1:39]   PIERRE de DREUX, XIIIe siècle
tournebout, flûte à bec, harpe celtique, trompette marine, crotales, tambour

3. Robert, veez de Perron  [0:58]   THIBAUT de NAVARRE, XIIIe siècle
harpe celtique, tympanon, tournebout- tambour, cymbales

4. Puisqu'en oublie  [2:32]   Guillaume de MACHAUT, XIVe siècle
contre-ténor, baryton, basse

5. Je n'ose chanter trop tard ni trop souvent  [0:55]   THIBAUT de NAVARRE, XIIIe siècle
psaltérion

6. Les oisillons de mon païs  [1:31]   Gace BRULÉ, XIIe siècle
baryton, harpe celtique, flûte à bec, triangle

7. Bernard, à vous veuille demander / Pour elle  [2:43]   PIERRE de DREUX, XIIIe siècle
psaltérion, clochette, flûte basse, harpe celtique, tambour, hochet-sonnailles / tournebout, tambour

8. Bien cudai garir Amor  [2:24]   PIERRE de DREUX, XIIIe siècle
contre-ténor, tympanon, harpe celtique, flûte à bec

9. Trihory  [1:05]   d'après l'Orchésographie, 1588
tympanon, harpe celtique, flûte à bec, tournebout, tambour, trompette marine, tambour à friction

10. Morisque  [1:54]   d'après l'Orchésographie, 1588
tympanon, harpe celtique, flûte à bec, tambour, tambour de basque

11. Ker-Ys  [2:57]   anonyme, Bretagne
basse, tympanon, flûte à bec, corne à muse

12. Olach Tancz / Alia Hungarica  [2:54]   Codex Vietoricz
tympanon, harpe celtique, flûte basse, bendir, triangle / tympanon, harpe celtique, flûte à bec, derbouka, crotales

13. Comment qu'à moy / Douce Dame Jolie  [4:01]   Guillaume de MACHAUT, XIVe siècle
baryton, épinette, tambour / épinette, flûte à bec, derbouka

14. Branles d'Ecosse  [1:38]   d'après l'Orchésographie, 1588
tympanon, harpe celtique, bois, timbales / tympanon, harpe celtique, timbales, flûte à bec, tournebout, trompette marine

15. Quand je vois hyver retorner  [1:59]   Colin MUSET, XIIIe siècle
harpe celtique, flûte à bec, épinette, crotales

16. Passepieds de Bretagne  [1:43]   anonyme, XVIe siècle
harpe celtique, Ma, flûte à bec, bois / harpe celtique, flûte à bec, psaltérion à archet, tambour

17. Reis glorios  [2:00]   Guiraut de BORNEILH, XIIIe siècle
basse, baryton

18. Lamento de Tristan  [2:35]   anonyme, XIVe siècle
tympanon, derbouka

19. Rondet de Carole  [0:37]   anonyme, XIIIe siècle
tympanon, tambour, flûte à bec

20. Li soleil luit  [2:34]   lai anonyme, XIIIe siècle
contre-ténor, harpe celtique, tympanon

21. A vous, Amant  [3:28]   CHÂTELAIN de COUCY, XIIe siècle
baryton, tympanon, trompette marine

22. Chant de Palestine  [1:15]   W. de VOGELWEIDE, XIIIe siècle
flûte à bec, tournebout, épinette, derbouka

23. Muito devemos CSM 2 / Ay Santa Maria CSM 79   [5:33]   ALPHONSE LE SAGE, XIIIe siècle
contre-ténor, épinette, flûte à bec, derbouka / tympanon, contre-ténor, flûte à bec

24. Sire, fer faites me un jugement  [0:55]   THIBAUT de NAVARRE, XIIIe siècle
tympanon

25. Ja nuns hons pris  [3:06]   RICHARD CŒUR de LION, XIIe siècle
harpe celtique, baryton

26. Breve Regnum  [1:48]   anonyme XIVe siècle
basse, baryton

27. Planctus Dolorum Solatium  [2:58]   Pierre ABÉLARD, XIIe siècle
tournebout, vielle à roue, tambour

28. Tempus transit gelidum  [2:21]   Carmina Burana CB 179
contre-ténor, tympanon, harpe celtique, flûte à bec, baryton

29. Kyrie Orbis factor, Alleluia post partum  [4:01]   Graduel d'Aliénor de Bretagne, XIVe siècle
basse, baryton, vielle à roue

30. O Frondens Virga  [3:15]   HILDEGARDE de BINGEN, XIIe siècle
basse, vielle à roue




Ont participé à cet enregistrement :

Franck MELET — flutes à bec, tournebout, voix de basse
Nathalie OLIVIERO — harpe celtique
Antonin VOLSON — tambour, tambour de basque, cymbales, derbouka, crotales, timbales, triangle, bois
Gérard LOMENEC'H — tympanon, épinette, mandore, psaltérions, vielle, trompette marine, baryton
Alan GUILLOUX — corne à muse, voix de basse
André PRADINES — contre-ténor
Yann COUEDELO — tournebout
Ronan GUILLOUX — trompette marine, clochettes
Didier BEUTTER, voix de basse
Kathryn MAINIL, tambour à friction



Illustration jaquette :  Coffret de mariage en bois et parchemin peint du XIIe siècle. Trésor de la Cathédrale de Vannes.
Cliché : M. Frélézaux, Conservation Départamentale du Patrimonie Mobilier du Morbihan.
Illustration de dos :  Chanteurs au Lutrin - Bibliothèque Municipale de Rennes - MS 1437, F 93 V

℗ Coop Breizh - 1996



Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont apporté leur aide pour cette réalisation, tout particulièrement Tanguy Le Doré, Brigitte Nicolas (Conservateur du Patrimoine Mobilier du Morbihan), Sarah Toulouse (Conservateur Bibliothèque Municipale de Rennes), Caroline Meyer pour le prêt d'instruments, Martine Rouxel, Maryvonne Mazoyer, Joëlle Oliviero, Danièle Derriennig, Ronan Allaire pour sa transcription du Planctus d'Abelard, la direction de la Maison Ker-Anna à Sainte-Anne d'Auray où a eu lieu la prise de son.

Gerard LOMENEC'H
Vannes, Mai 1996.









Cet album "Musiques au temps des Ducs de Bretagne" fait suite a l'ouvrage de Gérard LOMENEC'H "Chantres et Ménestrels à la Cour de Bretagne" (Editions Ouest-France-Université 1993) qui évoque la vie artistique et musicale des maisons princières bretonnes. Passionné de recherche musicologique, tout particulièrement intéressé par la lyrique courtoise, Gérard LOMENEC'H s'attache d faire reverdir l'univers musical du Moyen-Age par la reconstitution d'instruments anciens et l'étude de leurs racines populaires et savantes.

Restitué, adapté et dirigé par Gérard LOMENEC'H, le répertoire de cet album a été choisi pour son caractère vivant et diversifié. A défaut de pouvoir appréhender l'authenticité d'une musique si éloignée dans le temps, l'auditeur pourra se représenter une image sonore des "relasches et plaisirs" des cours de Bretagne et d'ailleurs.


Ménestrels à la Cour de Bretagne

Comme les autres princes de leur temps, les ducs de Bretagne organisèrent très tôt une vie de cour agrémentée de jeux et spectacles divers, et aimaient se "recréer" aux comiques inventions de leurs bouffons. La musique fut l'objet en Bretagne - comme en Bourgogne ou en Anjou - des préoccupations princières et sa présence est attestée dans presque tous les actes de la vie des ducs.

Les livres d’heures. peintures, romans et chroniques de l'époque rappellent au mieux les fastes du Moyen-Age : ducs et duchesses dans leurs somptueuses tenues, magnificence des salles de banquets où officiaient des ménestrels et jongleurs chargés d'accompagner toutes les solennités. Des jongleurs exercèrent leur talent très tôt à la cour de Bretagne : le duc Conan II (1040-1066) de la maison de Rennes avait dans sa suite un "citharista" (joueur de petite harpe), tandis que l'on dénombre parmi les serviteurs d'Hoël de Cornouaille (1066-1084) un harpeur nommé Cadiou et Pontel, chanteur "de geste". La présence de musiciens était l'indispensable complément des somptueuses fêtes que donnaient les ducs dans leurs demeures de plaisance. Fleur de chevalerie et courtoisie, le duc Geoffroy II (1158-1186) avait lui-même le goût de la poésie et se montrait généreux pour les trouvères et poètes d'oc. Le "cuens Giefrois" est cité à l'envoi de plusieurs chansons du Champenois Gace Brulé et fut célébré par les troubadours: Bertran de Born, Guiraut de Borneilh, Gaucelm Faidit et Guiraut de Calanson entre autres le côtoyèrent. Pierre Ier de Dreux, dit Mauclerc, fut quant à lui trouvère et fit partie avec le Comte Charles d'Anjou. Savaric de Mauléon et Conon de Béthune, de cette lignée de grands seigneurs-poètes dont le maître était Thibaut de Navarre. Le bagage artistique de Pierre Mauclerc se compose de six chansons où sont représentés différents genres de la lyrique d'oïl: quatre chansons d'amour, un chant religieux dont la mélodie n'a pas été conservée et un jeu-parti entre deux poètes rivaux sur un sujet de casuistique chevaleresque.

Ce prince-trouvère maniait la rime avec autant de grâce que la matière musicale, et compte parmi les dignes représentants de la gent poétesse du Moyen-Age. Les ducs de Dreux-Montfort qui succédèrent à la maison de Dreux entretenaient divers "ménestrieux" pour les divertissements profanes, ainsi qu'une chapelle de chantres dont la destination était toute spirituelle. Jean II écoutait régulièrement son viéleur psalmodier des chansons de geste. Parmi les domestiques charges des plaisirs de Monseigneur le duc Jean IV, on cite des "ménestrelx", joueurs de trompettes et bouffons. On lui présenta, un jour à Suscinio, un nain breton haut de vingt-six pouces seulement qu'il garda à son service et fit les délices de ses séjours à Rhuys. Quatre ménestrieux avaient "bouche à cour et leur pension" dans la maison du duc Jean V - prince raffiné ayant un goût prononcé pour la musique - tandis que six chapelains s'occupaient des soins de l'âme. Jean V encouragea aussi les premières représentations de mystères en Bretagne : la Passion et la Résurrection furent jouées devant lui à Rennes en 1430. Le duc Pierre II se distinguait par le luxe de sa suite et des gens attachés à sa maison. "Joieux à merveilles", il aimait les ballades et la musique : dans un compte fait en 1454 au manoir de Lestrennig à Vannes, des "menestrielx, trompettes, clérons et Henri Guiot joueur de doulcemer" émargent sur le trésor ducal. Le "déduit" préféré de la duchesse Françoise d'Amboise était le luth dont elle jouait parfaitement, et elle se plaisait aussi à écouter les ballades du poète Jehan Meschinot qui était à demeure à la cour. Les divertissements ordinaires du duc François II exigeaient la présence de maîtres es bouffonneries qu'il gratifiait de fréquents cadeaux pour leurs "bons tours, faintes et finesses". Dans l'état de la maison de la reine Anne pour l'année 1498, on note la présence de nombreux chantres et ménestrels. Deux musiciens de Basse-Bretagne - lvon le Brun et Prégent Jagu - sont compris parmi les "officiers de l'ostel de la Royne" : il leur est "baillé par ordre de la dicte dame, pour leur estraines du premier jour de l'an 1498, la somme de soixante-dix sols tournois en deux écus d'or". Ces ménestrels font la joie d'Anne de Bretagne et sonnent chaque matin sur la terrasse du château de Blois, devant le cantonnement de sa garde bretonne. Divers joueurs d'instruments accompagnent les chanteurs de la reine: Jacques Loriguer joue de la manicorde ou épinette sourde à 70 cordes ; Jehannot Dubois du rebec ; Pierre Ivon du luth, Guillaume Bourdin de l'échiquier et Petit-lehan Chargaigne du tambourin. Anne de Bretagne manifesta tout au long de sa vie un intérêt considérable pour l'art, encourageant écrivains et poètes de l'école des Rhétoriqueurs, s'entourant de peintres, enlumineurs et ménestrels, et on peut parler à son propos d'un véritable mécénat artistique.

Le répertoire

Les pièces interprétées sur cet album s'étalent du XIe siècle aux abords de la Renaissance. Bien entendu, elles ne se trouvent pas telles quelles dans les manuscrits, la notation en musique médiévale étant seulement un guide pour l'exécution : il a fallu ajouter des ornements, meubler les cadences et les arranger pour les instruments. Le choix de ces pièces a été dicte par le souci d'évoquer l'époque des ducs de Bretagne : chanson d'un trouvère qui voyagea en terre bretonne, mélodies inédites du duc Pierre 1er de Dreux résultant de transcriptions de manuscrits de la Bibliothèque Nationale, lamentation de l'illustre goliard Pierre Abélard, extraits du Graduel d'Aliénor de Bretagne, passepieds, trihorys et autres "danses drues et gaillardes" qui furent à la mode à la cour de la reine Anne. Ce programme inclut aussi de façon plus large de la musique d'autres pays, dont ceux avec lesquels les ducs entretenaient des relations : cantigas du roi de Castille, "rotrouenge" de Richard Coeur-de-Lion, frère de Geoffroy II ; chansons de croisade, poème d’amour goliardique extrait des Carmina Burana, ballades de Guillaume de Machaut et danses magyares auxquelles Anne de Bretagne prit part à la brillante cour de Bude en 1500 lors du mariage de sa nièce Anne de Candale avec le roi de Hongrie Ulaslo II. De sorte que, tout en illustrant les "esbatements" au temps des ducs de Bretagne, c'est à une sorte de paysage musical de l'époque qu'est consacre le présent enregistrement.


Les instruments

Les musiciens du Moyen-Age utilisaient un vaste assortiment d'instruments dont il existe une multitude de représentations artistiques : les enluminures, tableaux, gravures et sculptures de l'époque permettent de se faire une idée parfois précise de leur forme et de leur tenue. L'iconographie nous apprend qu'on les mêlait très souvent les uns aux autres dans des ensembles plus ou moins importants, mais leur rôle n'est pas clairement défini. Les instruments à cordes et a vent étaient nombreux ; parmi ces derniers, toutes sortes de flûtes - parfois en écorce de châtaigner, selon les Propos Rustiques de Noël Dufail - côtoyaient des instruments à anche et a embouchure. Des instruments à cordes pincées, parmi lesquels le luth, la mandore, le psaltérion, et bien entendu la harpe dont un musicien voulait parer le gent corps de sa dame ; à cordes frottées tels que le rebec, la vièle et l'étonnante trompette marine qui sont les attributs d'Anges Musiciens au XVe siècle (Chapelle N.D. de Carmès en Neuillac et Saint-Jacques à Merléac dans les Côtes d'Armor).

Les percussions étaient aussi très en faveur; parmi les plus courantes on peut citer le tambour, la crécelle, la cloche, les grelots, crotales et nacaires (nom donne au Moyen-Age à la timbale, de l'arabe naqqara) ; c'est au son de cet instrument et de "tous ceux qui en pouvaient faire" que Jeanne la Flamme entra dans la ville d'Hennebont assiégée lors de la guerre de Succession.

Les différents instruments utilises dans cet album sont les suivants :

— le tympanon, cithare à cordes frappées ; importe à l'époque des Croisades, cet instrument est appelé "doulcemer" dans les livres de comptes bretons qui en font état, en particulier sous le règne de Pierre II qui gratifia plusieurs fois un joueur nommé Henri Guiot.
— Le psaltérion, à cordes pincées par un plectre, ce terme désigne aussi parfois un instrument récent à cordes frottées.
— La mandore, instrument qui s'apparente au luth, avec une forme en amande.
— L'épinette, cithare à cordées pincées issue des psalterions médiévaux.
— La vielle à roue, appelée chifonie ou symphonie au Moyen-Age, est un instrument à cordes frottées par une roue enduite de résine et mises en mouvement par une manivelle, tandis que la main gauche appuie sur le clavier.
— La trompette marine : sans rapport avec la trompette, cet instrument insolite à cordes, composé d'une caisse triangulaire atteignant parfois 2 m, était joue à l'aide d'un archet.
— La harpe : très en vogue chez les Celtes, cet instrument dont le nombre de cordes variait de 7 à 30, était fort prisé dans la société courtoise où l'art musical était tenu en haute estime. Déjà au XIIe siècle, les harpeurs bretons jouissaient d'une grande faveur comme ceux que le roi Richard Coeur-de-Lion accueillit à sa cour en 1189. Le trouvère Renaut fait une très belle description de la harpe dans son roman Galeran de Bretagne :

Sa harpe est moult riche / Les chevilles en sont d'ivoire
Et les cordes en sont d'argent / Bien décorée de bêtes sauvages
Plectre y a riche et gent / C'est de la corne d'un serpent.

— La famille des flûtes à bec ou flûtes douces.
— Le tournebout, appelé douçaine par Machaut au XIVe siècle, cet instrument à anche double est plus connu sous le nom de cromorne (étymologiquement cor courbe) ; il faisait partie du bagage des "hauts ménestrieux" pour la danse.
— La corne à muse, instrument à anche figurant dans les fêtes champêtres, appartient à la meme famille que le tournebout.
— Diverses percussions de toutes dimensions se mêlent ici aux autres timbres : les crotales, cymbales de petites tailles au son retentissant "le trépié" plus connu sous le nom de triangle attesté dès le XIIIe siècle ; les grelots dont les tintements réjouissaient les danseurs. Plusieurs types de tambours sont utilisés : le tambour sur cadre "bendir" ; un tambour cylindrique dans le style du "bedon" auquel fait allusion Noël du Fail dans les Baliverneries d'Eutrapel ; la derbouka, vase en terre cuite d'origine orientale pour un chant de croisade ; le tambour à friction utilisé au Moyen-Age à l'occasion des fêtes liturgiques. Instrument archaïque composé d'un pot de terre sur lequel est tendue une peau de vessie et d'un tuyau de jonc, on fait résonner la membrane en promenant les doigts mouillés le long du tuyau ; les cloches et clochettes dont le monde médiéval bourdonnait, étaient aussi souvent utilisées dans les fêtes et cérémonies.






1. Quand je suis mis au retourvirelai de Guillaume de Machaut - XIVe siècle

Et musique est une science / Qui veut qu'on rie et chante et danse :
Cure n'a de mélancolie... / Et n'est seulement de l'ouïr
Fait-elle les gens réjouir.

La plus heureuse définition de l'art musical apparaît chez Guillaume de Machaut, homme de cour au service entre autres des ducs de Berry et de Normandie, et fidèle témoin de l'usage des instruments de son temps. En étudiant les comptes des grands seigneurs du XIVe siècle, on trouve des ménestrels chargés de "former mains divers acors". En 1392, le duc de Bretagne Jean IV avait des trompèteurs, joueurs de chalemie et buisine, ainsi qu'un serviteur pour les nacaires et tambourins. Les assemblées princières étaient esbaudies à grand foison d'instruments et de virelais que Machaut appelait "chansons baladées" et qu'il chantait, comme il le rapporte dans son Remède de Fortune, pour accompagner les danses.

2. Chanter me fait ma DamePierre de Dreux - XIIIe siècle
Cette mélodie est celle de l'une des chansons où Pierre de Dreux célèbre les vertus de la "douce seigneurie d'amour" et pare sa Dame de toutes les graces :

Chanter me fait ma Dame / Celle que j'aime tant / Et suis joyeux et soumis
Quand je contemple son corps avenant / Alors ai tous mes maux oubliés
Car du monde suis le plus fin amant.

3. Robert, Veez de PerronThibaut de Navarre - XIII' siècle

Robert, voyez ce Perron / Comme il a le coeur félon / Qui à si lointain baron
Veut sa fille marier, / Qui a si claire façon / Que l'en s'y pourrait mirer

chante le célèbre roi-poète Thibaut de Navarre lors du mariage de Yolande, fille du duc Pierre de Dreux qu'il surnomme familièrement Perron, avec Hugues de Lusignan, fils du comte de la Marche. Pourtant l'an 1237, c'est au lointain seigneur breton Jean Le Roux, fils du même Perron, que le roi Thibaut mariera sa fille Blanche. La future duchesse de Bretagne était la fille de Thibaut IV, comte de Champagne et roi de Navarre, l'un des plus importants trouvères du XIIIe siècle.

4. Puisqu'en oublieGuillaume de Machaut - XIVe siècle
Ce rondeau à trois voix exceptionnellement concis de Machaut est remarquable par sa souplesse mélodique. L'invention toute personnelle de ce novateur en musique se donne ici libre cours.

5. Je n'ose chanter trop tard ni trop souventThibaut de Navarre - XIIIe siècle
Surnomme le Faiseur de chansons, le roi-trouvère Thibaud de Navarre était toujours entouré de poètes et musiciens qu'il attirait dans ses états et à sa cour. Il avait même établi une sorte d'académie qui se réunissait dans une salle de son palais de Troyes certains jours de la semaine. Le maître de céans y livrait les secrets de son art en compagnie d'autres seigneurs-poètes comme Thibaut de Bar ou Pierre de Dreux.

6. Les oisillons de mon paisGace Brulé - XIIe siècle
La fameuse Bible de Guiot de Provins permet de reconstituer les foyers artistiques et milieux courtois de la seconde moitié du XIIe siècle : parmi les grands seigneurs dispensant leurs largesses aux trouvères figure Geoffroy II Plantagenet (1158-1186). Amateur de "rimes chères", le duc de Bretagne fut en relations personnelles avec le chevalier-poète Gace Brulé qui lui rendit visite vers 1180. Le renouveau printanier breton a mis le Champenois en Joie d'Amour, malgré le mélancolique souvenir de son pays :

Les oisillons de mon pais / Ai ouï en Bretaigne
A leur chant m'est-il bien avis / Qu'en la douce Champaigne
Les oui jadis / Si n'y ai mépris.
Ils m'ont en si doux penser mis / Qu'à chanson faire me suis pris
Tant que je parataigne (obtienne) / Ce qu'Amor m'a si longtemps promis.

Semblable aux troubadours qui célébraient le "Coms Jaufré". Gace Brulé loue "li cuens Giefrois" désigné comme le destinataire de plusieurs chansons ; gens et choses de Bretagne préoccupent le trouvère. Une mode nouvelle est née.

7. Bernard, à vous veuille demander / Pour elle qui en foliePierre de Dreux - XIIIe siècle

Pierre de Dreux, dit Mauclerc, avait d'abord été destine, comme cadet, à l'église, mais comme l'indique son sobriquet, il jeta bientôt le froc aux choux. Il devint duc de Bretagne par son mariage avec la duchesse Alix en 1212. Si l'amour courtois tient une place prépondérante dans les chansons du duc, il cède parfois le pas à l'inspiration chevaleresque ; Mauclerc participe ici à un jeu-parti. divertissement de société où il converse en musique avec Bernart de la Ferté. Quelle est pour un chevalier la vertu la plus précieuse - demande-t-il a son interlocuteur - la prousse ou la libéralité ?

Bernard, à vous veuille demander : de deux choses la plus vaillante
Prouesse, que tant oui louer, ou largesse qu'on aime tant.
Dites m'en votre semblant...
Comte de Bretaigne, sans mentir, largesse vaut mieux, ce m'est avis.
Car largesse fait homme aimer de tous ceux de son pais.
Mêmement ses ennemis peut-on conquérir par dons.

8. Bien cuidai garir AmorPierre de Dreux - XIIIe siècle
Pour se délasser de ses tortueuses intrigues politiques, le fougueux duc Pierre de Dreux composait de fraîches pastourelles à la belle Marguerite de Montaigu, jeune femme possédant les seigneuries de Machecoul et la Garnache en Sud Loire. Il s'enamoura de la "dame au chef blond, visage débonnaire, yeux verts et la bouche haut riante, de toutes l'exemplaire...", et avouait même être prit à sacrifier les honneurs et son duché pour sa maîtresse. A qui bien le servait, Amour ne pouvait manquer d'apporter sa protection, mais la Quête parsemée d'épreuves :

Je pensais bien guérir Amor / Pour fuir loin d'elle
Mais mes doux soupirs / Me font ci nouveau languir.
Je ne crains pas contrée / Où puisse ma pensée
(Dé)guerpir pour mourir.

9. Trihoryd'après l'Orchésographie - 1988
De nombreux poèmes du Moyen-Age font allusion au Trihory de Bretagne et Thoinot Arbeau, dans sa célèbre Orchésographie - sorte d'encyclopédie de la danse de son temps - le range parmi les branles : "Je l'ay aultres fois appris à danser d'un jeune Breton, lequel demeuroit avec moy escollier à Poictiers" ; il indique aussi que son pas comportait de nombreux croisements de pieds. Cette ronde de Basse-Bretagne connut une grande faveur à la cour de France à la suite des mariages de la duchesse Anne. Bonaventure des Périers ne manque pas d'évoquer l'élégance des jeunes seigneurs bretons "beaux danseurs de trihorys" et Ambroise Paré, l'illustre chirurgien de François lIer, se souvient de l'avoir vu danser aux fêtes qui furent données en son honneur lors de son voyage en Bretagne en 1543 : "Monsieur d'Etampes, pour donner passetemps et plaisir à mes dits seigneurs de Rohan et de Laval, faisait venir aux festes grande quantité de filles villageoises, pour chanter des chansons en bas-breton, où leur harmonie était de coacer comme grenouilles lorsqu'elles sont en amour Davantage leur faisait danser le trihory de Bretagne : et n'estoit sans bien remuer les pieds et fesses. Il les faisait moult bor ouyr et voir".

10. Morisqued'après l'Orchésographie - 1988
Lors du mariage de la duchesse Anne avec le roi Charles VIII au château de Langeais en 1491, la ville de Rennes organisa le "réjoisement et solempnité des noces de la Royne" qui se transforma en véritable liesse populaire. La "mise des sieurs et bourgeois" indique qu'il y eut des "sonneurs de rebec et de flûte, qui étoient allemands". A ceux-ci se joignirent des joueurs de tambourin qui rythmaient les pas des danseurs de morisques qu'imitaient bourgeois et gentilshommes. Les danseurs portaient des jaquettes blanches et bleues décorées de minces feuilles d'or battu et arboraient des cornettes avec des plumes blanches, violettes et jaunes, tandis que des grelots tintaient à leurs chausses. Les joueurs d'instruments avaient revêtu des robes couleur azur peintes d'hermines et de fleurs de lys, et des fous en chaperons et hauts-de-chausses débitaient leurs joyeusetés, tandis que "quatre pipes de vin étoient défoncées aux carrefours, a qui boire en vouloit" !

11. Ker-YsAnonyme, Bretagne
"Vis-d-vis de I'lle Tristan, aux environs de Douarnenez, en ce lieu les traditions et vieilles histoires de Bretagne portent que fut la ville d'Ys, abîmée du temps d'un roi Grallon, par la meschanceté de sa fille, la princesse Dahut qui, oubliant la pudeur et la modération, y donnoit l'exemple de tout genre de dépravation", relate Dubuisson-Aubenay dans son Itinéraire de Bretagne. L'heure de la vengeance divine arrivait. Un jour, Saint Guénolé, saisi d'enthousiasme comme les prophètes ou la sibylle de Cume, prononça d'une voix sombre ces mots devant le roi Grallon : "Prince, le désordre est au comble ; le bras de l’Éternel s'élève, la mer se gonfle, la cité d'Ys va disparaître, partons...".
Le roi Grallon s'éloigne à toute bride ; sa fille le suit en croupe ; la main de l’Éternel s'abaisse les plus hautes tours de la ville d'Ys sont englouties ; une voix terrible se fait entendre :
"Prince, si tu veux te sauver secoue le diable qui te suit en croupe".
Et le père jeta sa fille de dessus son cheval et l'abandonna en la mer qui gagnait et le suivait, lui se sauvant et fuyant, comme Loth de Sodome.

12. Olach Tancz / Alla HungaricaCodex Vietoricz
Conviée en 1500 à assister en Hongrie au mariage du roi Ulaslo Il avec Anne de Candale, nièce de Louis XII, la reine Anne fut éblouie par la brillante culture de la cour de Bude. Musique, joutes et festins mélés de danses hongroises se succédèrent au palais royal ; les citharistes et joueurs de tzimbalom les plus réputés vinrent se produire devant les souverains. Dans la suite de la reine Anne se trouvait Pierre Choque, dit Bretagne, son premier héraut et roi d'armes. qui relata ces tees nuptiales : "Puis commencèrent maints instruments a jouer tant de musique qu'autres la se firent maintes dances".

13. Comment qu'à moy / Douce Dame JolieGuillaume de Machaut - XIVe siècle
Les thèmes de prédilection de Machaut restent courtois et marqués par l'influence du Roman de la Rose. Les virelais Comment qu'a moy et Douce Dame Jolie sont de beaux exemples de la monodie expressive inventée par ce maître de la rhétorique qui ouvre la voie aux admirables poètes que sont Christine de Pisan, Charles d'Orléans ou le Breton Jehan Meschinot, auteur de ces vers ciselés qui semblent destinés a quelque mélodie :
M'aimerez-vous bien,
Dites, par vostre âme?
Mais que je vous aime
Plus que nulle rien,
M'aimerez-vous bien ?
Dieu mit tant de bien
En vous, que c'est baume
Pour ce je me clame
Vostre, mais combien
M'aimerez-vous bien ?

14. Branles d'Écossed'après l'Orchésographie - 1988
Le duc François Ier (1442-1450) fut un prince-chevalier qui aimait les fêtes et la musique. Il faisait donner au château de l'Hermine à Vannes des tournois de chevalerie auxquels succédaient d'élégants délassements où chansons et danses étaient a l'honneur. Pour se recréer et faire bonne digestion, on menait des "tors, caroles et branles d'Escosse" qui rappelaient à la belle Isabeau Stuart, épouse du duc, les divertissements "par mesure binaire légère" de son pays.

15. Quand je vois hyver retornerColin Muset - XIIIe siècle
Les ducs de Bretagne aimaient prendre leurs "relasches et plaisirs" en leur château de Suscinio, possédant "cour spacieuse et belles salles hautes à festin et à bal", selon le voyageur Dubuisson-Aubenay. La table ducale exigeait le concours de queux, pannetiers, boteliers et sauciers ; pour la seule année 1305, Jean II offrit plusieurs "grands mangiers" dans les pavillons disséminés dans la forêt de Rhuys. Les belles ripailles de

Porc et buef et mouton / Malarz, faisans et venoison
Grasses, gélines et chapons / Et bons fromages en glaon
étaient le salaire rêvé des jongleurs faisant honneur a ces assemblées.

16. Passepieds de Bretagne  Anonyme - XVIe siècle
Thoinot Arbeau en son Orchésographie dit que "la danse sert grandement a la santé, mesmement des jeunes filles, lesquelles étant ordinairement sédentaires et attentives d leurs lanifices, broderies et ouvrages d'aiguilles, font amas de plusieurs mauvaises humeurs et ont besoin de les faire exhaler par quelque exercice tempéré". Le passepied de Bretagne dansé par "mouvements nobles et sérieux" était au nombre de ces modulations à la cour de France, à la suite des mariages de la duchesse Anne. Marguerite de Valois se souvient, dans ses mémoires, de l'avoir vu danser par des Bretonnes lors de récréations exécutées devant sa mère, et Bonaventure des Périers ne manque pas d'évoquer l'élégance des jeunes seigneurs bretons "beaux danseurs de passepieds et trihorys".

17. Reis GloriosGuiraut de Borneilh - XIIIe siècle
Le duc de Bretagne Geoffroy II Plantagenêt eut de nombreuses relations avec le monde des troubadours. Elles s'expliquent bien par son ascendance - il était le fils d'Aliénor d'Aquitaine, l'une des plus ardentes instigatrices de l'amour courtois - et les fréquents séjours qu'il fit dans les possessions occitanes de sa mère. L'entourage de Geoffroy était nettement bilingue et sa cour fut un lieu de rencontres entre troubadours, trouvères et poètes-harpeurs. Surnommé "Maestre dels trobadors", le maître des troubadours, Guiraut de Borneilh appartient à la lignée des troubadours limousins et fréquenta les cours itinérantes des brillants princes Plantagenêt. Son admirable chanson d'aube nous fait souscrire au jugement de son entourage : elle exprime le désarroi des amants de devoir se séparer, prévenus par le guetteur du retour félon du jour qui verra reparaître les médisants et les jaloux.

18. Lamento de TristanAnonyme - XIVe siècle
Les jongleurs bretons furent les interprètes adulés des lais dans les grandes cours féodales de tout l'ouest européen du XIe au XIIIe siècle. Les légendes de Tristan et du roi Arthur. populaires au Pays de Galles et en Armorique, prirent une grande extension à cette époque pour bientôt dépasser les limites du monde celtique. Elles se propagèrent, par la voix de "fabulateurs" bretons et anglo-normands, dans le monde roman, jusqu'en Espagne et en Italie, à l'image de cet air mélancolique extrait d'un manuscrit du XIVe siècle.

19. Rondet de CaroleAnonyme - XIIIe siècle
Certaines caroles se menaient en ribambelles travers les cimetières et durent être à l'origine des vestiges de rites païens liés à la magie et à la mort. Bien que divers auteurs dès le XIIe siècle fassent allusion aux "tors et caroles qu'on fait en Bretaigne", on sait peu de choses de ces danses, hormis que l’Église n'eut de cesse de les interdire. Alain de la Rue, évêque de Saint-Brieuc, adresse en 1421 de véhémentes remontrances à "ceux qui mènent danses et autres jeux voluptueux et bruyants dans les cimetières et autres pratiques dissolues qui empêchent la dévotion et provoquent ordinairement dangers, scandales et incitations aux péchés, en particulier ceux de la chair".

20. Li soleil luit  Lai anonyme - XIIIe siècle
Tandis que Tristan et Iseut brûlent l'un pour l'autre d'une passion qui ne s'éteindra qu'avec leur vie, le roi Marc fait croire à la reine que son amant est mort. Alors, pour Tristan,. Iseut s'offre à mourir en un beau verger parmi les oiseaux qui élèvent leur chant nouveau : "Et en atemprant sa harpe, elle commença tout en plourant son lay en tel manière".

21. A vous, AmantChâtelain de Coucy - XIIe siècle
Pèlerin, l'homme médiéval s'en allait vers les Lieux Saints, et maints chevaliers composèrent des chansons au moment du départ, ainsi cet émouvant adieu du sire de Coucy à sa dame qu'il ne devait jamais revoir.

22. Chant de PalestineW. de Vogelweide - XIIIe siècle
Une très belle pièce religieuse due au grand trouvère W. de Vogelweide à l'occasion de sa participation à la croisade de 1228. Le duc Pierre de Dreux, qui fut, avec Thibaut de Navarre, le chef de la croisade de 1238, passa trois ans en Orient puis guerroya aux côtés de Saint-Louis en Égypte. Grièvement blessé à la bataille de Mansourah, il mourut en mer lors de la traversée de retour. Le duc de Bretagne avait aussi composé une chanson de croisade dont la mélodie n'a pas été conservée :

Doux Sire qui nous avez racheté, / Par votre corps que livrattes pour nous
De votre gré mort souffrites pour tous / Et au tiers jour en Enfer brulastes vous
Et vous flûites trahi, ayez pitié de nous.

(B.N.Ms fr. 84,7. fol. 202 vo).

23. Muito devemos / Ay Santa MariaAlphonse Le Sage - XIIIe siècle
Par le mariage d'Alphonse VIII avec Aliénor Plantagenêt - sœur de Geoffroy de Bretagne - et grâce à l'action personnelle d'Aliénor d'Aquitaine, la Castille devint un centre fréquenté par les troubadours. L'art du trouver connut un regain de vital sous le roi Alphonse Le Sage (1252-1284) dont les Cantigas de SANTA MARIA sont des chansons à la louange de la Vierge. La langue des Cantigas est le galicien.

24. Sire, fer faîtes me un jugementThibaud de Navarre - XIIIe siècle
Jeu-parti du célèbre trouvère sur une question galante.

25. Ja nuns hons prisRichart Coeur de Lion - XIIe siècle
Frère de Geoffroy de Bretagne, le roi Richart Coeur de Lion recrutait des ménestrels pour éveiller la sympathie populaire et asseoir sa réputation. En 1189, il accueillit des harpeurs bretons à sa cour. Deux chansons sont attribuées a ce roi-poète ; sa célèbre rotrouenge évoque sa captivité en Autriche où il attend vainement dans sa prison que ses amis aient rassemblé l'énorme rançon qu'exige de lui l'empereur d'Allemagne qui l'a fait prisonnier en 1192 au retour de Terre Sainte.

26. Breve RegnumAnonyme XIVe siècle
Les clercs, dans toute l'Europe, versifiaient et chantaient en latin des chansons de circonstance. Breve Regnum, hymne polonais avec des paroles latines d'origine occidentale, semble célébrer l'élan joyeux d'une époque où Louis Ier, prince de la maison d'Anjou, règne sur la Pologne.

27. Planctus Dolorum SolatiumPierre Abélard - XIIe siècle
Il n'est pas de plus brillant et plus dramatique roman d'amour que celui d'Héloïse et Abélard. Le Planctus Dolorum Solatium est une des sept mélodies composées pour la cantillation de ses lamentations par le Breton Pierre Abélard qui, selon le mot de Villon, "pour la très sage Héloïse châtré fut et puis moine à Saint-Denis, pour son amour eut cet essoine (malheur)". Un grand nombre de pièces rythmiques profanes en latin de l'âge des goliards sont liées à la musique, à la danse et aux jeux. Galants inlassables et auteurs de chansons rebelles, les goliards étaient d'anciens clercs, détachés depuis longtemps des écoles, qui gagnaient leur vie dans les cours des princes de l’Église et les assemblées, à la manière des ménestrels. Ils devaient leur surnom à Goliath, adversaire biblique de David ; cette expression fut mise en vogue au XIIe siècle, pendant le fameux duel entre le grand dialecticien breton Abélard et Saint Bernard qui l'appelait le "nouveau Goliath". Né en 1079 au bourg du Pallet près de Nantes, Pierre Abélard fut clerc avant d'aimer la belle Héloïse qu'il célébra en des chants que colportaient jongleurs et goliards. Il stimula sans doute vivement par son œuvre poétique et son exemple la poésie amoureuse et satirique en latin.

28. Tempus transit gelidumCarmina Burana
Tempus transit gelidum est un chant d'amour anonyme extrait des Carmina Burana :

La froidure s'en va, le monde est en renouveau.
Le printemps revient, la beauté est offerte aux choses.


29. Kyrie Orbis factor / Alleluia post partumGraduel d'Aliénor de Bretagne, XIVe' siècle
Fille du duc Jean II et de Béatrix d'Angleterre, Aliénor de Bretagne naquit en 1275. Après être entrée au monastère d'Ambresbury rattaché à Fontevraud, elle devint en 1304 la seizième mère-abbesse de la célèbre abbaye angevine fondée par le prédicateur breton Robert d'Arbrissel. Actuellement conservé à la Bibliothèque Municipale de Limoges, le Graduel d'Aliénor de Bretagne, manuscrit richement enluminé et portant ses armoiries, offre un répertoire tiré de bibles, missels, bréviaires et psautiers, témoignage de la vie musicale dans les couvents fontevristes.

30. O Frondens VirgaHildegarde de Bingen, XIIe siècle
Tout le Moyen Age a cru à la réalité et à l'importance des visions ; Sainte Hildegarde, mystique et auteur de traités de médecine, expose dans son «Scivias» ses révélations divines :

«Et dans cette lumière m'apparut une autre splendeur, semblable à l'aurore, qui avait aussi une clarté couleur de pourpre...»