Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont apporté
leur aide pour cette réalisation, tout particulièrement
Tanguy Le Doré, Brigitte Nicolas (Conservateur du Patrimoine
Mobilier du Morbihan), Sarah Toulouse (Conservateur Bibliothèque
Municipale de Rennes), Caroline Meyer pour le prêt d'instruments,
Martine Rouxel, Maryvonne Mazoyer, Joëlle Oliviero, Danièle
Derriennig, Ronan Allaire pour sa transcription du Planctus d'Abelard,
la direction de la Maison Ker-Anna à Sainte-Anne d'Auray
où a eu lieu la prise de son.
Gerard LOMENEC'H
Cet album "Musiques au temps des Ducs de Bretagne" fait suite a
l'ouvrage de Gérard LOMENEC'H "Chantres et Ménestrels à la Cour de
Bretagne" (Editions Ouest-France-Université 1993) qui évoque la vie
artistique et musicale des maisons princières bretonnes. Passionné de
recherche musicologique, tout particulièrement intéressé par la lyrique
courtoise, Gérard LOMENEC'H s'attache d faire reverdir l'univers musical
du Moyen-Age par la reconstitution d'instruments anciens et l'étude de
leurs racines populaires et savantes.
Sa harpe est moult riche / Les chevilles en sont d'ivoire
— La famille des flûtes à bec ou flûtes douces.
Et musique est une science / Qui veut qu'on rie et chante et danse :
La
plus heureuse définition de l'art musical apparaît chez Guillaume de
Machaut, homme de cour au service entre autres des ducs de Berry et de
Normandie, et fidèle témoin de l'usage des instruments de son temps. En
étudiant les comptes des grands seigneurs du XIVe siècle, on trouve des
ménestrels chargés de "former mains divers acors". En 1392, le duc de
Bretagne Jean IV avait des trompèteurs, joueurs de chalemie et buisine,
ainsi qu'un serviteur pour les nacaires et tambourins. Les assemblées
princières étaient esbaudies à grand foison d'instruments et de virelais
que Machaut appelait "chansons baladées" et qu'il chantait, comme il
le rapporte dans son Remède de Fortune, pour accompagner les danses.
Chanter me fait ma Dame / Celle que j'aime tant / Et suis joyeux et soumis
3. Robert, Veez de Perron • Thibaut de Navarre - XIII' siècle
Robert, voyez ce Perron / Comme il a le coeur félon / Qui à si lointain baron
chante
le célèbre roi-poète Thibaut de Navarre lors du mariage de Yolande,
fille du duc Pierre de Dreux qu'il surnomme familièrement Perron, avec
Hugues de Lusignan, fils du comte de la Marche. Pourtant l'an 1237,
c'est au lointain seigneur breton Jean Le Roux, fils du même Perron, que
le roi Thibaut mariera sa fille Blanche. La future duchesse de Bretagne
était la fille de Thibaut IV, comte de Champagne et roi de Navarre,
l'un des plus importants trouvères du XIIIe siècle.
Les oisillons de mon pais / Ai ouï en Bretaigne
Semblable
aux troubadours qui célébraient le "Coms Jaufré". Gace Brulé loue "li cuens Giefrois"
désigné comme le destinataire de plusieurs chansons ;
gens et choses de Bretagne préoccupent le trouvère. Une mode nouvelle
est née.
Bernard, à vous veuille demander : de deux choses la plus vaillante
8. Bien cuidai garir Amor •
Pierre de Dreux - XIIIe siècle
Je pensais bien guérir Amor / Pour fuir loin d'elle
9. Trihory • d'après l'Orchésographie - 1988
Porc et buef et mouton / Malarz, faisans et venoison
16. Passepieds de Bretagne Anonyme - XVIe siècle
Doux Sire qui nous avez racheté, / Par votre corps que livrattes pour nous (B.N.Ms fr. 84,7. fol. 202 vo).
23. Muito devemos / Ay Santa Maria • Alphonse Le Sage - XIIIe siècle
La froidure s'en va, le monde est en renouveau.
«Et dans cette lumière m'apparut une autre splendeur,
semblable à l'aurore, qui avait aussi une clarté couleur
de pourpre...»
medieval.org
Escalibur CD865
1996
1. Quand je suis mis au retour [1:38] virelai de
Guillaume de MACHAUT, XIVe siècle
tympanon, tournebout, bendir, harpe celtique, vielle à roue
2. Chanter me fait ma Dame [1:39]
PIERRE de DREUX, XIIIe siècle
tournebout, flûte à bec, harpe celtique, trompette marine, crotales, tambour
3. Robert, veez de Perron [0:58]
THIBAUT de NAVARRE, XIIIe siècle
harpe celtique, tympanon, tournebout- tambour, cymbales
4. Puisqu'en oublie [2:32]
Guillaume de MACHAUT, XIVe siècle
contre-ténor, baryton, basse
5. Je n'ose chanter trop tard ni trop souvent [0:55]
THIBAUT de NAVARRE, XIIIe siècle
psaltérion
6. Les oisillons de mon païs [1:31]
Gace BRULÉ, XIIe siècle
baryton, harpe celtique, flûte à bec, triangle
7. Bernard, à vous veuille demander / Pour elle [2:43]
PIERRE de DREUX, XIIIe siècle
psaltérion, clochette, flûte basse, harpe celtique, tambour, hochet-sonnailles / tournebout, tambour
8. Bien cudai garir Amor [2:24]
PIERRE de DREUX, XIIIe siècle
contre-ténor, tympanon, harpe celtique, flûte à bec
9. Trihory [1:05]
d'après l'Orchésographie, 1588
tympanon, harpe celtique, flûte à bec, tournebout, tambour, trompette marine, tambour à friction
10. Morisque [1:54]
d'après l'Orchésographie, 1588
tympanon, harpe celtique, flûte à bec, tambour, tambour de basque
11. Ker-Ys [2:57] anonyme, Bretagne
basse, tympanon, flûte à bec, corne à muse
12. Olach Tancz / Alia Hungarica [2:54] Codex Vietoricz
tympanon, harpe celtique, flûte basse, bendir, triangle / tympanon,
harpe celtique, flûte à bec, derbouka, crotales
13. Comment qu'à moy / Douce Dame Jolie [4:01]
Guillaume de MACHAUT, XIVe siècle
baryton, épinette, tambour / épinette, flûte à bec, derbouka
14. Branles d'Ecosse [1:38]
d'après l'Orchésographie, 1588
tympanon, harpe celtique, bois, timbales
/ tympanon, harpe celtique, timbales, flûte à bec,
tournebout, trompette marine
15. Quand je vois hyver retorner [1:59]
Colin MUSET, XIIIe siècle
harpe celtique, flûte à bec, épinette, crotales
16. Passepieds de Bretagne [1:43] anonyme, XVIe siècle
harpe celtique, Ma, flûte à
bec, bois / harpe celtique, flûte à bec,
psaltérion à archet, tambour
17. Reis glorios [2:00]
Guiraut de BORNEILH, XIIIe siècle
basse, baryton
18. Lamento de Tristan [2:35] anonyme, XIVe siècle
tympanon, derbouka
19. Rondet de Carole [0:37] anonyme, XIIIe siècle
tympanon, tambour, flûte à bec
20. Li soleil luit [2:34] lai anonyme, XIIIe siècle
contre-ténor, harpe celtique, tympanon
21. A vous, Amant [3:28]
CHÂTELAIN de COUCY, XIIe siècle
baryton, tympanon, trompette marine
22. Chant de Palestine [1:15]
W. de VOGELWEIDE, XIIIe siècle
flûte à bec, tournebout, épinette, derbouka
23. Muito devemos
CSM 2 /
Ay Santa Maria
CSM 79
[5:33]
ALPHONSE LE SAGE, XIIIe siècle
contre-ténor, épinette,
flûte à bec, derbouka / tympanon, contre-ténor,
flûte à bec
24. Sire, fer faites me un jugement [0:55]
THIBAUT de NAVARRE, XIIIe siècle
tympanon
25. Ja nuns hons pris [3:06]
RICHARD CŒUR de LION, XIIe siècle
harpe celtique, baryton
26. Breve Regnum [1:48] anonyme XIVe siècle
basse, baryton
27. Planctus Dolorum Solatium [2:58]
Pierre ABÉLARD, XIIe siècle
tournebout, vielle à roue, tambour
28. Tempus transit gelidum [2:21] Carmina Burana
CB 179
contre-ténor, tympanon, harpe celtique, flûte à bec, baryton
29. Kyrie Orbis factor, Alleluia post partum [4:01]
Graduel d'Aliénor de Bretagne, XIVe siècle
basse, baryton, vielle à roue
30. O Frondens Virga [3:15]
HILDEGARDE de BINGEN, XIIe siècle
basse, vielle à roue
Ont participé à cet enregistrement :
Franck MELET — flutes à bec, tournebout, voix de basse
Nathalie OLIVIERO — harpe celtique
Antonin VOLSON — tambour, tambour de basque, cymbales, derbouka, crotales, timbales, triangle, bois
Gérard LOMENEC'H — tympanon, épinette, mandore, psaltérions, vielle, trompette marine, baryton
Alan GUILLOUX — corne à muse, voix de basse
André PRADINES — contre-ténor
Yann COUEDELO — tournebout
Ronan GUILLOUX — trompette marine, clochettes
Didier BEUTTER, voix de basse
Kathryn MAINIL, tambour à friction
Illustration jaquette : Coffret de mariage en bois et parchemin
peint du XIIe siècle. Trésor de la Cathédrale de
Vannes.
Cliché : M. Frélézaux, Conservation Départamentale du Patrimonie Mobilier du Morbihan.
Illustration de dos : Chanteurs au Lutrin - Bibliothèque Municipale de Rennes - MS 1437, F 93 V
℗ Coop Breizh - 1996
Vannes, Mai 1996.
Restitué, adapté et dirigé
par Gérard LOMENEC'H, le répertoire de cet album a été choisi pour son
caractère vivant et diversifié. A défaut de pouvoir appréhender
l'authenticité d'une musique si éloignée dans le temps, l'auditeur
pourra se représenter une image sonore des "relasches et plaisirs" des
cours de Bretagne et d'ailleurs.
Ménestrels à la Cour de Bretagne
Comme
les autres princes de leur temps, les ducs de Bretagne organisèrent
très tôt une vie de cour agrémentée de jeux et spectacles divers, et
aimaient se "recréer" aux comiques inventions de leurs bouffons. La
musique fut l'objet en Bretagne - comme en Bourgogne ou en Anjou - des
préoccupations princières et sa présence est attestée dans presque tous
les actes de la vie des ducs.
Les livres d’heures. peintures, romans et chroniques de
l'époque rappellent au mieux les fastes du Moyen-Age : ducs et
duchesses dans leurs somptueuses tenues, magnificence des salles de
banquets où officiaient des ménestrels et jongleurs
chargés d'accompagner toutes les solennités. Des
jongleurs exercèrent leur talent très tôt à
la cour de Bretagne : le duc Conan II (1040-1066) de la maison de
Rennes avait dans sa suite un "citharista" (joueur de petite harpe),
tandis que l'on dénombre parmi les serviteurs d'Hoël de
Cornouaille (1066-1084) un harpeur nommé Cadiou et Pontel,
chanteur "de geste". La présence de musiciens était
l'indispensable complément des somptueuses fêtes que
donnaient les ducs dans leurs demeures de plaisance. Fleur de
chevalerie et courtoisie, le duc Geoffroy II (1158-1186) avait
lui-même le goût de la poésie et se montrait
généreux pour les trouvères et poètes d'oc.
Le "cuens Giefrois" est cité à l'envoi de plusieurs
chansons du Champenois Gace Brulé et fut
célébré par les troubadours: Bertran de Born,
Guiraut de Borneilh, Gaucelm Faidit et Guiraut de Calanson entre autres
le côtoyèrent. Pierre Ier de Dreux, dit Mauclerc, fut
quant à lui trouvère et fit partie avec le Comte Charles
d'Anjou. Savaric de Mauléon et Conon de Béthune, de cette
lignée de grands seigneurs-poètes dont le maître
était Thibaut de Navarre. Le bagage artistique de Pierre
Mauclerc se compose de six chansons où sont
représentés différents genres de la lyrique
d'oïl: quatre chansons d'amour, un chant religieux dont la
mélodie n'a pas été conservée et un
jeu-parti entre deux poètes rivaux sur un sujet de casuistique
chevaleresque.
Ce prince-trouvère maniait la rime avec autant de grâce
que la matière musicale, et compte parmi les dignes
représentants de la gent poétesse du Moyen-Age. Les ducs
de Dreux-Montfort qui succédèrent à la maison de
Dreux entretenaient divers "ménestrieux" pour les divertissements
profanes, ainsi qu'une chapelle de chantres dont la destination
était toute spirituelle. Jean II écoutait
régulièrement son viéleur psalmodier des chansons
de geste. Parmi les domestiques charges des plaisirs de Monseigneur le
duc Jean IV, on cite des "ménestrelx", joueurs de trompettes et
bouffons. On lui présenta, un jour à Suscinio, un nain
breton haut de vingt-six pouces seulement qu'il garda à son
service et fit les délices de ses séjours à Rhuys.
Quatre ménestrieux avaient "bouche à cour et leur pension"
dans la maison du duc Jean V - prince raffiné ayant un
goût prononcé pour la musique - tandis que six chapelains
s'occupaient des soins de l'âme. Jean V encouragea aussi les
premières représentations de mystères en Bretagne
: la Passion et la Résurrection furent jouées devant lui
à Rennes en 1430. Le duc Pierre II se distinguait par le luxe de
sa suite et des gens attachés à sa maison. "Joieux
à merveilles", il aimait les ballades et la musique : dans un
compte fait en 1454 au manoir de Lestrennig à Vannes,
des "menestrielx, trompettes, clérons et Henri Guiot joueur de
doulcemer" émargent sur le trésor ducal. Le "déduit" préféré de la duchesse
Françoise d'Amboise était le luth dont elle jouait
parfaitement, et elle se plaisait aussi à écouter les
ballades du poète Jehan Meschinot qui était à
demeure à la cour. Les divertissements ordinaires du duc
François II exigeaient la présence de maîtres es
bouffonneries qu'il gratifiait de fréquents cadeaux pour
leurs "bons tours, faintes et finesses". Dans l'état de la maison
de la reine Anne pour l'année 1498, on note la présence
de nombreux chantres et ménestrels. Deux musiciens de
Basse-Bretagne - lvon le Brun et Prégent Jagu - sont compris
parmi les "officiers de l'ostel de la Royne" : il leur est "baillé
par ordre de la dicte dame, pour leur estraines du premier jour de l'an
1498, la somme de soixante-dix sols tournois en deux écus d'or".
Ces ménestrels font la joie d'Anne de Bretagne et sonnent chaque
matin sur la terrasse du château de Blois, devant le cantonnement
de sa garde bretonne. Divers joueurs d'instruments accompagnent les
chanteurs de la reine: Jacques Loriguer joue de la manicorde ou
épinette sourde à 70 cordes ; Jehannot Dubois du rebec ;
Pierre Ivon du luth, Guillaume Bourdin de l'échiquier et
Petit-lehan Chargaigne du tambourin. Anne de Bretagne manifesta tout au
long de sa vie un intérêt considérable pour l'art,
encourageant écrivains et poètes de l'école des
Rhétoriqueurs, s'entourant de peintres, enlumineurs et
ménestrels, et on peut parler à son propos d'un
véritable mécénat artistique.
Le répertoire
Les pièces interprétées sur cet album s'étalent du
XIe siècle aux abords de la Renaissance. Bien entendu, elles ne se
trouvent pas telles quelles dans les manuscrits, la notation en musique
médiévale étant seulement un guide pour l'exécution : il a fallu ajouter
des ornements, meubler les cadences et les arranger pour les
instruments. Le choix de ces pièces a été dicte par le souci d'évoquer
l'époque des ducs de Bretagne : chanson d'un trouvère qui voyagea en
terre bretonne, mélodies inédites du duc Pierre 1er de Dreux résultant
de transcriptions de manuscrits de la Bibliothèque Nationale,
lamentation de l'illustre goliard Pierre Abélard, extraits du Graduel
d'Aliénor de Bretagne, passepieds, trihorys et autres "danses drues et
gaillardes" qui furent à la mode à la cour de la reine Anne. Ce
programme inclut aussi de façon plus large de la musique d'autres pays,
dont ceux avec lesquels les ducs entretenaient des relations : cantigas
du roi de Castille, "rotrouenge" de Richard Coeur-de-Lion, frère de
Geoffroy II ; chansons de croisade, poème d’amour goliardique extrait
des Carmina Burana, ballades de Guillaume de Machaut et danses magyares
auxquelles Anne de Bretagne prit part à la brillante cour de Bude en
1500 lors du mariage de sa nièce Anne de Candale avec le roi de Hongrie
Ulaslo II. De sorte que, tout en illustrant les "esbatements" au temps
des ducs de Bretagne, c'est à une sorte de paysage musical de l'époque
qu'est consacre le présent enregistrement.
Les instruments
Les
musiciens du Moyen-Age utilisaient un vaste assortiment d'instruments
dont il existe une multitude de représentations artistiques : les
enluminures, tableaux, gravures et sculptures de l'époque permettent de
se faire une idée parfois précise de leur forme et de leur tenue.
L'iconographie nous apprend qu'on les mêlait très souvent les uns aux
autres dans des ensembles plus ou moins importants, mais leur rôle n'est
pas clairement défini. Les instruments à cordes et a vent étaient
nombreux ; parmi ces derniers, toutes sortes de flûtes - parfois en
écorce de châtaigner, selon les Propos Rustiques de Noël Dufail -
côtoyaient des instruments à anche et a embouchure. Des instruments à
cordes pincées, parmi lesquels le luth, la mandore, le psaltérion, et
bien entendu la harpe dont un musicien voulait parer le gent corps de sa
dame ; à cordes frottées tels que le rebec, la vièle et l'étonnante
trompette marine qui sont les attributs d'Anges Musiciens au XVe siècle
(Chapelle N.D. de Carmès en Neuillac et Saint-Jacques à Merléac dans les
Côtes d'Armor).
Les percussions étaient aussi très en faveur;
parmi les plus courantes on peut citer le tambour, la crécelle, la
cloche, les grelots, crotales et nacaires (nom donne au Moyen-Age à la
timbale, de l'arabe naqqara) ; c'est au son de cet instrument et de "tous ceux qui en pouvaient faire" que Jeanne la Flamme entra dans la
ville d'Hennebont assiégée lors de la guerre de Succession.
Les différents instruments utilises dans cet album sont les suivants :
—
le tympanon, cithare à cordes frappées ; importe à l'époque des
Croisades, cet instrument est appelé "doulcemer" dans les livres de
comptes bretons qui en font état, en particulier sous le règne de Pierre
II qui gratifia plusieurs fois un joueur nommé Henri Guiot.
— Le psaltérion, à cordes pincées par un plectre,
ce terme désigne aussi parfois un instrument récent
à cordes frottées.
— La mandore, instrument qui s'apparente au luth, avec une forme en amande.
— L'épinette, cithare à cordées pincées issue des psalterions médiévaux.
—
La vielle à roue, appelée chifonie ou symphonie au Moyen-Age, est un
instrument à cordes frottées par une roue enduite de résine et mises en
mouvement par une manivelle, tandis que la main gauche appuie sur le
clavier.
— La trompette marine : sans rapport avec la trompette, cet
instrument insolite à cordes, composé d'une caisse triangulaire
atteignant parfois 2 m, était joue à l'aide d'un archet.
— La harpe : très en vogue chez les Celtes, cet instrument dont le nombre de
cordes variait de 7 à 30, était fort prisé dans la société courtoise où
l'art musical était tenu en haute estime. Déjà au XIIe siècle, les
harpeurs bretons jouissaient d'une grande faveur comme ceux que le roi
Richard Coeur-de-Lion accueillit à sa cour en 1189. Le trouvère Renaut
fait une très belle description de la harpe dans son roman Galeran de
Bretagne :
Et les cordes en sont d'argent / Bien décorée de bêtes sauvages
Plectre y a riche et gent / C'est de la corne d'un serpent.
—
Le tournebout, appelé douçaine par Machaut au XIVe siècle, cet
instrument à anche double est plus connu sous le nom de cromorne
(étymologiquement cor courbe) ; il faisait partie du bagage des "hauts
ménestrieux" pour la danse.
— La corne à muse, instrument à anche figurant dans les
fêtes champêtres, appartient à la meme famille que
le tournebout.
— Diverses percussions de toutes dimensions se mêlent ici aux
autres timbres : les crotales, cymbales de petites tailles au son
retentissant "le trépié" plus connu sous le nom de triangle
attesté dès le XIIIe siècle ; les grelots dont les
tintements réjouissaient les danseurs. Plusieurs types de
tambours sont utilisés : le tambour sur cadre "bendir" ; un tambour cylindrique dans le style du "bedon" auquel fait
allusion Noël du Fail dans les Baliverneries d'Eutrapel ; la
derbouka, vase en terre cuite d'origine orientale pour un chant de
croisade ; le tambour à friction utilisé au Moyen-Age
à l'occasion des fêtes liturgiques. Instrument
archaïque composé d'un pot de terre sur lequel est tendue
une peau de vessie et d'un tuyau de jonc, on fait résonner la
membrane en promenant les doigts mouillés le long du tuyau ; les
cloches et clochettes dont le monde médiéval bourdonnait,
étaient aussi souvent utilisées dans les fêtes et
cérémonies.
1. Quand je suis mis au retour •
virelai de Guillaume de Machaut - XIVe siècle
Cure n'a de mélancolie... / Et n'est seulement de l'ouïr
Fait-elle les gens réjouir.
2. Chanter me fait ma Dame • Pierre de Dreux - XIIIe siècle
Cette
mélodie est celle de l'une des chansons où Pierre de Dreux célèbre les
vertus de la "douce seigneurie d'amour" et pare sa Dame de toutes les
graces :
Quand je contemple son corps avenant / Alors ai tous mes maux oubliés
Car du monde suis le plus fin amant.
Veut sa fille marier, / Qui a si claire façon / Que l'en s'y pourrait mirer
4. Puisqu'en oublie • Guillaume de Machaut - XIVe siècle
Ce
rondeau à trois voix exceptionnellement concis de Machaut est
remarquable par sa souplesse mélodique. L'invention toute personnelle de
ce novateur en musique se donne ici libre cours.
5. Je n'ose chanter trop tard ni trop souvent • Thibaut de Navarre - XIIIe siècle
Surnomme
le Faiseur de chansons, le roi-trouvère Thibaud de Navarre était
toujours entouré de poètes et musiciens qu'il attirait dans ses états et
à sa cour. Il avait même établi une sorte d'académie qui se réunissait
dans une salle de son palais de Troyes certains jours de la semaine. Le
maître de céans y livrait les secrets de son art en compagnie d'autres
seigneurs-poètes comme Thibaut de Bar ou Pierre de Dreux.
6. Les oisillons de mon pais • Gace Brulé - XIIe siècle
La
fameuse Bible de Guiot de Provins permet de reconstituer les foyers
artistiques et milieux courtois de la seconde moitié du XIIe siècle :
parmi les grands seigneurs dispensant leurs largesses aux trouvères
figure Geoffroy II Plantagenet (1158-1186). Amateur de "rimes chères",
le duc de Bretagne fut en relations personnelles avec le
chevalier-poète Gace Brulé qui lui rendit visite vers 1180. Le renouveau
printanier breton a mis le Champenois en Joie d'Amour, malgré le
mélancolique souvenir de son pays :
A leur chant m'est-il bien avis / Qu'en la douce Champaigne
Les oui jadis / Si n'y ai mépris.
Ils m'ont en si doux penser mis / Qu'à chanson faire me suis pris
Tant que je parataigne (obtienne) / Ce qu'Amor m'a si longtemps promis.
7. Bernard, à vous veuille demander / Pour elle qui en folie •
Pierre de Dreux - XIIIe siècle
Pierre
de Dreux, dit Mauclerc, avait d'abord été destine, comme cadet, à
l'église, mais comme l'indique son sobriquet, il jeta bientôt le froc
aux choux. Il devint duc de Bretagne par son mariage avec la duchesse
Alix en 1212. Si l'amour courtois tient une place prépondérante dans les
chansons du duc, il cède parfois le pas à l'inspiration chevaleresque ;
Mauclerc participe ici à un jeu-parti. divertissement de société où il
converse en musique avec Bernart de la Ferté. Quelle est pour un
chevalier la vertu la plus précieuse - demande-t-il a son interlocuteur -
la prousse ou la libéralité ?
Prouesse, que tant oui louer, ou largesse qu'on aime tant.
Dites m'en votre semblant...
Comte de Bretaigne, sans mentir, largesse vaut mieux, ce m'est avis.
Car largesse fait homme aimer de tous ceux de son pais.
Mêmement ses ennemis peut-on conquérir par dons.
Pour
se délasser de ses tortueuses intrigues politiques, le fougueux duc
Pierre de Dreux composait de fraîches pastourelles à la belle Marguerite
de Montaigu, jeune femme possédant les seigneuries de Machecoul et la
Garnache en Sud Loire. Il s'enamoura de la "dame au chef blond, visage
débonnaire, yeux verts et la bouche haut riante, de toutes
l'exemplaire...", et avouait même être prit à sacrifier les honneurs et
son duché pour sa maîtresse. A qui bien le servait, Amour ne pouvait
manquer d'apporter sa protection, mais la Quête
parsemée d'épreuves :
Mais mes doux soupirs / Me font ci nouveau languir.
Je ne crains pas contrée / Où puisse ma pensée
(Dé)guerpir pour mourir.
De
nombreux poèmes du Moyen-Age font allusion au Trihory de Bretagne et
Thoinot Arbeau, dans sa célèbre Orchésographie - sorte d'encyclopédie de
la danse de son temps - le range parmi les branles : "Je l'ay aultres
fois appris à danser d'un jeune Breton, lequel demeuroit avec moy
escollier à Poictiers" ; il indique aussi que son pas comportait de
nombreux croisements de pieds. Cette ronde de Basse-Bretagne connut une
grande faveur à la cour de France à la suite des mariages de la duchesse
Anne. Bonaventure des Périers ne manque pas d'évoquer l'élégance des
jeunes seigneurs bretons "beaux danseurs de trihorys" et Ambroise
Paré, l'illustre chirurgien de François lIer, se souvient de l'avoir vu
danser aux fêtes qui furent données en son honneur lors de son voyage en
Bretagne en 1543 : "Monsieur d'Etampes, pour donner passetemps et
plaisir à mes dits seigneurs de Rohan et de Laval, faisait venir aux
festes grande quantité de filles villageoises, pour chanter des chansons
en bas-breton, où leur harmonie était de coacer comme grenouilles
lorsqu'elles sont en amour Davantage leur faisait danser le trihory de
Bretagne : et n'estoit sans bien remuer les pieds et fesses. Il les
faisait moult bor ouyr et voir".
10. Morisque • d'après l'Orchésographie - 1988
Lors
du mariage de la duchesse Anne avec le roi Charles VIII au château de
Langeais en 1491, la ville de Rennes organisa le "réjoisement et
solempnité des noces de la Royne" qui se transforma en véritable liesse
populaire. La "mise des sieurs et bourgeois" indique qu'il y eut des
"sonneurs de rebec et de flûte, qui étoient allemands". A ceux-ci se
joignirent des joueurs de tambourin qui rythmaient les pas des danseurs
de morisques qu'imitaient bourgeois et gentilshommes. Les danseurs
portaient des jaquettes blanches et bleues décorées de minces feuilles
d'or battu et arboraient des cornettes avec des plumes blanches,
violettes et jaunes, tandis que des grelots tintaient à leurs chausses.
Les joueurs d'instruments avaient revêtu des robes couleur azur peintes
d'hermines et de fleurs de lys, et des fous en chaperons et
hauts-de-chausses débitaient leurs joyeusetés, tandis que "quatre pipes
de vin étoient défoncées aux carrefours, a qui boire en vouloit" !
11. Ker-Ys • Anonyme, Bretagne
"Vis-d-vis de I'lle Tristan, aux environs de Douarnenez, en ce lieu les
traditions et vieilles histoires de Bretagne portent que fut la ville
d'Ys, abîmée du temps d'un roi Grallon, par la meschanceté de sa fille,
la princesse Dahut qui, oubliant la pudeur et la modération, y donnoit
l'exemple de tout genre de dépravation", relate Dubuisson-Aubenay dans
son Itinéraire de Bretagne. L'heure de la vengeance divine
arrivait. Un jour, Saint Guénolé, saisi d'enthousiasme comme les
prophètes ou la sibylle de Cume, prononça d'une voix sombre ces mots
devant le roi Grallon : "Prince, le désordre est au comble ; le bras de
l’Éternel s'élève, la mer se gonfle, la cité d'Ys va disparaître,
partons...".
Le roi Grallon s'éloigne à toute bride ; sa fille le
suit en croupe ; la main de l’Éternel s'abaisse les plus hautes tours de
la ville d'Ys sont englouties ; une voix terrible se fait entendre :
"Prince, si tu veux te sauver secoue le diable qui te suit en croupe".
Et
le père jeta sa fille de dessus son cheval et l'abandonna en la mer qui
gagnait et le suivait, lui se sauvant et fuyant, comme Loth de Sodome.
12. Olach Tancz / Alla Hungarica • Codex Vietoricz
Conviée
en 1500 à assister en Hongrie au mariage du roi Ulaslo Il avec Anne de
Candale, nièce de Louis XII, la reine Anne fut éblouie par la brillante
culture de la cour de Bude. Musique, joutes et festins mélés de danses
hongroises se succédèrent au palais royal ; les citharistes et joueurs
de tzimbalom les plus réputés vinrent se produire devant les souverains.
Dans la suite de la reine Anne se trouvait Pierre Choque, dit Bretagne,
son premier héraut et roi d'armes. qui relata ces tees nuptiales :
"Puis commencèrent maints instruments a jouer tant de musique qu'autres
la se firent maintes dances".
13. Comment qu'à moy / Douce Dame Jolie • Guillaume de Machaut - XIVe siècle
Les thèmes de prédilection de Machaut restent courtois et
marqués par l'influence du Roman de la Rose. Les virelais Comment qu'a moy et Douce Dame Jolie
sont de beaux exemples de la monodie expressive inventée par ce maître
de la rhétorique qui ouvre la voie aux admirables poètes que sont
Christine de Pisan, Charles d'Orléans ou le Breton Jehan Meschinot,
auteur de ces vers ciselés qui semblent destinés a quelque mélodie :
M'aimerez-vous bien,
Dites, par vostre âme?
Mais que je vous aime
Plus que nulle rien,
M'aimerez-vous bien ?
Dieu mit tant de bien
En vous, que c'est baume
Pour ce je me clame
Vostre, mais combien
M'aimerez-vous bien ?
14. Branles d'Écosse • d'après l'Orchésographie - 1988
Le
duc François Ier (1442-1450) fut un prince-chevalier qui aimait les
fêtes et la musique. Il faisait donner au château de l'Hermine à Vannes
des tournois de chevalerie auxquels succédaient d'élégants délassements
où chansons et danses étaient a l'honneur. Pour se recréer et faire
bonne digestion, on menait des "tors, caroles et branles d'Escosse" qui
rappelaient à la belle Isabeau Stuart, épouse du duc, les
divertissements "par mesure binaire légère" de son pays.
15. Quand je vois hyver retorner • Colin Muset - XIIIe siècle
Les
ducs de Bretagne aimaient prendre leurs "relasches et plaisirs" en
leur château de Suscinio, possédant "cour spacieuse et belles salles
hautes à festin et à bal", selon le voyageur Dubuisson-Aubenay. La
table ducale exigeait le concours de queux, pannetiers, boteliers et
sauciers ; pour la seule année 1305, Jean II offrit plusieurs "grands
mangiers" dans les pavillons disséminés dans la forêt de Rhuys. Les
belles ripailles de
Grasses, gélines et chapons / Et bons fromages en glaon
étaient le salaire rêvé des jongleurs faisant honneur a ces assemblées.
Thoinot
Arbeau en son Orchésographie dit que "la danse sert grandement a la
santé, mesmement des jeunes filles, lesquelles étant ordinairement
sédentaires et attentives d leurs lanifices, broderies et ouvrages
d'aiguilles, font amas de plusieurs mauvaises humeurs et ont besoin de
les faire exhaler par quelque exercice tempéré". Le passepied de
Bretagne dansé par "mouvements nobles et sérieux" était au nombre de
ces modulations à la cour de France, à la suite des mariages de la
duchesse Anne. Marguerite de Valois se souvient, dans ses mémoires, de
l'avoir vu danser par des Bretonnes lors de récréations exécutées devant
sa mère, et Bonaventure des Périers ne manque pas d'évoquer l'élégance
des jeunes seigneurs bretons "beaux danseurs de passepieds et trihorys".
17. Reis Glorios • Guiraut de Borneilh - XIIIe siècle
Le
duc de Bretagne Geoffroy II Plantagenêt eut de nombreuses relations
avec le monde des troubadours. Elles s'expliquent bien par son
ascendance - il était le fils d'Aliénor d'Aquitaine, l'une des plus
ardentes instigatrices de l'amour courtois - et les fréquents séjours
qu'il fit dans les possessions occitanes de sa mère. L'entourage de
Geoffroy était nettement bilingue et sa cour fut un lieu de rencontres
entre troubadours, trouvères et poètes-harpeurs. Surnommé "Maestre dels
trobadors", le maître des troubadours, Guiraut de Borneilh appartient à
la lignée des troubadours limousins et fréquenta les cours itinérantes
des brillants princes Plantagenêt. Son admirable chanson d'aube nous
fait souscrire au jugement de son entourage : elle exprime le désarroi
des amants de devoir se séparer, prévenus par le guetteur du retour
félon du jour qui verra reparaître les médisants et les jaloux.
18. Lamento de Tristan • Anonyme - XIVe siècle
Les
jongleurs bretons furent les interprètes adulés des lais dans les
grandes cours féodales de tout l'ouest européen du XIe au XIIIe siècle.
Les légendes de Tristan et du roi Arthur. populaires au Pays de Galles
et en Armorique, prirent une grande extension à cette époque pour
bientôt dépasser les limites du monde celtique. Elles se propagèrent,
par la voix de "fabulateurs" bretons et anglo-normands, dans le monde
roman, jusqu'en Espagne et en Italie, à l'image de cet air mélancolique
extrait d'un manuscrit du XIVe siècle.
19. Rondet de Carole • Anonyme - XIIIe siècle
Certaines caroles se menaient en ribambelles travers les
cimetières et durent être à l'origine des vestiges
de rites païens liés à la magie et à la mort.
Bien que divers auteurs dès le XIIe siècle fassent
allusion aux "tors et caroles qu'on fait en Bretaigne", on sait peu de
choses de ces danses, hormis que l’Église n'eut de cesse
de les interdire. Alain de la Rue, évêque de Saint-Brieuc,
adresse en 1421 de véhémentes remontrances à "ceux
qui mènent danses et autres jeux voluptueux et bruyants dans les
cimetières et autres pratiques dissolues qui empêchent la
dévotion et provoquent ordinairement dangers, scandales et
incitations aux péchés, en particulier ceux de la chair".
20. Li soleil luit Lai anonyme - XIIIe siècle
Tandis
que Tristan et Iseut brûlent l'un pour l'autre d'une passion qui ne
s'éteindra qu'avec leur vie, le roi Marc fait croire à la reine que son
amant est mort. Alors, pour Tristan,. Iseut s'offre à mourir en un beau
verger parmi les oiseaux qui élèvent leur chant nouveau : "Et en
atemprant sa harpe, elle commença tout en plourant son lay en tel
manière".
21. A vous, Amant • Châtelain de Coucy - XIIe siècle
Pèlerin,
l'homme médiéval s'en allait vers les Lieux Saints, et maints
chevaliers composèrent des chansons au moment du départ, ainsi cet
émouvant adieu du sire de Coucy à sa dame qu'il ne devait jamais revoir.
22. Chant de Palestine • W. de Vogelweide - XIIIe siècle
Une
très belle pièce religieuse due au grand trouvère W. de Vogelweide à
l'occasion de sa participation à la croisade de 1228. Le duc Pierre de
Dreux, qui fut, avec Thibaut de Navarre, le chef de la croisade de 1238,
passa trois ans en Orient puis guerroya aux côtés de Saint-Louis en
Égypte. Grièvement blessé à la bataille de Mansourah, il mourut en mer
lors de la traversée de retour. Le duc de Bretagne avait aussi composé
une chanson de croisade dont la mélodie n'a pas été conservée :
De votre gré mort souffrites pour tous / Et au tiers jour en Enfer brulastes vous
Et vous flûites trahi, ayez pitié de nous.
Par
le mariage d'Alphonse VIII avec Aliénor Plantagenêt - sœur de Geoffroy
de Bretagne - et grâce à l'action personnelle d'Aliénor d'Aquitaine, la
Castille devint un centre fréquenté par les troubadours. L'art du
trouver connut un regain de vital sous le roi Alphonse Le Sage
(1252-1284) dont les Cantigas de SANTA MARIA sont des chansons à la
louange de la Vierge. La langue des Cantigas est le galicien.
24. Sire, fer faîtes me un jugement • Thibaud de Navarre - XIIIe siècle
Jeu-parti du célèbre trouvère sur une question galante.
25. Ja nuns hons pris • Richart Coeur de Lion - XIIe siècle
Frère
de Geoffroy de Bretagne, le roi Richart Coeur de Lion recrutait des
ménestrels pour éveiller la sympathie populaire et asseoir sa
réputation. En 1189, il accueillit des harpeurs bretons à sa cour. Deux
chansons sont attribuées a ce roi-poète ; sa célèbre rotrouenge évoque
sa captivité en Autriche où il attend vainement dans sa prison que ses
amis aient rassemblé l'énorme rançon qu'exige de lui l'empereur
d'Allemagne qui l'a fait prisonnier en 1192 au retour de Terre Sainte.
26. Breve Regnum • Anonyme XIVe siècle
Les clercs, dans toute l'Europe, versifiaient et chantaient en latin des chansons de circonstance. Breve Regnum,
hymne polonais avec des paroles latines d'origine occidentale, semble
célébrer l'élan joyeux d'une époque où Louis Ier, prince de la maison
d'Anjou, règne sur la Pologne.
27. Planctus Dolorum Solatium • Pierre Abélard - XIIe siècle
Il n'est pas de plus brillant et plus dramatique roman d'amour que celui d'Héloïse et Abélard. Le Planctus Dolorum Solatium
est une des sept mélodies composées pour la cantillation
de ses lamentations par le Breton Pierre Abélard qui, selon le
mot de Villon, "pour la très sage Héloïse
châtré fut et puis moine à Saint-Denis, pour son
amour eut cet essoine (malheur)". Un grand nombre de pièces
rythmiques profanes en latin de l'âge des goliards sont
liées à la musique, à la danse et aux jeux.
Galants inlassables et auteurs de chansons rebelles, les goliards
étaient d'anciens clercs, détachés depuis
longtemps des écoles, qui gagnaient leur vie dans les cours des
princes de l’Église et les assemblées, à la
manière des ménestrels. Ils devaient leur surnom à
Goliath, adversaire biblique de David ; cette expression fut mise en
vogue au XIIe siècle, pendant le fameux duel entre le grand
dialecticien breton Abélard et Saint Bernard qui l'appelait
le "nouveau Goliath". Né en 1079 au bourg du Pallet près
de Nantes, Pierre Abélard fut clerc avant d'aimer la belle
Héloïse qu'il célébra en des chants que
colportaient jongleurs et goliards. Il stimula sans doute vivement par
son œuvre poétique et son exemple la poésie
amoureuse et satirique en latin.
28. Tempus transit gelidum • Carmina Burana
Tempus transit gelidum est un chant d'amour anonyme extrait des Carmina Burana :
Le printemps revient, la beauté est offerte aux choses.
29. Kyrie Orbis factor / Alleluia post partum •
Graduel d'Aliénor de Bretagne, XIVe' siècle
Fille
du duc Jean II et de Béatrix d'Angleterre, Aliénor de Bretagne naquit
en 1275. Après être entrée au monastère d'Ambresbury rattaché à
Fontevraud, elle devint en 1304 la seizième mère-abbesse de la célèbre
abbaye angevine fondée par le prédicateur breton Robert d'Arbrissel.
Actuellement conservé à la Bibliothèque Municipale de Limoges, le
Graduel d'Aliénor de Bretagne, manuscrit richement enluminé et portant
ses armoiries, offre un répertoire tiré de bibles, missels, bréviaires
et psautiers, témoignage de la vie musicale dans les couvents
fontevristes.
30. O Frondens Virga • Hildegarde de Bingen, XIIe siècle
Tout
le Moyen Age a cru à la réalité et à l'importance des visions ; Sainte
Hildegarde, mystique et auteur de traités de médecine, expose dans son
«Scivias» ses révélations divines :