Codex de la Chartreuse de la Scala Dei / Ligeriana
Polyphonies en l'honneur de la Vierge Marie | Tarragona – XIIIe siècle


IMAGEN

ligeriana.com
medieval.org
muziekweb.nl
Jade 198 089-2

2000

Enregistrement: septembre 2000
Abbaye d'Asnière à Cizay-la-Madeleine (49)







1. Te laudant   [2:29]
fº 8, pièce nº 12 | trope de sanctus – intonation: sanctus
Tutti


2. Gloriose matris Dei   [3:34]
fº 21, pièce nº 28 | prosa – unicum
FB / YB / FC / EF / AG / CI / CM – soli: KC / LP


3. Ave maris stella   [5:11]
fº 10, pièce nº 20 | séquence – unicum (version particulière au codex)
KC / VT


4. Sospitati   [4:05]
fº 4, pièce nº 9 | trope de sanctus – unicum
YB / FC / EF / AG / CI / CM / LP


5. Sanctus – Ad honorem Virginis   [5:38]
fº 5, pièce nº 10 | trope de sanctus – unicum (sanctus et trope)
FB / YB / KC / EF / LP / VT – solo: CM


6. O florens rosa   [1:26]
fº 5, pièce nº 15 – unicum
YB / EF / CM / VT



Pièces de l'ordinarium dans le codex

7. Salve sancta parens   [2:00]
fº 1, pièce nº 1 – introit (missa votiva de Santa Maria)
FB / YB / KC / EF / LP / VT


8. Kyrie – Rex virginum amator Deus   [2:49]
fº 1, pièce nº 2
Version particulière et réduite d'un trope très répandu, au 13ème siècle, du Kyrie de la messe conctipotens.

FB / YB / KC / EF / CM / LP – soli: VT


9. Sanctus – Clangat cetus   [3:42]
fº 3, pièce nº 8 | trope de sanctus
Tutti – solo: KC


10. Agnus Dei – Ave Maria – Crimina tollis   [5:15]
fº 9, pièces 13 (Ave Maria) et 14 (Crimina tollis)
Classés séparément dans les catalogues, les deux tropes d'Agnus, insérés dans l'intonation, s'enchaînent visiblement dans le manuscrit. 13 est un unicum, 14 est une version musicale différente du Crimina tollis de "Las Huelgas" (unicum pour la musique).

Tutti – soli: VT


11. Alleluya virga Iesse   [1:39]
fº 23, pièce nº 4
FB / YB / EF / CM / LP – soli: VT / KC


12. Recordare – Ab hac familia   [2:32]
fº 3, pièce nº 7 – offertoire
FB / YB / KC / EF / CM / LP – solo: VT


13. Ave regina coelorum   [1:10]
fº 10, pièce nº 16 – communion
FB / YB / CM / LP / VT




14. Marie preconio   [4:16]
fº 17, pièce nº 25 – prosa – unicum
FB / CM


15. Promereris   [3:45]
fº 19, pièce nº 26 – prosa
FB / KC / EF / AG / CM / LP – soli: FC


16. Supernæ matris gaudia   [7:01]
fº 12, pièce nº 21 – prosa
Tutti – soli: FB / KC


17. Potestati   [3:38]
fº 20, pièce nº 27 – prosa – unicum
FB / YB / FC / EF / AG / CI / CM / LP






Chœur de femmes "a Capella" Ligeriana
Katia Caré

Florence Blanc (FB)
Ysé Blanchelande (YB)
Katia Caré (KC)
Florence Carpentier (FC)
Estelle Filer (EF)
Anne Garcenot (AG)
Catherine Iches (CI)
Caroline Montier (CM)
Laure Pierredon (LP)
Véronique Tartavel (VT)



Sources:
Codex de la Cartuja de la Scala Dei – Tarragona,
Bibliothèque de l'Orfeó Català, Barcelona




English liner notes









Musiques de la Chartreuse de la Scala Dei


Histoire, creation

Depuis la première Croisade de 1095-1099, les sociétés de l'Ouest européen partagent une conscience commune, qui a cristallisé dans l'idée de chrétienté. Elles caracolent au XIIIe siècle, portées par l'esprit de la conquête. Le cœur et les regards continuent de se porter vers la lointaine Terre sainte, vers les lieux où le Christ est venu, a souffert, est mort puis ressuscité, vers Jérusalem conquise par les croisés en 1099 et reprise par les Turcs en 1187. Les expéditions de reconnaissance vers l'Orient lointain répondent moins à des visées expansionnistes qu'aux vains espoirs d'un soutien militaire du grand Khan des Mongols afin de prendre à revers les Turcs. Les épisodes peu glorieux d'une récupération diplomatique du royaume de Jérusalem dans les années 1220-1230 ne sont que feux de paille. Les hommes les plus lucides savent bien que les Lieux saints sont perdus depuis les échecs du saint roi de France, Louis IX, dans ses deux croisades de 1251-1254 et 1270. Quelques expéditions le long de la Baltique peuvent entretenir localement l'illusion d'une poussée conquérante, mais les richesses ne regorgent pas de ce côté.

Les Occidentaux, portés par une vitalité démographique sans précédent, redessinent leur espace, aménagent désormais leurs campagnes, tissent les réseaux reliant leurs riches cités, bâtissent les cathédrales, élèvent les fondations des états futurs. Deux contrées toutes proches les fascinent. Leurs regards confluent vers l'Espagne et vers l'Italie du Sud. Car là se trouvent les champs où peuvent continuer de s'assouvir les passions guerrières des chevaliers et les rêves d'héritages mirifiques. C'est là aussi que les cultures orgueilleuses du Nord européen rencontrent leurs limites et subliment leurs étonnements dans des créations audacieuses.


L'Espagne reconquise

Lorsque les razzias des Arabes musulmans avaient franchi en 711 le détroit de Gibraltar, les royaumes wisigothiques s'étaient effondrés comme châteaux de cartes. Abasourdis d'abord, les chrétiens de la Péninsule s'étaient vite repris. La vague d'une reconquête enfla, prit de la puissance au XIe siècle, écrêta les royaumes musulmans, les lamina jusqu'à la grande victoire chrétienne de Las Navas de Tolosa en 1212. Elle bénéficia des forces du Nord, que les rois chrétiens de l'Espagne et du Portugal surent attirer grâce au soutien fervent des papes de Rome en jouant sur le tableau double du pèlerinage à Compostelle et de la croisade contre les Sarrasins. Vers 1300, les deux tiers de l'Espagne étaient revenus aux mains des chrétiens. Trois royaumes principaux s'y étaient constitués, en Navarre, Castille, et Aragon. La Navarre entra dans l'orbite capétienne au XIIIe siècle quand sa couronne échut entre les mains d'un comte de Champagne. Alphonse X le Sage (1252-1282), roi de Castille, donna à son royaume la puissance principale et assembla l'édifice d'une culture castillane; l'éclosion véritable de celle-ci date de son principat, marqué par les Miracles de Notre-Dame de Gonzalo de Berceo (Milagros de Nuestra Señora, vers 1240-1250) et les grandes compositions littéraires de la Cronica general (vers 1270) et des Cantiques de Sainte Marie (Cantigas de Santa Maria, vers 1270-1280). Or, entre 1275 et 1325, la Castille est dominée par l'Aragon, dont les rois sont maîtres aussi de la Catalogne et des Baléares, de la Sicile également, conquise sur les Français en 1282, et lorgnent sur le riche royaume de Naples où sont établis des descendants de saint Louis. L'ouest de la Méditerranée se trouve alors tout entier sous influence aragonaise.


Influences

Le trophée de l'Aragon, c'est la culture occitane, en plein renouveau. Sa langue, encore largement commune vers 1300, est parlée, écrite de Valencia à l'Italie du Nord, dans un espace sillonné par les guerriers en mal d'aventure, les diplomates, les marchands, les pèlerins et les hommes spirituels. Les influences s'y entrecroisent, celle de Rome qui a pris une large part à la Reconquête chrétienne depuis le milieu du XIe siècle, celle du royaume de Naples entre Orient et Occident, celle aussi du puissant royaume d'outre Pyrénées, la France capétienne, qui a appesanti son contrôle sur le Languedoc et la Provence. Les troubadours ont éteint leur voix, mais leur esprit demeure, triomphe dans le legs qu'ils ont confié au monde occitan, chantant l'intime alchimie de l'amour profane et mystique, et de la guerre temporelle et spirituelle. Leur écho retentit dans les chansonniers profanes ; il s'exhale, moins voluptueux, plus apaisé et néanmoins d'une vive force intérieure, jusque dans les assemblées des groupes spirituels entraînés par les religieux mendiants, Dominicains et Franciscains, dans les fêtes publiques des cathédrales, et aussi dans les monastères d'apparence plus traditionnelle que les donations des rois, des nobles et des marchands maintiennent en symbiose, plus qu'on ne dit, avec le monde environnant.


Scala Dei, l'échelle de Dieu

De cette brillante Catalogne émane l'étonnant manuscrit conservé à l'Orfeo Català de Barcelone (ms. 1). Il date des environs de 1300, et provient de la Scala Dei. Ce monastère de l'Ordre des Chartreux, fondé tout près de Tarragone en 1163 par le roi d'Aragon Alphonse II, est assez actif au XIIIe siècle pour essaimer à Barcelone et Valencia. Le petit livre (222 x 145 mm, 27 feuillets) de la Scala Dei révèle l'exceptionnelle vitalité d'un chant liturgique qui réunit au XIIIe siècle les traditions hispanique et romaine dans l'ambiance accueillante du royaume aragono-catalan. Peut-être était-il à l'origine destiné à la cathédrale de Tarragone. On ne sait quand les Chartreux de la Scala Dei l'ont acquis. N'y lisons donc pas avec trop d'empressement la vie liturgique et musicale des Chartreux catalans. Ceux-ci pourtant, comme les chanoines et l'école de chant de la cathédrale voisine de Tarragone, recevaient de France les effluves spirituelles de Cîteaux et de Clairvaux.

Tout à la fois tropaire et séquentiaire, le manuscrit de la Scala Dei rassemble des pièces liturgiques de l'Ordinaire de la messe (c'est-à-dire les textes communs à toutes les églises chrétiennes de l'Occident latin) et des "proses" (ou séquences, poèmes chantés lors des fêtes religieuses ou à l'office monastique), les unes et les autres étant souvent agrémentés de "tropes", inclusions de courts textes ornementés, chantés généralement par le choeur. On a cru trop longtemps que les moines réformés, les Cisterciens notamment, répugnaient aux tropes. En Catalogne, loin de leurs abbayes-mères, Cisterciens et Chartreux n'avaient cependant aucune honte à s'abandonner au plaisir de chanter les tropes du Kyrie Rex virginum amator, de l'Offertoire Recordare virgo mater ou ceux de l'Agnus Dei Crimina tollis. Ils savaient emprunter aux traditions locales, celles peut-être de la cathédrale de Tarragone, et savouraient un répertoire combinant avec allégresse la polyphonie colorée et l'austère plain-chant, mêlant à des mélodies anciennes une idée musicale moderne. Ceux qui compilèrent le manuscrit de la Scala Dei ont recouru à des pièces aussi traditionnelles que l'Introit Salve sancta parens, sur un poème de Sedulius Scottus (IXe siècle), comme ils ont emprunté au chanoine parisien Adam de Saint-Victor (première moitié du XIIe siècle) la prose Supernæ matris gaudia. Ils connaissaient l'éclat des polyphonies chantées dans le célèbre monastère de cisterciennes de Las Huelgas en Castille, ou celles que les moines bénédictins de Montserrat, attentifs aux innovations parisiennes, rassemblaient dans leur Livre vermeil.


La gloire de la Vierge

Des grandes créations musicales d'alentour 1300, tant dans les cathédrales que dans les monastères, les plus brillantes sont dévolues à la célébration de la Vierge Marie. Les séquences mariales (Mariae praeconio) révèlent la grande métamorphose de la Vierge, Mère de Dieu, dont hommes et femmes des XIIe et XIIIe siècle, se souvenant de leurs prédécesseurs carolingiens, ont fait la figure essentielle de l'église : Marie est devenue tout à la fois la mère céleste de l'église terrestre (Supernæ matris gaudia), l'épouse et la Fille du roi des cieux (Ave maris stella). Or, au fil du XIIIe siècle, Marie, saisie déjà d'un rôle d'intercesseur auparavant dévolu à l'Esprit Saint (Kyrie Rex virginum amator) revêt le visage d'une humble femme (trope Sospitati), plus proche que tous les saints, compagne de tous les jours.

Le beau livre de la Scala Dei illustre ainsi les courants les plus puissants du monde religieux dans son apogée médiévale, lorsqu'une histoire généreuse a constitué la Catalogne en carrefour des sociétés occidentales. Quelques heures avant que le déluge des inventions musicales au XIVe siècle, dans les grandes métropoles capétiennes ou d'Italie, ne crée l'illusion d'un monde révolu et n'obnubile tous les musiciens, le chant révélé à la Scala Dei opère la synthèse mystérieuse de la culture ibérique et d'une Occitanie jetant ses derniers feux.

Guy Lobrichon
Maître de Conférence au Collège de France









The music of the Carthusian monastery of the Scala Dei

History, creation

Since the first crusade of 1095-1099, Western European societies have shared a collective consciousness that crystallised in the idea of Christianity. In the 13th century, those societies positively soared, driven on by the spirit of conquest. Hearts and eyes were constantly turned toward the far-off Holy Land, to the ground where Christ walked, suffered, died and rose again; to Jerusalem, conquered by the crusaders in 1099 and then by the Turks in 1187. The expeditions of reconnaissance to the Far East were less a mark of expansionist ambition than of the vain hope for military support from the great Khan of the Mongols, which would have permitted a surprise attack on the Turks. The inglorious episodes of diplomatic recuperation of the Kingdom of Jerusalem between 1220 and 1230 were no more than comets in the night. Most thinking men knew that the Holy Land was lost forever after the failure of two crusades led by France's holy king, Louis IX (1251-1254 and 1270). A few expeditions along the Baltic maintained the illusion at home of a conquering force, but no riches awaited them in such regions.

The Western populations, vitalised by unprecedented demographic growth, were busy organising their living space, planning their countryside, developing the networks that linked their rich cities, building cathedrals and laying the foundations of their future states. Two neighbouring regions held fascination for them: all eyes were fixed on Spain and Southern Italy. There lay fields likely to appease the warlike passions of chevaliers and nourish dreams of fabulous heritage. There also, the proud culture of the North Europeans met its limits and sublimated its bewilderment into bold creations.


Spain recaptured

When the forays of the Muslim Arabs freed the Gibraltar Straits in 711, the Wisigoth kingdoms had fallen like so many houses of cards. At first shocked, the Christians of the peninsula soon took new heart. The conquering tide swelled to its heights in the 11th century, brought down the Muslim regions and crushed them, culminating in the great Christian victory of Las Navas de Tolosa in 1212. This movement was strengthened by the forces of Northern Europe, attracted by the Christian kings of Spain and Portugal thanks to the fervent support of the Roman Popes, who played on both the pilgrimage to Compostelle and the crusade against the Saracens. By 1300, two thirds of Spain had come back under Christian control. Three main kingdoms had been formed: Navarre, Castile and Aragon. Navarre entered into the Capetian orbit in the 13th century when the crown fell into the hands of a count of Champagne. Alphonse X, the good (1252-1282), King of Castile, gave his kingdom its principal strength and constructed the edifice of a Castilian culture. Its true blossoming dates from his princedom, which was marked by Gonzalo de Berceo's Miracles of Our Lady (Milagros de Nuestra Señora, app. 1240-1250) and by the great literary compositions of the Cronica general (app. 1270) and the Canticles of Saint Mary (Cantigas de Santa Maria, app. 1270-1280). Between 1275 and 1325, Castile was under the domination of Aragon, whose kings were the masters of Catalonia, the Balearics and also Sicily, conquered by the French in 1282. They looked longingly on the rich kingdom of Naples where the descendants of Saint Louis dwelt. All the western side of the Mediterranean was under the influence of Aragon.


Influences

The jewel of Aragon was the culture of the langue d'oc, then in full bloom. The language, still a common one in 1300, was spoken and written from Valencia to Northern Italy in a region overrun by diplomats, merchants, pilgrims and holy men, warriors hungry for adventure. Influences intermingled: that of Rome, which had played a major part in the Christian reconquest since the middle of the 11th century, that of the Neapolitan kingdom wedged between East and West, also that of the powerful kingdom that lay beyond the Pyrenees – Capetian France, which had tightened its hold on the Languedoc and Provence. The troubadours' songs had faded into silence but their spirit was still very much alive, triumphant in the legacy they bequeathed to the world of the langue d'oc. Expressing in song the intimate alchemy of profane and mystical love, of conflicts temporal and spiritual, they created an echo that went on resounding in profane songbooks. If that resonance was less voluptuous – somehow appeased – it nevertheless retained all of its inner life. Its echoes could be heard even in the music of spiritual groups trained by Dominican and Franciscan beggars, who sang at public celebrations in cathedrals and in the apparently more traditional monasteries. These were maintained in symbiosis with the surrounding world by the donations of kings, nobles and merchants, much more so than is generally recognised.


Scala Dei, the scale of God

From that splendid Catalonia comes the astonishing manuscript conserved at the Orfeo Catalá de Barcelona (ms. 1). It dates from roughly 1300, and comes from the Scala Dei. This monastery of the Carthusian order, founded near Tarragona in 1163 by Alphonse II, the king of Aragon, was sufficiently vigorous in the 13th century to sow seeds as far as Barcelona and Aragon. The little book (222 x 145 mm, 27 pages) of the Scala Dei reveals the exceptional vitality of a form of liturgical song that brought together the Roman and Hispanic traditions within the welcoming atmosphere of the Aragon-Catalonian kingdom in the 13th century. It may have been written for the cathedral of Tarragona. We do not know when the Carthusian monks of the Scala Dei acquired it, so it would be a mistake to jump to conclusions about the liturgical and musical life of the Catalonian Carthusian community based on this. Although they did, like the canons and the choir school of the neighbouring Tarragona cathedral, receive spiritual inspiration from Citeaux and Clairvaux in France.

Both a troparium and a sequentium, the manuscript of the Scala Dei brings together liturgical pieces from the ordinary mass, (that is to say pieces that are common to all Christian churches of the Latin western world) and 'prose' pieces, (or sequences, poems sung at religious celebrations or at the monastic service) both often embellished with 'tropus' the inclusion of short decorative texts generally sung by the choir. It was long believed that the reformed monks, the Cistercians especially, were averse to these tropes. But in Catalonia, far from their mother abbeys, the Cistercians and the Carthusians did not hesitate to enjoy the pleasures of singing the tropes of the Kyrie Rex Virginum amator, from the Offertory Recordare virgo mater or those of the Agnus Dei Crimina tollis. They knew how to borrow from local traditions, perhaps those of the cathedral of Tarragona, and enjoyed a repertory that elegantly married colourful polyphony with the austere plainchant thus blending a modern musical conception with ancient melodies. Those who compiled the manuscript of the Scala Dei used pieces as traditional as the Introit Salve sancta parens, on a poem by Sedulius Scottus (14th century), just as they borrowed the prose Supernæ matris gaudia from the Parisian canon Adam de Saint-Victor (first half of the 12th century). They were familiar with the bright glow of vocal polyphony in the famous monastery of the Cistercian sisters of Las Huelgas in Castile, or that of the Benedictine monks of Montserrat, always heedful of Parisian innovation, who assembled their music in the Livre Vermeil.


The Glory of the Virgin

Of all the great musical creations of around 1300, in cathedrals or in monasteries, the most brilliant are devoted to the celebration of the Virgin Mary. The Marian sequences (Mariae praeconio) reveal the fantastic metamorphosis of the Virgin, Mother of God, whom the men and women of the 12th and 13th centuries made the essential figure of the church perhaps remembering their Carolingian predecessors. Mary became the heavenly mother of the church on earth (Supernæ matris gaudia), the Wife and Mother of the King of Heaven (Ave Maria stella). But throughout the 13th century, Mary, assuming the role of intercessor that was previously reserved for the Holy Spirit (Kyrie Rex virginum amator), took on the face of a humble woman (trope Sospitati) nearer to us than any of the saints, a companion in daily life.

The beautiful book of the Scala Dei thus illustrates all the most powerful currents of the religious world in its medieval apogee, when History generously made Catalonia the crossroads of Western societies. The 14th century was to ring in a deluge of musical invention throughout the great Capetian and Italian metropolis. A few hours before the new musical day dawned, filling musicians' heads and creating the illusion that the past was a by-gone age, the Scala Dei revealed song that accomplished the mysterious synthesis of Iberian culture and Occitania, still glowing with her last fires.

Guy Lobrichon
(Translation: Catherine McMillan)



Abbaye d'Asnière à Cizay-la-Madeleine