Chansons de Toiles  /  Ligeriana


Bele Ysabiauz pucele bien aprise






medieval.org
productions-perceval.com
Calliope Cal 9387
2008


C










Les «chansons de toile » désignent un répertoire censé être chanté par les femmes pendant leurs travaux d'aiguille, de filage ou de tissage. Elles appartiennent au nord de la France et forment une des sources les plus anciennes du lyrisme médiéval.
Appelées aussi « chansons d'histoire », ce sont des pièces narratives, au caractère dramatique. Très développées, elles racontent sur un ton épique des aventures ou des rêveries amoureuses. Empruntes de passion et de romantisme, ces histoires nous livrent le «jardin secret» de «Beles» héroïnes. Avec une rhétorique médiévale elles témoignent d'un éternel féminin qui se situe hors du temps.
Ligeriana propose la première illustration complète de la richesse d'inspiration de ces œuvres dans une réalisation entièrement féminine où les interprètes se relayent en recréant cette ambiance de création collective qui accompagnait les tâches journalières dans a la chambre des dames ».


Chansons de toile is the name given to one of the earliest types of medieval lyricism: narrative songs (hence the alternative name, chansons d'histoire) from northern France, with texts supposedly sung by women as they sat spinning, weaving or doing their needlework.
Of a dramatic nature and highly developed, these songs relate in an epic tone some amorous episode or a story of unhappy love; thus fair ladies revealed their little secrets. Though they date from the Middle Ages, there is a timeless element both in the songs and in their subjects.
Ligeriana presents a full illustration of these works and their wealth of inspiration in an all-female performance, recreating the atmosphere of the days when ladies would perform their daily tasks while chatting and singing together in the 'chambre des dames'.






« Chansons de Toiles »
XIIe et XIIIe siècles
Histoires de belles « Aiglentine, Beatris, Ysabiauz »


1. En un vergier, lez une fontenelle  [7:24]  anonyme
E. Nadau, E. Garreau-Boisnard, C. Montier — harpe

2. Bele Ysabiauz, pucele bien aprise  [14:06]  Audefrois le Batard
E. Nadau, E. Garreau-Boisnard, C. Matras, C. Montier — flûte et psaltérion

3. Bele Aiglentine  [4:45]  roman de Guillaume de Dôle
reconstitution musicale Katia Garé
K. Caré, E. Moservièle, flûte à trois trous, crotales

4. Bele Doette as fenestres se siet  [8:41]  anonyme
E. Nadau, C. Montier — harpe, flûte et vièle

5. Oriolanz  [10:49]  anonyme
E. Garreau-Boisnard, C. Montier, C. Matras — flûte, harpe et psaltérion

6. Bele Beatris  [16:47]  Audefrois le Batard
C. Matras, C. Montier, E. Nadau — flûte, traversière médiévale, vièle

7. Bele Emmelos  [11:08]  Audefrois le Batard
K. Caré, C. Matras — harpe et vièle




Ensemble Ligeriana
Katia Caré

Chant : Carole Matras, Estelle Nadau, Caroline Montier, Estelle Garreau-Boisnard, Katia Caré
Chant narratif : Évelyne Moser

Harpes : Carole Matras
Vièles à archet, psaltérion : Évelyne Moser
Flûtes médiévales : Florence Jacquemart
Traversière médiévale : Estelle Garreaud Boisnard




Enregistrement réalisé à l'abbaye de Fontevraud en octobre 2007
Direction artistique et enregistrement Jean-Marc Laisné
Crédit photos jpgilson.com (couverture), Jean-Marc Laisné
Direction générale de la production : Jacques le Calvé - Michaël Adda
℗ arpège 2007 & © Calliope 2008

www.calliope.tm.fr

Cet enregistrement réalisé en résidence à l'abbaye de Fontevraud a reçu l'aide du Conseil Régional des Pays de la Loire et de l'Adami
« l'Adami gère les droits des artistes-interprètes (comédiens, chanteurs, musiciens, chef d'orchestre, danseurs...)
et consacre une partie des droits perçus à l'aide à la création, à la diffusion et à la formation».















Les chansons de Toile sont des œuvres narratives très développées ; elles mettent en scène un personnage féminin qui, au début de chaque œuvre, est soit occupé à des travaux d'aiguilles (tissage, filage, couture), soit en train de lire.
Elles sont présentes dans des manuscrits et dans des romans de la première moitié du XIIIe siècle : le manuscrit du Roi (M - BNF fr. 844); le manuscrit de Noailles (T - BNF fr. 12615), le manuscrit de St Germain (U - BNF fr. 23205), le Roman de Guillaume de Dôle de Jean Renard (u - Vatican Regina lat.1725) et le Roman de la Violette de Gilbert de Montreuil (v - BNF fr 1533). Seuls les manuscrits cités en donnent la musique, les romans ne la contiennent pas.

Chansons à histoire, comme on les appelle parfois, elles racontent les mésaventures amoureuses d'une jeune héroïne qui interprète une plainte lyrique. L'argument est centré autour de la « Bele » qui chante en monologue ou en dialogue avec les personnages qui y sont imbriqués.
Les situations différent selon les œuvres : elle peut être une « malmariée » comme ici dans « En un vergier » (1), « Bele Ysabiaus » (2), « Bele Emelos » (7), son ami peut être loin ou parti au combat comme c'est le cas dans « Bele Doette » (4) et « Bele Oriolanz »(5), elle peut aussi être enceinte de son ami et vivre dans l'angoisse : « Belle Aiglantine » (3) et « Bele Beatris » (6).
Le sujet des chansons de toile diffère ainsi fondamentalement de celui de la lyrique courtoise, il n'y a ici ni amour inaccessible ni dame « hautaine », la jeune fille aime avec force et naturel et les épreuves qu'elle subit sont celles qu'offraient (et peuvent encore offrir) la vie d'une femme dans son contexte social. Loin de toute utopie, ces chansons offrent l'impression du vécu.
Sur le plan de la forme, ce sont des chansons à refrains dont les couplets sont rimés de façon plate, souvent par assonance et dont les vers sont le plus souvent décasyllabiques, les refrains s'éloignent toujours de la forme des couplets. Cette structure particulière et très appropriée à la narration, leur donnent une apparence de simplicité et les éloignent aussi de la savante « canso » troubadouresque. Sur le plan littéraire, il s'agit ici d’œuvres « popularisantes » (Pierre Bec). A contrario, la caractéristique de leurs mélodies, non rythmique et très mélismatiques (« Bele Doette ») les rattachent à une tradition plus savante : aristocratisante (Pierre Bec).

L'origine de ces chansons a suscité de nombreux commentaires, nous renvoyons l'auditeur donc qui désirerait plus de précisions aux ouvrages incontournables qui traitent du sujet: Les chansons de toiles de Michel Zinc, La lyrique française du Moyen Âge de Pierre Bec et Le livre des chansons de Henri Davenson.
En dépit de nombreux désaccords, la plupart des auteurs qui ont travaillé sur ces œuvres s'accordent à dire que celles qui ont été conservées sont le dernier reflet d'une tradition beaucoup plus ancienne, ils s'appuient sur plusieurs points.
Un commentaire de l'époque, celui de Jean Renard dans le roman de Guillaume de Dôle, nous dit que ces chansons, liées au nord de la France, étaient interprétées dans les châteaux par les femmes au cours des travaux d'aiguille qui étaient leur apanage et par les ouvriers dans les ateliers de tissage.
Ces chansons, peu nombreuses, une vingtaine au total, ne sont conservées que dans les premières sources de littérature courtoise.
La forme, les vers longs et l'aspect narratif, les assonances rappellent fortement la littérature épique des siècles précédant et témoignent d'un certain archaïsme.

Pour en revenir aux œuvres conservées, on constate que la plupart sont anonymes (celles des romans sont des insertions et ne font pas véritablement partie des ouvrages) et très probablement composées par des hommes.
Nous ne connaissons qu'un seul auteur, il s'agit d'Audefrois le Bastard, il est très intéressant de noter que ce trouvère picard s'est accaparé de la thématique en offrant cinq chansons très élaborées avec des histoires à multiples rebondissements et qui sont un peu comme l'ultime traitement d'un genre qui s'épuisait.

Katia Caré











Chansons de toile (alternatively known as chansons d'histoire) are highly developed lyric-narrative compositions (contrasting with the simplicity of their poetic writing). The poems, written in the third person, present first of all a young, nobly born beauty ('la bele') who is sitting in a chamber sewing, spinning, weaving — or trying to read a book, in one case — while lamenting, in monologue or in dialogue with another character (her mother, for example), some crisis or predicament in her love.
The situations vary from one piece to another. She may be a 'malmariée', married against her will to a man she does not love, as in En un vergier (track 1), Bele Ysabiaus (track 2) and Bele Emelos (track 7). Or the obstacle may be geographical distance: in Bele Doette (track 4) the young woman's lover is away taking part in tournaments, and in Bele Oriolanz (track 5) he has gone away because gossips have been poisoning their relationship. Or perhaps she feels anxious because she is pregnant by her lover, as in Belle Aiglantine (track 3) and Bele Beatris (track 6).

So the subject of the chansons de toile is basically very different from that of the courtly love songs of that time. Love is not idealised and inaccessible, the lady is not 'lofty' and out of reach. Love here is free from conventions, it is uninhibited, strong and natural, and there is a touching immediacy in the feelings expressed; moreover, the obstacles or adversities encountered are those that any young woman of her social class had to face at that time. These songs give the impression of being based on real-life experience. And since such themes are universal, we are still moved by them today.
In form, they consist of short, mono-rhyme stanzas (i.e. all the lines have the same end rhyme), with occasional lapses into assonance. Generally the lines are decasyllabic. The substantial refrains always move away from the form of the stanzas. This structure, which is very appropriate for narration, gives them an apparent simplicity and removes them even further from the songs of the troubadours.
From the literary viewpoint, they show a popular tendency. But their melodic features — they are non-rhythmic and very melismatic (listen to Bele Doette, for example) — show an aristocratic tendency; they belong to the tradition of art music.

The chansons de toile that have come down to us — only a score or so — are found in a number of manuscripts dating from the first half of the thirteenth century: the Manuscrit du Roi (M - BNF fr. 844), the Noailles Chansonnier (T - BNF fr. 12615) and the Chansonnier of St Germain-des-Prés (U - BNF fr. 23205). Some of the texts also appear in romans (romances) of the same period: Jean Renart's Roman de Guillaume de Dôle (u - Vatican Regina lat.1725), and Gilbert de Montreuil's Roman de la Violette (v - BNF fr 1533). The music, is given in some cases, appears only in the manuscripts.

Much has been written about their origin, and for those who wish to find out more about the chansons de toile, the following are essential reading: Les chansons de toile by Michel Zinc (1978), La lyrique française du Moyen Âge (XIIe-XIIIe siècles) by Pierre Bec (2000) and Le livre des chansons by Henri Davenson (2003).

Despite many conflicting opinions, most of the authors who have studied these works closely agree that the surviving chansons de toile reflect a much older tradition, and this for three main reasons. Jean Renart (fl. 1200-22) tells us in Guillaume de Dôle that such chansons, connected with northern France, were sung by ladies at their needlework in the châteaux and by linen-weavers in the ateliers. Secondly, they are found only in the earliest sources of courtly literature. And thirdly, their form, the long lines, the narrative aspect and the use of assonance all call to mind the epic literature of earlier centuries; there are some archaic aspects.

Most of the chansons de toile in the manuscripts are anonymous, and they were probably written by men. Only one poet is known by name: Audefroi le Bastart. In his five chansons this trouvère from Picardy elaborated on the older, popular traditions of the chanson de toile. His stories have multiple developments and possibly represent the last flourishing of a genre that was on the point of dying out.

Katia Caré
Translation: Mary Pardoe




Fontevraud, 900 ans d'Histoire

Considérée comme l'une des plus grandes cités monastiques d'Europe, nécropole royale des Plantagenêt, dont les gisants polychromes sont abrités dans sa grande abbatiale, l'Abbaye de Fontevraud frappe autant par sa taille que par son originalité.
Fondée en 1101 par un ermite breton, Robert d'Arbrissel, Fontevraud fut, de tout temps, un ordre double, masculin et féminin. Dirigé par trente-six abbesses, qui ne dépendaient que du Pape et du Roi, Fontevraud fût ainsi, sept siècles durant, un témoin privilégié de l'Histoire de France. Elle était, à la veille de la Révolution, l'Abbaye la plus puissante de France. Napoléon en fit une prison, la sauvant ainsi de la destruction.
Centre culturel de rencontre, l'Abbaye de Fontevraud, haut lieu de concerts, de colloques et d'expositions, accueille également des artistes en résidence, et notamment des musiciens venant, pour des enregistrements, tirer profit des qualités acoustiques exceptionnelles du Réfectoire et du Haut-dortoir.
L'Abbaye de Fontevraud constitue un cas exemplaire de coopération étroite et réussie entre l'État et une grande collectivité territoriale : la Région des Pays de la Loire.
Fontevraud vient d'être classée au Patrimoine Mondial de l'U.N.E.S.C.O. dans le cadre de l'inscription de la Loire au Patrimoine de l'Humanité.



Fontevraud, 900 years of History

Considered to be one of the largest remaining monastic cities in Europe, royal necropolis of the Plantaganet family, whose polychrome recumbent statues rest in the Abbey's Church, the Abbey of Fontevraud is striking in both size and originality.
Founded in 1101 by a Breton hermit, Robert d'Arbrissel, Fontevraud was a double order abbey with both nuns and monks. Ruled over by 36 abbesses who were answerable only to the Pope and the King, Fontevraud was, for seven centuries, a privileged witness to France's History. It was the most wealthy and powerful Abbey in France up until the eve of the national Revolution, where after it was transformed into a prison by Napoleon, saving it from destruction.
Cultural encounter centre, the Abbey of Fontevraud, important location for concerts, seminars and exhibitions, also receives artists in residence, especially musicians who wish to record and to benefit from the exceptional acoustic qualities of the Refectory and High-Dormitory.
The Abbey of Fontevraud constitutes an example of close and successful cooperation between the state and a large territorial community, namely the 'Région des Pays de la Loire'.
Fontevraud was listed as World Heritage in 2001 by U.N.E.S.C.O. along with the inscription of the Loire Valley.