La Danse à la Cour des Ducs de Bourgogne
La Maurache, instruments médiévaux et voix





medieval.org
lamaurache.free.fr
Arion ARN 68052

1988








01 - Wol up Ghesellen yst an der Tyet iv notarum   [2:44]
estampie - v. 1431, Ms. H, Berlin
2 flûtes à bec, rebec, orgue, percussion

02 - De tristo     [2:33]
frottole - 15e s., Codex Lucchese
2 voix, 2 luths, vièle, flûte à bec, darbouka

03 - Hélas mon cœur     [4:57]
basse-danse - Ms. de Bayeux, fin 15e s. (harm, J. Skowron)
3 voix, vièle, luth (percussion), chalemie, orgue, saqueboute, flûte traversière soprano

04 - Filles à marier   [4:29]
Basse-danse - Ms. dit des Basses Danses de la bibliothèque de Bourgogne et Buxheimer Orgelbuch, fin 15e s. (reconst. J. Skowron)
2 vièles, saqueboute, percussion
chanson - début 16' s., Chansonnier Colon
4 voix, guiterne (percussion)

05 - Jouyssance vous donnerai   [2:06]
basse-danse - ThoinotArbeau, Orchésographie (1588)
luth (percussion), vièle, flûtes à bec

06 - [4:57]
Bransle d'Écosse - Thoinot Arbeau, Orchésographie
Giovanni Ambrosio da PESARO. Amoroso - ballo francese (pavane),  v. 1463
Bransle Charlotte - Thoinot Arbeau, Orchesographie
chalemie, 2 vièles, percussion

07 - Der Winter   [1:31]
an. allemand, 15e s., Lochamer Liederbuch - viole ténor, 2 basses de viole, régale

08 - Dit Le Bourguignon   [2:35]
an. français, 16e s. - vièle, cromorne, régale et orgue, percussion

09 - Fortune espérée)   [2:39]
an. anglais, début 16e s., d'après Busnois († 1492)
vièle, basse de viole, orgue

10 - Propter bonos geschwenkos   [0:52]
an. allemand (?), 16e s.
vièle, cornamuse, régale, percussion

11 - [4:18]
Guillaume DUFAY (v. 1400-1474). Adieu m'amour (chanson)
basse-danse d'après la chanson
2 vièles à archet, orgue, percussion

12 - Matthaeus PIPELARE. Fors Seulement   [2:48]
fin 15e s. - P. Attaingnant
2 dessus de viole, ténor et basse de viole, orgue

13 - Trinck und gib mir auch   [1:53]
an. fin 15e s., Buxheimer Orgelbuch
vièle, cromorne, cistre, orgue

14 - GULIELMUS. Spagna 'La falla con misura' - Bassa Castiglia   [1:34]
v. 1470 - vièle, cromorne, vièle ténor, timbale

15 - Die süss nachtigall    [2:22]
début 16' s., Buxheimer Orgelbuch - vièle, orgue, luth

16 - Thomas STOLTZER (1480-1536). Ex tractu do. Inocauit   [1:46]
2 vièles

17 - Pièce instrumentale   [2:15]
fin 15' s., Glogauer Liederbuch - vièle, orgue

18 - Francisco de la TORRE. Alta danza   [3:04]
saltarello - Cancionero de Palacio, fin 15e s. - début 161 s.
orgue, clavecin, saqueboute, cornamuse, vièle, luth, flûte à bec

19 - La Perugia   [2:25]
saltarello - v.1 509, Ms. 36, Pérouse
3 percussions, flüte traversière, soprano, rebec, saqueboute

20 - La Verdelette   [2:55]
basse-danse - d'après le Ms. dit des Basses Danses (adapt. J. Skowron)
guiterne, rebec, chalemie, saqueboute, percussion

21 - [3:05]
Bertrandus VAQUERAS (v. 1450 - v. 1507). Veci la danse Barbari  (chanson)
2 voix, bombardes soprano et ténor
La Morisque (danse)  Thoinot Arbeau, Orchésographie
saqueboute, vièle, flûtes à bec, cromorne, orgue, grelots, percussions

22 - Frankurgenti   [2:57]
basse-danse - Buxheimer Orgelbuch, d'après une chanson de Guillaume Dufay
orgue, cornamuse, rebec, saqueboute, flûte à bec, percussion

23 - Que faire s'amour   [3:07]
chanson - début 16e s. (harm. J. Skowron) - clavecin, 4 voix

24 - Basse-danse   [2:51]
Pierre Attaingnant (v. 1530)
bombardes soprano et ténor, saqueboute, vièle, basse de viole, luth, flûte à bec

25 - JOSQUIN (v. 1449-1527). L'ome armé  (canon instrumental) [0:57]
bombarde ténor, cornamuse, saqueboute, chalemie soprano



Réalisation musicale : JULIEN SKOWRON



CD extrait des disques vinyles suivants:
Arion ARN 338650. Bal à la cour de Marie de Bourgogne (1982)
Arion ARN 36540. L'Art de mêler les orgues aux instruments à archet (1980)
Arion ARN 36358. L'Art de la vièle à archet (1977)

Collection dirigée par Ariane Ségal
Prise de son : Claude Morel (1-12, 18-25), Jean-Martial Golaz (13-17)
(℗ ARION 1977-1980-1982/AAD)
℗ ARION 1988

Recto : Le cortège de noces de Renaud de Montauban, v. 1470, Bibliothèque de l'Arsenal, Paris





LA MAURACHE
Julien Skowron

Nicole Robin, soprano
Claudine Prunel, clavecin
Hervé Barreau, flûtes à bec, bombarde, chalemie, cromorne, cornamuse, voix
Francisco Orozco, guiterne, luth, percussions, voix
Julien Skowron, instruments à archet (rebecs, vièles à archet, dessus et ténor de viole, voix

et la participation de:

Georges Guillard, instruments à clavier (orgue portatif, orgue positif, orgue, régale, clavecin)
Marcello Ardizzone, orgue, clavecin, vraie, rebec, saz, citole, cromorne, viole de gambe, percussion
Bernard Huneau, flûte traversière et à bec, cromornes, bombarde ténor, percussion, voix
Louis Longo, saqueboute
Henri Agnel, luth, cistre, darbouka, naquaires, crotales
Françoise Delalande, ténor et basse de viole, percussion
Muriel Allin, basse de viole



LA MAURACHE (= luth d'origine mauresque que Guillaume de Machaut cite dans ses Dits au 14e s.), est un ensemble de musiciens spécialisés dans l'interprétation des musiques du Moyen Age et de la Renaissance. Elle cherche à témoigner de l'intemporalité, du «classicisme», de la valeur universelle de ces musiques dites «anciennes», sans se limiter à ces périodes. Elle a participé à de multiples expériences qui l'ont placée au carrefour d'idées, de techniques, de courants, qui depuis plus de vingt ans ont conduit la musique ancienne, de curiosité plus ou moins à la mode qu'elle a été, à devenir une musique «comme les autres», simple reflet de l'Histoire et de la Mémoire des Hommes. Musique toujours vivante, même, et surtout au XXe siècle. LA MAURACHE tente, à partir du sérieux des découvertes musicologiques les plus récentes, et de la liberté créative de ses musiciens, de donner vie au répertoire de la musique dite «ancienne», mais aussi d'accéder à un répertoire plus récent ou même contemporain. Ses interprétations se libèrent joyeusement des poncifs hérités d'un classicisme anachronique, tout en se défiant d'un «progressisme» trop facile, que la mode dénigre aussi vite qu'elle l'a encensé.


The «MAURACHE» (a lute, moorish in origin, cited by Guillaume de Machaut in his «Dits» of the fourteenth century) is a group of musicians specialising in the interpretation of music of the Middle Ages and the Renaissance. It seeks to demonstrate the timelessness of «classicism», the universal value of this music called «ancient», without restricting itself to these periods. The ensemble has taken part in several experiments thereby placing it at the crossroads of ideas, techniques and trends which, for more than twenty years, have led ancient music away from being the curiosity more or less in vogue that it was, to become a music «like the others», a simple reflection of the history and memory of mankind. A music ever alive, even, and especially in the twentieth century. From the most recent serious-minded musicological discoveries and the creative liberty of its musicians, the «MAURACHE» not only attempts to breathe life into the repertory of so-called «ancient» music, it also tries to build up a repertory that is more recent or contemporary even. Its performances are blissfully free from inherited clichés of anachronistic classicism while mistrustful of a too facile «progressivism» fashion will decry almost as soon as it has been acclaimed.




English liner notes











Jeanne Marix, dont l'étude sur les Musiciens de la Cour de Bourgogne est bien connue des spécialistes, dit ceci: «Si les danses terminent toutes les fêtes seigneuriales au XVe siècle, elles sont aussi l'expression de la joie populaire. (...). Aux caroles et aux tresques champêtres, les seigneurs préféraient la noble basse-danse, et plus encore la morisque (...). Les chansons des meilleurs compositeurs formaient le répertoire des danses. On dansait aux chansons (...)».

La basse-danse est une danse par «bas et sans sauter». C'est la danse de prédilection des nobles au XVe siècle. En France, il est recommandé de la danser «avec modestie et point d'afféterie». Thoinot Arbeau, dans l'Orchésographie (Langres, 1588), ne cache pas sa déception devant la disparition de cette danse, où «le danseur tient par la manche ou par l'extrémité des doigts une ou même deux dames, et s'avance avec elles, en un maintien raide, à pas menus, limités par l'ampleur encombrante du vêtement féminin. Les airs sont solennels et dignes et, à la cour de France, c'est sur des mélodies de psaumes que l'on évolue pieusement (l'air de danse favori de Charles IX était la mélodie du psaume 129...). Ainsi conçue, la danse n'est même pas incompatible avec la dignité ecclésiastique; en 1562 encore, au bal offert à Philippe ll, à Mantoue, par les pères du concile de Trente, on voit danser cardinaux, évêques et prélats. Ces danses pleines d'ostentation n'ont point pour objet, comme les nôtres, le divertissement individuel, mais, animées d'un esprit orchestique, elles constituent à la fois un spectacle pour les assistants et une sorte de rite de cour, ornement obligé des grandes réunions princières...»

En fait, cette danse est typique du XVe siècle, et très souvent illustrée par les musiciens qui gravitent autour de la cour des ducs de Bourgogne. Mais les basses-danses, dans leur exécution, posent de multiples problèmes: tempo, ornementation, polyphonies improvisées ou écrites, orchestration, art de jouer à la fois pour la danse et le plaisir de l'écoute... Elles puisent leurs origines dans les caroles du XIIIe siècle, les danses cléricales progressivement interdites par l'Eglise mais très pratiquées jusqu'au milieu du XVIe siècle, les estampies du XIVe siècle et les frottoles italiennes; leur devenir se prolongera dans la musique sur cantus firmus, dans la variation sur basse obstinée jusqu'à J.S. Bach (Chaconne, Passacaille pour orgue...).

L'intitulé du présent enregistrement résume différentes préoccupations d'ordre «chorégraphique» musical et historique. Il s'agit de pièces, pour la plupart d'entre-elles, destinées réellement à être
dansées
.

Les autres pièces présentées ici le sont à titre d'intermèdes musicaux, certaines peuvent également recevoir des pas, des mouvements, qui restent à «inventer»...


A LA COUR DES DUCS DE BOURGOGNE...

Nous devrions plutôt dire: à la cour de Marguerite d'York, de Charles le Téméraire, ou de Maximilien. Marie de Bourgogne, (1457-1482) nous semble représenter au mieux cette période historique de la cour de Bourgogne finissante, «émigrant» vers l'Empire romain germanique.

Marie de Bourgogne est ici comme un repère historique et un symbole des influences musicales diverses: italiennes, germaniques, anglaises, fla mandes, espagnoles, ou typiquement françaises qui s'entrecroisent dans cette Europe de la fin du XVe siècle: après le grand espoir des Ducs de Bourgogne s'achevant avec Charles le Téméraire (1433-1477), «qui rêve non seulement de royauté, mais d'empire, et qui, rude joueur, en face de Louis Xl, semble un instant à la veille de constituer contre lui un vaste Etat bourguignon (...) dont les frontières largement distendues allaient du Zuyderzee au Jura, et du Morvan au Rhin (...) Etat innomé, une Lotharingie, ou une Grande Bourgogne, un grand duché d'Occident. La virtualité de cet Etat européen (...) n'a fait que traverser en éclair le champ de vision de l'histoire, mais il est resté dans la mémoire des hommes le souvenir d'une vie de cour magnifique, d'une littérature active, surtout d'un art d'un prodigieux éclat qui restera la gloire la plus pure des quatre règnes ducaux».

Marie est son héritière directe; devenue l'épouse de Maximilien d'Autriche, empereur romain germanique en 1493, elle va aider à propager, à «publier», à distribuer cette richesse artistique émanant de la cour de Bourgogne. De plus, c'est à Marie de Bourgogne que semble avoir appartenu pendant un temps le Manuscrit dit des Basses Danses de la Bibliothè que de Bourgogne, point de départ de l'idée de ce disque. Malgré sa mort prématurée et tragique, à l'âge de vingt cinq ans, des suites d'une chute de cheval, l'héritage artistique de la Bourgogne ne sera pas perdu. C'est pourquoi nous avons étalé dans un temps plus large que la seule vie de Marie de Bourgogne, l'origine des pièces qui illustrent ce disque; avant elle, dès 1430 environ: pièces expliquant brièvement les origines de la basse-danse (estampie, frottole); après elle, jusque vers 1580: pièces venant dans la continuité de «l'esprit de la basse-danse» du XVe siècle (P. Attaingnant) ou lui faisant contraste (bransles).

Notre choix est délibérément varié, éclectique, et juxtapose diverses pièces qui auraient pu faire partie du programme d'un bal, entre 1430 et 1580, Marie de Bourgogne se situant à peu près au centre historique de cette période et au centre géographique de l'Europe du moment, en prenant soin de préserver à ce bal une part d'IMAGINAIRE, car, en tout état de cause, «nous sommes à peine sur le seuil de l'atelier où les musiciens projetaient, improvisaient, composaient leurs pièces dans un acte indistinct qui était l'expérience vécue de la musique. Il faudra découvrir beaucoup d'autres traces pour qu'on puisse un jour, en toute conscience, reconstituer un bal du quinzième siècle et en vivre la musique dans tous ses détails».

Il sera tenté au travers de cet enregistrement (et dans les limites que cela implique) de donner quelques éléments possibles de réponses au problème difficile et controversé, des basses-danses du XVe siècle, envisagé sous son double aspect musical et «chorégraphique». Nous nous sommes servi partiellement de certains travaux en la matière, parmi les plus documentés et les plus sérieux, mais «l'interprète a toujours eu plus ou moins selon les styles, le droit et parfois LE DEVOIR, de broder selon des traditions pour la plupart perdues»: les danses des XVe et XVIe siècles, les basses-danses en particulier, se prêtent fout à fait bien à la «broderie» (au sens large), et nous pensons qu'il incombe comme un devoir au musicien du XXe siècle, dans ce type de répertoire, de faire preuve d'une certaine imagination créatrice.

Nous souvenant de ce que dit si bien Jacques Chailley: «l'idée par exemple, qu'un texte écrit est fait pour être respecté dans le moindre détail de sa lettre, n'a guère plus de trente à cinquante ans d'âge, et aboutit en pratique dans nos concerts de musique ancienne à de PARFAITS CONTRESENS, puisqu'elle s'applique à des papiers qui ont été rédigés dans l'ESPRIT INVERSE»; nous n'avons pas hésité à «quintoyer», «quartoyer», «octavier», agrémenter une mélodie de bourdons ou d'une polyphonie plus ou moins complexe, développer la forme d'origine, orner, «colorer», «varier», orchestrer avec nos possibilités instrumentales, traiter plus ou moins librement un texte de base, et puisque nous jouons «à danser», nous avons ajouté «un tabourin qui ayde merveilleusement par ses mesures uniformes à faire les assiettes des pieds selon la disposition requise par les mouvement», tous procédés qui ne s'écrivaient pas nécessairement mais qui s'exécutaient naturellement dans l'acte musical vécu.

C'est ce que nous avons tenté de restituer dans ce BAL IMAGINAIRE A LA COUR DES DUCS DE BOURGOGNE.

JULIEN SKOWRON







The basse-danse ....