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Ligia Digital 202238
2012
Josquin l’Européen, Vol. 4
Josquin & Rome 2
Messe La sol fa ré mi
01 - Kyrie [3:26]
02 - Gloria [5:00]
03 - Credo [8:56]
04 - Sanctus [6:47]
05 - Agnus Dei [5:28]
Messse Gaudeamus
06 - Kyrie [3:19]
07 - Gloria [6:44]
08 - Credo [11:35]
09 - Sanctus [7:13]
10 - Agnus Dei [6:48]
Métamorphoses
Maurice Bourbon
Juliette de Massy, soprano
Noémie Capron, mezzo-soprano
Bruno Le Levreur, contre-ténor
Thierry Bréhu, Eric Raffard, Yorick Labaume, ténors
Maurice Bourbon, baryton
Enrico Bava, basse
Biscantor!
Mélinée Lesschaeve, Maud Haering, Sophia Karpenko,
sopranos
Claire Naessens, Léa Moreau, Axelle Corteel, mezzo-sopranos
Préparation des biscantors:
Michèle Bourdiault et Maurice Bourbon
Enregistré du 27 au 30 août 2011
en l’église de Javols (Lozère, France)
Prise de son, direction artistique, montage et mastering: Jean-Marc
Laisné
Conversation avec Josquin
Exquise analyse
Le plaisir commence avec l’analyse de l’œuvre.
Dans le calme et le silence apparaissent, pas à pas, tous les
rouages, les canons, les échos, les thèmes
répétitifs à différentes échelles,
les mélodies principales et secondaires. Dans le même
temps s’imposent les dynamiques, suggérées par les
tessitures ou par le nombre de voix, les phrasés et les tempi,
l’emploi des chanteurs, la répartition entre le
chœur et les solistes. Moment privilégié de
l’écoute intérieure... Justesse parfaite.
Après commence le temps, autrement magnifique, de la
réali....
- Co-onfi-i-i-te-or! Co-onfi-i-i-te-or! Co-onfi-i-ite-or!...
Mais quel est ce raffut?
- Co-onfi-i-i-te-or! Co-onfi-i-i-te-or! Co-onfi-i-ite-or!...
La porte s’ouvre. Josquin entre, beuglant:
- Co-onfi-i-i-te-or! Co-onfi-i-i-te-or!
Il me fait un clin d’œil:
- Co-onfi-i-i-te-or!...
Puis, essoufflé:
- Pffff, je n’ai plus l’habitude... Dur, mais...
délicieux! Tu as reconnu?
- Oui, bien sûr, c’est ton tube, le Confiteor de la
Gaudeamus.
- Hé, hé, hé, j’avais remarqué que tu
l’appréciais.
- Mais il m’a donné du mal! J’ai mis du temps
à comprendre qu’il était une des clés de
l’œuvre... Que fais-tu ici?
Drôle d’interview
- Heu... Je venais te rendre service...
- Pour l’instant tu m’as plutôt interrompu...
- J’avais cru comprendre que tu avais quelques problèmes
pour me faire «apparaître» dans tes Conversations,
alors j’ai anticipé!
- Mmmm...
Josquin, un peu déçu:
- Attends!
Il se tourne vers un public imaginaire et, goguenard:
- Chers lecteurs, le maître Bourbon va vous analyser la Gaudeamus
et la La sol fa re mi!
- J’ai déjà dit pas mal de choses, Josquin, et je
laisse la part musicologique à l’ami Jacques.
- Mais ... quand même.... quels effectifs as-tu employés?
- Je les ai déjà évoqués. Comme
d’habitude, j’ai réuni une équipe de
chanteurs solistes, cette fois au nombre de huit, et, pour la
première fois, des biscantors.
- Ha, ha, ha! Tu parles d’une innovation!
- Un chœur de jeunes filles.
- De jeunes filles??!! alors ce n’étaient pas des biscantors!
- Si, si, des biscantors, tantôt en superius,
tantôt en tenor.
- Mais quelle idée??!!
- Ah, Josquin! Qui a écrit ces deux messes avec ostinato,
ce n’est pas moi, tout de même! Tu me vois faire venir un
soliste pour chanter 256 fois la sol fa ré mi?
- Nous le faisions bien, nous!
- En plus ce chœur a été un lien puissant entre les
parties, et m’a permis de beaucoup varier. Tantôt seul sur
une ligne, pour les piano, ou accueillant un ténor pour
un piu forte, ou encore distribué dans deux parties
différentes. Et quelle fraîcheur!
- Je vois... Et les grands climats ?
- Ah, j’ai spécialement travaillé cet aspect, et ta
musique m’a bien aidé.
- Dis-donc, elle était là avant toi!
- Oui, et bien là! Dans la Gaudeamus,
l’imploration du Kyrie, la joie, la puissance, puis
l’orgie du rythme du Gloria, les mécaniques du Patrem
et du Sanctus, la tendresse du Et incarnatus et du Benedictus,
la suspension, puis la course à l’abîme du Et in
spiritum et du Confiteor, enfin, comme souvent chez toi, la
fin théâtrale de l’Agnus... Dans la La
sol fa re mi, le tendre lyrisme du Kyrie, la vigueur du Et
in terra pax, du Cum Sancto et de son Amen,
l’intensité intérieure du Qui tollis, du Et
incarnatus et du Sanctus, les mécaniques implacables
du Patrem omnipotentem et du Et resurrexit, le
recueillement de l’Agnus...
- Je me souviens... Je n’avais pas eu le temps de faire un Agnus
3 spécifique et avais repris l’Agnus 1...
Josquinosaure Rex
Josquin reste un instant plongé dans ses souvenirs, puis:
- Toute chose ayant une fin -je suis bien placé pour le savoir-,
je vais devoir prendre congé. Quand se revoit-on?
- Hou la la! Surtout, ne m’en parle pas encore! Il me faut
d’abord panser mes plaies, et récupérer mon
énergie. Puis aussi retrouver de l’argent. Tu coûtes
très cher!
- Ah, bon? Mais la vente des concerts?
- Très difficile. Les organisateurs partent de
l’idée que ta musique est ennuyeuse. Les auditeurs des
rares concerts, par contre, sont transportés.
Tu sais... ce n’est plus vraiment cette musique qu’on
écoute aujourd’hui... Il faut de l’amplifié,
du sensationnel, de l’événementiel...
- Mais les défenseurs du patrimoine...
- En paroles, Josquin, en paroles... Les aides réelles manquent.
Tiens... Avec une journaliste, rencontrée dans les rues de Lille
l’autre jour, nous évoquions la diminution inexorable des
moyens dans nos domaines respectifs. Elle me lance: «Finalement,
tu es un des derniers, avec la musique ancienne, dans le
Nord-Pas-de-Calais! Un dinosaure!». Malgré le destin
limité des dinosaures, j’étais amusé et
flatté. Un dinosaure... Un Josquinosaure Rex!
Josquin, déjà loin:
- Des dinosaures? C’était un peu avant moi, ça? Ce
n’est pas ce qu’on appelle la loi de
l’évolution?
- Oui, Josquin, c’est ça .... A bientôt....
C’est ça... en quelque sorte...
Maurice Bourbon
Josquin Desprez
De Milan à Rome
Josquin Desprez au
service d’Ascanio Sforza
Au fil de sa carrière en Italie, Josquin Desprez est au service
des Sforza dans le courant des années 1480, chantant avec les cantori
da cappella au château du duc, à Milan.
L’effectif est différent de celui de la cathédrale.
Six ou sept chanteurs au duomo, une vingtaine chez le duc, les
moyens financiers sont à l’aune de l’ambition
politique d’un prince qui traite directement avec le pape. Seules
des chapelles comme celles de Rome ou Cambrai peuvent à
l’époque entretenir autant de chantres. Ascanio Sforza,
nommé cardinal en mars 1484 et légat du pape,
séjournera souvent à Rome avec les musiciens de sa cour.
D’autres charges honorifiques comme le décanat du
diocèse de Padoue ou l’épiscopat d’Agira
(Hongrie) contribuent encore à rendre mouvementée la vie
de ce prélat voyageur, réputé pour ses intrigues
autant que pour ses qualités d’entremetteur et de
négociateur. Josquin le suit partout dans ses
déplacements et missions, chantant et écrivant aussi bien
pour sa propre chapelle que pour les autres personnalités
politiques. Josquin résidera par la suite plusieurs
années à Rome où il est engagé en juin 1489
dans la chapelle papale, forte, à cette époque,
d’une vingtaine de chanteurs (1). Il y retrouvera le cardinal
Ascanio nommé secrétaire d’état dans le
grand palais de la chancellerie apostolique du Vatican. De Milan
à Rome, Josquin Desprez n’a donc pas perdu son protecteur.
C’est de cette période que daterait la Missa La sol fa
re mi, réplique musicale à la dérobade
favorite d’Ascanio «Lassa far a mi» lorsque Josquin
lui demandait d’augmenter ses gages. Cette supposition
initiée par Glaréan et glosée par tant
d’historiens par la suite ne doit pas faire oublier que Josquin
était devenu réellement un familier du cardinal. Le
poète Serafino Cimminelli d’Aquila, également
à son service, écrit un sonnet dédicacé
«ad Jusquino suo compagno musico d’Ascanio». Quelques
années plus tard, le compositeur est dénommé
«Iosquin dascanio» au-dessus des frottoles In te Domine
speravi ou El grillo que l’éditeur
vénitien Petrucci publie en 1504 et 1505.
Deux œuvres de référence
Les deux messes proposées ici utilisent le principe de l’ostinato,
l’une sur un sujet musical librement inventé: la sol
fa ré mi, l’autre se basant sur l’incipit de
l’introït Gaudeamus omnes in Domino emprunté
au répertoire de plain-chant.
Elles sont citées à plusieurs reprises dès 1516
par Pietro Aaron dans ses différents ouvrages (De
Institutione harmonica, 1516; Trattato della natura et
cognitionedi tutti gli tuoni, 1525; Toscanello, 1529), ou Teofilo
Folengo (Le Maccheronee, 1521) jusqu’à Zarlino (Le
istitutioni harmoniche, Venise, 1558; Sopplimenti musicali,
Venise, 1588). Heinrich Glaréan est le théoricien qui a
le plus écrit sur Josquin Desprez. Tout au long du Dodecachordon
publié à Bâle en 1547, la référence
absolue se nomme «Iodoci Pratensis» évoqué en
des termes plus louangeurs les uns que les autres et les deux messes
sont régulièrement citées en exemple musical. Le
sommet de la louange est atteint dans le chapitre XXIIII dont
Glaréan consacre une quarantaine de pages au seul Josquin.
«Parmi ces auteurs d’élite, au sein de cette
armée de grands esprits, Josquin des Prés, ou le petit
Josse comme on l’appelle avec affection dans sa langue
maternelle, l’emporte de loin, à moins que la passion ne
m’égare, par son esprit, sa rigueur et son talent. Si cet
homme, avec ce naturel et cette rigueur d’esprit qui le
distinguèrent, avait pu avoir connaissance des douze modes et de
la véritable théorie musicale, la nature n’aurait
rien pu produire de plus haut ni de plus sublime en cet art. Son esprit
était curieux de toute chose et la nature l’avait
doté d’une telle finesse et d’une telle force que
rien dans ce domaine ne lui eût été impossible...
Aucun autre compositeur n’a exprimé par le chant, avec
autant d’efficacité, les passions de l’âme;
personne n’a pris la parole avec autant de bonheur, personne
n’a pu rivaliser avec lui en grâce et en aisance, de
même qu’aucun auteur latin n’est meilleur que Virgile
dans l’art du poème épique.»
Le dithyrambe s’étend ainsi sur deux pages avant de citer
et reproduire quelques œuvres particulières:
«La plupart de ses œuvres témoignent avec
ostentation de son savoir-faire, comme la Missa super voces
musicales et la Missa adf ugam. Ailleurs, il joue les
donneurs de leçon, comme dans la Missa La sol fa re mi.
Dans d’autres, il redouble de zèle, comme dans la Missa
de beata Virgine. D’autres, certes, s’étaient
déjà livrés à de tels exercices, mais sans
en venir à bout avec un pareil bonheur. C’est la raison
pour laquelle j’ai choisi de terminer cet ouvrage par une
série d’œuvres phares de ce compositeur». (2)
Missa La sol fa re mi
Jusqu’à une période récente, il était
d’usage de justifier le titre de la messe par l’explication
donnée par Glaréan à propos de la réplique
supposée d’Ascanio Sforza «lassa far a mi»,
Josquin Desprez reprenant alors les syllabes dans le motif musical la
sol fa ré mi répété obstinément tout
au long de l’œuvre.
Un autre commentateur a poussé plus loin l’investigation
en imaginant que le commanditaire, qui n’est d’ailleurs pas
cité par Glaréan, pourrait être le frère
d’Ascanio, Ludovic le More. Pour justifier son hypothèse,
il s’appuie sur une lettrine particulière ornant le
manuscrit le plus ancien de cette messe, le Ms 41, copié
à la fin du XVe siècle à la chapelle Sixtine. La
lettrine initiale de la partie d’Altus représente en effet
un personnage oriental à la tête enturbannée,
tenant à la main une bannière flottant au vent sur
laquelle est écrit «lesse faire a mi», sa ceinture
étant constituée de pièces de monnaie
frappées en France.
Et tout le monde de penser alors qu’avec humour, Josquin Desprez
aurait écrit cette messe pour rappeler le prince à son
devoir ou pour brocarder une expression souvent employée avec
ses débiteurs.
Les recherches d’Adalbert Roth publiées au milieu de la
décennie 1990 revisitent cette tradition en nous plongeant au
plus profond des intrigues diplomatiques entre l’Europe et
l’empire ottoman. Le personnage présent dans ce codex Ms
41, contenant cinq messes de Josquin copiées à
l’époque où notre compositeur travaillait à
la chapelle Sixtine, serait le prince Djem, frère cadet de
l’empereur ottoman et exilé pour échapper à
la mort promise par ce dernier. Otage de la papauté, il devait
être remis contre rançon à Charles VIII (symbole de
la ceinture) lors d’une entrevue à Naples en 1495 avec le
pape Alexandre VI. En fait, le prince Djem mourra en février
1495, probablement empoisonné, la diplomatie papale étant
en double intelligence avec les émissaires du sultan Bajazet
II...
Le maître des cérémonies à la cour du pape
signale que le 20 janvier 1495, une grande messe papale était
célébrée en l’honneur du roi de France, soit
à la même époque que la copie de cette messe pour
les chanteurs du pape.
Elle est écrite entièrement à quatre voix et
oscille entre le mode de mi et celui de la comme
l’y incite le motif musical. Seule la deuxième partie du Benedictus
est à trois voix, l’Agnus Dei 2 se réduisant
à deux voix. Sans développement final particulier,
l’Agnus Dei 3 reprend le premier, c’est une des
rares messes à ne pas inclure de canons ou de
procédés contrapuntiques sophistiqués. Sans doute
Josquin Desprez a-t-il été contraint par le calendrier
politique en devant terminer plus rapidement que d’habitude la
composition de cette nouvelle œuvre.
On notera toutefois, au début du Sanctus, les deux
premières voix en miroir, procédé qu’il
réitère aux quatre voix à la fin du Osanna.
Toutefois, le manque de temps n’empêche pas le compositeur
de livrer une messe remarquable par la simplicité des formules
mélodiques et une écriture fluide aux intervalles
conjoints liée à la prouesse de «farcir»
constamment les cinq sections en répétant 256 fois la
formule musicale la sol fa ré mi, quelles que soient les
voix dans les deux échelles de la ou de mi.
Ces transformations d’ordre rythmique par l’emploi de
valeurs longues ou brèves (ténor et bassus du Kyrie)
ne concernent jamais la mélodie toujours déclinée
à l’identique. Elle prend aussi la forme d’un cantus
firmus en valeurs très longues (ténor dans la
première partie du Credo) qui se répète avec des
valeurs de plus en plus courtes.
Parfois Josquin Desprez enchâsse l’incipit dans une autre
citation de l’ostinato écrite alors en valeurs plus
longues (début du Sanctus entre les voix du superius et
du bassus) et dans l’Agnus Dei 2, la partie du
ténor est constituée du seul énoncé seize
fois répété du motif avec des valeurs rythmiques
différentes.
L’élégance de cette messe lui vaudra
d’être souvent copiée dans quatorze sources
manuscrites, et régulièrement
rééditée depuis sa première sortie des
presses de Petrucci à Venise en 1502. Si plusieurs compositeurs
imiteront l’œuvre de Josquin en reprenant le même
sujet musical (Jachet de Mantoue, Costanzo Porta), d’autres
déclineront le procédé d’écriture
à l’instar de la Missa supra la sol mi fa re de
Robert de Févin ou la Missa fa sol la ré de Mauro.
Missa Gaudeamus
Écrite à quatre voix avec des passages à deux voix
(Benedictus, Agnus Dei 2) ou à trois voix (Et
incarnatus est, Pleni sunt), la Missa Gaudeamus, messe sur
cantus firmus liturgique, se distingue par l’emploi de tessitures
aiguës. L’introït qui lui sert de modèle est
d’ailleurs transposé à la quinte supérieure
de son premier mode d’origine. Utilisée aussi bien pour la
fête de l’Assomption que pour celle de Sainte-Anne ou la
fête de Toussaint, l’œuvre peut correspondre ainsi
à plusieurs intentions du calendrier liturgique.
Début de l’introït Gaudeamus omnes in Domino
La dizaine de sources manuscrites est postérieure à la
première des trois sources imprimées (Misse Josquin,
Venise: Petrucci, 1502) et il est difficile alors de la rattacher
à une période ou à un lieu précis dans la
vie du compositeur. L’exploitation du chant de
l’introït dans la polyphonie correspond à
différentes manières d’écrire que Josquin a
successivement utilisées au fil de sa carrière.
1. Il considère le timbre entier comme un cantus firmus
traditionnel. Exposé à la voix du ténor en valeurs
longues, nous le trouvons dans différentes sections de la messe
(partie centrale du Kyrie, deuxième partie du Gloria,
Credo, Agnus Dei 1).
2. Il paraphrase le plain-chant tout au long de l’œuvre aux
différentes voix de la polyphonie.
3 . Josquin se focalise aussi sur l’incipit du timbre, les six
premières notes correspondant à l’injonction
“Gaudeamus”. Le procédé musical
utilisé est alors celui de l’ostinato.
Entendu plus de soixante fois tout au long de l’œuvre, ce
procédé culmine dans le dernier Agnus Dei
où il est exposé vingt-trois fois à toutes les
voix, hauteurs et valeurs rythmiques. C’est un véritable
feu d’artifice sonore qui conclut la messe. Visuellement, la
notation originale se démarque en valeurs longues alors que le
signe rythmique employé pour ce passage précis demande de
chanter deux fois plus vite. Cette frénésie,
initiée à la voix du contraténor, gagne peu
à peu toutes les autres voix.
Missa Gaudeamus, Contraténor, extrait de l’Agnus
Dei final
À ces constructions sur le timbre du Gaudeamus, Josquin
Desprez superpose d’autres mélodies liturgiques comme des
fragments des Credo 1 et Credo 4 dans la section
éponyme polyphonique. Dans le passage Et incarnatus est,
l’ordinaire grégorien remplace alors le cantus firmus
de cette messe. Il fait usage également de canons rigoureux (Agnus
Dei 2) et multiplie les imitations. Pour ces différentes
raisons, on s’accorde à reconnaître la Missa
Gaudeamus comme une des œuvres de la maturité du
compositeur, une œuvre terminée dans les dernières
années du quinzième siècle alors que Josquin est
au faîte de sa carrière romaine.
Jacques BARBIER
Université François-Rabelais de Tours
Centre d’études supérieures de la Renaissance
Septembre 2011
1. Cf. le
volume précédent Josquin l’Européen,
vol. 3, Josquin & Rome 1 par l’ensemble
Métamorphoses aux deux «Messes de l’Homme
armé», CD Calliope 9441, 2010.
2. On retrouvera les textes originaux en latin et leurs
références précises dans un ouvrage
entièrement consacré au compositeur et ses œuvres: Josquin
DESPREZ, bleu nuit éditeur, 2010.