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Maîtrise Notre-Dame de Paris 002
2011
1. Inviolata a 5 [6:10] JOSQUIN
2. Salve Regina [7:37] Tomás Luis de VICTORIA
3. Ave Maris Stella [5:27] Pedro ESCOBAR
4. Ave Maria gratia plena [1:58] Jean MOUTON
5. Nigra sum [4:39] Caroline MARÇOT
6. Ave Virgo gloriosa [3:43] Thomas CRECQUILLON
7. Ave Maria... Virgo serena [5:44] JOSQUIN
8. Recordare [4:45] Caroline MARÇOT
9. Ave Virgo sanctissima [3:13] Francisco GUERRERO
10. Agnus Dei de la Missa Salve
Regina [2:50] Tomás Luis de VICTORIA
11. Ave Maria [3:52] Tomás Luis de VICTORIA
12. Inviolata [3:21] Caroline MARÇOT
13. Inviolata a 12 [3:01] JOSQUIN
MAÎTRISE NOTRE-DAME DE PARIS
SUPERIUS
Camille BEL, Camille BERNADOY (1), Elise DURIN, Alice ESNAULT,
Constance GOURLET, Solènle LAURENT, Eve LEROUGE, Margaux LOIRE
(1),
Samuel PAIN, Sébastien ROMERO, Anouch CARRACILLY
Anne-Cécile COCHET, Julia ALBANE, Pierre MASSELIN. Marie MASSON
(2)
Agathe POISOT, Laurence POUDEROUX, Gabrielle HERAULT, Clothilde PRIN
ALTUS
Anai's BERTRAND (3), Raphaël MAS
Yann ROLLAND (1), Andrés ROJAS-URREGO
TÉNORS
Jean BALLEREAU, Raphaël BOULAY (1), Laurent DAVID (1/3),
Christophe GAUTIER (1/2)
Benoît PORCHEROT, Emmanuel RICHARD, Pascal RICHARDIN (1)
BASSUS
Emmanuel BOUQUEY, François MEENS, Paul WILLENBROCK (1)
Solistes
(1) Tomás Luis de VICTORIA. Salve Regina
(2) Caroline MARÇOT. Nigra sum
(3) Caroline MARÇOT. Inviolata
LES SACQUEBOUTIERS
Ensemble de cuivres anciens de Toulouse
CORNETS: Jean-Pierre CANIHAC, Lluis COLL I TRULLS
SACQUEBOUTES: Daniel LASSALLE, Fabien DORNIC, Frédéric
LuCCHI
Direction, Lionel Sow
Prise de son, montage numérique et mastering, Philippe MALIDIN
Direction artistique, Henri CHALET
Conception graphique, Jérôme Dumoux • myArtDesign.fr
Photographies : © NDP - L PRADES, E. MANGEAT,J. Dumoux
Traductions : Geneviève BÉGOU
Direction du label : Simon CNOCKAERT
Enregistré en la chapelle de l'Epiphanie des Missions
Etrangères de Paris, du 7 au 11 juin 2011,
128 rue du Bac, 75007 Paris. www.mepasie.org
Motif couverture, livret et CD: faîtières de la
cathédrale Notre-Dame de Paris
(dessin: © J. Dumoux)
"Un signe grandiose apparut au ciel: une Femme!
Le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze
étoiles couronnent sa fête."
APOCALYPSE DE SAINT JEAN 72,1
Depuis le XIVe siècle, tandis que la lumière du jour
décline dans la Cathédrale Notre-Dame de Paris,
s'élève par la voix des chanoines, des chantres et des
enfants de la Maîtrise:
Inviolata, integra et casta es, Maria
Tu es chaste et pure, Marie
Les assonances en «a» de cette prose emplissent la
Cathédrale d'une clarté sonore, hommage musical rendu
à Marie, que l’Église associe volontiers à
la femme de l'Apocalypse. Tout un imaginaire poétique
découle de cette vision johannique. Les textes de ce programme
en sont le reflet:
Fulgida caeli porta
Porte resplendissante du ciel
Maris stella clarissima
Brillante étoile de la mer
Stella sole clarior
Etoile plus brillante que le soleil
Nous avons voulu par ce disque donner un aperçu musical de la
dévotion mariale de la Renaissance. D'une
extrémité à l'autre de l'Occident, une même
voix s'élève pour célébrer Marie. Toute la
richesse et la diversité du contrepoint renaissant se
déploient au travers de ces pages: les thèmes
grégoriens irriguent la polyphonie, l'art de l'imitation et du
canon se développe, la polychoralité apparaît.
Couvrant un siècle et demi de création musicale, ce
programme offre aussi un large panorama de l'Europe chrétienne.
L'Espagne, le Portugal, les Flandres, l'Italie, la France sont les pays
d'origine de ces compositeurs. On est frappé, à la
lecture de leurs biographies, par la grande mobilité de ces
musiciens qui, au gré des opportunités, se
plaçaient au service de cours, de monastères,
d'églises ou de cathédrales. Si leur vie présente
dans bien des cas des zones d'ombres, on peut tout de même
imaginer pour chacun ou presque une formation dans une maîtrise
ecclésiastique. JOSQUIN et MOUTON à Saint-Quentin,
VICTORIA à Avila, sont de bons témoins de ce
système d'éducation musicale qui assurait
parallèlement à l'enseignement de l'interprétation
du plain-chant et de la polyphonie, celui de la pratique instrumentale,
du contrepoint, et de toutes les disciplines générales
(grammaire, latin, rhétorique...).
Pour mettre en valeur la grande variété musicale de ce
programme (dont le nombre des parties vocales oscille entre 4 et 12),
nous avons réfléchi à l'effectif et la
distribution des voix, essayant d'approcher ce que pouvait être
un chœur de cathédrale à la Renaissance. On sait
qu'à Notre-Dame de Paris, les enfants étaient 8 au XVe
siècle, 12 à partir de 1550. Dans cet enregistrement, les
voix de superius sont servies par les enfants (de 5 à 8 par
pupitres selon les pièces), les voix d'altus, tenor et bassus
par 12 hommes (contre-ténors, ténors, barytons, basses).
Le projet musical est assez largement inspiré des propositions
musicales de Jean-Pierre OUVRARD qui décrit ainsi les
caractères propres à chaque voix:
"Le dessus [...] se distingue par sa légèreté et sa douceur, le tenor par sa fermeté, le contratenor par sa rapidité et l'étendue de sa tessiture, le bassus par la profondeur et son volume ("comme si c'estoit un gros tuyau d'orgue")" (1).
En cherchant tantôt une grande puissance dans l'émission,
tantôt une certaine suavité, en jouant sur l'adjonction de
doublures instrumentales, en imaginant des dispositions spatiales pour
souligner la répartition des pupitres en groupes
différents, nous avons tenté de donner une multitude de
visages à cette polyphonie.
Trois pièces de Caroline MARÇOT s'insèrent dans ce
programme, comme pour en revivifier l'écoute. Une grande
connaissance du répertoire de la Renaissance donne à ses
œuvres une intimité de conception avec celles des
maîtres du passé. C'est jusqu'au cœur de son langage
qu'on retrouve l'équilibre entre les dimensions horizontale
(mélodique) et verticale (harmonique), l'égale importance
de chaque partie. Le sens rhétorique et la conception formelle
ciselée de ses œuvres répondent aux architectures
sonores de la Renaissance.
Encadrant ce programme, deux motets de JOSOUIN utilisent le texte
Inviolata. Deux écrins polyphoniques pour ce poème, l'un
à cinq voix empreint de douceur, l'autre dont la
péroraison à douze voix nous offre un véritable
éblouissement sonore.
Lionel Sow
1. Jean-Pierre OUVRARD, JOSQUIN DESPREZ et ses contemporains,
Actes Sud, Arles,1986.
Nigra sum
Elle est noire. Belle. Très. Et Elle, se tient face à
Lui. Lui, Roi. Et magnifique.
Leur regard se croise, s'attarde, s'aimante, les assaille, leur coupe
le souffle...
Au même instant, le monde disparaît, le sol s'effondre,
l'alentour se dérobe, leur profondeur tressaille et chacun
goûte l'intérieur d'un savoureux.., iota
d'éternité.
Leur cœur se remet à battre, et accélère,
palpite.
Elle, chante.
La nature brille comme jamais auparavant, et tout respire. Vit.
Une saison passe ainsi: l'hiver, les fleurs, l'été, la
vendange même.
La musique les accompagne, puis s'efface, lorsque le regard se
détache enfin, mais pour scruter désormais le même
horizon.
Recordare
Cet offertoire pour la fête de la vierge des 7 douleurs est plein
de simplicité: "Souvenez-vous, écoutez-nous,
intercédez en notre faveur..." est la prière
quotidienne que reçoit Notre-Darne. Toute cette dévotion
mariale médiévale qui se chante dans une poésie
latine empreinte d'un lyrisme avoué, s'adresse en un sens
à la part féminine de notre spiritualité et
invoque quelques-uns de ses atouts: une certaine qualité
d'écoute, une véritable force de persuasion. Ici, la
pièce en double chœur à cinq voix utilise pour
fondement la monodie grégorienne comme un cantus firmus
circulant à chaque partie, servant chaque fonction polyphonique
- tenor, cantus, bassus - et se déploie de façon a
exprimer un dialogue tissé de l'espoir d'être entendu.
Inviolata
Cette antienne du XIe siècle est tellement présente
à la cathédrale Notre-Dame de Paris, que ses cloches en
sonnent les trois premières notes. Cette pièce propose de
faire correspondre une vibration harmonique actuelle au motet à
douze voix de JOSQUIN DES PRÈS sur le même texte, en
empruntant - outre une citation de Guillaume DE MACHAUT qui l'inscrit
dans une référence à une École de
Notre-Dame plus ancienne encore - le même édifice sonore,
un effectif vocal identique, et une structure temporelle
équivalente. Je l'ai alors préparée comme un
corridor conduisant à la rutilance de la polyphonie
éclatante de JOSQUIN.
Caroline MARÇOT
"A spectacular sign appeared in the sky: a woman dressed with the
sun, who had the moon under her feet and a victor's crown of twelve
stars on her head."
APOCALYPSE OF ST JOHN 12,1
Since the 14th century, as daylight slowly fades into dusk, song fills
Notre-Dame de Paris as the cathedral choir of canons, clerks and young
choristers intones the age-old Marian hymn:
Inviolata, integra et casta es, Maria
Inviolate, spotless and pure art thou, Mary
The repetition of the bright vowel "a" creates a sonic architecture of
great clarity, like a musical tribute to Mary whom
the Church readily identifies as the Woman of Revelation. John's vision
has spawned a rich poetic imagery, as exemplified in our program
Fulgida caeli porta
Radiant gate of heaven
Maris stella clarissima
Bright star of the sea
Stella sole clarior
Star brighter than the sun.
We have tried to offer a glimpse into Marian devotional music during
the Renaissance, a time when Western Christianity celebrated Mary with
one and the same voice. The selected pieces illustrate the richness and
variety of Renaissance counterpoint with Gregorian themes underpinning
polyphony, the development of canonic imitation and the beginning of
polychoral writing.
This program also offers a panoramic view of Renaissance Christian
Europe over a span of some 150 years. The composers hail from Spain,
Portugal, Flanders, Italy and France. Reading their biographies, one is
struck by the mobility of these musicians who were employed at a court
or offered their services to a monastery, a church or a cathedral, as
circumstances dictated. Despite the lack of detailed information, one
may safely suppose that most of them received an early music education
as choirboys. JOSOUIN and MOUTON (who certainly did at Saint-Quentin),
and Victoria (at Avila), are good representatives of this educational
system: in parallel to plainsong and polyphonic singing, pupils were
taught one (or more) instrument(s), the art of counterpoint writing,
and all the academic disciplines belonging to a proper general
education, such as grammar, Latin, rhetoric etc.
Because of the diversity of this 4- to 12-part music, we carefully
selected the voices and the number of singers for each piece, trying
(as much as possible) to model our performance on that of a Renaissance
cathedral choir. It is documented that the number of children at
Notre-Dame choir rose from 8 in the 15th century to 12 after 1550. In
our recording, the superius is sung by children (5 to 8 to the part,
depending on the pieces) whereas the altus, tenor and bassus parts are
sung by 12 male adults (countertenors, tenors, baritones, basses).
Musicologist Jean-Pierre OUVRARD'S research on the characteristics of
each voice was central to our reflection:
"The treble [...] is
light, with purity of tone; the tenor voice is firm, the contratenor is
nimble and wide-ranging, and the bassus sounds both low and loud ("as
if it were a large organ pipe)" (1).
We have endeavored to highlight the many facets of this polyphonic
music through variety of tone production (from power to suavity), the
doubling of parts with instruments, or playing with spatial settings to
give more relief to one or the other vocal register.
Three contemporary pieces by Caroline MARÇOT hold a modern
mirror up to the earlier works. The composer's familiarity with
Renaissance music makes for a certain conceptual intimacy between her
pieces and those of the ancient masters. At the very heart of her
musical language, one finds the typical balance between horizontal
(melodic) and vertical (harmonic) compositional elements, and the equal
importance attached to each part. Her sense of rhetoric and
elaborate formal structures echo the sonic architectures of the
Renaissance.
This program opens and ends with a different setting of Inviolata by
JOSQUIN, one a sweet 5-part motet, the other a 12-part peroration that
is true polyphonic pyrotechnics.
Lionel Sow
1. Jean-Pierre OUVRARD, JOSQUIN DESPREZ et ses contemporains, Actes
Sud, Arles, 1986.
Nigra sum
She is black. Beautiful. So beautiful. And She stands in front of Him.
He - is the King. And beautiful.
Their eyes meet and lock - a magnetizing moment that leaves them
breathless...
At that very moment, the world dissolves, the ground collapses,
everything blurs, they feel their hearts leap and they enjoy a taste...
of eternity.
Then their hearts start beating again, ever faster, palpitating.
She sings.
Nature shines like never before, every living creature breathes. Life!
And so time passes: Winter, then flowers, Summer, and grape-harvesting.
Music accompanies them then fades in the background as their eyes turn
away from each other's face and they now contemplate the horizon
together.
Recordare
This Offertory in honor of the feast of the Blessed Virgin of the Seven
Sorrows is marked by the simplicity of the daily prayers to Our Lady:
"Remember, listen to our call, intercede for us...". Medieval Marian
devotion finds its most lyrical expression in these Latin texts. They
address what could be called the feminine side of our spirituality and
appeal to compassion, a sympathetic ear and great powers of persuasion.
Using the Gregorian monody as a sort of wandering cantus firmus that
serves every polyphonic function (tenor, cantus, bassus), the 5-part
double choir piece unfolds a dialogue - in the hope of being heard.
Inviolata
This 11th century Marian anthem is so much part of Notre-Dame tradition
that the cathedral bells even ring the first three notes of this
age-old melody. I have tried to strike a present-day harmonic vibration
that would echo JOSQUIN DES PRÈS' 12-part setting of the famous
text. Apart from deliberately quoting music from Guillaume DE MACHAUT
as a reference to the older tradition of the Notre-Dame School, I
modeled the piece after JOSQUIN'S sonic architecture, respecting the
number of parts and vocal cast, and using a similar meter structure. It
is indeed intended as a preparatory step to his splendid polyphony.
Caroline MARÇOT