Son an ero
2014
Aler m’en veus en strangne partie pus que piete est endormie en vos pucelle pour qui je mour por qui launguis et nuit et jour |
Chcę pojechać do ziemi nieznanej Bo litość zasnęła W Pani, dziewico, dla której umieram I tęsknię dzień i noc |
Départ
Nous avons commencé par « de savantes gammes et des arpè-è-ges »
dans des écoles qui avaient pour idéal la musique savante du XIXe
siècle vue par les canons du XXe, le tout en écoutant du rock et de la
pop. Puis la découverte du baroque, de la Renaissance, du Moyen-Age, et
des musiques traditionnelles de nos contrées. Cette quête n'est pas tout
à fait linéaire d'un point de vue chronologique, et nos premiers
regards sur la musique écrite étaient formés par un héritage
conservateur qui voyait un âge d’or dans la musique du XIXe tout en
jouant des instruments considérés comme « améliorés ». Premier virage.
Boussole
L'idée
était de partir de musiques que nous avions croisées depuis que nous
jouions, sans nous censurer. Le Moyen-Age a été finalement notre lieu de
rencontre à tous les quatre. Oxyton s'est constitué pour illustrer une
réflexion sur les pèlerinages comme lieux d'échanges culturels, avec
notre ami Jean-Pierre Longeat, abbé de Ligugé, dans le cadre d'un
colloque organisé par la Région Poitou-Charentes. Depuis nous avons
exploré bien des musiques en rapport avec ce thème avant d'en arriver à
l'étape plus personnelle de ce disque.
Le défi était d'oser porter un
regard sur des musiques dont nous ne sommes pas, affreux mot, «
spécialistes ». Nouvelle étape du voyage : oublier ce code de légitimité
des musiciens-lecteurs-chercheurs.
Sources
Les
pièces de l’époque médiévale sont presque toutes consignées dans des
chansonniers conservés à la Bibliothèque Nationale de France ou à la
Bibliothèque Vaticane, textes seulement ou textes et musiques. Quand la
musique venait à manquer nous avons pris des mélodies dans d'autres
chansonniers — pratique toujours vivante dans les musiques
traditionnelles où les musiques sont souvent interchangeables pour un
même texte. La Pavane pour le retour de Pologne a été
recueillie en 1690 par Philidor, bibliothécaire de Louis XIV, dans des
manuscrits anciens et aujourd’hui disparus. Les deux versions de Camini por altas torres et de La grande chanson,
appartenant toutes deux à la littérature orale, ont été collectée fin
XIXe. Les sources les plus complètes nous sont parvenues par le biais
d’éditions musicales. Pour la chanson de Hendrix, nous avons travaillé «
à l’oreille ».
Langues
Notre
répertoire vient du monde lettré de l’Ouest de l’Europe et utilise de
nombreuses langues : oc, oïl, moyen-français, vénitien, italien,
judéo-espagnol, castillan, gallaïco-portugais, allemand, anglais.
Arrangements
Ce
disque a été l’occasion pour nous d’explorer de nombreux types de jeu,
d’accompagnements, d‘arrangements, d’explorer les codes propres à chaque
répertoire :
- Pour les chants de troubadours, trouvères ou Por dereito
nous avons choisi de jouer avec des bourdons, moyen d'accompagnement
universel, et de conserver un univers monodique avec peu d'interventions
de contrechants ou contrepoints.
- Dans Aler m’en veus nous avons doublé chaque voix avec un instrument.
- Pour Lorsque Léandre amoureux,
nos avons enchaîné deux versions de la chanson : une pour voix et luth,
jouée comme suggéré par le compositeur, et une arrangée à partir de la
version à cinq voix.
- Nous avons transcrit pour voix et guitare La belle voyageuse
de Berlioz originellement écrite pour voix et piano (Berlioz
était guitariste). De même, petit clin d’œil
au joueur de vielle (Der Leiermann) du Voyage d'hiver
de Schubert avec réarrangement de la pièce pour lui redonner une veine
plus populaire, plus proche du salon d’amateurs que des enregistrements
mythiques.
- Pour Hendrix : archiluth, vieille à roue et clarinette.
C'est sans doute la cohabitation la plus difficile pour la justesse à
cause des accords très différents des instruments. Le tempérament dit «
égal » du piano a un peu éludé le problème ces dernières décennies en
divisant la gamme en parts aussi égales qu'irrespectueuses des harmonies
naturelles. Mais qui veut faire sonner un instrument ancien sans lui
ôter ses spécificités tâchera de garder les notes fortes et les notes
faibles, les tonalités qui sonnent clair et les plus « bleues » ou
injouables.
Moralle (ainsi qu’on l’orthographiait parfois quand on ne se souciait pas de normalisation)
A
chaque univers ses codes et le pari de ce disque est d'être une
véritable invitation au voyage par les lettres, les mélodies, les sons
ou les manières de jouer.
« Au rebours, je pérégrine très
saoul de nos façons, non pour chercher des Gascons en Sicile (j'en ai
assez laissé au logis) : je cherche des Grecs plutôt, et des Persans :
j'accointe ceux-là, je les considère : c'est là où je me prête et où je
m'emploie. Et qui plus est, il me semble que je n'ai rencontré guère de
manières qui ne vaillent les nôtres. » Michel de Montaigne, De la vanité, Livre III des Essais.
OXYTON
NB : Du fait de la multiplicité des sources, certains textes du
livret peuvent présenter de légères
différences avec les chants.
AUGUSTO DE ALENCAR
chemin vie | mer horizon | sentier des pas | musique présence | route essentiel | marche être | danse mouvement
« La musique : une façon d’aller ailleurs. »
«
Partir pour aller là bas, vers soi. Je m’en irai piéton jusqu’à la mer,
où je prendrai le plus simple des navires. J’emporte ce collier que
l’on m’a offert et comme livre un carnet en papier de riz pour faire
écrire les personnes que je rencontre. Sur la route je chante les
musiques que m'offrent les contrées que je traverse. »
Cheminement
artistique : Au Brésil, il étudie les musiques de la Renaissance et de
l'époque baroque en pratiquant les flûtes à bec. Arrivé en France, il
rencontre la musique traditionnelle de Vendée, pour laquelle il a appris
la vielle à roue et la cornemuse. Ici il joue souvent la musique de
là-bas, ce qui fait qu'il pratique la musique brésilienne depuis qu'il
vit en France... alors qu'il avait appris la musique ancienne d’Europe
au Brésil !
MICHEL GENDRE
chemin de terre | mer Méditerranée | sentier escarpé | musique ancienne | route vers la Pologne | marche harmonique | danse gaillarde
« La musique comme moyen de recherche et
de reconstitution d’un monde perdu. »
«
Partir, pour aller autre part, l’essentiel étant le voyage en lui même.
A pied, en voiture ou en avion suivant la distance. J’emporte une carte
bancaire et une Bible ou un roman médiéval. Sur la route je chante
Margot labourez les vignes ou Ô Madame perds-je mon temps, chansons à
danser de la Renaissance éditées par Adrien Leroy. »
Cheminement
artistique : Michel découvre la musique grâce à la flûte à bec au
collège ! En sixième le professeur le repère et lui recommande
d’intégrer l’harmonie municipale à la clarinette. Vers quinze ans il
découvre la guitare auprès d’un copain : à partir de cet instant cela
sera un jeu de vases communicants entre études et musique, la musique
finissant par tout « phagocyter ». Commence alors le voyage dans le
temps : de la guitare classique vers le luth pour la musique de la
Renaissance, puis le luth médiéval, et enfin le oud pour les musique de
l’Espagne médiévale. Cela se terminera peut être, dit Michel, par la
musique de Cromagnon, en tapant sur des arbres ou au son des arcs !
EMMANUELLE HUTEAU
chemin dans la verdure | mer vague | sentier caillouteux et ensoleillé | musique abysse | route terre | marche respirer | danse joie
« La musique : un espace commun, une zone tampon, un lieu où se croisent les fils qui vont vers les autres. »
«
Peu importe la destination pourvu qu’il y ait un chemin à parcourir à
pied. J’emporte du papier et des crayons, et comme livre Les mémoires d’Hadrien
de Marguerite Yourcenar. Sur la route je chante La complainte du roi Renaud arrangée par Déodat de Séverac. »
Cheminement
artistique : Au commencement était la clarinette (et l'harmonie), puis
le chant, d’abord choral, ensuite en petite bande, et enfin seule !
Assez vite aussi la découverte des instruments à anches doubles et
particulièrement du basson : plaisir d’apprendre à se servir de
l’instrument autant que de découvrir l’aspect technique de la facture.
Et pour chacun de ces instruments quelques uns des répertoires qui leur
sont associés.
ELSA PAPATANASIOS
chemin voie romaine | mer vague mélancolie | sentier forêt de la Joux | musique macrocosme | route de la soie | marche gorge de Guara | danse saltarello
« Le chant pour fouiller, inlassablement, les fondations des cultures et des musiques anciennes »
« Partir pour la Crète, accompagnée d’un
âne tirant une calèche. J’emporte une canne
sculptée dans un cep de vigne, comme livre Lamentations de la vieille femme de Beare (texte anonyme irlandais du VIIIe siècle). Sur la route je chante La vendetta è un dolce affetto de Barbara Strozzi. »
Cheminement
artistique : L’intérêt d’Elsa pour le chant est né au cours de ses
études d’archéologie, domaine qui l’entraîne tout naturellement sur la
voie de la musique médiévale. Elle étudie d'abord le chant grégorien, ce
qui continue à aiguiser sa passion pour les origines — de l’humanité,
de l’art... Elle tente maintenant d’explorer l’héritage des musiques
européennes et emprunte les ponts qui relient les premières polyphonies
aux musiques d’aujourd’hui.
Prise de son, mixage et montage : Augusto de Alencar.
Nous tenons à remercier tout particulièrement Dom Jean-Pierre Longeat
pour l'étincelle initiale pour l'ensemble et pour ses encouragements à
poursuivre l'aventure, Caroline Pintoux, « oreilles extérieures » et
fée-marraine de ce projet, Mayliss Balestic, Alberta Calcaterra, Alice
Julien-Laferrière, Jacques Rancière, Gaël Ruillet, Antoine Hervé, la
paroisse de Saint-Porchaire, les Soeurs de Salvert, Henri Ménard et les
habitants de Nouaillé-Maupertuis pour leur accueil et leur gentillesse,
ainsi que la chouette de l’abbaye Saint-Junien, témoin de nos travaux
nocturnes. Nous remercions également toutes les oreilles venues écouter
les mixages et les bibliothécaires qui nous ont aidés pour les textes.
Disque enregistré
à la chapelle de Salvert de Migné-Auxances, à l’église de
Nouaillé-Maupertuis et à l’église Saint-Porchaire de Poitiers, dans la
Vienne, entre avril 2012 et janvier 2014.
Photos de couverture : Annette Bozorgan.
Photos du livret : Augusto de Alencar et Marie-Laure Bourgeois.
Traductions des textes du livret : Edouard Bueno, Mathilde Horcholle, Oxyton.
Biographies : Etienne de Kergariou.
Relecture et corrections : Marie-Laure Bourgeois, Edouard Bueno, Susanna Buffa, Mathilde Horcholle, Håvard Skaadel.
Création graphique et mise en page : Emmanuelle Huteau.
Editions Son An Ero, 2014
Emmanuelle Huteau, Alban Moraud & Camille Rancière, éditeurs.
Association Son an ero, Mairie, 1 hent Lokireg, 29620 Guimaëc
www.petitfestival.fr
« J'ai pris la décision de partir. Ah si je pouvais ne pas m'emmener ! »
Andé Gide, Les faux-monnayeurs.
«
Combien de fois, pendant cette triste nuit en chemin de fer, ne me
suis-je pas répété : Imbécile ! pourquoi es-tu parti ? il fallait
rester. »
Hector Berlioz, Mémoires.