Musique des Trouvères et Troubadours
Les Musiciens de Provence, instruments anciens





medieval.org
Arion ARN 68064
compilation 1988, CD






1. Ductia  [1:37]  anonyme, 13e s.
2. Agniau dous  [2:59]  anonyme, 13e s.
3. Au renouviau  [2:27]  anonyme, 13e s.

4. CSM 353. Quem a omagem da Virgen  [2:35]   ALFONSO X «el Sabio», 13e s.
5. Ballade de la reine d'avril  [3:11]  anonyme, 12e s.
6. Pastourelle «A une ajornée»  [2:09]   MONIOT de Paris, 13e s.

7. Plang  [2:02]   Beatrice de DIE, 12e s.
8. La quinte estampie reale  [2:14]  anonyme, 12e s.
9. Chanson à la Vierge  [1:41]   Gautier de COINCY, 12e - 13e s.

10. Trai-ri deluriau | Robin m'aime   [4:15]   Adam de la HALLE, 13e s.
11. Quand l'erba fresc  [2:33]   Bernard de VENTADOUR, 12e s.
12. Douce dame jolie  [1:52]   Guillaume de MACHAUT, 14e s.

13. Calenda maia  [1:40]   Rambaud de VACQUEIRAS, 12e s.
14. Jhesu-Crist, filh de Diu viu  [2:01]   Guiraud RIQUIER, 13e s.
15. Pastourelle «Dehors lonc pré»  [1:54]   trouvère anonyme, 13e s.

16. CSM 422. Madre de Deus  [3:02]   ALFONSO X «el Sabio», 13e s.
17. La septime estampie reale  [1:27]  anonyme, 12e-13 s.
18. Las, las, las par grand délit  [2:24]   Gautier de COINCY, 12e - 13e s.

19. Chansons de trouvères [4:03]
· Voulez-vous que je vous chant   [1:10]  anonyme, 13e s.
· Quand li rossignols  [1:36]  anonyme, 13e s.
· Chanson de Mai  [1:18]   Moniot d'ARRAS, 13e s.

20. Trois chansons provençales [5:21]  anonymes
· Plang de nosto damo  [1:39]  14e s.
· La nourriço doù rei  [1:44]
· La cansoun de Mau-Gouvèr  [1:57]  fin 15e s.

21. [2:38]
· Or la Truix   [0:53]  trovére anonyme
· Quand je voy iver retorner  [1:45]   Colin MUSET, 13e s.

22. Quan vei l'alauzeta  [1:57]   Bernard de VENTADOUR. , 12e s.
23. CSM 10. Rosas das rosas  [3:00]   ALFONSO X «el Sabio», 13e s.
24. Estampie et Ungaresca  [3:00]  anonymes, 13e et 16e s.



Recto: Dessin du 13e s. (Bibliothèque Royale)

Collection dirigée par Ariane Ségal
Prise de son (ADD): Claude Morel
(Ⓟ ARION 1973/1974/1975/1977/1978/1981)
Editing: Jean-Marc Laisné

CD ARION PARIS 1988
Tous droits réservés pour tous pays, y compris l'URSS
(Reproduction interdite).


grabaciones originales:

#1 | 2-4 | 23:
Les Musiciens de Provence, vol. 3. Musique du Moyen-Âge et de la Renaissance (A9 | A2-4 | A8)

#5 | 10:
Les Musiciens de Provence, vol. 5. Danseries du Moyen-Âge et de la Renaissance (A9 | A6) (medieval.org)

#6-7 | 8 | 9 | 24:
Les Musiciens de Provence, vol. 2. Musique du Moyen-Âge et de la Renaissance (A3-4 | A1 | A9 | A10)

#11 | 13:
Les Musiciens de Provence, vol. 4. Musique du Moyen-Âge et de la Renaissance (A6 | B5)

#12 | 15-22:
Les Musiciens de Provence, vol. 1. Musique des Trouvères et Troubadours (B2 | A1-8)

#14:
Maurice Guis & Les Musiciens de Provence. L'Art du Psaltérion (A3) (medieval.org) ¿original?




English liner notes







L'Ensemble des MUSICIENS DE PROVENCE, (dont les principaux membres sont: Pierre Eyguesier, Maurice Guis, Maurice Maréchal, René Nazet, Jean et Jean-Paul Porta, Jean et Lois Hémard), n'a cessé, depuis sa création en 1970, d'étendre son domaine tous les instruments populaires de la Provence, dont la richesse des timbres méritait d'être sauvée et dont l'usage s'était à peu près perdu au cours des siècles, se livrant une reconstitution minutieuse d'après les documents, l'iconographie et les instruments encore conservés dans les musées.

L'universalité de leurs instruments — une cinquantaine — (les instruments du folklore français sont des survivances de ceux en usage dans l'Europe du Moyen Age et de la Renaissance) leur permet de jouer, outre la musique traditionnelle de Provence qu'ils affectionnent particulièrement [interprétée sur les instruments typiques de la Provence des 17e et 18e s.: flûtet, tambourin, timbale, timbalon, cymbalette], toute la musique européenne, donnant leur préférence aux pièces qui conservent le caractère populaire auquel ils sont très attachés: chansons et danses du Moyen Age, noëls provençaux et danceries de la Renaissance. Dès leur publication, les disques des MUSICIENS DE PROVENCE ont remporté un très grand succès.


LES INSTRUMENTS

CORDES

· Le psaltérion. Une caisse en forme de T sur laquelle sont tendues les cordes. (Reconstitution M. Fabre).

· La vielle à roue. L'archet est ici remplacé par une roue. Le modèle utilisé est diatonique.

· La mandore. Sorte de petit luth à quatre cordes. Un exemplaire plus grave est aussi utilisé.

· La harpe. Modèle du XVe siècle, de petite taille.

· La trompette marine. Instrument à une corde jouant sur les harmoniques. Elle se présente sous deux tailles différentes (1 m et 1,60 m). (Reconstitution M. Fabre).

· Le rebec. Sorte de violon piriforme de petite taille, à trois cordes, au son sec et aigre.


FLÛTES

· Les flûtets. Flûtes à bec à trois trous jouant dans un intervalle de douzième, accompagnées du tambourin. Trois modèles: petit flütet ou «galoubet» de Provence (25 cm environ), flûtet soprano (45 cm), flûtet basse (70 cm). (Reconstitution M. Fabre).

· Les flûtes à bec. Six tailles (petite sopranino, sopranino, soprano, alto, ténor, basse).

· Le flageolet. Flûte à bec en roseau très primitive, à six trous.

· Le frestèu. Flûte de Pan provençale, dont les tuyaux sont de simples roseaux.


ANCHES

· Le chalumeau. Sorte de clarinette primitive en roseau.

· Les cromornes. Instruments recourbés dont l'anche double est recouverte d'une capsule. Trois modèles: soprano, alto, ténor.

· Le hautbois à capsule. Appelé aussi «hautbois de Poitou», il a la forme d’un hautbois mais il est muni d'une capsule comme le cromorne. Deux modèles: sopranino, soprano.


CUIVRES

· La sacqueboute. Ancêtre du trombone. Deux modèles: alto, ténor.


PERCUSSIONS

· Le tambourin à cordes. Encore joué en Béarn, il se compose d'une caisse sur laquelle sont tendues des cordes frappées avec une baguette.

· Le tambourin (de Provence). Compagnon indispensable du flûtet, il est joué d'une seule main, à l'aide d'une baguette. Contrairement au tambourin de Provence, le tambourin du Moyen Age est de petite taille (40 cm environ de hauteur).

· Le tambour. Tenu verticalement sur le ventre, le tambour du Moyen Age est percuté des deux côtés par des baguettes.

· La timbale provençale. Compagnon du tambourin traditionnel, la timbale est un tambourin de petite taille, sans timbre, monté de peaux épaisses avec des cercles de fer. Le son est sourd et bref, en opposition avec les vibrations continues du tambourin. C'était autrefois l'apanage du chef des «bandes de tambourins».

· Les timbalons. Deux petites timbales de poterie, traditionnelles en Provence.

· La darbouka. Un tambour de poterie

· La guimbarde. Son principe est celui d'une baguette métallique flexible qui, pincée avec l'index droit, émet un son fondamental. Selon la position des lèvres, de la langue et des machoires, on arrive à obtenir diverses harmoniques.

· Les cymbalettes. Petites cymbales en cuivre

· Les cliquettes. Castagnettes très primitives constituées de 2 planchettes que l'on entrechoque.

· Le carillon. Assemblage de cloches frappées à la main, très en faveur dès le haut Moyen Age. Ici carillon de douze cloches.

· Le rossignol. Instrument de terre cuite, fabriqué près de Marseille, imitant le rossignol grâce à l'eau qu'il contient.








1. DUCTIA (Anonyme, XIIIe s.)
Selon le théoricien Jean de Grouchy, la ductia était une danse appelant, plus que toute autre, la ponctuation d'instruments à percussion. La ductia enregistrée ici provient d'un manuscrit anglais du British Museum. Son écriture à deux voix est d'un raffinement tout à fait insolite dans la musique instrumentale de la fin du XIIIe siècle.
Les instruments utilisés sont essentiellement de «Hauts Instruments», c'est-à-dire des instruments de «plein air»: hautbois à capsule, chalumeau, sacqueboute, auxquels s'adjoignent: vielle à roue, petit flûtet, cymbalettes, tambourin.

2. «AGNIAU DOUS» ... (Anonyme, XIIIe s.)
Si l'amour courtois tient une place prépondérante dans les chansons en langue vulgaire au Moyen-Age, il peut céder le pas à l'inspiration religieuse et les poètes-compositeurs mettent volontiers leur talent au service de la religion. Les derniers des troubadours en donneront d'ailleurs des exemples fameux dans le Midi et en Espagne. Il semblera alors tout naturel de célébrer l'amour divin dans les mêmes termes que l'amour courtois. «Agniau dous...», virelai anonyme en langue française, date probablement du XIIIe siècle. Il prend pour sujet les plaintes de la Vierge au pied de la croix, plaintes auxquelles le poète s'associe:

«Agneau doux, agneau gentil, agneau sans tache,
Agneau qui, pour nous, naquîtes en la crèche...
J'ai pour vous tant deuil ce jour
Qu'oncques je saches j'en eus tant...»

La présente version instrumentale utilise: harpe, flûtes à bec, mandore, psaltérion, tambourin cordes, timbalons.

3. AU RENOUVIAU (Anonyme, XIIIe s.)
On sait à quel point les trouvères ont aimé évoquer la nature et la belle saison en tête de leurs compositions. Le trouvère anonyme qui, au XIIIe siècle, a composé Au renouviau commence, comme il se doit, par situer au printemps l'histoire qu'il nous conte: sur une musique aux allures de danse légère, deux dames débattent de cette grave question: doit-on préférer un amant jeune, beau et vaillant — mais pauvre — à un amant bien moins jeune — mais riche...
On entendra ici successivement: flûtes, flûtets soprani, cromome, petit flûtet, vielle à roue, chalumeau, accompagnés par le tambourin à cordes et les timbalons.

4. «QUEM A OMAGEM DA VIRGEN»... (Alfonso X «El Sabio», 1221-1284)
Vers le milieu du XIIIe siècle, l'art des troubadours franchit les frontières et connaît une magnifique floraison en Espagne. Alfonso X «El Sabio», roi de Castille et de Léon de 1252 à 1284, sera le maître incontesté de cette école ibérique. Il a été à juste titre surnommé «El Sabio» (Le Savant): outre l'intérêt qu'il portait aux sciences, il était aussi, en langue galicéenne, un troubadour réputé. Ses œuvres, exclusivement dédiées à la Vierge, sont rassemblées dans les manuscrits des Cantigas de Santa-Maria, dont les riches enluminures nous fournissent de précieux témoignages sur les instruments du XIIIe siècle. La chanson «Quem a omagem...» raconte un miracle survenu dans un monastère: selon la légende, la statue du Christ est apparue à un saint enfant et l'a invité au repas céleste:

«Qui honorera l'image de la Vierge et de son fils, sera par eux honoré, dans leur royaume à nul autre pareil. Et je vous raconterai là-dessus, si vous le voulez bien, un miracle que fit la Vierge, qui toujours veut notre bien...»

Chalumeau et flûtes à bec se relaient pour énoncer cette belle mélodie.

5. BALLADE DE LA REINE D'AVRIL (Anonyme, XIIe s.)
Les troubadours semblent avoir été assez peu préoccupés de chansons à danser. On s'explique donc que la Ballade de la Reine d'Avril jouisse d'une grande célébrité, d'autant que sa mélodie est particulièrement entraînante. Il semble que ce soit la première chanson à danser en forme de ballade. Sa mélodie pose de sérieux problèmes de transcription aux musicologues. Le texte met en scène, dans une opposition toute classique chez les troubadours, la joyeuse société qui entoure la Reine d'Avril et le Jaloux, c'est-à-dire le mari, qui n'admet pas les conventions de l'Amour Courtois. Les couplets sont ponctués de la vigoureuse exclamation «Eia!» et le refrain «A la via» (à la rue) est particulièrement significatif.
Traduction:

A l'entrée du temps clair,
Pour joie recommencer
Et pour irriter le Jaloux,
La Reine veut montrer
Combien elle est amoureuse.

A la rue, à la rue Jaloux,
Laisse-nous danser entre nous.

Elle a fait partout mander
Qu'il n y ait jusqu'à la mer
Pucelle ni bachelier
Qui ne viennent danser
Dans la danse joyeuse.

Qui donc la voit danser
Et son gent corps remuer
Peut bien dire en vérité
Qu'elle n'a au monde sa pareille
La joyeuse Reine.

Chant, flûtets, rebec, trompette marine, vielle roue, tambourin à cordes, percussions.

6. PASTOURELLE «A UNE AJORNÉE...» (Moniot de Paris, XIIIe s.)
On ne sait rien de la vie du trouvère Jehan Moniot de Paris, sinon que son activité a dû se situer au début du XIIIe siècle. Il nous reste de lui neuf chansons d'un style très vivant, prenant pour cadre la vie Paris et à la campagne. Ces chansons semblent avoir connu une grande célébrité, car on n'en connaît pas moins de ving-huit versions musicales.
La pastourelle «A une ajornée...» utilise le thème, habituel chez les trouvères, du chevalier courtisant une bergère.

A une ajornée
Chevauchai l'autrier,
En une vallée
Près de mon sentier
Pastore ai trovée
Qui fet aproiser...

Les instruments utilisés: vielle à roue, tambourin il cordes, flûtets, flûtes à bec, percussions.

7. PLANG (Béatrice de Die, XIIe s.)
Le plang (Complainte) de la Comtesse Béatrice de Die est, sans conteste, l'une des plus émouvantes créations de la lyrique occitane du XIIe siècle, tant sur le plan littéraire que sur le plan musical.
«Je dois chanter ce que je ne voudrais pas, tant je suis attristée par celui dont je suis l'amie, car je l'aime plus que tout, mais ni mon élégance, ni ma beauté, ni ma valeur, ni mon esprit ne comptent ses yeux, et je suis trompée et trahie comme si j'étais méprisable...»
C'est en ces termes d'amoureuse passionnée que la comtesse s'adresse au comte Raimbaud d'Orange qui la délaissait. Elle vécut probablement entre 1135 et 1189 et fut peut-être la fille de Guigues IV dauphin de Viennois, ou de Guillaume 1er de Poitiers, comte de Valentinois.
Ce plang sera joué sur flûte traversière en roseau et tambourin à cordes.

8. LA QUINTE ESTAMPIE REALE (Anonyme, XIIe s.)
Les pièces découvertes et publiées par Aubry sous le titre d'Estampies et Danses Royales constituent la plus ancienne manifestation de la musique purement instrumentale. Ces œuvres anonymes que l'on peut dater approximativement des XIIe et XIIIe siècles, ne comportaient pas de paroles et leur aspect évoque incontestablement le style instrumental.
Elles sont toutes calquées sur la même forme: une formule-refrain est intercalée entre les différents «points» qui tiennent le rôle de couplets. Une estampie pouvait comporter de quatre à sept «points». Rappelons encore que l'estampie — terme dont l'origine reste obscure et viendrait du provençal estampir = frapper du pied — désignait une danse dont on ne sait comment elle se dansait, ou peut-être même seulement une pièce instrumentale. La Quinte Estampie Réale est jouée sur flûtets, flûtes à bec, petit flûtet, cromome, tambourin à cordes, darbouka.

9. CHANSON À LA VIERGE (Gautier de Coincy, 1177-1236)
On connaît la dévotion toute particulière portée à la Vierge 'par le moine trouvère Gautier de Coincy, né à Coincy l'Abbaye. Trouvère habile mais essentiellement homme d’Église, il fut tout aussi considérable comme écrivain que comme musicien. Sa grande narration en vers des Miracles de Notre-Dame est entrecoupée de chansons, parmi lesquelles «Ma vièle viéler veut un beau son...», que l'on entendra ici sur les flûtes à bec et le tambourin à cordes.

10. TRAI-RI-DELURIAU/ROBIN M'AIME (Adam de la Halle, 1245/50 - 1285/88)
Avec son célèbre Jeu de Robin et Marion, Adam de la Halle a créé, dès le XIIIe siècle, une forme de théâtre profane chanté. Développant le thème de la pastourelle, cher aux trouvères — celui de la bergère courtisée par un chevalier — il écrit une véritable comédie entrecoupée de petites chansons. Fort intéressante pour l'histoire du théâtre au Moyen Age, l’œuvre d'Adam de la Halle est également précieuse du point de vue musical. En effet les chansons sont écrites sur des «timbres», c'est-à-dire des airs familiers qui ont pu ainsi parvenir jusqu'à nous. Bien souvent il s'agit d'airs à danser comme dans la spirituelle chanson de Marion «Robin m'aime», dont on entendra ici le «timbre» dans une version instrumentale. En guise d'introduction, et en contraste, la
mélodie «de plein air» utilisée pour la chanson du chevalier.
Frestèu, guimbarde.

11. «QUAND L'ERBA FRESC...» (Bernard de Ventadour, v. 1150-1200)
Bernard de Ventadour, né au Chateau de Ventadour dans le Limousin, d'humble origine, a été considéré, en son temps, comme le plus parfait des troubadours, le plus inspiré, sinon le plus savant. Son talent était tenu pour parfaitement équilibré car il excellait aussi bien dans la composition des vers que dans celle de la musique destinée à les soutenir. On pourra en juger par la mélodie de la chanson «Quand l'erba fresc...»:

«Quand l'herbe fraîche et la feuille paraissent, quand la fleur s'épanouit au verger et le rossignol haut et clair élève sa voix et lance son chant, j'ai joie par lui et par la fleur, j'ai joie de moi mais plus encore de ma Dame; de toute part je suis environné de joies mais celle qui me vient d'Elle les surpasse toutes».

Psaltérion, tambourin à cordes.

12. «DOUCE DAME JOLIE...» (Guillaume de Machault, v. 1300-1377)
Né en 1300, mort vers 1377, Guillaume de Machault a été chanoine à Reims. On le connaît surtout comme le plus grand représentant d'un style polyphonique nouveau au XIV» siècle, l'Ars nova, particulièrement savant et compliqué. Mais on se souvient moins qu'il fut aussi l'un des plus grands et des derniers trouvères à la fois poète et musicien. Les lais, virelais et rondeaux, avant de devenir compositions polyphoniques, ont été aussi écrits à une voix. «Douce Dame Jolie ...» est l'un de ces virelais monodiques, particulièrement célèbre sur le psaltérion, instrument à cordes voisin de la cithare, choisi ici en fonction de la poésie de sa sonorité.

13. CALENDA MAIA (Rambaud de Vacqueiras, v. 1155 - v. 1205)
La légende raconte que le célèbre troubadour Rambaud de Vacqueiras entendant des jongleurs exécuter une estampie, aurait improvisé une chanson en l'honneur de sa Dame sur la musique de cette danse. C'est cette mélodie que l'on entendra, jouée sur des instruments populaires du Moyen-Age:

«Ni les fêtes de Mai, ni la feuille du hêtre, ni le chant des oiseaux, ni la fleur de glais, rien ne me charme, belle Dame, tant que je n'ai pas reçu un messager de vous...»

Chalumeau, rebec, flageolet, tambourin à cordes.

14. «JHESU-CRIST, FILH DE DIU VIU...» (Guiraud Riquier, v. 1230 - v. 1292)
Né à Narbonne, mort vers 1292, Guiraud Riquier est considéré comme le dernier des troubadours. Adepte d'une poésie très travaillée, il a abordé tous les genres et notamment la chanson religieuse, à l'exemple d'Alphonse X de Castille qui fut un temps son protecteur. La chanson Jhesu-Crist, filh de Diu viu date de 1275:

«Jésus Christ, fils de Dieu vivant, qui naquit de la Vierge, Seigneur bafoué et trahi, je vous prie de me donner si bon conseil que je sache mieux aimer, hair le péché et vivre selon votre volonté».

Psaltérion, vielle à roue.

15. PASTOURELLE «DEHORS LONC PRÉ...» (Trouvère anonyme, XIII» s.)
La pastourelle est un genre de chanson fort répandu chez les troubadours et surtout les trouvères du Nord de la France. Elle développe, quant aux paroles, le sujet classique du chevalier courtisant une bergère et finalement berné, ce qui laisse penser à une origine populaire. Le genre aurait été imité par les trouvères dans un souci de pittoresque et adapté à un auditoire plus aristocratique. La musique des pastourelles, malgré cette «récupération» savante, est généralement plus fraîche, plus spontanée, d'un rythme plus franchement marqué, que les autres chansons de trouvères.
«Dehors lonc pré...», attribuée à Jehan Erars ou Gillebert de Berneville, est jouée sur vielle à roue et flûtets avec un accompagnement de tambourin à cordes et percussions, tandis que, à la reprise, le petit flûtet improvise librement des variations.

16. MADRE DE DEUS (Alfonso X «El Sabio»)
Madre de Deus fait partie du recueil des Cantigas de Santa Maria, orné de précieuses miniatures qui montrent souvent des musiciens chrétiens et musulmans fraternisant et jouant ensemble (ou se livrant à quelque joute poético-musicale). On ne sera donc pas étonné par l'aspect oriental de cette prière à la Vierge, prière dans laquelle, par ailleurs, l'amour mystique s'exprime avec le vocabulaire de l'Amour Courtois.
Elle sera jouée sur chalumeau, flûtes à bec et percussions (darboukas, timbale).

17. LA SEPTIME ESTAMPIE RÉALE (Anonyme XIIe - XIIIe s.)
La Septime Estampie Réale (Septième Estampie Royale) fait partie d'un ensemble de danses qui constituent les plus anciens exemples de musique spécifiquement instrumentale. Ces danses datent probablement de la fin du XIIe siècle. Quant au terme de «Réale» (Royale), on y voit généralement allusion au «Roi» des ménestriers, chef de la corporation, plutôt qu'une indication de danse de cour. Instruments: un flageolet et un tambour à la manière du Moyen-Âge, frappé alternativement par deux baguettes de tailles différentes.

18. «LAS, LAS, LAS, LAS PAR GRAND DÉLIT...» (Gautier de Coincy)
Gautier de Coincy a placé la plupart de ses chansons - exclusivement religieuses - entre les différents livres des Miracles de Notre Dame. Toutefois, la chanson «Las, las par grand délit...» est exceptionnelle et se place dans un cycle spécial faisant allusion à un «fait divers» de 1219: des voleurs avaient dérobé, à Vic, les reliques de Ste-Léocade, et Gautier exprime ici son indignation.
Le psaltérion, instrument considéré à cette époque comme spécialement religieux, joue en solo cette chanson, accompagné par le tambourin à cordes.

19. CHANSONS DE TROUVÈRES
«Voulez-vous que je vous chant...» (Anonyme, XIIIe s.)
«Quand li rossignols...» (Anonyme, XIII s.)
«Chanson de Mai» (Moniot d'Arras)
Ces chansons, toutes trois inspirées par le printemps, figurent parmi les plus gracieuses et les plus célèbres du genre. Elles sont dues à des trouvères du XIIIe siècle dont les deux premiers sont anonymes. Quant à Moniot d'Arras, on sait qu'il figure parmi les poètes musiciens les plus féconds de son temps.
On les entendra sur flûtets soprani, petit flûtet, flûtes, flageolet et trompette marine.

20. TROIS CHANSONS PROVENÇALES (Anonyme)
«Plang de Nosto Damo» (XlVe s.)
«La nourriço dòu rei»
«La cansoun de Mau-Gouvèr» (fin XVe s.)
Un manuscrit de la bibliothèque Méjanes, à Aix-en-Provence, conserve ce très beau Plang de Nosto Damo (Complainte de Notre Dame) du XIVe siècle. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus: l'intensité dramatique du poème — la Vierge au pied de la Croix — ou la perfection de la ligne mélodique. L'instrumentation comprend flûtes à bec et mandore.
La nourriço dòu rei (La nourrice du roi) s'est transmise dans le folklore et ne peut se dater avec précision. C'est une chanson à bercer racontant un miracle: l'enfant empoisonné ressuscite pour innocenter sa nourrice et accuser ses assassins. Elle est interprétée sur les frestèu (flûtes de Pan).
La cansoun de Mau-Gouvèr (la chanson du «Mauvais Gouvernement»): dans la langue provençale, Mau-Gouvèr est un personnage mythique, symbole du désordre social et des abus administratifs. La chanson de Mau-Gouvèr fait partie d'un ensemble de chansons satiriques des plus virulentes: les chansons du Carrateyron (du petit charretier). Elles furent écrites à Aix-en-Provence vers la fin du XVe siècle probablement à l'occasion de la Fête Dieu. Lors de cette immense fête — aussi païenne que religieuse — qui se prolongeait pendant plusieurs jours, les représentations de la «Farce de Momus» par les basochiens étaient prétexte à exposer des revendications ou à dénoncer des abus, ce qui entraîna finalement leur interdiction en 1670. Un chalumeau rustique joue cette chanson avec accompagnement de tambourin à cordes.

21 «OR LA TRUIX...» (Trouvère anonyme)
«QUAND JE VOY IVER RETORNER...» (Colin Muset, v. 1200-1250)
On sait la distinction, peut-être un peu artificielle, qu'il convient de faire entre troubadours et trouvères d'une part, jongleurs et ménétriers d'autre part. Si les premiers étaient auteurs-compositeurs, les seconds étaient plutôt des amuseurs publics, et avaient plutôt rang d'interprètes. Toutefois certains d'entre eux ont pu participer aux «catégories» (rencontres): tel est le cas de Colin Muset, trouvère «populaire» dont les chansons racontent la vie errante, sur un ton souvent humoristique, préfigurant ainsi nos modernes chanteurs-compositeurs. Dans la chanson «Quand je voy iver retomer...», il rêve de trouver un hôte qui lui donne «porc, buef, et mouton, mallarz, faisanz et venoison...»
Elle est jouée par flûtets, flûtes à bec, vielle à roue et chalumeau rustique.
Quant à la chanson «Or la truix...» due à un trouvère anonyme, on remarque dans son instrumentation une trompette marine qui joue le bourdon.

22. «QUAN VEI L'ALAUZETA...» (Bernard de Ventadour)
«Quan vei l'alauzeta...» est à coup sûr l'une des chansons de Bernard de Ventadour les plus justement célèbres, par son lyrisme et par la beauté de sa mélodie entendue ici sur flûtet, tambourin à cordes et petite trompette marine.

23. ROSAS DAS ROSAS (Alphonse X «El Sabio»)
Dans cette chanson à la Vierge, le roi Alphonse le Sage a su mettre tout le raffinement du vocabulaire courtois au service de l'amour mystique:

«Rose des roses, fleur parmi les fleurs,
Dame parmi les Dames, suzeraine des suzeraines,
Rose de beauté et de majesté,
Fleur d'allégresse et de plaisir,
Dame très secourable, suzeraine qui efface blessures et douleurs...»

La mélodie — transcrite par H. Angles — se signale par sa pureté et sa simplicité raffinée. Elle est ici interprétée par la flûte traversière ancienne, les flûtes à bec et le tambourin à cordes.

24. ESTAMPIE ET UNGARESCA (Anonymes XIIIe s. et XVIe s.)
Deux pièces de musique instrumentale que rapprochent leurs origines populaires. La première est une musique de jongleurs, qu'on imagine volontiers jouée sur l'ensemble flûtet-tambourin si répandu et si utile pour la danse au Moyen-Âge et au XVIe siècle. La Ungaresca, dont le titre montre assez les origines (son thème est encore fort populaire en Hongrie), est assez difficile à dater. Elle fut éditée au XVIe siècle par Pierre Phalèse mais avait certainement une origine plus ancienne.
Instruments utilisés: flûtets soprani, petit flûtet, flageolet, flûte à bec, tambourin à cordes, timbale.