medieval.org
Arion 68225
1993
1. Lo clar temps [6:18] Raimon JORDAN
chant GZ, luth, rebec, psaltérion
2. Chanterai por mon corage [8:55] Guiot de DIJON
chant KC, harpe, psaltérion
3. Pos vesem que l'iverns s'iral [6:45] Peire VIDAL
chant GZ et luth arabe
4. Onques n'amait [5:54] Richard de FOURNIVAL
chant KC, harpe, vièle
5. Domna pos vos [2:35]
chant GZ, luth arabe, rebec, psaltérion
6. Dame des ciux [5:44] Guillaume LE VINIER
chant KC, orgue portatif, vièle
7. A l'entrada del tans florit [8:30]
texte franco-occitan | chant GZ, harpe, vièle
8. Lan que li jor [7:23] Jaufre RUDEL
texte franco-occitan | chant KC, luth arabe, rebec
9. Tant ai amé [3:37] Conon de BÉTHUNE
chant GZ, luth, rebec, psaltérion
10. Bele Emmelos [7:51] Audefroi LE BASTART
chant KC
Ensemble Perceval
Guy Robert
Gérard Zuchetto et Katia Caré, chant
Jean-Pierre Dubuquoy, rebec, vièle à arc
Patrice Brient, psaltérion
Guy Robert, luth arabe, harpe et luth médiéval, orgue
portatif
Avec l'aimable autorisation des Disques VDE GALLO
pour la participation de Gérard Zuchetto et de Patrice Brient.
Restitutions musicales: G. Robert: #2, 4-10 | G. Zuchetto: #1, 3
Avec le concours du Conseil Régional et de l'Agence pour le
développement des Activités Touristiques et Culturelles
du Centre
Direction artistique : Gérard Zuchetto
Prise de son : CREMM-TROBAR
Enregistrement (DDD) réalisé à Chinon en août 1992
avec le concours des Services Culturels de la Ville de Chinon.
Recto : Manuscrit du Roi (Document B.N.)
La Direction Régionale des Affaires Culturelles des Pays-de-Loire
Ministère de la Culture, de la communication, des Grands Travaux et du Bicentenaire
Texte de présentation : GUY ROBERT
Nous remercions Messieurs Pierre Bec, André Lanly et Robert Laffont pour leurs précieux conseils philologiques.
We would like to thank Mrrs. Pierre Bec, André Lanly and Robert Laffont for their valuable advice concerning philology.
Ⓟ 1993 ARION
Cette
présentation n'a pas l'ambition d'être une étude, elle cherche
simplement à donner un aperçu du manuscrit, des œuvres et de leurs
auteurs.
Pour l'auditeur soucieux d'approfondir ces sujets, nous donnons une bibliographie de base :
This
commentary does not seek to take the place of more detailed studies; it
merely seeks to give an idea of the manuscript, the works therein and
their authors.
For the listener who wishes to extend his knowledge of the subject we suggest the following basic bibliography:
Études du manuscrit et des pièces contenues dans cet enregistrement :
- Le manuscrit du roi : Facsimilé et étude / J. Beck 1938
- Il trovatore Raimon Jordan / S. Asperti ; Mucchi 1990
- Guiot de Dijon et Jocelin / Elisabeth Nissen ; Champion 1929
- Les chansons de Peire Vidal / Anglade ; Champion 1913
- Kritischer Text der Lieder Richard's de Foumival / Zarifopol, Halle 1904
- Les poésies de Guillaume le Vinier / P. Ménard, Droz 1970
- Les chansons de Jaufré Rudel / A. Jeanroy, Champion 1974
- Les chansons de Conon de Béthune / A. Wallenskäld, Champion 1968
- Die Lieder und Romanzen des Audefroi le Bastart / Cullmann, Halle 1914
- Provenzalische Inedita aus Pariser Handschriften / C. Appel Leipzig 1890
Editions musicales :
- The Extant Troubadours Melodies - Van de Wert - Rochester University 1984
- Las Cançons dols Trobadors - I. de la Cuesta - Institut d'Estudis Occitans 1979
- Trouveres Melodien - Van de Wert - Bärenreiter 1977 et 1979
Cet enregistrement offre quelques pages de l'un des ouvrages les plus
importants et les plus anciens du répertoire courtois
(trouvères et troubadours): le manuscrit français 844 de
la Bibliothèque Nationale de Paris, appelé le Manuscrit
du Roi.
L'utilisation d'une source unique plutôt que d'éditions
compilées a partir de nombreuses leçons de dates
très différentes, permet de restituer un état de
textes et de musiques ayant existé ensemble a un moment
donné. Elle permet aussi, dans le cas précis de ce
chansonnier, de donner un exemple des relations linguistiques entre la
lyrique d'oc et la lyrique d'oïl: “le Franco-Occitan”
énoncé par le sous-titre de ce disque “A l'entrada del
tans florit”.
LE MANUSCRIT ET SON ORIGINE
Rédigé vers 1250, il contient plus de 600 chansons
composées dans la deuxième moitié du XIIème
siècle et la première moitié du XIIIème.
Les portées ont été tracées pour chaque
poème, mais certaines sont restées vides, des additions y
ont été faites jusqu'à la fin du siècle.
Plusieurs études attribuent ce chansonnier à Charles
d'Anjou (1226-1285). Certains des arguments proposés sont
très plausibles: ce manuscrit est le seul a contenir des
chansons du prince, ainsi que des pièces dédiées
à lui-même et à son épouse Béatrice
de Provence par des troubadours tardifs comme Guiraud d'Espanha - “Reys
Karles, Na Beatrix”.
Frère de Saint-Louis, comte d'Anjou et de Provence, roi de
Naples et de Sicile, Charles a été un grand protecteur
des poètes courtois. Ses propres créations sont assez
maladroites mais en tant que mécène, il aura le grand
mérite de se préoccuper du lien entre les cultures du
Nord et du Sud. Trois manuscrits provençaux lui attribuent une
“canso” où il dit: “No voill aver Los Mans ni Tors, ni esser
coms d'Angeu clamatz” (Je ne veux plus avoir ni Le Mans ni Tours,
ni être appelé comte d'Anjou).
L'état actuel du recueil est lamentable: relié dans le
désordre, massicoté sans souci des enluminures,
miniatures découpées; ce saccage a atteint une partie des
textes et de la musique qui sont par endroits détruits. Il reste
malgré tout l'un des principaux témoignages de cet art
féodal.
Répertorié avec quelques autres parmi les
premières rédactions parvenues jusqu'à nous, il
est écrit au moment où la rhétorique courtoise est
à son apogée. C'est le seul manuscrit du nord à
consacrer une part conséquente à la poésie de
langue d'oc: 70 pièces avec les additions, c'est aussi la plus
ancienne source troubadouresque de quelque importance: les recueils
provençaux n'apparaissent qu'à la toute fin du
XIIIème siècle. Son contenu est essentiellement
consacré à des œuvres de caractère
aristocratisant — les “grands chants” selon les termes d'un autre
manuscrit — classées par rubriques: trouvères,
troubadours, motets, lais, et en fonction du rang social des
poètes. Dans son premier état, la notation musicale est
non-mesurée, les additions utilisent une écriture qui va
de la simple longue-brève à la notation franconienne.
LE “FRANCO-OCCITAN”
Cette expérience, anonyme, d'adaptation française de la
langue d'oc, ce “jargon” selon certains romanistes n'est utilisé
que par les 61 chansons occitanes de la première redaction, il
est aussi celui des quelques “cansos” contenues dans un autre manuscrit
du milieu du siècle: Paris B.N. fr 20050 “le manuscrit de
Saint-Germain”. Son principe, qui reste à analyser d'une
manière approfondie, est d'utiliser un certain nombre de mots
français tout en conservant les éléments les plus
compréhensibles de la langue originale, afin peut-être
d'en garder la saveur. La construction poétique est en
général bien respectée.
De tous temps la littérature a utilisé des
procédés analogues pour évoquer certains aspects
étrangers, régionaux, populaires, archaïques...
Pourtant ce “franco-occitan” a suscité des réactions
passionnelles, au point que certains, jugeant cette “langue” non
présentable, ont préféré établir un
“Textus receptus” convenable en donnant des versions
“réoccitanisées” des œuvres contenues uniquement
dans ces manuscrits.
N'étant pas dans notre propos de prendre parti, nous avons
utilisé toutes les solutions possibles pour cet enregistrement:
le texte original pour l'unicum “A l'entrada del tans florit” ainsi que
pour “Lan que li jor”, le texte occitan d'un autre manuscrit pour “Lo
clar temps” et une version “rétablie” pour l'unicum “Pos vesem”.
1. LO CLAR TEMPS VEI BRUNEZIR ·
canso | Raimon Jordan “Vescoms de Saint-Antonin”
Troubadour aujourd'hui peu connu, Raimon Jordan a joui à son
époque d'une grande renommée. Il semble avoir eu le droit
de porter le titre de seigneur de St-Antonin sans avoir eu la
possession du vicomté. Son activité de poète se
situe dans les dernières années du XIIème
siècle. Ses deux biographies (“Vida”: récit biographique
plus ou moins fantaisiste précédant les chansons dans
certains manuscrits) nous donnent l'identité de sa “domna”:
l'épouse du Seigneur de Pena, localité voisine de
St-Antonin.
On peut lui attribuer avec certitude 13 chansons, il y fait montre
d'une inspiration assez conventionnelle et entièrement
liée à l'amour; dans une de ses “cansos”, il fustige la
mysoginie de certains poètes: parlant de Marcabru il dit: “il
n'en a pas grand honneur celui qui dit du mal de ce qui donne naissance
aux enfants”.
Il existe plusieurs “contrefacta” par des trouvères, dont
Thibaut de Champagne et Guillaume le Vinier, de la chanson
donnée ici. La musique est un unicum du manuscrit.
(Texte d'après Ms 22543 Paris B.N.)
2. CHANTERAI POR MON CORAGE ·
chanson de croisade a refrain | Guiot de Dijon
Poète habile et raffiné, Guiot de Dijon était
très probablement attaché à la famille d'Arcy,
maison liée à celles de Chassenay, d'Epoisse et de
Montbard. C'est en effet à des seigneurs de ces familles que
s'adressent une bonne partie des 17 chansons attribuées au
poète; son maitre direct a du être Jean Ier d'Arcy (“Mon
sire d'Arcis”). Ces châtelains, liés à l'Ordre
Teutonique, se sont illustrés par leur bravoure aux croisades:
il est donc normal que l’œuvre du trouvère s'inspire
souvent de ces événements historiques. Les personnages
qu'il cite, permettent de situer sa période d'activité
autour de la cinquième croisade (où Jean Ier mourut),
donc au début du XIIIème siècle.
La chanson de femme enregistrée ici a pu être
écrite pour la fille du sire d'Arcy, Huguette, jeune
mariée d'André de Montbard qui partit en même temps
que Jean en 1219, année probable de cette composition.
Cité dans de nombreuses anthologies, ce très beau texte
à l'érotisme délicat forme un compromis original
entre la chanson d'ami et la chanson de croisade. Simple psalmodie, la
mélodie du manuscrit, très différente de celles de
chansonniers postérieurs (comme Cangé), “colle”
particulièrement bien à la lente progression dramatique
de ce texte.
3. POS VESEM QUE L'IVERNS S'IRAIS ·
canso | attribuée à Peire Vidal
Fils d'un pelletier de Toulouse, Peire Vidal a eu de nombreux
protecteurs. Entre la fin du XIIème et le début du
XIIIeme siècle, son activité de poète
l'amènera à visiter l'Espagne, la Hongrie, l'Italie,
Malte et la Terre Sainte. D'un esprit alerte et caustique, il manie
aussi bien le “Sirventes” que les subtilités de “Fin'amor” et se
laisse volontiers aller a égratigner les uns et les autres. Son
œuvre abondante, plus de quarante chansons, offre un
témoignage de sa sociabilité et de son goût pour
les voyages; les femmes qu'il requiert d'amour sont nombreuses et parmi
elles il faut citer “Dame Louve” épouse supposée d'un
seigneur de Cabaret (Aude) qui sera aussi chantée par d'autres
“trobadors”.
Cette “Canso”, unicum du manuscrit, est à comparer avec la
N° 9 “Tant ai amé” qui, bien qu'écrite dans un style
très différent, traite du même sujet: la
déception amoureuse et les vengeances que l'on peut tirer de la
personne sensée vous avoir trahi, Comme l'exige la tradition
courtoise, la dame n'est pas nommée.
Le terme Drogoman (fin de la troisième strophe) est un
“senhal”, c'est-à-dire un signal convenu et secret
désignant le protecteur du poète; nous n'avons aucune
précision sur son identité.
(Texte du manuscrit “réorthographié” par Anglade)
4. ONQUES N'AMAIT ·
chanson : motet | Richard de Fournival
“Maistre Richars”, à la différence des poètes que
nous avons rencontrés jusqu'ici, n'est ni un seigneur ni un
poète “professionnel”, c'est un homme de science. Fils de
Rogiers de Fournival, médecin personnel de Philippe Auguste, il
sera lui aussi chirurgien et conservera cette activité
parallèlement à sa vie d'homme de lettres et de musicien.
En 1240, il sera nommé au chapitre de l'église Notre-Dame
d'Amiens, dont il assumera la direction dès 1246. Son
œuvre la plus connue est une rédaction du “Bestiaire
d'Amour”. Il a compose de nombreuses chansons mais aussi des motets en
français qui se situent parmi les premiers du genre, ses
œuvres courtoises se trouvent dans les plus anciens chansonniers.
Son activité en tant que trouvère a dû
précéder sa nomination a Amiens. La date de sa mort:
1260, donnée par certaines études, ne peut être
confirmée avec certitude actuellement. Le manuscrit ne donne de
cette très belle plainte que le premier couplet sous forme de
motet.
(Texte couplets 2 et 3: Vatican, Reg. 1490).
5. DOMNA, POS VOS ·
virelai anonyme
Cette chanson-danse fait partie des dernières additions au
manuscrit, peut-être même début XIVème. Elle
est écrite dans une notation mesurée assez
précise. Cette pièce en occitan ne peut être
classée dans le répertoire troubadouresque: elle
témoigne du goût, à la fin du XIIIème
siècle, pour des œuvres de caractère divertissant
et débarrassées de la rhétorique codée du
“fin'amor”. C'est un unicum du manuscrit.
6. DAME DES CIUX |
Maistre Guillaume le Vinier
Chantre inspiré, Guillaume le Vinier a exploré tous les
genres de la poésie courtoise dans ses quelque 35 chansons. Nous
savons, par le Nécrologue de la Confrérie des Jongleurs
et Bourgeois d'Arras, qu'il meurt en 1245. C'est l'un des
trouvères majeurs de celle ville qui a entretenu toute une
pépinière de poètes durant tout le XIIIème
siècle. A l'instar de son frère Gilles, avec lequel il
échangera quelques vers et qui mènera une carrière
ecclésiastique de quelque importance, il a certainement
été clerc (Maistre Guillaume), mais, marié, il n'a
pu recevoir les ordres majeurs. Il jouira d'une grande renommée
parmi ses confrères avec lesquels il débat dans plusieurs
“jeux-partis”.
Avec “Dame des Ciux” il laisse trois “chansons pieuses” dont l'une est
un contrefactum de la “canso” de Raimon Jordan donnée ici.
Chanter la beauté et les vertus de la “Haute Damoiselle” est un
thème courant chez les poètes de langue d'oïl,
l'idée du retournement de Eva en Ave est utilisée
fréquemment dans ce répertoire. La musique,
mesurée, est une addition a la rédaction.
7. A L'ENTRADA DEL TANS FLORIT ·
canso | anonyme
Cette chanson à l'écriture musicale raffinée est
un unicum du manuscrit pour la musique et pour le texte. Son
écriture, très mélismatique, fait
déjà penser au troubadour tardif Guiraud Riquier. La
poésie, jolie mais conventionnelle, n'est pas sans rappeler,
avec la similitude de certains vers, l’œuvre de Gace
Brulé.
NOTE: le texte de cette pièce (ainsi que celui de la
suivante), très corrompu et écrit dans une langue
hybride, laisse bien des points obscurs et d'interprétation
incertaine. P. Bec
8. LAN QUE LI JOR ·
canso | Jaufre Rudel
Une des œuvres les plus connues de la lyrique d'oc et l'un de ses
poètes les plus renommes. “Princes de Blaia” selon le biographe
de sa “vida”, Jaufre Rudel était seigneur de Blaye (Gironde); il
partit pour la croisade en 1147 et n'en revint probablement pas. li
fait partie de la première génération des
troubadours; il laisse une œuvre peu abondante, six “cansos”,
mais de grande facture. Le romantisme de sa biographie, plus
légendaire que réelle, a certainement contribué
à sa célébrité: épris d'un amour
impossible pour la princesse de Tripoli et après avoir langui
toute sa vie pour elle, il finira par la rencontrer pour mourir dans
ses bras.
La présente chanson est une très belle lamentation sur
l'amour lointain, elle exploite jusqu'à l'obsession la
répétition du mot loin (lonh en langue
d'oc, loing ici)). Nous avons choisi, pour ce texte très
connu, maintes fois enregistré, d'en donner la version
“franco-occitane” du manuscrit.
La comparaison avec le poème en langue d'oc est très
aisée à établir: l'adaptateur a condense les
couplets 3 et
4 en faisant une inversion pour conclure sur l'appel à Dieu; il
a ainsi éliminé le rêve sarrasin de la fin du
couplet
5 ainsi que la malédiction du “parrain” du dernier couplet et de
l'envoi, deux thèmes jugés peut-être trop sulfureux
pour la morale religieuse du Nord.
9. TANT AI AMÉ ·
chanson | Conon de Béthune
Mort vers 1220, cinquième fils de Robert V comte de Bethune,
apparenté aux maisons de Hainaut et de Flandres, sire Quesne de
Béthune doit une part de sa brillante carrière politique
à ses talents d'orateur. Après l'élection de son
protecteur, le comte Baudoin de Flandres, à la tête de
l'empire latin de Constantinople, il deviendra sénéchal
puis régent de l'empire. li se situe parmi les trouvères
de premier plan, ses chansons sont souvent caustiques et empreintes de
misogynie, comme celle choisie ici au, ton très humoristique.
Son parti-pris picard l'entraîne à utiliser des tournures
popularisantes souvent difficiles à comprendre et il se montre
très susceptible a ce sujet: “Bien que ma langue ne soit pas
française, on peut bien la comprendre en France et ceux qui me
reprennent quand je dis des mots d'Artois ne sont ni bien
élevés ni courtois, car je n'ai pas été
nourri à Pontoise!” sirventois contre la cour royale et les
Champenois.
Nous avons déjà parlé de cette chanson à
propos de “Pos vesem” de Peire Vidal N° 3
10. BELE EMMELOS ·
chanson de toile | Messire Audefroi le Bastart
Il est très difficile de savoir qui était Audefroi: le
qualificatif de bâtard ainsi que l'indication Messire qui lui est
attribuée dans les manuscrits, donnent simplement à
penser qu'il a pu être l'enfant illégitime d'un personnage
important. C'est un trouvère artésien, dont la
carrière se situe au début du XIIIème
siècle; son œuvre, assez importante, est peu originale si
l'on excepte ses chansons de toile très caractéristiques
par leurs dramaturgies excessives.
La chanson de toile est un genre particulier, il est censé
évoquer le chant des femmes en train de tisser. Ce sont des
textes narratifs écrits dans un style volontairement
archaïsant, proche de celui de la littérature
épique. Les mélodies sont des psalmodies souples et
informelles et comportent toujours un refrain (On pourrait aussi
rapprocher de ce genre la chanson Nº 2: Chanterai por mon
corage). Celles d'Audefroi sont souvent un peu
délayées, l'une d'elles n'ayant pas moins de 25 couplets!
L'exécution “a cappella” est celle qui parait la plus
appropriée à ce genre.
Cette chanson est un unicum du manuscrit.
L'ENSEMBLE PERCEVAL se consacre depuis de nombreuses
années à la recherche et à l'étude des
musiques médiévales et plus particulièrement du
répertoire courtois.
Sa direction artistique est assurée par GUY ROBERT et KATIA
CARÉ, interprètes spécialisés dans
l'approche des musiques du Moyen-Age; l'un est instrumentiste,
féru de musique orientale, habile a improviser sur toutes sortes
d'instruments, l'autre est chanteuse et pratique diverses formes de
techniques vocales et d'ornementations inspirées de toutes les
cultures méditerranéennes. Ils ont aussi tous les deux
une pratique théâtrale de longue date.
Sous leur conduite, l'Ensemble s'est produit dans le monde entier en
concert, pour des radios et des chaînes de
télévision. Groupe de rencontre, il a établi des
échanges et des collaborations avec des compagnies
théâtrales, avec d'autres ensembles pratiquant le
même répertoire ainsi qu'avec des chercheurs. C'est ainsi
que depuis quelques années l'Ensemble a entamé un travail
commun avec Gérard Zuchetto et le C.R.E.M.M.-TROBAR.
C'est à Carcassonne, où il est né, que GÉRARD
ZUCHETTO va s'intéresser à la poésie d'oc. Il
puise dans l’œuvre de René Nelli, à la
Bibliothèque Nationale de Paris et à la
Bibliothèque Ambrosiana de Milan, la force théorique et
l'inspiration qui font de lui l'un des plus grands interprétas
des Troubadours.
L'originalité de sa démarche réside dans la
recherche de l'authenticité et dans l'interprétation de
la poésie au plus juste de ses sonorités. Il adapte les
poèmes des troubadours oubliés en composant leur musique,
et s'intéresse a la poésie occitane moderne (Max
Rouquette, René Nelli...) pour laquelle il effectue aujourd'hui
une recherche musicale personnelle et originale en collaboration avec
des compositeurs contemporains.
G. Zuchetto est le fondateur du Centre de Recherche et d'Expression des
Musiques Médiévales "Trobar" dont le but est
l'étude et la diffusion de la lyrique occitane. Ce centre,
installé à Pennautier dans l'Aude, œuvre à
la promotion de l'art médiéval des troubadours sous
toutes ses formes (dont la reconstitution d'instruments sous la
houlette de Patrice Brient).
The ENSEMBLE PERCEVAL has spent many years on the research and study of
mediaeval music and in particular the courtly repertoire.
The
artistic direction is in the capable hands of GUY ROBERT and KATIA CARÉ,
interpreters who have specialized in the music of the Middle Ages. The
former is an instrumentalist, passionately interested in oriental music
and skilful in improvising on all sorts of instruments; the latter is a
singer who uses many different forms of vocal and ornamentation
techniques inspired by all the Mediterranean cultures. They both have
wide experience of theatre work.
Under their direction, the Ensemble
has performed all over the world, for radio and television. One of the
group's concerns is meeting other artists and it has exchanged and
collaborated with theatre companies, and other ensembles who perform the
same repertoire, as well as with researchers. Thus several years ago
the Ensemble began a study in collaboration with Gerard Zuchetto and the
C.R.E.M.M. - TROBAR.
lt was in Carcassonne, where he was born,
that GÉRARD ZUCHETTO became interested in the poetry of langue d'oc. He
found in the work of René Nelli, at the Bibliotheque Nationale in Paris
and in the Ambrosiana Library in Milan, the theoretical background and
the inspiration which make him one of the greatest interpreters of the
Troubadours.
His originality of his methods lies in his search for
authenticity and in his interpretation of the poetry enhanced by the
most appropriate sonorities. He adapts the poems of forgotten
troubadours by composing music for them, and is interested in modern
Occitan poetry (Max Rouquette, René Nelli...) for which he now carries
out personal and original musical research with the collaboration of
contemporary composers.
G. Zuchetto is the founder of the Centre de
Recherche et d'Expression des Musiques Medievales "Trobar" whose aim is
to study and diffuse Occitan lyric art. This centre, which has its seat
at Pennautier in the departement of Aude, works to promote the mediaeval
art of the troubadours in all its forms (including rebuilding
instruments under the guidance of Patrice Brient.)
A selection from one of the oldest and most important works in the
courtly repertoire (trouveres and troubadours): the French manuscript
844 from the Bibliothèque Nationale de Paris, known as the Manuscrit du
Roi, is presented on this recording.
By using a single source,
rather than editions compiled from several readings of different dates,
it has been possible to achieve a restitution of texts and music which
existed together at one particular time. We were also able, in the case
of this song book, to provide an example of the linguistic connections
between the lyric traditions of the langue d'oc and the langue d'oil,
the “Franco-Occitan” which is expressed in the subtitle of this disc, “A
l'entrada del tans florit”.
THE MANUSCRIPT AND ITS ORIGINS
Written
in about 1250, the manuscript contains more than 600 chansons composed
during the second half of the XIIth century and the first half of the
XIIIth century. Staves were provided for each poem, but some have not
been filled; additions were made until the end of the century.
Several
studies have attributed this song book to Charles d'Anjou (1226-1285).
Some of the arguments offered to support this view are very plausible:
only this manuscript contains the chansons written by the prince, as
well as pieces dedicated to him and to his wife Beatrice of Provence by
the later troubadours such as Guiraud d'Espanha - “Reys Karles, Na
Beatrix”.
“Brother of Saint Louis, count of Anjou and of
Provence, king of Naples and of Sicily, Charles was a protector of the
courtly poets. His own works were somewhat clumsy, but as a patron, he
had the significant merit of concerning himself with the links between
the cultures of the North and the South. Three different Provencal
manuscripts attribute a “canso” to him in which he says: no longer wish
to have either Le Mans or Tours, nor to be called the count of Anjou”.
The
manuscript is in very bad condition : the pages have been bound in the
wrong order, miniatures have been cut out and removed, pages trimmed
with no regard for the illuminations; this deterioration concerns some
of the texts and music which have been destroyed in places. It is
however one of the principal examples of this feudal art.
Classed
with one or two other works as the oldest writings of this sort still
in existence, it was written when courtly rhetoric was at its zenith. It
is the only northern manuscript to devote such a considerable place to
langue d'oc poetry. 70 pieces including the additions. It is also the
oldest sizeable source of the troubadour tradition: the Provençal
anthologies did not appear until the very end of the XIIIth century. It
is essentially devoted to works of an aristocratic nature: the “grands
chants” according to the terms of another manuscript; they are
classified as belonging to various groups: trouveres, troubadours,
motets, lays and according to the social rank of the poet. In its
original state the music has no rhythmical notation, the additions use
writing which goes from the simple longa-brevis to Franconian notation.
“FRANCO-OCCITAN”
This
anonymous experiment in formulating a French adaptation of langue d'oc,
a “jargon” according to some Romanists, was only used for 61 Occitan
chansons in the first manuscript. It was also used for a few “cansos” in
another manuscript dating from the middle of the century: Paris B.N. f.
fr 20050 the “Saint Germain manuscript”. Its principle, which still has
to be analysed in detail, is to use a certain number of French words
while retaining the most comprehensible elements of the original
version, in order to preserve its character. In general the poetic
construction has been respected.
In any given period similar
procedures have been used in literature to evoke certain foreign,
regional, popular or archaic aspects... However the use of the
Franco-occitan form has provoked such strong reactions, that some
scholars, considering this “language” to be unpresentable, have
preferred to establish a adequate “Textus receptus” using
“re-occitanized” versions of works only recorded in these manuscripts.
Wishing
to remain impartial in the matter, we have made use of all the
different possibilities for this recording: the original text for the
unicum “A l'entrada del tans florit” and for “Lan que li jor”, the
Occitan text from another manuscript for “Lo clar temps” and a
“re-established” version for the unicum “Pos vesem”.
1. LO CLAR TEMPS VEI BRUNEZIR · canso | Raimon Jordan “Vescoms de Saint-Antonin"
Although
he is little known nowadays, the troubadour Raimon Jordan was famous in
his time. It seems that he was given the title of lord of St Antonin
without having possession of the viscounty. His poetic works date from
the final years of the XIIth century. Two biographies (“Vida”: a
somewhat whimsical account included before the songs in some
manuscripts) give the identity of his “domna”, the spouse of the
Seigneur de Pena, an area neighbouring St Antonin. Thirteen chansons can
be attributed to him with certainty, in which his inspiration is
conventional and always concerns love; in one of his “cansos” he
criticizes the misogyny of certain poets. Concerning Marcabru he says:
“there is no great honour in speaking ill of that which gives birth to
children”.
This chanson inspired several “contrefacta” by various
trouveres, including Thibaut de Champagne and Guillaume le Vinier. The
music is a unicum of the manuscript.
2. CHANTERAI POR MON CORAGE · “chanson de croisade” with refrain | Guiot de Dijon
Guiot
de Dijon, a skilful and refined poet, was probably in the service of
the d'Arcy family, a house which was linked to those of Chassenay, of
Epoisse and of Montbard. lt is in fact to the lords of these families
that many of the 17 chansons attributed to the poet are addressed; his
direct master must have been the Ist Jean d'Arcy (“Mon sire d'Arcis”).
These lords, linked to the Teutonic Order, won fame by their bravery in
the crusades: it is natural that the works of the trouvere were often
inspired by these historic events. The names he mentions in his poems
situate his creative activity at the time of the fifth crusade (where
Jean Ist met his death), i.e. at the beginning of the XIIIth century.
The
song for female voice recorded here may have been written for the
daughter of sire d'Arcy, Huguette, the young wife of Andre de Montbard
who left for the crusade at the same time as Jean in 1219, which was
probably when it was composed.
Included in many anthologies, this
beautiful and delicately erotic writing, is a novel compromise between
the “chanson d'ami” and the “chanson de croisade”. The simple intoning
of the melody in this manuscript is very different from those of later
composers (like Cangé), and is particularly well-suited to the slow
dramatic progression of the text.
3. POS VESEM QUE L'IVERNS S'IRAIS · canso | attributed to Peire Vidal
The
son of a Toulouse furrier, Peire Vidal had many patrons. At the end of
the XIIth and the beginning of the XIIIth centuries his poetry took him
to Spain, Hungary, Italy, Malta and the Holy Land. With his sharp and
caustic wit, he handled the “Sirventes” (critical song) with as much
ease as the subtleties of “Fin'amor” and enjoys himself making many a
gibe. His oeuvre is extensive; he left more than forty chansons which
show his sociability and his taste for travel. He demanded the love of
many women and among them should be mentioned “Dame Louve”, wife of the
lord of Cabaret (Aude) whose praises were also sung by other
“trobadors”.
This “Canso”, unicum of the manuscript, should be
compared to No. 9 “Tant ai amé” which, although it is written in a very
different style, treats the same subject: disappointed love and the
revenge to be inflicted on the person who is thought to have betrayed.
As is usual in the courtly tradition, the lady is not named.
The term Drogoman
(at the end of the third verse) is a “senhal”, i.e. an agreed secret
sobriquet indicating the poet's patron; there is no indication of his
identity.
Having used a revised version of the text, the original
reading of the manuscript for the first verse has also been provided.
(cf. above-mentioned verse in the French text).
4. ONQUES N'AMAIT · Chanson : motet | Richard de Fournival
“Maistre
Richars”, unlike the poets already mentioned above, was neither a lord
nor a “professional” poet. He was a man of science: the son of Rogiers
de Fournival, who was personal physician to Philippe Auguste, Richard
was also a surgeon and exercised his profession alongside his activities
as a man of letters and music. In 1240, he was appointed to the
chapter-house of the church of Notre-Dame d'Amiens, and soon after this,
in 1246, he became responsible for its management. His best known work
is a version of the “Bestiaire d'Amour”. He composed many chansons and
also motets in French which are among the earliest in the genre. As his
courtly works are to be found in the oldest song-books, his activity as a
trouvere must have preceded his nomination
at Amiens. The date of
his death, given as 1260 in some studies, cannot be confirmed with any
certainty. Only the first verse, in motet form, of this lovely lament is
given in the manuscript. Text of verses 2 and 3: Vatican, reg. 1490
5. DOMNA, POS VOS | anonymous virelay
This
dance-song, one of the last additions to the manuscript, made perhaps
as late as the beginning of the XIVth century, is written in a fairly
precise rhythmical notation. This piece is in Occitan, and its popular
flavour means that it cannot be included in the troubadouresque
repertoire. It reflects the taste, which began to appear at the end of
the XIIIth century, for amusing works, unhampered by the coded rhetoric
of the “fin'amor” style. It is a unicum of the manuscript.
6. DAME DES CIUX | Maistre Guillaume le Vinier
An
inspired songster, Guillaume le Vinier explored all the genres of
courtly poetry in the 35 or so chansons that he wrote. We know from the
Death-list of the Brotherhood of Jongleurs et Bourgeois of Arras, that
he died in 1245. He was one of the most important trouveres from this
town which supported a whole nursery of poets during the XIIIth century.
Like his brother Gilles, with whom he exchanged verses and who followed
an ecclesiastical career of some importance, he was certainly a cleric
(Maistre Guillaume), but, once married, was not able to receive higher
orders. He enjoyed wide renown among his fellow poets with whom he
debated several “jeux-partis” (poetic jousts).
As well as “Dame des
Ciux” he left three “pious chansons” one of which is a contrefacta of
the “canso” by Raimon Jordan recorded on this disc. To sing the beauty
and the virtues of the “Haute Damoiselle” is a theme often used by the
poets of the langue d'oil; the idea of reversing Eva to make Ave is
frequent in this repertoire. The music, in proportional notation, was
added later.
7. A L'ENTRADA DEL TANS FLORIT · canso | Anonymous
This
chanson with its refined composition is a unicum of the manuscript for
the music and for the text. Its highly melismatic writing, already makes
one think of the later troubadour Guiraud Riquier. The similarity of
certain lines in this pretty but conventional poetry, brings to mind,
the work of Gace Brule.
Note: the text of this piece (and of the
following one) is very distorted and written in a hybrid language, which
means there are obscure points and that the interpretation is uncertain. P. Bec.
8. LAN QUE LI JOR · canso | Jaufre Rudel
This
is one of the best known of the works in the langue d'oc lyric
tradition and one of its best known poets. Known as the “Prince de
Blaia” according to the biography in his “vida”, Jaufre Rudel was the
lord of Blaye (Gironde). He left for the crusades in 1147 and probably
never came back. He is one of the first generation of troubadours, and
has few works, only six “cansos”, but they are beautifully crafted
examples. The romanticized nature of his biography, more legend than
reality, certainly contributed to his celebrity: Hopelessly in love with
the unattainable princess of Tripoli, for whom he pined all his life,
he finally meets her in time to die in her embrace.
This chanson is a beautiful lament on distant love, using obsessive repetition of the word “far-away” (lonh in langue d'oc, loing
here). We have chosen, for this well-known text, often recorded and
issued under many different labels, to present the “Franco-occitan”
version from the manuscript.
It is easy to make the comparison with
the poem in langue d'oc: in the adaptation verses 3 and 4 have been
condensed, reversing their position to end with the call to God, thus
eliminating the saracen dream at the end of verse 5 and the curse of the
“godfather” in the last verse and the envoy, two themes which were
perhaps considered too seditious for the religious morals of the North.
9. TANT AI AIMÉ · chanson | Conon de Béthune
Sire
Quesne de Bethune, who died in about 1220, was the fifth son of Robert
V, count of Bethune, a relation of the houses of Hainaut and of
Flanders. He owed a part of his brilliant political career to his talent
as an orator. After the election of his protector, the count Baudoin of
Flandres, to the head of the Eastern Roman empire of Constantinople, he
became a seneschal and then a regent of the empire. His place is
amongst the trouveres of the highest order, his chansons are often
caustic and with a misogynic touch, like the one chosen here which is
full of humour. His Picard partiality led him to use popular turns of
phrase which are often difficult to understand and he was sensitive
about this : “Although my tongue is not French, it can be well
understood in France and those who correct me when I say Artois words
are neither well-mannered nor courteous, for I was not weaned at
Pontoise!” a “sirventes” against the royal court and the people of the court of Champagne.
This song has already been mentioned concerning “Pos vesem” by Peire Vidal No. 3.
10. BELE EMMELOS · chanson de toile Messire Audefroi le Bastart
It
is very difficult to know who Audefroi was: the name of bastard and the
title of Messire which is given to him in manuscripts, is an indication
that he may have been the illegitimate son of an important person. He
was a trouvere from Arras, who was active at the beginning of the XIIIth
century. His fairly extensive oeuvre is unoriginal apart from his
chansons de toile which are characterized by their excessively dramatic
style.
The chanson de toile is a distinct genre, supposedly evoking
women singing as they weave. They are narrative poems, written in a
voluntarily archaic style, resembling epic literature. The singsong
melodies are lilting and informal and always include a refrain (chanson
No 2, “Chanterai por mon corage”, can be considered closely related to
this genre). Those of Audefroi are often rather drawn out, one of them
having no fewer than 25 verses! The “a cappella” style of performance
seems to be the most appropriate to the genre.
This song is a unicum of the manuscript.