Le cœur mangé. L'Itinéraire Médiéval, Katia Caré
La Légende du premier Trouvère · Le Châtelain de Coucy





medieval.org
productions-perceval.com
ligeriana.com
Calliope "Rencontres" CAL 9528

2006






Le Roman du Castelain de Coucy et de la Dame du Fayel
d'après le roman de Jacquemès, XIIIe siècle



1. Prologue / Prologue   [4:49]
Amour qui est principaument” — chanson sur le texte de Jaquemès

2. La déclaration / The declaration   [7:21]
Pour verdure ne pour pree” — Gace Brulé (attribuée à Coucy dans le roman)

3. L'émoi de la dame / The lady's emotion   [5:13]
La douce voiz du losignol sauvage” — Châtelain de Coucy

4. Les joutes / The jousts   [5:39]
Instrumentaux : Rondeau et “Le tournoi des dames" d'après Huon d'Oisy

5. L'espoir / Hope   [3:01]
Quand voi venir le biau tens” — Châtelain de Coucy · instrumental

6. La déception / Disappointment   [6:27]
Quant li estés et la douce saisons” — Châtelain de Coucy

7. Le remords de la dame / The lady's remorse   [3:40]
Merci clamons” — Châtelain de Coucy

8. Le triomphe de l'amour / The triumph of love   [3:36]
Quant voi venir lo doulz tens” — Châtelain de Coucy

9. La fête de tous les dangers / The feast of all dangers   [4:25]
Rondeau instrumental et “J'aim bien loiaument", rondeauJaquemès

10. Les amants surpris / The lovers surprised   [2:36]

11. Le piège / The trap   [3:28]
Ha ! dous sire, pour Dieu merci" — chanson sur le texte de Jaquemès

12. La croisade de l'espoir / The crusade of hope   [3:56]
Au nouviel tans” — Châtelain de Coucy

13. La désillusion/ Disillusionment   [2:44]
De ramis cadunt folia” — Hymne · BN lat. 3719

14. Le désespoir de la dame/ The lady's despair   [5:36]
Chanterai por mon corage” — Guyot de Dijon

15. L'adieu du croisé / The crusader's farewell   [6:47]
A vous, amants” — Châtelain de Coucy

16. Le cœur mangé / The eaten heart   [2:05]

17. La mort de la dame / The lady's death   [5:03]
Jerusalem, grant damage me fai” — anonyme



L'Itinéraire Médiéval
direction: Katia Caré

Katia Caré — élaboration musicale   
Guy Robert — textes, traduction et dramaturgie   

Katia Caré — chant et percussion / voice and percussion
Pierre Bourhis — chant / singing
Guillaume Edé — récitant / narrator

Florence Jacquemart — flûtes médiévales et musette / medieval recorders and musette bagpipe
Evelyne Moser — viele à arc, tympanon, percussion (coquilles St Jacques) / medieval fiddle, plucked zither, scallop shells
Guy Robert — harpes médiévales, percussions / medieval harps, percussion
Christophe Tellart — musette, chiffonie, organetto / musette bagpipe, hurdy-gurdy, organetto





Enregistrement réalisé à l'abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache en septembre 2005
Prise de son, direction artistique et montage: Jean-Marc Laisné
Direction générale: Jacques Le Calvé et Michaël Adda
Directeur de la production: Jean-Michel Verneiges
L'élaboration de ce programme a reçu l'aide du ministère de la Culture
(Direction régionale des Pays de La Loire) et du Conseil régional des Pays de Loire.
Design: Richard Paoli, 21x29,7 - Photo: jpgilson.com
℗ Arpège 2005 et © Calliope 2006

RENCONTRES
Une collection musicale et littéraire coproduite par Calliope et le Conseil Général de l'Aisne dans le cadre des Belles pages de l'Aisne.









“L'itinéraire médiéval”
a été initié en 2002 par Katja Caré et Guy Robert.
Conçu pour des créations; il réunit des solistes autour de projets précis: chanteurs et instrumentistes formés à la musique médiévale et ayant une grande expérience de l'improvisation.
Son répertoire est dévoué principalement a la musique courtoise du XIIe au XVe siècle - de Guillaume de Poitiers a Guillaume Dufay.
Il en explore les différents registres : savant, pieux, popularisant.
L'itinéraire médiéval est une production de Perceval.
Groupe de recherche sur la musique et la culture médiévale.
Il regroupe des activités très variées et diffusées dans le monde entier: production et promotion de programmes, enregistrements, collaboration a des films, expositions, conférences, actions pédagogiques...
Guy Robert and Katia Caré initiated "L'itinéraire médiéval" in 2002.
The ensemble recreates ancient works, bringing together soloists - singers and instrumentalists who have been trained in medieval music making and who have extensive experience in improvisation - who collaborate on specific projects.
The repertoire centres on courtly music written between the twelfth and the fifteenth centuries: the music of Guillaume de Poitiers to that of Guillaume Dufay.
The ensemble explores the learned, sacred and more popular styles.
"L'itinéraire médiéval" is produced by Perceval.
This research group focuses on medieval music and culture.
Its varied activities have a worldwide impact in terms of concert programme and recording production and promotion.
Other activities include film-making, exhibitions, lectures, and pedagogical outreach.
Katia Caré
a réalisé, en soliste ou à la direction, de nombreux enregistrements discographiques, illustrant tous les aspects du répertoire médiéval. Elle a également collaboré à plusieurs téléfilms pour Arte. Elle se produit régulièrement devant une audience internationale : USA, Japon, Australie, Canada, Russie, Turquie et toute l'Europe. Sa recherche, dévouée à la restitution et à la restauration de manuscrits médiévaux, l'amène à collaborer avec des universitaires français et étrangers.
Katia Caré has participated as a soloist and/or conductor in numerous recordings, each of which illustrates a different aspect of the medieval repertoire. She has also taken part in making films for Arte television. She is an internationally known performer, regularly appearing before the public in the United States, Japan, Australia, Canada, Russia, Turkey, and across Europe. Her research focuses on recreating and restoring medieval manuscripts, and has resulted in projects for which she collaborated with French and foreign universities.
Guy Robert
luthiste, musicien spécialisé dans le Moyen Âge, a également participé a la direction de nombreux spectacles et créé de nombreux programmes à caractère scénique : collaboration avec Eric Rohmer pour "Perceval le Gallois", créations de scènes de théâtre musical dans la série Arte "L'Europe de la Toison d'Or", collaboration à "la Plaie et le Couteau" d'Enzo Corman pour le Festival d'Avignon, création de pièces de théâtre : Le Jeu de Robin et Marion, Le Conte du Graal, Renart le Nouvel...
Guy Robert a lutenist who specialises in the music of the Middle Ages, has also directed numerous concert performances as well as participating in a variety of staged and filmed productions. He worked with film-maker Eric Rohmer on "Perceval le Gallois", created musical theatre scenes for Arte's televised series "L'Europe de la Toison d'Or", collaborated with Enzo Corman on "La Plaie et le Couteau" for the Avignon Festival, and has recreated medieval plays including Le Jeu de Robin et Marion, Le Conte du Graal and Renart le Nouvel.


Le Cœur mangé

Le châtelain de Coucy fait partie de la première génération de trouvères comme son voisin et ami Gace Brulé ; ce fut un des poètes les plus prisés de toute la période courtoise.
Son œuvre -une quinzaine de chansons authentifiées avec certitude- est empreinte d'un grand lyrisme, sa poésie dépasse la convention de l'amour courtois et offre quelques grandes envolées de sincérité. Elle laisse deviner l'ébauche d'une histoire - la découverte de l'amour [3], la peur des médisants [8], les derniers plaisirs avant la croisade [11] et l'adieu du croisé [15] -qui sera le ferment d'une légende féconde.

Cette légende ainsi que la beauté de ses poèmes vaudront au châtelain de partager avec le roi de Navarre, Thibaut IV, l'honneur d'être le premier trouvère édité: (Mémoires historiques sur "Raoul" de Coucy, 1781).

L'identification du châtelain de Coucy ne peut être établie avec certitude, il semblerait qu'il s'agisse de Guy de Thourotte, gouverneur du château de Coucy entre 1170 et 1203, année où il trouva la mort au cours de la quatrième croisade.

"Lors lor aviat uns granz damages que uns halz hom de l'ost, qui avait nom Guis li chastelains de Coci, morut et fu gitez en la mer."(Villehardouin).

Le roman en tant que récit apparaît en France vers le milieu du XIIe siècle; l'intérêt qu'il porte aux questions amoureuses le rendra particulièrement accueillant à la courtoisie et à l'amour courtois. C'est ainsi que plusieurs romans rédigés entre le XIIIe et le XVIIIe siècle font revivre la légende du châtelain de Coucy. "Le roman du castelain de Couci et de la dame du Fayel" est le premier. Il est écrit en Picard et comporte 8266 vers octosyllabiques dont les derniers portent en acrostiche le mot "Jakemès". "Jakemès" est-il un nom, un prénom ou un pseudonyme ? De nombreuses hypothèses ont été formulées mais à ce jour, l'identité de l'auteur n'a toujours pas été établie.

Le récit est tissé autour de chansons attribuées au châtelain de Coucy auxquelles sont ajoutées des pièces lyriques originales et deux chansons de Gace Brulé. Les héros, Renaud de Coucy et la dame du Fayel sont contemporains de Richard Cœur de Lion (troisième croisade). "Jakemès" apporte une conclusion dramatique au roman en calquant la fin du châtelain de Coucy sur celle du troubadour Guillem de Cabestaing dont la dame, selon la légende, fut amenée à manger le cœur.

Le thème du "cœur mangé" est abondamment illustré à partir du XIIe siècle dans le Moyen Âge occidental et se retrouve curieusement dans des récits de tradition orale, recueillis au Pendjab au XIXe siècle. Les contes qui s'appuient sur cette fable se regroupent en deux familles. À la première, où le mari fait tuer son rival et fait manger son cœur a la dame, appartiennent entre autres, les "vidas" de G de Cabestaing, une nouvelle du Décameron de Boccace et un récit des "Cento Novelle Antiche". Le roman de "Jakemès" fait partie de la deuxième, celle où le cœur de l'amant mort en Terre Sainte, est rapporté par un messager qui est surpris par le mari; autre différence notable avec les "vidas" du premier groupe, la dame du Fayel meurt simplement d'amour alors que "Saurimonda", la dame du troubadour, se suicide.

Si "Le roman du castelain de Couci et de la dame du Fayel" offre un exemple typique de narration à insertion musicale qui abonde au Moyen Âge, il se situe parmi les meilleurs par l'emploi systématique de dialogues donnant force et finesse au récit et par la finesse avec laquelle l'évolution des héros est exprimée.

Guy Robert


The eaten heart

The Châtelain de Coucy (Lord of Coucy), one of the most highly appreciated poets of the entire courtly period, belonged to the first generation of trouvères, as did his neighbour and friend Gace Brulé. His oeuvre of fifteen authenticated songs stands out for its great lyricism and for its flights of sincere personal sentiment, both of which largely surpassed more conventional verse on courtly love. The poems sketch out a story - burgeoning love [3], fear of malicious gossip [8], the last moments of pleasure before leaving on a Crusade [11], the Crusader's adieu [15] - which was to become an often-repeated legend.

This legend, coupled with the beauty of his poetry, allowed the Châtelain de Coucy to share a distinction with the King of Navarre, Thibaut IV: the verses of these trouvères were the first ever to be published (Mémoires historiques sur 'Raoul' de Coucy, 1781). Although the Châtelain de Coucy cannot be identified with absolute certainty, it is likely that his name was Guy de Thourotte. This figure served as gouverneur at the Château de Coucy from 1170 to 1203; he departed on the fourth Crusade in 1203 and died the same year.

"Lors lor aviat uns granz damages que uns halz hom de l'ost, qui avoit nom Guis li chastelains de Coci, morut et fu gitez en la mer" (Villehardouin)

The narrative romance appeared in France around the mid-twelfth century. Its penchant for subjects having to do with love made it an ideal vehicle for the themes of courtoisie and courtly love. A number of romances written in the thirteenth and fourteenth centuries retold the legend of the Châtelain de Coucy. The first of these is Le roman du castelain de Couci et de la dame du Fayel. lt was written in Picard and includes 8266 octosyllabic lines, the last of which spell the word 'Jakemès' in an acrostic. Was 'Jakemès' a last name, a first name or a pseudonym? Although numerous hypotheses have been suggested, the identity of the author remains unknown.

The narrative is built around songs attributed to the Châtelain de Coucy, to which were added original lyrical works as well as two songs by Gace Brulé. Its heroes, Renaud de Coucy and the Dame de Fayel, were contemporaries of Richard the Lionhearted, who lived during the period of the third Crusade. 'Jakemès' brings the story to a dramatic conclusion, modelling the death of the Châtelain de Coucy on that of the troubadour Guillem de Cabestaing, whose ladylove, according to legend, was induced to eat his heart. The theme of the eaten heart frequently occurs in Occidental narratives from the twelfth century on; it also rather surprisingly turns up in orally transmitted stories gathered in the Punjab in the nineteenth century. The tales based on the eaten heart can be divided into two categories. In the first, the husband kills his rival and induces his wife to eat her lover's heart. The vidas of Guillem de Cabestaing, a story from Bocaccio's Decameron, and a story from Cento Novelle Antiche belong to this group. The romance of 'Jakemès' belongs to the second group. In these tales the heart of the lover, who has died in the Holy Land, is brought back by a messenger but intercepted by the husband. Another important difference between this tale and the vidas of the first group is that the Dame du Fayel dies of love, whereas 'Saurimonda', the troubadour's ladylove, commits suicide.

Le roman du Castelain de Couci et de la dame du Fayel is both typical of the narratives with musical interludes that were common in the Middle Ages, and one of the best examples of the genre. Its systematic use of dialogue both strengthens and adds finesse to the story of the hero's development.

Guy Robert


La conception du programme

Dans l'introduction du roman, "Jakemès" déclare: "Amour m'a donné le désir de conter un récit de noble caractère, afin de réjouir les amoureux qui le voudront lire ou entendre". On peut considérer cette phrase comme le point de départ de notre travail : faire écouter la légende en l'offrant comme un écrin à l’œuvre musicale du châtelain de Coucy. La richesse du récit de "Jakemès" et l'abondance des situations, nous ont permis de faire des coupes, des choix et des raccourcis, sans nuire à la cohérence et à l'esprit de l’œuvre. Nous avons, d'autre part, rajouté un certain nombre d'éléments musicaux pour ponctuer le discours mais aussi afin de donner une dimension musicale au personnage de la Dame. L'histoire est contée en français moderne mais tous les chants sont donnés interprétés dans leur langue d'origine.

Tous "les chants", ce sont :
- Six chansons du châtelain de Coucy, dont deux, "Merci clamons" [7] et "Quant voi venir lo doulz tens" [8] ont été rajoutées par nous.
- Une chanson de Gace Brulé [1]
- Un rondeau de "Jakemès" [11].
- Deux passages du roman mis en musique par nous [1 et 9].
- Un hymne latin "De ramis cadunt folia" [13], évocation de la désolation de la dame.
- Deux chansons de femme, particulièrement adaptées à la fin de l'histoire, "Jerusalem, grant damage me fait" [17] et "Chanterai por mon corage" [14] cette dernière de Guyot de Dijon, mais "attribué" à la "Dame du Fayel" dans un manuscrit (Berne).

Discours et chants ne sont pas simplement juxtaposés car tout au long de l'ouvrage, nous les avons tour à tour accueillis, accompagnés, enveloppés par une musique instrumentale qui ponctue l'ensemble et en assure le fil conducteur.

Katia Caré et Guy Robert


Creating our programme

'Jakemès' states in the introduction to his romance that 'Love filled me with the wish to tell this noble tale, in order to regale the lovers who read or listen to it: The same wish also served as the starting point for our own work: we too wanted to share the legend, and to use it as a framework for the music of the Châtelain de Coucy. The complexity of the tale told by 'Jakemès', along with its great variety of episodes, enabled us to cut certain parts and abridge others without damaging either its coherence or the spirit in which it was written. We also added a number of musical interludes, which both punctuate the narrative and lend musical depth to the character of the Dame du Fayel. The story is told in modern French, while the songs are sung in their original languages.

These include:
- Six songs written by the Châtelain de Coucy, two of which (Merci, clamans [7] and Quant voi venir lo doulz tens [8]) we added ourselves.
- One song by Gace Brulé [1].
- One rondeau by 'Jakemès' [11].
- Two passages from the romance which we set to music [1 and 9].
- A Latin hymn (De ramis cadunt folia [13], which expresses the lady's sorrow.
- Two women's songs that suit the end of the story particularly well: (Jerusalem, grant domage me fait [17] and Chanterai por mon corage [14]. The latter song was written by Guyot de Dijon, but was 'attributed' to the 'Dame du Fayel' in a manuscript (Berne).

The spoken texts and songs are not merely juxtaposed in our programme: they are introduced, accompanied and surrounded by the instrumental music which punctuates the entire work, and which serves as a link among its various elements.

Katia Caré and Guy Robert



Ouvrages de références / Reference works:

Le roman du castelain de Couci et de la dame du Fayel.
J. E. Matzke et M. Delbouille -1937 Société des anciens textes français.

Le roman du châtelain de Coucy et de la dame du Fayel
Traduction/translated by A. Petit et F. Suard, 1986 - Trésor littéraires médiévaux du nord de la France.

Les chansons attribuées au chastelain de Couci
A. Lerond, 1964, Presses Universitaires Françaises.

Les Vie des troubadours (pour Guillem de Cabestaing)
M. Egan, 1985, 10/18 Bibliothèque médiévale.