Adriaen WILLAERT (c. 1490-1562). Chansons, madrigali, villanelle
Romanesque





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Ricercar 331

2012
(grabación de 1994, previamente Ricercar 151145,
reeditada con ocasión del 450 aniversario de la muerte de Adriaen Willaert)










Adriaen WILLAERT
1. Qual dolcezza giamai  [4:28]
soprano, 3 viols, bass lute, harp, recorder
2. Zoia zentil  [1:48]
soprano, 2 viols, recorder, lute, harp
3. Dessus le marché d'Arras  [1:07]
soprano, lute, harp, viol

Pierre ATTAINGNANT
4. Dessus le marché d'Arras  [1:20]
recorder, 3 viols

Adriaen WILLAERT
5. Allons, allons gay  [2:52]
soprano, 2 viols, lute, harp, cittern

Giovanni Antonio TERZI
6. Canzon Allez mi faut di Adriano  [4:52]
lute, harp

Adriaen WILLAERT
7. Quante volte diss'io  [3:14]
soprano, 3 viols, lute
8. Vecchie letrose, non valete niente  [1:39]
soprano, 3 viols, lute, harp, percussions
9. Chi la dira  [2:12]
soprano, recorder, 3 viols

Antonio VALENTE
10. Chi la dira disminuita  [2:39]
lute, harp

Antonio de CABEZÓN
11. Tiento IV sobre Qui la dira  [2:33]
recorder, 3 viols

Adriaen WILLAERT
12. E se per gelosia  [1:40]
soprano, 3 viols, harp, lute, recorder
13. Un giorno mi pregò  [1:52]
soprano, 3 viols, lute

Giovanni BASSANO
14. A la fontana  [4:55]
recorder, harp, chitarrone

Adriaen WILLAERT
15. Cingari simo  [2:12]
soprano, recorder, 3 viols, harp, percussion

Adriaen WILLAERT / Giulio ABONDANTE
16. O quando a quando havea  [5:25]
soprano, lute, harp, 3 viols

Adriaen WILLAERT   
17. Joyssance vous donneray  [2:34]
soprano, recorder, 3 viols

Vincenzo BONIZZI
18. Joyssance  [5:23]
viola bastarda, chitarrone

Adriaen WILLAERT
19. Arousez vo violette  [1:24]
soprano, 3 viols, lute

Adriaen WILLAERT / Diego PISADOR
20. O bene mio famm'uno favore  [2:34]
soprano, lute   

Adriaen WILLAERT
21. Ricercar X  [3:40]
recorder, 3 viols
22. Occhio non fu gamai  [2:40]
soprano, harp
23. Sempre mi ride sta  [2:15]
soprano, recorder, 2 viols, cittern, lute, harp





ROMANESQUE
Philippe Malfeyt

Katelijne Van Laethem: soprano
Hannelore Devaere: harp
Sophie Watillon: treble and bass viol, viola bastarda
Piet Strykers: bass viol, percussions
Frank Liégeois: bass viol, cittern
Bart Coen: recorders
Philippe Malfeyt: lute, bass lute, chitarrone, percussions



Recorded in June 1994, église Saint-Apollinaire à Bolland
Artistic direction, recording & editing: Jérôme Lejeune
Cover: Gerrit van Honthorst, Musical company (1629)
Leipzig, Museum der Bidenten Künste
Photo: © akg-images, Paris







ADRIAEN WILLAERT

Le flamand Adriaen Willaert (ca. 1490-1562) est bien le compositeur qui, vers le milieu du XVIe siècle, domina la vie musicale en Italie. Il naquit probablement à Roeselare, mais durant sa jeunesse des liens solides l'unissaient à la ville de Bruges. Après des études auprès de Jean Mouton à Paris, il entra vers 1515 au service de la famille d'Este à Ferrare. C'est grâce à cette cour, l'une des plus florissantes de la Renaissance, qu'il entra en contact avec la cour papale à Rome. En 1527, il fut nommé maître de chapelle à Saint-Marc de Venise, fonction qu'il conserverait jusqu'à sa mort. Bien que le pouvoir économique de cette riche ville marchande fût en déclin, son rayonnement culturel se propageait à toute l'Europe. La ville n'épargnait aucun effort pour avoir toujours à son service les meilleurs chanteurs et instrumentistes, ce qui faisait d'elle un bouillon de culture d'innovation et de talents musicaux. La place de maître de chapelle de Saint-Marc était alors considéré comme étant un poste important pour la vie musicale européenne.

La réputation de Willaert était telle que de nombreux jeunes compositeurs affluaient dans la ville des Doges pour prendre des leçons avec «Messer Adriaeno»; c'est ainsi que Willaert influença toute une génération de musiciens. Parmi ses élèves, citons Andrea Gabrieli, Cipriano de Rore, Jacob Buus, Constanzo Porta, Nicola Vicentino ainsi que le théoricien Gioseffo Zarlino.

Adriaen Willaert était un compositeur éclectique. En ce qui concerne la musique d'église, il contribua au développement du motet et encouragea la naissance de la musique polychorale avec ses psaumes à doubles chœurs. Mais il s'intéressait également à la musique profane. Il composa des chansons françaises, non seulement durant son séjour parisien, mais également en Italie où la musique française était à la mode, entre autres chez le pape Léon X ainsi qu'à la cour d'Ercole II d'Este, qui avait épousé Renée de France. Ses premières chansons étaient encore influencées par Josquin et Mouton: par exemple, le malicieux Dessus le marché d'Arras, avec la typique alternance entre les voix de dessus et de grave, ainsi que Allons, allons gay à trois voix. Les chansons extraites des derniers recueils, entre autres Jouyssance vous donneray et Qui la dira la peine de mon cœur, se distinguent par une ligne mélodique plus fluide, une plus ample sonorité et un style imitatif riche, apparenté au motet. On ne connaît pas avec certitude le compositeur du petit air à double sens Arousez vo violette, mais certaines sources l'attribuent à Willaert.

Celui-ci se distingua également comme compositeur de madrigaux, mais pas tant que Verdelot et Arcadelt qui étaient les spécialistes du genre. Parmi ses premières œuvres Quante volte diss'io à quatre voix trahit la prédilection qu'avait Willaert pour le poète Pétrarque. Il amorça une nouvelle évolution dans l'art du madrigal avec Qual dolcezza giamai, qu'il dédia à la chanteuse Polissena Pecorina; l'écriture est ici à cinq voix et le style polyphonique est fortement apparenté au motet. Par rapport au madrigal, plutôt sérieux et sophistiqué dans l'expression poétique et musicale, la villanesca alla napolitana est beaucoup plus légère et simple.

Cette forme devient à la mode vers 1530 et, en 1544-14445 Willaert en fit publier un recueil. Les textes décrivent de petites scènes populaires tirées de la vie quotidienne: un amoureux se moquant de vieilles femmes (Vecchie letrose), une dame ridiculisant publiquement un ancien soupirant (Sempre mi ride sta), un jeune homme chantant une sérénade pour obtenir un rendez-vous avec son aimée (O bene mio). Cingari simo est un mascherata alla napolitana qui décrit des individus masqués, travestis en bohémiens libérant quelques vaches et ceci avec des jeux de mots à double sens. Dans cette pièce, Willaert s'inspire de la voix de soprano d'une version à trois voix de Giovanni da Nola, mais en la transcrivant pour la voix de ténor. Les versions pour voix solo et luth de O quando a quando havea et O bene mio furent transcrites en tablatures par le virtuose espagnol Diego Pisador dans son Libro de musica de vihuela (1552). Un giorno mi pregò est une villotta, une variante des villanelles du nord de l'Italie. Celles-ci sont, en fait, des airs de danse utilisés lors des représentations de pantomimes. Zoia zentil et Occhio non fu giamai appartiennent à un genre sérieux: ce sont des canzones écrites par le poète Angelo Beolco, surnommé «Il Ruzzante». La chanson E se per gelosia se singularise par le côté mordant du texte. Celle-ci parut en 1541 dans un recueil de bicinia, pièces à deux voix qui étaient volontiers utilisées pour l'enseignement de la musique.

Adriaen Willaert écrivit également de la musique instrumentale. Il publia en 1540, avec son collègue Julio da Modena ainsi que quelques élèves, le recueil Musica Nova, une collection de ricercare, pièces instrumentales polyphoniques dans un style de motet. Ce sont les premières œuvres du genre à être publiées. Exemple rapidement suivi par d’autres compositeurs, et Willaert publia un recueil de ricercare à trois voix.

Il était très populaire de son vivant, ce qui explique les nombreuses transcriptions instrumentales qui paraissaient un peu partout en Europe. Provenant d'une tablature pour clavier, Dessus le marché d'Arras fut publié en 1544 par l'éditeur parisien Pierre Attaingnant. Sa version reste fidèle à l'écriture de Willaert, seules les ornementations ont été ajoutées. Claveciniste virtuose et aveugle, le napolitain Antonio Valente écrivit une version diminuée de Chi la dira (Intavolatura de cimbalo, 1576) tandis que la Canzona Allez mi faut di Adriano (Il secondo libro de intavolatura di liuto, 1599) de Giovanni Antonio Terzi étaient à l'origine un duo pour deux luths. Par contre, le Tiento IV sobre Qui la dira de l'espagnol Antonio de Cabezon était une nouvelle composition, sur le même thème que la chanson de Willaert.

C'est vers la fin du XVIe siècle que la virtuosité instrumentale prit de l'importance en Italie. Les caractéristiques sont ici les diminutions des voix d'œuvres polyphoniques richement ornementées et qui peuvent être interprétées comme une sorte de commentaire de l'œuvre originale. A la fontana du cornettiste vénitien Giovanni Bassano (Ricercate, passaggi et cadentie, 1585) est basé sur la partie supérieure de la chanson À la fontaine de Willaert. Joyssance, de Vincenzo Bonizzi (Alcune opere, 1626), organiste et violiste originaire de Parme, est écrit pour la viola bastarda. Ces diminutions ne se limitent pas à une seule voix de l'œuvre initiale de Willaert, mais sautent continuellement du haut vers le bas et remplissent ainsi la tessiture complète de la basse de viole.

PIET STRYCKERS