Trobadors · Contr' Amor
Rosina de Peira e Martina




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discogs.com
Rosina de Pèira, cantaira o rossinhòl ?
Revolum REVCD 047
1991
LP (1983): Revolum REV 047









FACIA A

MARCABRUN
1. Escotatz  [5:05]
Martina

Bernat de VENTADORN
2. Ben ma'n perdut lai devèrs Ventadorn  [8:20]
Rosina

Guiraud de BORNÈLH
3. Non pòi sofrir qu'a la dolor  [5:49]
Rosina



FACIA B

Berenguièr de PALAZÒL
4. Atal dòna com ieu sai  [7:53]
Rosina

Jaufré RUDÈL
5. Quand lo rossinhòl  [6:19]
Martina

Raimon de MIRAVAL
6. Contr' Amor vau  [7:08]
Martina







Dominique Regef, viela, rebèc, violoncèla, zamàr, diljrebà, guimbarda, ocarina
Jacques Rouanet, clavièrs
Rémy Sarrazin, baissa
Marc Hazon, batariá, percussions
Gui Bertrand, flaütas, chabreta, pifre, graile

Adaptacions en occitan modèrne e reviradas: Miquèl Bertomieus
Arrengaments: Martina e Rosina, D. Regef











A la recherche du plus beau son et de la plus intense émotion, c'est que Rosina et Martina de Pèira ont retenu de l'exemple des troubadours occitans et ce qu'elles tentent de rendre par leurs voix et leurs corps. Recréer une musique classique pasteurisée dans un laboratoire or chanter comme d'autres pointent dans des ateliers ou des colloques: autant d'errements qu'elles ont su éviter en recherchant l'esprit dans lequel jouaient les troubadours. C'est là toute la tradition et la modernité: un sentiment partagé, une émotion où la beauté naît de la musique et y revient. Briser leur voix, les joindre dans l'exaltation, les séparer dans l’éraillement de la solitude, en bercer les instruments de musique, elles imposent une autre conception du chant, dualité plutôt que duo de patronage, émoi alterné d'une mère et de une fille, plutôt que dialogue vaguement théâtral. Elles rejoignent ainsi les sources de la musique traditionnelle qui fait se répondre les générations en les unissant dans une même jeunesse de la transmission, de la communication. Chanter les troubadours en 1983, ce n'est pas ânonner ce qu'aurait pu être leur musique. Personne ne pourra jamais la restituer. Bien au contraire le répéter en plainte ou en jubilation, la faire ressentir avec des cris et des musiques d’aujourd’hui, pur gens d’aujourd’hui: tel est le seul moyen de faire renaître du purgatoire des musées une poésie et une civilisation que ne peuvent pas être chasses gradées d'érudits, au royaume de l'Ennui.


Ressusciter un répertoire, le confronter aux défis musicaux modernes, c'est ce que tentent aussi Dominique Regef et ses compagnons, emportés par le même mouvement que Rosina et Martina. De limpides vibrations qui esquissent un décor de sons, qui préludent au retour des voix qui se sont tués: leur art n'est pas simple arabesque ou pseudo.contours des poèmes, en un incessant va-et-vient d'incitations et de réponses. Il est inutile de se poser la question de savoir si ces musiciens jouent comme d'autres, du Moyen Age ou d'ailleurs: imiter,. c'est presque toujours trahir ou amoindrir. Les musiciens d'Arabie ne disaient-ils pas autrefois: «Celui que ajoute ou qui retranche à une mélodie est des nôtres, celui qui se trompe dans une mélodie est aussi des nôtres, mais celui qui ne sait pas transmette son enthousiasme n'est pas des nôtres». Commentant et prolongeant à leur manière le chant, Dominique Regef et ses compagnons recréent ce crescendo, cette montée progressive, où chanteuses et musiciens retrouvent ce qui justifie toute musique: le bonheur d'un même rythme, d'un même accord des souffles et des sens. A l'harmonie d'un classicisme académique ils opposent les harmoniques de la vie, modulées en voix de passion et de révolte. C'est là, pour toute musique vivante, le seul défi et le seul dépassement. Ainsi, les troubadours ne survivent plus en simples fantômes du patrimoine: ils participent à nouveau, et en actes, à la musique de leur patrie. Écouter n'est plus synonyme de passivité, mais de participation: s'élancer à la quête de soi-même, dans la nudité provocante de l'émotion.

Bernard MOUSSALI





Marcabrun (... 1130- 1149 ...)

— Sans doute d'Auvillar; de naissance très humble, peut-être fils d'une prostituée dont il garda le nom. Au service du fils de Guilhem de Peitieus puis d'Anfós VII, empereur d'Espagne, on dit qu'il fut assassiné par les châtelains de Guion dont il avait dit «tout le mal qu'il pensait».
— Maitre du «trobar clus», d'une invention rythmique prodigieuse, il était réputé par son esprit incisif et sa mauvaise langue.

Escotatz — Mise en garde crue et décisive contre l'Amour trompeur et castrateur de quelqu'un qui prétend connaitre son sujet, si on en croit la derniére strophe.



Bernat de Ventadorn (... 1147-1170 ...)
— Originaire de Ventadour en Limousin, de basse condition.
— L'un des Troubadours les plus prestigieux et réputé pour la finesse de ses musiques. Il disait de lui-même: «Ce n'est pas merveille si je chante mieux que tout autre chanteur. Plus que tout autre, je suis ouvert à l'amour et suis ses commandements». Mort au monastère cistercien de Dalon, comme Bertrand de Born.

Ben ma'n perdut lai devèrs Ventadorn — Bernat se plaint de n'être pas payé de retour par la Dame qu'il aime et semble regretter de ne pouvoir se laisser aller à dire à son propos tout le mal qu'il a sur le cœur.



Guiraud de Bornèlh (... 1162- 1199 ...)
— Natif d'Exciceuil en Périgord d'une famille paysanne.
— Il fut considéré comme «le meilleur de tous» par ses pairs, reconnaissance due certes à ses qualités morales, mais aussi à son talent tant poétique que musical. Dante l'appela «poeta de la rectitud».

Non pòi sofrir qu'a la dolor — Guiraud, à propos d'un rêve qu'il a fait d'un épervier apprivoisé sur son poing, rend compte et du processus de l'inspiration dont il est l'objet et de sa volonté de poursuivre dans la voie poétique qu'il s'est tracée.



Berenguièr de Palazòl (ou de Paló) (... 1164 ...)
— Probablement Catalan du Roussillon
— Tous les textes qu'on a de lui sont accompagnés de la musique

Atal dòna com ieu sai — Éloge de la Dame Idéale, on peut dire de la Femme Idéale, selon les critères esthétiques et moraux des Troubadour.



Jaufré Rudèl (... 1125-1148...)
— Prince de Blaye, il tomba amoureux d'une princesse orientale à Tripoli (au Liban actuel), sans l'avoir jamais vue. Profitant de la Croisade, il partit la rejoindre. Son bateau fit naufrage à Chypre. Gravement malade, il fut recueilli par la princesse qui l'épousa le jour même, l'enterra le lendemain (il avait 28 ans), puis se retira dans un couvent.
— Inventeur à ce titre du thème littéraire de «l'amor de luènh».

Quand lo rossinhòl - Chanson dans laquelle éclate toute la folie amoureuse du poète en proie au désir qu'il ne peut maîtriser.



Raimon de Miraval (... 1191 - 1229 ...)
— Seigneur du Carcassés, l'une des première victimes de la Croisade, dépossédé en 1210 de ses terres et de son château. Chevalier «faidit», c'est-à-dire exilé, il se réfugia en Espagne et mourut A Lérida.
— Il chanta plusieurs dames et fut trompé par toutes.

Contr' Amor vau — Une chanson de misanthrope aigri par la coquetterie de sa dame, qui commence par des récriminations et finit par des conseils d'honnêteté, et de fidélité à celle qu'il aime malgré tout.