medieval.org
lesmusiciensdesaintjulien.fr
Alpha 189
2013
1. a) Kere Dame
- b) Je voy le bon
tens venir · virelais [4:29]
a) Paris, Bibliothèque Nationale, MS fonds italien 568
b) Paris, Bibliothèque Nationale, MS fonds nouv. acq.
frç. 6771 (Codex Reina)
2. Baude CORDIER. Ce
jour de l’an · rondeau [3:44]
Oxford, Bodleian Library, MS Canon. Misc. 213
3. Donne moy de ton
pain bis ~ Alons Commenchier ~ J’oÿ les clés
· virelai [1:31]
Bern, Burgerbibliothek, A421
4. Mal vi
loyauté [3:38]
Lucca, Archivio di stato, MS 184
5. Et je ferai
· virelai [3:20]
Cambrai, Bibliothèque communale, B. 1328
6. Je commence ~ Et
je feray ~ Soules viex · motet [3:08]
Ivrea, Biblioteca Capitolare
7. SOLAGE. Tres
gentil cuer · virelai [3:47]
Chantilly, Musée Condé 564
8. Jacob SENLECHES. En
ce gracïeux tamps · virelai [2:55]
Modène, Biblioteca Estense, MSaM. 5.24 (olim lat. 568)
9. a) Tant plus vos
voye - b) E
dieus, conment j’ay grant desir ·
virelais [3:09]
a) Prague, Universitni Knihovna, XI.E.9
b) Paris, Bibliothèque Nationale, MS fonds nouv. acq.
frç. 6771 (Codex Reina)
10. a) Soit tart
tempre - b) Ja
falla - c) En
ties, en Latim · virelais & ballade
[3:52]
a) Modène, Biblioteca Estense, MSaM. 5.24 (olim lat. 568)
b) Prague, Universitni Knihovna, XI.E.9
c) Paris, Bibliothèque Nationale, MS fonds nouv. acq.
frç. 6771 (Codex Reina)
11. Johannes CICONIA. Gli atti col Dançar
· ballata [4:47]
Perugia, Biblioteca Comunale “Augusta.” ms 3065
12. a) J’ay
grant desespoir - b) J’ay grant espoir
· ballade [5:22]
a) Paris, Bibliothèque Nationale, MS fonds nouv. acq.
frç. 6771 (Codex Reina)
b) Faenza, Biblioteca Communale, Cod. 117
13. Tres douche
plasant bergiere ~ Reconforte toy, Robin ·
virelai [4:23]
Paris, Bibliothèque Nationale, MS fonds nouv. acq.
frç. 6771 (Codex Reina)
14. L’escu
d’amors · ballade [2:21]
Paris, Bibliothèque Nationale, MS fonds nouv. acq.
frç. 6771 (Codex Reina)
15. Un fait
d’armes · ballade [1:06]
Cambrai, Bibliothèque communale, B. 1328
16. Matteo da PERUGIA. Pour dieu vous pri
[2:09]
Modène, Biblioteca Estense, MSaM. 5.24 (olim lat. 568)
17. Tres dous
compains · canon [3:27]
Ivrea, Biblioteca
Capitolare
18. Adam de LA HALLE. Bergeronnète
- Robin, par
l’ame ten pere [2:36]
Paris, Bibliothèque Nationale, fr. 25 566
19. Robin muse ~ Je
ne say fere · rondeau (ténor de
Guido) [2:00]
Chantilly, Musée Condé 564
20 - Prenés
l’abre Peyronelle · virelai
[4:18]
Ivrea, Biblioteca Capitolare
Les Musiciens de Saint-Julien
François Lazarevitch direction, flûtes,
cornemuses & organetto
Flûtes traversières cylindriques en ré et en sol
de Philippe Allain-Dupré, Bagnolet, 2011
Flûte bansuri en ré de Harsh Wardhan, Gurgaon
(Inde), 2000
Flûte à trois trous en sol d’Emmanuel
Vigneron, Pantin, 2007
Tambour à cordes de Jean Baudouin, Saint-Jean de Marsacq,
2009
Cornemuses en la et en mi de Remy Dubois, Verviers, 2011
Boha (cornemuse à anche simple) en ré de Robert
Matta, Toulouse, 2006
Organetto de Quentin Blumenroeder, Haguenau, 2011
Simone Sorini ténor, luth
Luth médiéval à 4 choeurs de Vincenzo
Cipriani, Assise, 1998
Enea Sorini baryton, tympanon, percussions
Tympanon de Giordano Ceccotti, Assise, 2004
Nacaires de Massimo Monti, Rome, 1998
Tambourin de Paolo Simonazzi, Reggio Emilia, 2000
Marc Busnel basse
Angélique Mauillon harpe
Harpe gothique de Renzo Salvador, Liège, 2006
Nicolas Sansarlat vièle à archet, rebec,
bombarde à clef, chalemie
Rebec de Christian Rault, Le Vanneau, 2004
Vièle d’Olivier Pont, Dinan, 2011
Archets de Nelly Poidevin, Dinan
Chalemie de Robert H. Cronin, Menlo Park (USA), 1999
Bombarde d’Olivier Cottet, Boutigny-Prouais, 2009
Julien Léonard vièle à archet
Vièle de Judith Kraft, Paris, 1981
Sandie Griot trompette à coulisse
Trompette à coulisse de Geert Jan Van der Heide,
Pays-Bas, 2008
Emmanuel Vigneron bombarde
Bombarde alto en sol de Jean-Pascal Bertin & Emmanuel
Vigneron, Pantin, 2010
Remerciements
François Lazarevitch remercie Philippe Allain-Dupré,
Patrick Blanc,
Quentin Blumenroeder, Remy Dubois, Liselotte Emery, Yvon Guilcher,
Brigitte Lazarevic ainsi que l’équipe de
l’Académie Bach d’Arques-la-Bataille.
Arrangements
L’ajout d’une partie de Contre ténor dans Tant plus
vos voye, E dieus, conment j’ay
grant desir, Ja falla, Prenés l’abre Peyronnelle et
Je voy le bon tens venir (pour la partie
instrumentale alta capella) a été réalisé
par Sandie Griot et Nicolas Sansarlat.
Dans la suite Robin par l’ame ten pere d’Adam de la Halle,
les deux voix pour les
hautbois ont été ajoutées par Nicolas Sansarlat.
Le prélude de Donne moy de ton pain bis est de François
Lazarevitch.
Enregistré à Paris, chapelle Notre Dame de Bon Secours
du 30 novembre au 3 décembre 2011
Prise de son, direction artistique, montage & mastering: Aline
Blondiau
Direction de production: Julien Dubois
Photos du livret: Robin Davies
Graphisme: Sarah Lazarevic
Traduction des textes chantés :
Traductions françaises © Leslie Brook
English translations © Leslie Brook & Mary Pardoe
Illustration p.44: manuscrit de Chantilly
Illustrations digipack
© Bibliothèque Nationale de France
Couverture :
Danseurs et musiciens animent gaiement la cour du dieu d ’Amour.
Intérieur digipack :
Franchise en robe blanche danse avec un jeune noble.
Largesse offre une coupe d’or à un jeune noble de la
lignée du roi Arthur.
Recueil: Roman de la Rose vers 1350
Guillaume de Loris et Jean de Meung, poètes
français (13e siècle)
Le thème de Robin et Marion constitue le fil conducteur
de ce sixième volet de la série 1000 ans de cornemuse
en France, qui nous emmène au Moyen-Âge. Si l’on
connaît le célèbre Jeu de Robin et de Marion
d’Adam de la Halle (1285), on sait moins que ce sujet a
continué d’être traité par la suite. Je me
suis donc plongé avec bonheur dans ce merveilleux
répertoire des polyphonies à trois voix de la fin du XIVe
siècle aux premières années du XVe siècle,
dont j’ai extrait plusieurs pièces composées sur la
base de cette matière pastorale (Robin muse, Prenés
l’arbre Peyronnelle, Et je ferai...), ainsi que
d’autres œuvres contemporaines qui, par-delà leur
variété de styles d’écriture, s’y
associent harmonieusement grâce aux thèmes de la nature ou
de la danse, mais aussi – par référence au
personnage du Chevalier Aubert – de l’amour courtois, du
faste de la musique d’apparat ou de la guerre. Ici
l’expression des univers savant et populaire repose aussi sur le
jeu de contraste entre les bas et les hauts instruments, le doux et le
fort, le son aéré et le son continu,
l’intérieur et l’extérieur. De plus,
l’existence d’échanges culturels entre la France et
l’Italie, en particulier à la cour des Papes
d’Avignon, m’a encouragé à introduire
quelques touches de style italien.
S’aventurer au cœur de cette musique
médiévale permet d’affirmer une fois encore
l’idéal qui a motivé la création des
Musiciens de Saint-Julien: perpétuer le goût pour la
découverte, l’éclectisme et
l’indépendance d’esprit qui caractérisaient
la démarche des pionniers de la musique ancienne pour
«voir large» et ainsi mieux nourrir notre
compréhension des styles anciens et de leur
interprétation. C’est avec passion que chacun
d’entre nous a travaillé à la bonne
réalisation de ce programme, qui veut aussi contribuer à
mettre en lumière un répertoire qui n’a toujours
pas la place qu’il mérite et le restituer avec grâce
et énergie.
François Lazarevitch
The theme of Robin and Marion runs through this sixth volume in
the series 1000 ans de cornemuse en France, which takes us back
in time to the Middle Ages. Adam de la Halle’s Jeu de Robin
et de Marion (1285) is well known, but less well known is the fact
that the subject continued to enjoy popularity after that. With delight
I therefore plunged into the marvellous three-part polyphonic
repertoire of the late fourteenth and early fifteenth centuries,
selecting pieces based on that pastoral material – Robin
muse, Prenés l’arbre Peyronnelle, Et je ferai, and so
on – as well as compositions of the same period, in various
styles, that – through the subject of nature or dancing, but also
(a reference to the character of the knight Aubert) courtly love and
the splendour of ceremonial or martial music – were in keeping
with the Robin and Marion pieces. The expression of the worlds of art
music and popular music also rest here on the contrast between bas
instruments and hauts instruments, soft and loud, airy
sound and continuous sound, the indoor and the outdoor. Furthermore,
the existence of cultural exchanges between France and Italy,
especially at the papal court at Avignon, prompted me to introduce an
Italian touch here and there.
Venturing into the heart of this medieval music enables us to affirm
once more the ideal that motivated the creation of Les Musiciens de
Saint-Julien: to perpetuate the taste for discovery, the eclecticism
and the independent spirit that characterised the approach of the
pioneers of early music, thus gaining a broad outlook, hence a better
understanding of early styles and their interpretation. We put our
hearts into this programme, which aims not only to highlight a
repertoire that has yet to obtain the recognition it deserves, but also
to bring out to the full all the grace and energy of that repertoire.
François Lazarevitch
Translation: Mary Pardoe
Music, like all art in the middle ages, always strove to combine
innovation with tradition and experimentation with adherence to
authority. It delighted in hints and double-meanings, allowing texts to
be understood on more than one level. Since the very beginnings of
secular vernacular music it was closely linked with the serious,
ritualised themes of stylised Courtly Love. The very treatment of light
or comic subject matters, therefore, had either to resort to some
established sense of tradition, or to hide meanings in its subtext,
between its voices or using innuendo.
The theme of Robin and Marion provided exactly such a tradition
in which comic, risqué and, at times, even obscene poetic
impulses could be let loose. This tradition was established early on in
the history of vernacular music and poetry. Its inception is attributed
to Marcabru, a Gascon who flourished between 1130 and 1150, who is
today recognized as one of the influential group of early Troubadours.
Marcabru created a plot outline and a set of characters which became
known as Pastorela or Pastourelle (that is,
‘little shepherdess’). In it a clash of cultures is played
out between the refined world of the poet-composer and members of the
lower social strata. This was often used for comic effect or as an
excuse to enjoy the make-believe pleasures of rural life. The
‘cultured’ world is represented by the narrator of the
story, most commonly described as a knight, or alternatively as the
poet himself. The rest of the cast are rural workers portrayed in their
everyday surroundings into which the narrator intrudes. Robin and
Marion are the central characters which he encounters.
Marion, or variants on this name, is the woman at the centre of events,
and is most commonly – but not necessarily – a shepherdess
(hence the name of the genre). The narrator chances upon her alone in
the countryside whereupon a conversation with sexual undertones
develops. The character of this exchange can take many forms, creating
the main point of interest of the style. It can range from a satire of
courtly romanticism to seduction or even rape. The initiative can be
taken by either side and be confronted with anything from ready
willingness to rebuke. Either reaction can lead to the frustration or
the fulfilment of the amorous intent. Marion’s description is
often much more physical, detailed and irreverent than the description
of the object of love in the normal, courtly setting.
Robin, or a man with a similar name, is Marion’s down-to-earth,
confident, virile, pipe-playing lover. He does not always appear in the
story, and may not even be mentioned, but when his character is
included, he is often presented as the antithesis of the narrator. His
association with merry-making and pipe-playing is often used to provide
sexual undertones, be that through his skill in using his instrument,
or by allowing his lover to play it. The cast can be enlarged to
include friends and relatives of the rustic couple.
This basic setting remained one of the few non-courtly outlets for
secular poets for several centuries. It became a standard topic in
Troubadour poetry and was subsequently adopted by the Trouvères
and the thirteenth century composers of Ars antiqua Motets. The
most famous and longest musical setting of the Robin and Marion
topos belongs to this period and is the Jeu or
‘play’ of that name by Adam de la Halle. Adam was born in
the late 1230s in Arras, and was most probably educated in Paris. He is
the first poet-composer for whom we have a surviving manuscript
apparently dedicated to his complete works, and is also unique in
having written works in all the available genres of his time. He
composed music for both single voice (monophony) and for a multiplicity
of voices (polyphony). The Jeu was written before 1285 while in
the service of Charles of Anjou, King of Sicily (as well as Albania and
Jerusalem).
It was first performed in Charles’ capital of Naples, in the
presence of the King and another of Adam’s former employers,
Robert II of Artois. This version combines sung and spoken sections,
adding to the traditional story-line whole scenes describing various
games and dances enjoyed by the couple and their friends. The end of
Adam’s career is shrouded in mystery. One testimony claims he
died in Naples before 1288, while a man with the same name, academic
degree and nick-name was engaged to perform on Kind Edward II of
England’s coronation in 1307.
After this flowering, the tradition of Robin and Marion
compositions began to wane, its characters becoming more
caricature-like. Still, the fourteenth and fifteenth centuries saw the
coming together of this tradition with other literary topoi (such as
the outlaw romance, myth and folklore) to coalesce under the heading of
the Tales of Robin Hood.
That this very French theme becomes assimilated into such an English
tradition is by no means surprising – as we have already seen
from Adam de la Halle’s career, the Middle Ages were a
cosmopolitan age which saw much travelling and cultural exchange
throughout Europe. French poetry and musical style were cultivated and
enjoyed in parallel with local traditions throughout the continent.
Indeed, with the notable exception of the ‘Codex Ivrea’
(tracks 6, 17 and 20 on this recording), most of our knowledge of
French medieval music arises from sources copied in other countries. Of
the other manuscripts used on this recording, the larger collections
– those manuscripts now in Paris, Modena, Chantilly and Oxford
– are all north Italian in origin. The fragments in Bern and
Prague were indeed created in areas now under Swiss and Czech
jurisdictions respectively, and the Cambrai fragments may be French,
but are more likely to have originated in the minstrel schools of the
Low Countries.
(Traduction: Dennis Collins)
Notre connaissance de la carrière des compositeurs
représentés ici nous emmène également hors
de France. Matteo da Perugia était ainsi un Italien dont la
carrière était centrée sur la cathédrale de
Milan, mais qui écrivit de nombreuses chansons françaises
et italiennes (plage 16). Johannes Ciconia naquit à
Liège, mais travailla surtout dans le Nord de l’Italie.
Lui aussi employa différents styles musicaux pour mettre en
musique des textes dans différentes langues, dont le
français, l’italien et le latin (plage 11). Enfin, Jacob
de Senleches était originaire du Nord de la France, mais fit sa
carrière de harpiste dans la péninsule Ibérique
avant d’entrer au service d’abord de la maison royale de
Castille, puis de Pedro de Luna, cardinal d’Aragon et futur pape
Benoît XIII (plage 8).
Pour remplacer la tradition de Robin et Marion, de plus en plus
démodée, ces compositeurs et d’autres se
tournèrent dans deux autres directions à
l’écart du thème majeur de l’amour courtois.
La première était les chansons saisonnières, pour
les fêtes du Nouvel An (plage 2) ou du Premier-Mai (les plages 1
et 8 peuvent être comptées ici, bien qu’elles soient
moins spécifiques). Ces dernières festivités
reprenaient certains des personnages, des jeux et des images
érotiques de la tradition de Robin et Marion, mais sans
avoir à suivre la structure de l’intrigue originale ni
même à garder l’élément central
d’une interaction entre classes sociales. Dans cet esprit, bien
d’autres chansons de cet enregistrement peuvent rentrer dans
cette catégorie (plages 3, 5, 13, 15 et 20). La deuxième
possibilité était l’imitation des sons du monde
réel. Il s’agissait souvent des sons de la nature (plage
8), mais aussi de scènes de la vie courante – musique
(plage 17), chasse ou place du marché (plage 6) par exemple.
Cette période vit également une transition dans la
principale forme servant à la polyphonie profane, du motet aux
«formes fixes» nouvellement établies en France.
Celles-ci comprenaient la ballade, le rondeau et le virelai (le style
italien utilisait d’autres formes, dont seule la ballata
apparaît dans cet enregistrement (plage 11). Comme la forme
musicale en est identique à celle du virelai, elle n’est
pas étudiée séparément ici). Toutes les
nouvelles formes reprenaient des structures poétiques en vogue
et utilisaient un schéma musical répété
équivalent. Comme l’indiquent les noms, ces formes
étaient à l’origine liées à divers
types de danses. Au moment de la cristallisation des genres musicaux,
et surtout dans les pièces polyphoniques, ce lien fut dans une
large mesure rompu. Deux paramètres importants distinguent le
motet des formes fixes. Une caractéristique centrale du motet
était l’emploi d’éléments
mélodiques existants à la voix la plus grave (plage 6).
Normalement, il s’agissait d’un fragment de plain-chant
arrangé en valeurs rythmiques longues; mais de plus en plus cela
pouvait être aussi une chanson profane ou même un air de
danse. Le contenu du matériau pré-existant et la
manière dont il était arrangé donnaient au motet
sa structure, mais les voix supérieures restaient
généralement composées de bout en bout. Les formes
fixes, en revanche, ne recouraient généralement pas
à du matériau préexistant et étaient toutes
des «chansons à refrain»: une partie de leur texte
devait se répéter suivant un schéma donné.
Cette répétition était adoptée et
rehaussée par la structure musicale qui accompagnait chaque
forme textuelle. Chaque genre employait des combinaisons
répétées différentes de deux sections
musicales. La ballade comportait trois strophes de structure
poétique identique, unifiées par un dernier vers commun.
Du point de vue du texte et de la musique, chacune de ces strophes est
de structure AAB, ou parfois AABB (partie centrale de la plage 10,
ainsi que plages 12, 14 et 15). Le rondeau est une forme beaucoup plus
courte, de structure ABaAabAB. Chaque partie ne met en musique
qu’un ou deux vers poétiques, les majuscules indiquant les
vers de refrain répétés et les minuscules, de
nouveaux vers qui utilisent la structure poétique et la musique
des majuscules correspondantes (plages 2, 16 et 19). Le virelai a le
refrain le plus long, de nouveau au début de la chanson. La
structure du refrain est ensuite utilisée pour les nouveaux
textes et opposée à une deuxième constellation
poétique comme suit: AbbaAbbaAbbaA (plages 1, 3, 5, 7, 8, 9, 10,
13 et 20). C’est la forme qui conserva le plus longtemps ses
liens avec ses racines dansées. Une forme exceptionnelle, en
vogue à la fois avant et après cette transition, est la
chace, ou canon. La chace française (à la
différence de la caccia italienne) avait normalement
trois voix entièrement en canon entrant à intervalle
régulier. L’unique chace de cet enregistrement (plage 17)
est également intéressante pour sa liste
d’instruments de musique et les imitations de leurs sons, nous
ramenant au thème de toute la série de pièces. Si
la liste qu’elle contient n’est pas longue, nous en avons
de plus étendues qui témoignent de la diversité
des instruments en usage à l’époque. Le plus grand
poète-compositeur de la France du XIVe siècle –
Guillaume de Machaut – nous a laissé une telle liste, dans
son Jugement du roi de Navarre de 1349:
Viële,
rubebe, guiterne, Leü morache, michanon, Citole, et le psalterion, Harpe, tabour, trompes, naquaires, Orgues, cornes, plus de dis paires, Cornemuses, flajos, chevrettes, Douceinnes, simbales, clochettes, Tymbre, la flaüste brehaingne, Et le grant cornet d’Alemaingne, Flaj os de saus, fistule, pipe, Muse d’Aussay, trompe petite, Buisines, eles, monocorde Ou il n’a c’une seule corde, Et muse de blef tout ensemble. Et certeinnement, il me semble Qu’onques mais tele melodie Ne fu veüe ne oïe, Car chascuns d’eaus, selonc l’acort De son instrument, sans descort, Viële, guiterne, citole, Harpe, trompe, corne, flajole, Pipe, souffle, muse, naquaire, Taboure, et quanquë on puet faire De dois, de penne, et de l’archet Oÿ j’et vi en ce parchet. |
Vielle,
rebec, gittern, The Lute, which came from Arabia,‘halved’psaltery, Citole, and psaltery, Harp, tabor, straight trumpets, nakers, Portative organs, more than ten pairs of horns, Bagpipes, one-hand flutes, smallpipes, Douçaines, cymbals, small bells, Tambourine, the transverse flute, as the Bohemians play, And the great cornett from Germany, Willow flutes, fife, pipe, Alsatian bagpipe, small trumpet, Buisines, harp -psaltery, monochord, With its single string, And straw pipes all together. And, to be sure, never before Had such a melody Been heard or witnessed, For I heard and noticed in that little park Each of them according to the pitch Of that instrument with no disharmony: Vielle, gittern, citole, Harp, straight trumpet, horn, whistle, Pipe, bladder pipe, smallpipe, nakers, Tabor, and whatever one might play With finger, plectrum, or bow. |
To complicate matters, neither nomenclature nor instrument-models are
clearly defined and stable. Even a common term and instrument such as
the Vielle or Fiddle is problematic. We know the term would
refer to a bowed string instrument which would normally be played on
the chest or shoulder, Violin style, but the size, shape, number of
strings, and the way they are tuned can vary greatly. One division is a
bit clearer: the one between loud (alta) and soft (bassa)
instruments. The alta, literally ‘high’ instruments
– Trumpets, Slide-trumpets, Shawms, Pommers, and Horns of various
kinds – tended to perform functional duties, sounding signals and
war music, entertainment and dance music in large or public gatherings,
playing outdoors, and so on. These were very popular and much
appreciated, and performed also complex polyphony in what became
standard alta capella ensembles. The early alta capella
comprised of two Shawms (or a Shawm and a Pommer, the latter being a
larger version of the former, both being double-reed instruments) and a
Bagpipe. The later version of this ensemble replaced the Bagpipe with a
Slide-trumpet, an instrument most akin to the modern Trombone. The bassa,
literally ‘low’ instruments – plucked, bowed and
struck strings, woodwinds – were used for more intimate music
making and smaller audiences. While the bassa instrument often
enjoyed a higher status, the alta instrumentalists were
routinely better paid. In any event, the delight in plurality seems to
suggest a dazzling array of sounds and possibilities, matching the
vibrancy and vitality of the compositions performed.
Uri Smilansky