Veritas mea. Chant Grégorien en l'église romane de Tavant
Dominique Vellard · Emmanuel Bonnardot





medieval.org
Stil 2106 (LP)
1985
CD, 1991: Stil 2106 S 84








[Face 1]

1. Deus, Deus meus  [9:12]
Trait pour le  dimanche des Rameaux (Psaume 21) — 2e mode

2. Adiutor meus, et liberator  [2:54]
Répons-graduel pour le temps de Carême (Psaume 69) — 2e mode

3. Veritas mea  [3:11]
Offertoire pour la fête d'un pontife (Psaume 88) — 2e mode

4. Alleluia. Eripe me  [2:46]
Alleluia, verset (Psaume 58) et proses  pour un dimanche après la Pentecôte — 2e mode


[Face 2]

5. Ex Sion species decoris  [2:04]
Répons-graduel pour un dimanche de l'Avent (Psaume 49) — 5e mode

6. Exspectans exspectavi  [5:52]
Offertoire pour le temps de Carême ou de la Pentecôte (Psaume 39) — 5e mode

7. Misit Dominus  [3:16]
Répons-graduel pour un dimanche après l'Epiphanie (Psaume 106) — 5e mode

8. Alleluia. Oportebat  [1:59]
Alleluia pour le temps de Pâques (Luc, Chap. 24) — 4e mode

9. Justus ut palma florebit  [4:31]
Offertoire pour la fête de Saint-Jean (Psaume 91) — 4e mode


IMAGEN

Dominique Vellard · Emmanuel Bonnardot


(LP):
Prise de son : Michel Pierre
Montage : Bruno Menny
Assistance technique : Nicole Grandin
Secrétariat technique : Anne-Marie Lionnet
Gravure : Dyam Music, Paris
Pressage : MPO Averton
Photocomposition : Topédix, Paris
Photogravure: Asto, Paris
Création graphique :  Alain Joly

Couverture:  Graduel de Prüm, fin du Xe siècle.
(Paris, Bibliothèque Nationale, manuscrit latin, 9448, folio 68).

Production : Stil discothèque, 5, rue de Charonne, 75011 Paris

Imprimée en France, Glory, Asnières

C Stil, Paris 1985
P Stil, Paris 1985





Enregistrement réalisé en l'église romane de Tavant (Touraine) du 21 au 26 juin 1984





(CD)
Prise de son :  Michel Pierre, Pans
Matriçage : Anne-Marie Terrazoni, Paris
Pressage. imprimerie : S.N.A. Taurouvre
Photocomposition : Dimensions Sigma, Cachan
Couverture:  Graduel de Prüm, Fin du Xe siècle, Paris, Bibliothèque Nationale
Production : Stil éditions
Réalisation : Alain Villain

© Stil, Paris 1985
Ⓟ Stil, Paris 1991

Première publication en disque microsillon : Stil nº 2106 S 84







Le chant grégorien, que l'on trouve aux origines de la musique occidentale, a connu, au cours de sa longue histoire, quelques réformes et maintes vicissitudes, mois il n'a jamais été complètement oublié. Il porte en outre le poids de siècles de cohabitation avec d'autres répertoires musicaux, qui, à leur tour, doivent à son évolution une part de leur existence.

Ses origines, son histoire, sa présence obsédante, compliquent l'attitude du musicien à son égard. En effet, l'interprète ou l'auditeur ne peuvent se contenter de l'aborder avec le souci de distanciation que suppose la rodé couverte d’œuvres musicales du passé tales que, par exemple, les mélodies de troubadours et de trouvères, ou  les compositions polyphoniques de l’École Notre-Dame. De là les controverses et restaurations dont le chant grégorien est encore l'objet.

Le musicien qui, en marge d'une exécution liturgique, reconsidère son interprétation, doit tenir compte à la fois des conditions de la composition des mélodies originelles en milieu de tradition orale et de leur conservation écrite au Moyen Age.

Il y eut, vers les IXe, Xe siècles un moment privilégié dons l'histoire de la musique où, avant d'abandonner la tradition orale, la musique a semblé trouver son image dans l'écriture. A nos yeux, las notations musicales médiévales paraissent avant tout dessiner les courbes mélodiques si caractéristiques de ces répertoires. Mais ces signes graphiques constituent aussi des codes précis destinés à rendre compte des relations rythmiques. C'est ce que révèlent les recherches musicologiques récentes, celles de Dom Eugène Cardine en particulier. Or ces découvertes remettent aussi en cause non seulement notre perception des mélodies, mais encore leur restitution on vue de l'exécution.


Restitution des mélodies

L’interprète se trouve donc devant une alternative. Nous avons ici délibérément refusé le principe de l'édition critique qui, pour la musique médiévale, fait courir à l'interprète le risque d'être confronté à une mélodie «nouvelle», et qui tend à universaliser une seule version mélodique. Le souvenir de l'origine traditionnelle de ces musiques invite à chercher une leçon plus géographiquement enracinée. Notre choix s'est porté sur un des plus anciens manuscrits du Sud de la France, le Graduel d'Albi (Paris, Bibliothèque Nationale, manuscrit latin 776). En dépit d'«erreurs» inévitables, ce manuscrit témoigne par ses variantes mélodiques de la manière dont ces mélodies étaient chantées à Albi ou XIe siècle.

Peur les mélodies les plus archaïques, comme celle du Trait Deus, Deus meus, les variantes se font entendre principalement aux fins de mots ou de phrases. Le compositeur disposait, pour un mode donné, d'un ensemble de formules qu'il organisait ou mieux, et cela même encore au XIe siècle, quoique les mélodies fussent depuis prés d'un siècle consignées dans des notations neumatiques. Les chantres concevaient encore le chant comme une suite de formules qui, surtout aux cadences, étaient interchangeables. De cette sorte d'exécution, il ressort que les variantes entra les manuscrits affectent plus la mélodie que le rythme.

Lorsque les variantes ne résultent pas de l'organisation formulaire, mots plutôt de l'ornementation et, plus encore, du choix des degrés sur lesquels se stabilisent les récitations, elles atteignent plus profondément la structure musicale, et peuvent témoigner d'habitudes locales durables.


Ordonnance du répertoire

Dans la liturgie, les cantillations (lectures, prières et psalmodies), créent une transition musicale harmonieuse entre les mélodies chantées sur des modes variés. Lorsque le relais musical de la récitation fait défaut, il importe de le remplacer, comme l'ont fait les compositeurs de drames liturgiques, par une alternance modale appropriée. Le regroupement, dans un disque, des pièces ornées de la messe ne rend compte que d'un aspect de leur réalité musicale. C'est dans le tempe long de la psalmodie quotidienne que la modalité s'est constituée et imposée a l'oreille de tous : auditeurs, chantres et compositeurs. Et c'est sur cette ambiance que se détache l'éclat fugace du jubilus propre ou répertoire du soliste. On a donc cherché ici à corriger l'énonciation top brève de la modalité dans ces pièces ornées en les regroupant selon leurs parentés modales, afin que soit mieux perçu le retour à des teneurs équivalentes.


Sources d'inspiration littéraire

L'histoire musicale des répertoires liturgiques est tributaire de ses sources d'inspiration littéraire (texte bibliques, compositions poétiques de l'Antiquité tardive et du Moyen Age), et des conditions d'exécution des célébrations.

La récitation psalmodique est directement à l'origine de le composition des Traits et des Répons-Graduels. Dans ces psalmodies au second degré qui forment le répertoire de la schola
- dont on fait remonter les premières attestations au temps de Saint Grégoire (VIe, VIIe. siècles)
- les versets témoignent encore de l'exécution par un ou plusieurs solistes. L'inspiration psalmique est aussi manifeste dans le chant de l'Offertoire, qui est né de l'usage, attesté par Saint Augustin (IVe siècle), de chanter des psaumes lors de la procession des offrandes. L'ornementation progressive des versets a supplanté la récitation psalmodique simple. Mais le chant des versets fui lui-même abandonné, par suite de la suppression de la procession.

L'allelluia Oportebat, qui n'est plus inspiré des psaumes, mais du Nouveau Testament, témoigne d'époques plus tardives.


Recherches d'interprétation

Pas plus que de ses origines psalmiques, on ne peul isoler le chant grégorien de formes musicales qui en sont directement issues, qui ont longtemps accompagné son exécution, mais furent écartées de la liturgie en raison du caractère poétique et non scripturaire de leur source d'inspiration. Ce sont, en particulier, les premières polyphonies (organums, conduits), mais aussi ces amplifications des mélodies originelles, soit par addition de nouvelles mélodies (séquences, tropes), soit par syllabisation des mélismes (proses, prosules). La prosule de l'Alleluia Eripe, adaptée au texte qu'elle glose au point de s'y entremêler, invite à reconsidérer une possibilité d'exécution polyphonique de ces compositions.

L'origine de certaines mélodies liturgiques occidentales peut remonter jusqu'au IVe siècle. Et il o fallu attendre le IXe siècle pour que les répertoires occidentaux se laissent, poussés par des influences étrangères à la musique, enfermer dans des symboles qui assurant leur transmission écrite. Il en est, sans doute, résulté un appauvrissement de loup contenu. Les témoignages écrits sont précieux à bien des égards, pour les historiens et les musicologues. Mais pour comprendre tout ce qui, du phénomène musical, leur est irréductible, le musicien doit aujourd’hui se tourner vers les traditions musicales qui ont plus longtemps résisté aux pièges de la notation : encore vivantes, les traditions orales du Bassin méditerranéen proviennent cependant d'époques aussi reculées que le chant grégorien.

Si les répertoires liturgiques de l'Occident e du Moyen Orient, qui ont vécu des histoires parallèles, peuvent se réclamer de sources littéraires communes, ils offrent aussi des parentés musicales évidentes, manifestes surtout dons la modalité et les procédés d'ornementation. Dans ses recherches d'interprétation, et pour une meilleure découverte de ce qui, de la tradition orale du chant grégorien, a échappé à l'écriture, Dominique Vellard demande aux traditions orientales un enseignement sur la qualité de la voix, sa ductilité, la force de l'intention qui soutient le chant, la manière de quitter un son ou de le préparer, etc

Bien entendu il ne s'agit pas de réduire les richesses des traditions latines à telle ou telle habitude orientale. Les traditions orales vivantes d'Occident et d'Orient sont multiples, comme la furent les premières traditions liturgiques occidentales. Leur confrontation devrait contribuer à une meilleure  connaissance de l'originalité des unes et des outres. Mais pour y atteindre, les études historiques ne peuvent se passer des recherches sur l'interprétation, car c'est par la voix des chantres qu'au long des siècles fut transmise la jubilation.

Marie-Noël Colette



Remarque : la lecture des indications rythmiques à été fait sur des manuscrits en notation sangallienne. Il s'agit de :
Cantatorium de Saint-Gall : Saint-Gall, Stiftsbibliothek, manuscrit 359, IXe-Xe siècles (Édition: Paléographie musicale, 2ª série, t. II, Solesmes, 1924).
Graduel de Einsiedeln : Einsiedeln, manuscrit 121, Xe-XIe siècles (Édition: Paléographie musicale, t. IV, Solesmes, 1894).
Graduel de Saint-Gall : Saint-Gall, Stiftsbibliothek, manuscrit 339, XIe siècle (Édition: Paléographie musicale, t. I, Solesmes, 1893).


Dominique Vellard a reçu une formation générale au Conservatoire de Versailles (Prix de chant et d'art lyrique 1975-76) et a suivi l'enseignement d’Hugues Cuénod et d'Elisabeth Sandri, grâce à des bourses d’État.

Sa personnalité musicale s'est forgée au contact de différents ensembles européens de musique ancienne. Il a entretenu un dialogue régulier avec certains musicologues, notamment avec Marie-Noël Colette (Paris) et Wulf Arlt (Bâle), et a mené des recherches personnelles sur la nature du chant médiéval, sa fonction, sa spécificité technique et son rapport avec les musiques traditionnelles.

Il partage aujourd'hui son temps entre l'«Ensemble Gilles Binchois» qu'il dirige depuis dix années, et l'enseignement du chant des musiques du Moyen Age et de la Renaissance à la Schola Cantorum de Bâle (Suisse).