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Stil 2106 (LP)
1985
CD, 1991: Stil 2106 S 84
Le
chant grégorien, que l'on trouve aux origines de la musique
occidentale, a connu, au cours de sa longue histoire, quelques réformes
et maintes vicissitudes, mois il n'a jamais été complètement oublié. Il
porte en outre le poids de siècles de cohabitation avec d'autres
répertoires musicaux, qui, à leur tour, doivent à son évolution une part
de leur existence. Marie-Noël Colette
Dominique Vellard
a reçu une formation générale au Conservatoire de Versailles (Prix de
chant et d'art lyrique 1975-76) et a suivi l'enseignement d’Hugues
Cuénod et d'Elisabeth Sandri, grâce à des bourses d’État.
[Face 1]
1. Deus, Deus meus [9:12]
Trait pour le dimanche des Rameaux (Psaume 21) — 2e mode
2. Adiutor meus, et liberator [2:54]
Répons-graduel pour le temps de Carême (Psaume 69) — 2e mode
3. Veritas mea [3:11]
Offertoire pour la fête d'un pontife (Psaume 88) — 2e mode
4. Alleluia. Eripe me [2:46]
Alleluia, verset (Psaume 58) et proses pour un dimanche après la Pentecôte — 2e mode
[Face 2]
5. Ex Sion species decoris [2:04]
Répons-graduel pour un dimanche de l'Avent (Psaume 49) — 5e mode
6. Exspectans exspectavi [5:52]
Offertoire pour le temps de Carême ou de la Pentecôte (Psaume 39) — 5e mode
7. Misit Dominus [3:16]
Répons-graduel pour un dimanche après l'Epiphanie (Psaume 106) — 5e mode
8. Alleluia. Oportebat [1:59]
Alleluia pour le temps de Pâques (Luc, Chap. 24) — 4e mode
9. Justus ut palma florebit [4:31]
Offertoire pour la fête de Saint-Jean (Psaume 91) — 4e mode
Dominique Vellard · Emmanuel Bonnardot
(LP):
Prise de son : Michel Pierre
Montage : Bruno Menny
Assistance technique : Nicole Grandin
Secrétariat technique : Anne-Marie Lionnet
Gravure : Dyam Music, Paris
Pressage : MPO Averton
Photocomposition : Topédix, Paris
Photogravure: Asto, Paris
Création graphique : Alain Joly
Couverture: Graduel de Prüm, fin du Xe siècle.
(Paris, Bibliothèque Nationale, manuscrit latin, 9448, folio 68).
Production : Stil discothèque, 5, rue de Charonne, 75011 Paris
Imprimée en France, Glory, Asnières
C Stil, Paris 1985
P Stil, Paris 1985
Enregistrement réalisé en l'église romane de Tavant (Touraine) du 21 au 26 juin 1984
(CD)
Prise de son : Michel Pierre, Pans
Matriçage : Anne-Marie Terrazoni, Paris
Pressage. imprimerie : S.N.A. Taurouvre
Photocomposition : Dimensions Sigma, Cachan
Couverture: Graduel de Prüm, Fin du Xe siècle, Paris, Bibliothèque Nationale
Production : Stil éditions
Réalisation : Alain Villain
© Stil, Paris 1985
Ⓟ Stil, Paris 1991
Première publication en disque microsillon : Stil nº 2106 S 84
Ses origines, son histoire, sa présence
obsédante, compliquent l'attitude du musicien à son égard. En effet,
l'interprète ou l'auditeur ne peuvent se contenter de l'aborder avec le
souci de distanciation que suppose la rodé couverte d’œuvres musicales
du passé tales que, par exemple, les mélodies de troubadours et de
trouvères, ou les compositions polyphoniques de l’École Notre-Dame. De
là les controverses et restaurations dont le chant grégorien est encore
l'objet.
Le musicien qui, en marge d'une exécution liturgique,
reconsidère son interprétation, doit tenir compte à la fois des
conditions de la composition des mélodies originelles en milieu de
tradition orale et de leur conservation écrite au Moyen Age.
Il y
eut, vers les IXe, Xe siècles un moment privilégié dons l'histoire de
la musique où, avant d'abandonner la tradition orale, la musique a
semblé trouver son image dans l'écriture. A nos yeux, las notations
musicales médiévales paraissent avant tout dessiner les courbes
mélodiques si caractéristiques de ces répertoires. Mais ces signes
graphiques constituent aussi des codes précis destinés à rendre compte
des relations rythmiques. C'est ce que révèlent les recherches
musicologiques récentes, celles de Dom Eugène Cardine en particulier. Or
ces découvertes remettent aussi en cause non seulement notre perception
des mélodies, mais encore leur restitution on vue de l'exécution.
Restitution des mélodies
L’interprète
se trouve donc devant une alternative. Nous avons ici délibérément
refusé le principe de l'édition critique qui, pour la musique médiévale,
fait courir à l'interprète le risque d'être confronté à une mélodie
«nouvelle», et qui tend à universaliser une seule version mélodique. Le
souvenir de l'origine traditionnelle de ces musiques invite à chercher
une leçon plus géographiquement enracinée. Notre choix s'est porté sur
un des plus anciens manuscrits du Sud de la France, le Graduel d'Albi
(Paris, Bibliothèque Nationale, manuscrit latin 776). En dépit
d'«erreurs» inévitables, ce manuscrit témoigne par ses variantes
mélodiques de la manière dont ces mélodies étaient chantées à Albi ou
XIe siècle.
Peur les mélodies les plus archaïques, comme celle du Trait Deus, Deus meus,
les variantes se font entendre principalement aux fins de mots ou de
phrases. Le compositeur disposait, pour un mode donné, d'un ensemble de
formules qu'il organisait ou mieux, et cela même encore au XIe siècle,
quoique les mélodies fussent depuis prés d'un siècle consignées dans des
notations neumatiques. Les chantres concevaient encore le chant comme
une suite de formules qui, surtout aux cadences, étaient
interchangeables. De cette sorte d'exécution, il ressort que les
variantes entra les manuscrits affectent plus la mélodie que le rythme.
Lorsque
les variantes ne résultent pas de l'organisation formulaire, mots
plutôt de l'ornementation et, plus encore, du choix des degrés sur
lesquels se stabilisent les récitations, elles atteignent plus
profondément la structure musicale, et peuvent témoigner d'habitudes
locales durables.
Ordonnance du répertoire
Dans
la liturgie, les cantillations (lectures, prières et psalmodies),
créent une transition musicale harmonieuse entre les mélodies chantées
sur des modes variés. Lorsque le relais musical de la récitation fait
défaut, il importe de le remplacer, comme l'ont fait les compositeurs de
drames liturgiques, par une alternance modale appropriée. Le
regroupement, dans un disque, des pièces ornées de la messe ne rend
compte que d'un aspect de leur réalité musicale. C'est dans le tempe
long de la psalmodie quotidienne que la modalité s'est constituée et
imposée a l'oreille de tous : auditeurs, chantres et compositeurs. Et
c'est sur cette ambiance que se détache l'éclat fugace du jubilus
propre ou répertoire du soliste. On a donc cherché ici à corriger
l'énonciation top brève de la modalité dans ces pièces ornées en les
regroupant selon leurs parentés modales, afin que soit mieux perçu le
retour à des teneurs équivalentes.
Sources d'inspiration littéraire
L'histoire
musicale des répertoires liturgiques est tributaire de ses sources
d'inspiration littéraire (texte bibliques, compositions poétiques de
l'Antiquité tardive et du Moyen Age), et des conditions d'exécution des
célébrations.
La récitation psalmodique est directement à
l'origine de le composition des Traits et des Répons-Graduels. Dans ces
psalmodies au second degré qui forment le répertoire de la schola
- dont on fait remonter les premières attestations au temps de Saint Grégoire (VIe, VIIe. siècles)
-
les versets témoignent encore de l'exécution par un ou plusieurs
solistes. L'inspiration psalmique est aussi manifeste dans le chant de
l'Offertoire, qui est né de l'usage, attesté par Saint Augustin (IVe
siècle), de chanter des psaumes lors de la procession des offrandes.
L'ornementation progressive des versets a supplanté la récitation
psalmodique simple. Mais le chant des versets fui lui-même abandonné,
par suite de la suppression de la procession.
L'allelluia Oportebat, qui n'est plus inspiré des psaumes, mais du Nouveau Testament, témoigne d'époques plus tardives.
Recherches d'interprétation
Pas
plus que de ses origines psalmiques, on ne peul isoler le chant
grégorien de formes musicales qui en sont directement issues, qui ont
longtemps accompagné son exécution, mais furent écartées de la liturgie
en raison du caractère poétique et non scripturaire de leur source
d'inspiration. Ce sont, en particulier, les premières polyphonies
(organums, conduits), mais aussi ces amplifications des mélodies
originelles, soit par addition de nouvelles mélodies (séquences,
tropes), soit par syllabisation des mélismes (proses, prosules). La
prosule de l'Alleluia Eripe, adaptée au texte qu'elle glose au
point de s'y entremêler, invite à reconsidérer une possibilité
d'exécution polyphonique de ces compositions.
L'origine de
certaines mélodies liturgiques occidentales peut remonter jusqu'au IVe
siècle. Et il o fallu attendre le IXe siècle pour que les répertoires
occidentaux se laissent, poussés par des influences étrangères à la
musique, enfermer dans des symboles qui assurant leur transmission
écrite. Il en est, sans doute, résulté un appauvrissement de loup
contenu. Les témoignages écrits sont précieux à bien des égards, pour
les historiens et les musicologues. Mais pour comprendre tout ce qui, du
phénomène musical, leur est irréductible, le musicien doit aujourd’hui
se tourner vers les traditions musicales qui ont plus longtemps résisté
aux pièges de la notation : encore vivantes, les traditions orales du
Bassin méditerranéen proviennent cependant d'époques aussi reculées que
le chant grégorien.
Si les répertoires liturgiques de l'Occident e
du Moyen Orient, qui ont vécu des histoires parallèles, peuvent se
réclamer de sources littéraires communes, ils offrent aussi des parentés
musicales évidentes, manifestes surtout dons la modalité et les
procédés d'ornementation. Dans ses recherches d'interprétation, et pour
une meilleure découverte de ce qui, de la tradition orale du chant
grégorien, a échappé à l'écriture, Dominique Vellard demande aux
traditions orientales un enseignement sur la qualité de la voix, sa
ductilité, la force de l'intention qui soutient le chant, la manière de
quitter un son ou de le préparer, etc
Bien entendu il ne s'agit
pas de réduire les richesses des traditions latines à telle ou telle
habitude orientale. Les traditions orales vivantes d'Occident et
d'Orient sont multiples, comme la furent les premières traditions
liturgiques occidentales. Leur confrontation devrait contribuer à une
meilleure connaissance de l'originalité des unes et des outres. Mais
pour y atteindre, les études historiques ne peuvent se passer des
recherches sur l'interprétation, car c'est par la voix des chantres
qu'au long des siècles fut transmise la jubilation.
Remarque : la lecture des indications rythmiques à
été fait sur des manuscrits en notation sangallienne. Il
s'agit de :
– Cantatorium de Saint-Gall : Saint-Gall, Stiftsbibliothek, manuscrit 359, IXe-Xe siècles (Édition: Paléographie musicale, 2ª série, t. II, Solesmes, 1924).
– Graduel de Einsiedeln : Einsiedeln, manuscrit 121, Xe-XIe siècles (Édition: Paléographie musicale, t. IV, Solesmes, 1894).
– Graduel de Saint-Gall : Saint-Gall, Stiftsbibliothek, manuscrit 339, XIe siècle (Édition: Paléographie musicale, t. I, Solesmes, 1893).
Sa
personnalité musicale s'est forgée au contact de différents ensembles
européens de musique ancienne. Il a entretenu un dialogue régulier avec
certains musicologues, notamment avec Marie-Noël Colette (Paris) et Wulf
Arlt (Bâle), et a mené des recherches personnelles sur la nature du
chant médiéval, sa fonction, sa spécificité technique et son rapport
avec les musiques traditionnelles.
Il partage aujourd'hui son
temps entre l'«Ensemble Gilles Binchois» qu'il dirige depuis dix années,
et l'enseignement du chant des musiques du Moyen Age et de la
Renaissance à la Schola Cantorum de Bâle (Suisse).