Les Trois Marie / Venance Fortunat
Jeu liturgique du ms d'Origny-Sainte-Benoîte





medieval.org
Studio SM 12 17.46 grabación: octubre de 1989
Église Saint-Jean-Baptiste de Grenelle, Paris

1990









LES TROIS MARIES
ms. Abbaye d'Origny-Sainte-Benoîte

01 - Antienne. Sepulto Domino     [1:59]
02 - Antienne. Vesperae autem     [0:58]
03 - Entrée     [5:24]
04 - Les 3 Marie et le marchand     [9:00]
05 - Les 3 Marie au tombeau Sepulchre     [3:45]
06 - L'ange apparait     [1:24]
07 - Venite populi     [2:45]
08 - L'ange latin, Marie-Madeleine     [8:57]
09 - L'ange français, Marie-Madeleine     [5:27]
10 - Apparition de Jesus     [3:45]
11 - Victimae paschali laudes     [2:43]
12 - Te Deum de Gilles BINCHOIS   [6:15]



ENSEMBLE VENANCE FORTUNAT
Anne-Marie Deschamps


Les personnages
Marie-Magdeleine: Catherine Ravenne,alto
Les deux autres Marie: Françoise Lévy, mezzo & Dominique Thibaudat, soprano
Le prêtre et l'apôtre: Gabriel Lacascade, baryton
Le marchand et l'ange français: Alain Brumeau, ténor
L'ange latin: Eric Trémolières, ténor
Le Christ: Antoine Sicot, basse

Le chœur
Monique Avril, Laurence Monteil, Francoise Ricordeau, Francoise Slacik, Ariane Stroh,
Richard Costa, Pierre Delattre, Pierre Rechenmann



LES TROIS MARIE
JEU LITURGIQUE DU MANUSCRIT D'ORIGNY-SAINTE-BENOITE


Les jeux liturgiques étaient faits pour être vécus, c'était une façon de s'exercer à être; de s'initier à la portée transcendante de l'histoire. Ils proposaient aux spectateurs comme aux acteurs d'entrer dans la densité réelle de la fête, de la renouveler chaque année.



Le jeu des TROIS MARIE a ceci de captivant qu'il est inclus dans un «coutumier» et non dans un processionnal comme le sont la plupart des jeux. On sait donc exactement:

- pour quel lieu ce jeu a été conçu: un monastère royal de femmes, fondé par Hermantrude, première femme de Charles le Chauve (9e siècle), dont les offices étaient desservis par des chanoines, ce qui a autorisé la juxtaposition de voix d'hommes et de femmes dans ce jeu.

- à quel moment précis de l'office il se plaçait : "et doit-on faire les Marie la nuit de Pâques, entre le derrain (dernier) respons et Te Deum Laudamus", ce qui est d'usage courant pour les jeux.

- de quelle manière les participants se préparaient et quelles coutumes locales accompagnaient les offices des jours précédents et suivants.

Les indications de jeu sont données en «francien» ce qui est unique par rapport à tous les manuscrits connus et qui laisse penser que les dames de l'abbaye ne «pratiquaient» pas le latin en dehors des offices.

Le coutumier donne aussi à propos de ce drame des rubriques de nuances: "elles doivent chanter bien bas à fausset" et "li prestre doivent dire bien bas", "dire un peu plus haut", "dire à haute vois", etc ... ("Bien bas à fausset" doit être compris ici dans le sens de très doux mais suffisamment fort pour être entendu - faussement doux - et non comme "voix de fausset").



Le manuscrit utilise un parler bilingue, d'autant plus intéressant que la musique accentue la différence des langues: les passages d'origine scripturaire et les antiennes de la fête sont chantés en latin, les passages qui s'en éloignent sont rédigés en francien. Les Marie parlent tantôt ce français tantôt le latin, les anges aussi; quant au marchand, personnage qui n'apparaît pas dans le récit évangélique, il ne s'exprime qu'en francien.

Les textes latins ont inspiré une musique élaborée, musique «savante» et variée - comme les belles pièces de soliste du répertoire dit grégorien, ou comme la séquence Victimæ Pascali Laudes qui sert de toile de fond au jeu - alors que les textes en francien ont une trame musicale presque simplette et tout à fait répétitive.

Le début de ce jeu est noté selon les habitudes d'écriture du siècle précédent puis à la façon du 14e siècle, époque du manuscrit, les copistes opérant, en cours de route, ce que l'on appellerait maintenant une transcription (c'est-à-dire le passage d'un code d'écriture à un autre plus proche), ce qui laisse penser que ce jeu est plus ancien que le manuscrit. Ceci témoigne une fois de plus d'un caractère fondamental de la culture du moyen age: respect
du fond traditionnel et adaptation au temps présent.

Dans ce même esprit, certaines phrases des Marie ont été "organisées" par nous dans le style des organa à deux ou trois voix, en grande faveur au 13e siècle.

La prononciation utilisée pour le francien est celle du 14e siècle, date du manuscrit. Les rôles des personnages non scripturaires (le marchand et l'ange "français") ont été travaillés avec un parti pris d'émission nazale accentuée, telle qu'elle devait se pratiquer à l'époque, et dont il reste des traces dans la façon de parler de certaines régions de France ou du Canada.

Pour recréer l'atmosphère liturgique de l'époque, l'Ensemble Venance Fortunat a introduit à l'intérieur du drame des antiennes du moment de l'année (temps liturgique) dans lequel s'incrit le jeu.

Le rôle du chœur - dont la présence est indiquée par les rubriques au début et à la fin du jeu - a été par nous étendu à l'ensemble du drame: il sert de mémoire, résurgence de l'arrière plan liturgique que les fidèles de l'époque portaient en eux.

Anne-Marie Deschamps










Cet enregistrement de l'Ensemble Venance Fortunat comprend:

Les Trois Marie
jeu liturgique de Pâques contenu dans un manuscrit du 14e siècle originaire de l'Abbaye d'Origny-Sainte-Benoîte dans l'Aisne, actuellement conservé a la Bibliothèque municipale de Saint-Quentin sous le numéro 86. Transcription: Edition Cousmaker/Slatkine.
Travail sur le manuscrit-Adaptation-Arrangements, Anne-Marie Deschamps

A l'intérieur du jeu liturgique des Trois Marie l'Ensemble a introduit les pièces suivantes

Sepulto Domino
Répons de l'office de la Déposition liturgique du Vendredi Saint.
(ton 2 - ré plagal)

Qui sequitur me
Antienne du Benedictus de la Quadragésime, reprise pour les offices des martyrs. (ton 3 - mi / Editions Solesmes)

Dum tribularer
Antienne du Mardi Saint.
(ton 7 - sol / Editions Solesmes)

Anxiatus est in me
Antienne du Vendredi Saint, extraite du psaume 142 qu'elle encadre.
Le texte de cette antienne connue de tous à l'époque, est le ferment "psychologique" du rôle de Marie-Magdeleine enfermée dans l'angoisse de l'absence.
(ton 4 - mi / Editions Solesmes)

Venite populi
Confractorium (chant pour la fraction du pain) de Pâques dans le rite ambrosien; en usage aussi à Lyon pour la messe pontificale du Jeudi Saint et du Dimanche de Pâques.
(ton 1 - ré / Editions Solesmes)

Jesu dulcis amor meus
Cette hymne que saint François d'Assise aimait particulièrement soutien ici le dialogue entre l'Ange latin et Marie-Magdeleine.
(ton 1)

Victimæ pascali laudes
séquence du Jour de Pâques, indiquée par le manuscrit d'Origny, est chantée ici dans la version à deux voix (déchant des 12e-13e siècles) du manuscrit de Las Huelgas (scriptorium de moniales).
(ton 1)

Il est entrecoupé, comme l'indiquent les rubriques du jeu, par l'antienne:
Currebant duo simul
Antienne du Benedictus du Samedi "in albis" (en blanc) dans l'octave de Pâques.
La version chantée ici, qui est celle retenue par l'Antiphonaire monastique de Solesmes, diffère de très peu de celle du manuscrit d'Origny.
(ton 1 - ré / Editions Solesmes)

Te Deum
version à deux voix de Gilles Binchois († 1460)
(mode de mi - transcription Anne-Marie Deschamps)
ce Te Deum de Gilles Binchois a été choisi pour ouvrir le jeu sur le futur et accentuer l'effet choral du final.

GLOSSAIRE
rubrique
indication notée à l'encre rouge (d'où son nom) dans les livres liturgiques pour la différencier des textes et de la musique. Dans les jeux liturgiques ce sont souvent de véritables indications de jeux de scène.

antienne
court prélude qui encadre un psaume. Les antiennes donnent la "couleur" de la fête qui est célébrée. C'est la manifestation du présent, par rapport au psaume qui est éternel. La musique des antiennes épouse le texte d'une façon lyrique. L'antienne est écrite dans le même mode que la récitation du psaume.

répons
pièce de forme A-B-A, peut-être l'origine de toutes les formes musicales de ce type. (ici A/ soliste et chœur B/ verset soliste et A/ reprise du chœur). Le répons est plus ou moins développé selon sa destination liturgique.

coutumier
livre des coutumes propres à un lieu.

séquence
sorte de coda ("queue") qui suit (sequentia) et termine une pièce. Lorsque la séquence est placée sur la syllabe finale de l'Alleluia, elle prend le nom du "jubilus". Au 9e siècle on "trope" quelquefois la séquence avec un texte (prose). La séquence comporte généralement une introduction et une conclusion différentes du corps de l'hymne. Cette hymne présente des phrases destinées a être chantées en alternance.