Daniel, opéra sacré médiévale
Venance Fortunat





medieval.org

L'empreinte digitale ED 13052
mayo de 1995
abbaye de Valloires
reedición en 2002:
L'empreinte digitale ED 13152






PROLOGUE
Ainsi débute le Jeu de Daniel / Incipit Daniel Ludus
1. Ad Honore tui Christe  [2:43]

LECTURE 1
Entrée de Balthazar / Procession des vases
2. Astra tenenti - Jubilemus regi nostro  [4:49]

Profanation des vases / Apparition des mots "Mane · Tekel · Phares"
3. Vocate matematicos  [4:09]

LECTURE 2
Conduit de la Reine / Conductus Regine
4. Cum doctorum et magorum  [7:30]

LECTURE 3
Conduit de Daniel / Il donne la signification des mots
5. Vir propheta Dei, Daniel  [7:48]

LECTURE 4
Daniel est honoré / Restitution des vases
6 - [4:44]
Tolle vase, principes militie
Conductus Regine:
Solvitur in libro Salomonis
Conductus referentium vasa ante Danielem:
Regis vasa referentes

LECTURE 5
Changement de Dynastie / Arrivée de Darius
7. Ecce rex Darius  [2:09]
08. Improvisation  [2:14]

LECTURE 6
Les conseillers veulen se servir de Daniel / Il est élevé au-dessus d'eux
9. Audite principes  [9:54]

LECTURE 7
Complot des conseillers contre Daniel / Vanité du Roi
10. Decreverunt in tua curia  [2:10]
Prière de Daniel / Il est dénoncé au roi
11. Numquid, Dari  [4:03]
Daniel dans la fosse aux lions / Déploration
12. Heu! heu! heu! - Hujus rei non sum reus  [4:30]

LECTURE 8
Un Ange et Habacuc
13. Abacuc, tu senex pie  [1:02]
Conduit à l'orgue Habacuc et Daniel
14. Surge frater  [2:50]

LECTURE 9
Le roi reconnait le miracle / Les conseillers son jetés dans la fosse / Prière des conseillers
15. Te ne putas, Daniel  [3:37]

Prophéties de Daniel / Un ange annonce la Nativité
16. Ecce venit sanctus - Nuncium vobis   [2:10]

17. TE DEUM LAUDAMUS    [4:36]






ENSEMBLE VENANCE FORTUNAT
Anne-Marie Deschamps

Adrian BRAND, 1er conseiller
Alain BRUMEAU, 2e sage
Richard COSTA, 2e conseiller
Béatrice de VIGAN, 3e ange
Philippe DESANDRÉ, Darius
Marie ESTÈVE, un enfant
Eric GUILLERMIN, 1er sage
Samuel HUSSER, homme de cour
Gabriel LACASCADE, le lecteur
Philippe LE CHEVALIER, 1er prince
Françoise LÉVY, 2e ange
Paul MEDIONI, Balthasar
Jean-Louis PAYA, 3e sage
Catherine RAVENNE, femme de cour
Bruno RENHOLD, 1er prince
Antoine SICOT, Habacuc
Dominique THIBADAUT, la reine
Eric TRÉMOLIÈRES, Daniel
Oriane TURBLIN, 1er ange

Chœur d'enfants du Consevatoire d'Amiens
Chorale Prélude de Compiègne

Instrumentistes:
Richard BONA & Gérard CAROCCI, percussions
Anello CAPUANO, oud, saz
Béatrice DELPIERRE, chalemie, flûte à bec
Pierre-Henri ESNAULT; orgue positif


19 chanteurs de détachent tour à tour du chœur des clercs pour exécuter une partie soliste ou tenir un rôle;
seul Daniel ne rejoint le chœur que pour le Te Deum final.









DANIEL
OPÉRA SACRÉ MÉDIÉVAL


UN VÉRITABLE OPÉRA SACRÉ
La richesse musicale du Ludus Daniells a fait dire aux chercheurs contemporains que ce jeu liturgique était un opéra avant la lettre.
L'invention mélodique est constante d'une scène à l'autre, sauf l'acclamation Rex in eternum vive! qui provient du rituel des sacres.
Le style varie selon les situations et les personnages: style plus narratif, syllabique, proche du récitatif; moments lyriques, véritables arias; violence de la scène biblique de profanation et des prophéties; émotion de la plainte de Daniel; fraîcheur de l'entrée de la Reine; importance des chœurs. Les formes utilisées vont de la libre phrase grégorienne aux hymnes dansantes en passant par les proses et les conduits laissant, de par leur nature même, aux interprètes la possibilité d'improvisation ride traitement polyphonique.

LE MANUSCRIT
Le prologue du jeu nous apprend que celui-ci a été composé à Beauvais par les jeunes clercs de la cathédrale probablement au XIIe siècle: «En ton honneur, ô Christ, ce Jeu de Daniel est présente à Beauvais, et la jeunesse l'a imaginé».
La plupart des jeux liturgiques se retrouvent dans de nombreux manuscrits sous des formes plus ou moins semblables; ainsi il existe plusieurs versions des jeux de Pâques, du Vendredi-Saint ou de Noël. Du jeu de Daniel il n'existe qu'un manuscrit, qui fait partie de notre patrimoine musical national bien que conservé au British Museum de Londres (Egerton 2615).

Ce manuscrit, écrit probablement entre 1227 et 1234 (d'après Smoldon), pourrait être la copie d'un jeu représenté antérieurement. Ecrit très clairement d'une écriture gothique aux lettrines sans figure, comporte de nombreuses rubriques (indications de mise en scène notées à l'encre rouge).
Le texte est en latin avec quelques rares passages en français du XIIe siècle. Très curieusement lorsque les gens de la cour s'adressent al'"étranger" Daniel, ils passent du latin au français dans la même phrase. Daniel leur répond en français, mais dans le reste du jeu il s'exprime en latin.
L'écriture du texte et la notation musicale différencient souvent les valeurs longues et les valeurs brèves, de même que les ponctuations du texte.
L'interprétation de l'Ensemble Venance Fortunat se base très précisément sur ces indications peu exploitées jusqu'à présent.

L'HISTOIRE
L'histoire de Daniel - fidèle à son Dieu à travers les vicissitudes de l'Histoire et bénéficiant de sa bienveillance en retour - est exemplaire, elle donne l'image de la "Roue de Fortune": «Les grands seront abaissés, les petits seront élevés ...». Seul Daniel reste étranger aux changements du monde: il sera sauvé de la jalousie et de la haine et les méchants seront punis. Le personnage de Daniel est perçu comme une préfigure du Christ.

Le "livret" suit très fidèlement le récit contenu dans la Bible aux chapitres 5 et 6 du Livre de Daniel et au chapitre 14 de la version des Septante pour l'épisode d'Habacuc (non reconnu dans le canon hébraïque).
Le jeu se déroule en deux "actes":
 Le premier s'ouvre sur le festin de Balthazar roi de Babylone qui ordonne que lui soient apportés les vases d'or et d'argent que son père Nabucodonosor a enlevés du Temple de Jérusalem. Alors que le roi et sa cour profanent les vases sacrés une main apparaît qui écrit sur le mur les trois mots: Mane, Tekel, Phares. Personne parmi les sages et les devins du royaume ne peut lire l'écriture. Sur le conseil de la reine, Balthazar fait appeler Daniel, un des déportés de Judée. Il en révèle le sens - Mane: Dieu a compté ton règne et y a mis fin; Tekel: tu as été pesé dans la balance et trouvé insignifiant; Phares: ton royaume sera divisé et donné aux Mèdes et aux Perses. Sur l'ordre du roi, Daniel est récompensé et reçoit le troisième rang dans le royaume.
Le deuxième acte commence avec la réalisation de la prophétie: Balthazar le brutal est renversé et Darius le Mède - cultivé mais vaniteux - reçoit la royauté à sa place. Daniel obtient les faveurs du nouveau roi qui pense à l'élever au-dessus de ses autres conseillers. Ces conseillers jaloux dénoncent Daniel qui ne pratique pas la religion officielle mais continue à adorer son Dieu comme auparavant. Darius est obligé de le faire jeter dans la fosse aux lions selon la loi des Mèdes et des Perses qu'il a ratifiée. Le prophète Habacuc qui était en Judée et apportait leur repas à ses moissonneurs est enlevé par un ange qui le dépose au-dessus de la fosse pour qu'il nourrisse Daniel. Le roi étant venu au matin s'enquérir de Daniel et l'ayant trouvé vivant, ordonne que soient jetés dans la fosse ses accusateurs. Daniel prophétise alors au roi la venue du Sauveur et un ange annonce la naissance du Christ.
Le jeu se termine sur le Te Deum.

INTERPRÉTATION MUSICALE
Une iconographie abondante, la lecture aisée du manuscrit et une allusion autorisant une participation instrumentale - inhabituelle aux jeux liturgiques - expliquent que le Jeu de Daniel soit en grande faveur auprès des musiciens.

Notre interprétation s'appuie sur les points suivants:
• Lecture du manuscrit qui intègre les nouvelles connaissances neumatiques, en particulier dans les importants passages non métriques;
• Introduction dans le jeu d'un personnage qui chante neuf lectures bibliques tirées du Livre de Daniel et racontant l'histoire (en français), dans l'esprit des leçons lues aux offices de nuit; ce jeu se donnait en effet a l'office de Matines: il se termine par le Te Deum (plage 17);
• Improvisations musicales à la manière des "messes farcies' déjà en usage au XIe siècle et très prisées au XIIe siècle.
• Développements polyphoniques, autorisés par les conduits, restant strictement dans la lignée des improvisations d'une deuxième voix dite "sur le livre";
• Introduction discrète d'un nombre restreint d'instruments: le manuscrit qui comporte des rubriques de mise en scène très précises ne mentionne qu'une fois un rôle instrumental:
« ... Soudain le roi Darius apparaîtra avec ses seigneurs et devant lui que viennent les joueurs de cithare ... »
• Travail spécifique de ces instruments: conduction et articulation des formules dans l'esprit d'imitation de la voix: la voix à cette époque étant le modèle que les instruments sont invités à suivre;
• La partie instrumentale est tirée de l’œuvre même: elle introduit, ponctue ou conclue les parties vocales.

L'Ensemble Venance Fortunat a tenu à conserver à l'enregistrement les moments nécessaires au jeu. Ainsi:
• l'improvisation après le changement de dynastie (plage 8);
• le conduit à l'orgue qui accompagne le "transport" d'Habacuc par l'ange (plage 14): interprétation inédite à l'orgue du Kyrie cunctipotens genitor dans une version contemporaine du jeu (Codex Calixtinus de Compostelle);
• l'introduction de l'antienne O Adonaï (du Temps de l'Avent, période liturgique du jeu) pour la prière de Daniel qui déclenchera sa dénonciation par les envieux. A cet endroit la rubrique du manuscrit indique seulement:
«Daniel ira dans sa maison et adorera son Dieu» (plage 11).





ED 13052