L'Eau & le Baptême / Venance Fortunat



IMAGE

medieval.org

L'empreinte digitale ED 13160
septiembre de 1996
abbaye de Valloires




Les eaux vives
01 - Vedastus igitur   [2:20]

02 - Ex oliva Remensium   [3:36]

Les eaux premières
03 - Mizmor le David   [1:44]

Le passage de la Mer Rouge
04 - Submersus jacet Pharao   [1:54]

Les eaux de désolation
05 - Inundaverunt aque   [1:52]

L'eau lustrale
06 - To alithinon fos Epefani  [2:36]

Le Baptiste
07 - Alleluia! Inter natos   [7:35]

L'eau changée en vin aux noces de Cana
08 - Qui de rupe arida   [3:18]

Les eaux de Grâce
09 - Adjuvabit   [5:04]
10 - Flos de spina procreatur   [6:02]

L'eau du Jourdain témoin du Baptême du Christ
11 - Sicut unius Dei Trinitas   [5:55]


• • •

12 - Kyrie 'Eterne rex altissime, fons totius bonitatis'   [5:40]





VENANCE FORTUNAT
Anne-Marie Deschamps

Dominique Thibaudat, soprano
Françoise Lévy, mezzosoprano
Adrian Brand, ténor
Gabriel Lacascade, baryton
Philippe Desandré, basse
Antoine Sicot, basse





L'Eau & le Baptême

Tout au long de l'Ancien Testament la Voix du Seigneur retentit sur les eaux:
eaux amères parfois chargées de sang,
eaux taries d'un jardin sans eau,
eaux profondes dont il faudra se sauver.
eaux qui contiennent monstres et bêtes grouillantes,
eaux abyssales qui sonnent curieusement modernes:
les paroles de la bouche d'un homme sont une eau profonde dit le Proverbe.

Les poètes de l'Ancien Testament chantent l'eau, instrument de la colère divine qui rassemble l'eau des mers ou fait pleuvoir le déluge, l'eau signe de la puissance qui fit se retourner le Jourdain en arrière et partagea la Mer Rouge, l'eau vive que le cerf appelle.

Le psalmiste se confie en Celui qui le conduit près des eaux tranquilles, le Cantique des cantiques exprime son amour transcendant: «Fontaine de mon jardin, source d'eau vive» ...

Fontaines, sources et puits dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament sont les lieux privilégiés des rencontres (Ô Rebecca, Ô Samaritaine, ...)

Eau abondante ou lustrale, déjà l'Ancien Testament privilégie l'eau expiatrice; dès la Genèse le rite du lavement des pieds et la purification par le lavement des mains sont présents. Que ce soit l'immersion de Jonas ou celle du Déluge, la mémoire de ces eaux est présente dans le baptême pratiqué par Jean-Baptiste et voilà que le baptême du Christ donne à tous les baptêmes, dès les premiers Chrétiens, une dimension eschatologique «Celui qui sera baptisé sera sauvé» (Mc 16º 16).

L'Ensemble Venance Fortunat chante ces eaux de lamentation ou ces eaux de grâce et les thèmes merveilleux qu'elles ont engendrés dans les différentes traditions de la synagogue ou des églises chrétiennes (romaine, milanaise, gallicane ou grecque)

Toutes les pièces de ce programme - monodies et polyphonies aux voix horizontales - ont été choisies en fonction de leur fluidité et de l'importance de leur sens. Un rémois fameux, Guillaume de Machaut, en a ainsi résumé au XIV siècle le sens:

La fontaine  Le Fils
le ruisseau  Le Saint Esprit
la source  Le Père
sont trois
mais ces Trois sont tout Un
comme l'eau qui a même goût
en ses différentes formes.





IMAGE






1 - VEDASTUS IGITUR
Répons de l'office de saint Vaast
Texte de  Alcuin († 804) - manuscrit d'Arras - Chant carolingien, XIe s / transcription Jean-François Goudessenne

Les vocalises sur le mot "abluebat" (ablution) font ressortir, ici encore, la correspondance intime entre la voyelle développée et l'eau, correspondance constante qui a présidé à notre choix.


2 - Ex OLIVA REMENSIUM
Manuscrit Plut 29 de Florence, XIIIe s. / AMD
Grand conduit en déchant de l'École de Notre-Dame de Paris

Le déchant est un procédé de composition par lequel les deux voix se suivent note-pour-note en miroir. Les vocalises laissent peu à peu découvrir une formule que les voix échangent puis oublient.


3 - MIZMOR LE DAVID. PSAUME 29
Transcription Abraham Tsvi Idelsohn

Récitation du psaume 29 dans la version musicale des juifs grecs descendants des expulsés d'Espagne. Cette mélodie est très proche d'autres en usage dans les communautés séphardo-orientales. La mélodie de ce psaume a été transcrite par le célèbre musicologue Abraham Tsvi ldelsohn au début du siècle (in Thesaurus de la musique hébraïque). Ce psaume fait partie d'un ensemble de pièces chantées pour l'accueil du Shabbat; suivant le mouvement kabalistique du XVIe siècle, le Shabbat est comparé à une reine dont on va à la rencontre au coucher du soleil chaque vendredi. Ce psaume a fait l'objet de très nombreux commentaires en raison de l'apparition sept fois de "la Voix du Seigneur" dont la première rappelle la création "la Voix du Seigneur plane sur les eaux".


4 - SUBMERSUS JACET PHARAO
Trope de Benedicamus Domino a deux voix Pour la fête de Pâques du manuscrit de Cividale del Friuli (XIVe siècle - Pièce unique qui ne se trouve que dans ce manuscrit - Le manuscrit du XlVe siècle fait état d'une tradition sans doute plus ancienne).

Le rythme du latin donne à ce trope un caractère dansant, accentué par les croisements entre les deux voix égales, par la forme à refrain et la gaité des paroles.


5 - INUNDAVERUNT AQUE
Antienne des Rogations d'après les neumes de Saint-Gall - Processsionnal de Poitiers - Ed. CNRS / M.-N.Colette.

Comme souvent dans les antiennes des Rogations le caractère dramatique du texte accentue la ferveur de la prière.


6 - TO AUTHINON FOS EPEFANI
Transcription: Nicolas Perakis

Stychère idiomèle des Laudes de l'Épiphanie dans la tradition byzantine.
Mélodie à "yson" = accompagnement de la mélodie par des sons de structure qui précisent le mode.


7 - ALLELUIA! INTER NATOS
Organum de l'École Notre-Dame de ParisManuscrit de Florence, XIII" s. / Manuscript from Florence, I 3"' C. / AMD

La superbe vocalise finale sur le mot "Iohanne" redonne une nouvelle jeunesse à l'antique teneur qui quitte sa fonction de pilier d'accompagnement pour "déborder" sur le chant du soliste.


8 - OUI DE RUPE ARIDA
Répons de l'office de saint Vaast
Texte de  Alcuin († 804) - manuscrit d'Arras - Chant carolingien, XIe s / transcription Jean-François Goudessenne

Ce chant conte dans le mode de mi sur plusieurs cordes de récitations typiquement gallicanes, un miracle du vin sorti d'un vase asséché.


9 - ADJUVABIT
ES / neumes d'Einsiedeln
Dans ce Graduel les nombreuses répercussions (notes répétées sur la même voyelle) accentuent le caractère jubilatoire de cette pièce. À la grande vocalise du soliste sur le mot "fleuve" répond celle sur "sanctifia".


10 - FLOS DE SPINA PROCREATUR
Manuscrit de Florence, XIIIe s. / AMD

Conduit à deux voix de l'École Notre-Dame de Paris
Les vocalises évoquent la descente de la grâce comme «pleuvent les nuages.»
Ce conduit suit le texte poétique dans une musique très contenue et changeante - avec une fantaisie qui ne dédaigne pas le figuralisme, en particulier sur la pluie - et soutenue par sa structure modale.


11 - SICUT UNIUS DEI TRINITAS
Répons de l'Office de la Transfiguration de Pierre le Vénérable (XIIe s. BN Lat 17716 manuscrit clunisien inédit) / AMD

Tout au long de son "Office de la Transfiguration" Pierre le Vénérable fait ressortir le lien entre le Baptême du Christ dans le Jourdain et la Transfiguration sur le mont Thabor, deux moments de la vie de Jésus où la voix du Père s'est fait entendre en proclamant «Celui-ci est mon fils bien-aimé». Des vocalises développées subliment les mots "fils" et "bien-aime.


12 - KYRIE "ETERNE REX ALTISSIME, PONS TOTIUS BONITATIS"
Manuscrit d'Apt, XIV s. / transcription Amédée Gastoué

Kyrie tropé à quatre parties de Fronciaco sur le Kyrie cum jubilo pour les fêtes de la Vierge. C'est une composition exemplaire où les quatre voix suivent des flux parallèles chacune à son rythme. Tandis que la teneur "Kyrie" est à la base, la voix du ténor soliste peut se déployer. Il semble que le XlVe s. commence vraiment à traiter cette tessiture de façon "moderne".