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l'empreinte digitale ED 13109
Abbaye de Valloires, avril / April 1999
01 - Candida virginitas [4:15]
02 - Preconia virginis [1:04]
03 - Gabrieli, celesti nuntio [3:44]
04 - Rosa flagrans [5:22]
05 - Orbis totus [6:02]
06 - Kyrie 1 [1:56]
07 - Kyrie 2 [1:46]
08 - Benedicta sit Beata Maria [3:03]
09 - Agnus Dei ~ qui sedes [2:33]
10 - Agnus Dei ~ omnipotens [2:10]
11 - Mater misericordie [3:31]
12 - Sicut sol [3:31]
13 - Salve porta Dei [1:23]
14 - Templum pudicicie [2:05]
15 - Ave Virgo singularis [3:19]
16 - Agnus Dei ~ cujus ad imperium [4:08]
Ensemble Venance Fortunat
Anne-Marie Deschamps
Dominique THIBAUDAT, soprano
Claire BAUJARD, soprano
Isabelle HERLICQ, soprano
Françoise LEVY, mezzo
Adrian BRAND, ténor
Bruno RENHOLD, ténor
Patrice BALTER, baryton
Gabriel LACASCADE, baryton
Avec la participation de:
Claire Couprie, Florence Drevon, Agnès Herlicq, Sabine
Malavialle,
Marianne Rozensztroch, Aude Sonntag, Nadine Vallette
Enregistrement & montage: Maurice Salaiin & Florence Gambini,
Le manuscrit BNF lat 17716
Le fonds latin de la Bibliothèque Nationale de France abrite,
sous la cote 17716, un manuscrit provenant du prieuré clunisien
de Saint-Martin-des-Champs (Paris). Se basant sur l'état
d'avancement de la Venerabilium abbatum cluniacensium Chronologia
qui figure aux folios 95-100, les auteurs du Catalogue des manuscrits
datés ont proposé une confection du manuscrit vers la fin
du XII siècle, après 1189. Mais autant le contenu que les
lettres ornées et peintures en pleine page ou partie de page
permettent de proposer une datation légèrement
postérieure.
En dehors de notes sur les successions abbatiales à Cluny
d'Hugues IV (1199) à l'élection de Jean, cardinal de
Lorraine, en 1528, copiées par des mains des XVe et XVIe
siècles, le manuscrit forme un tout cohérent tant du
point de vue codicologique que paléographique et stylistique,
l'ensemble étant écrit d'une même main et
illustré par le même artiste. On peut distinguer quatre
blocs de textes. Après deux préfaces de la messe, le
manuscrit ouvre, f. 2r, sur des proses et séquences mariales,
certaines composées par Pierre le Vénérable
lui-même, aussi auteur d'une prose en l'honneur d'Hugues de
Semur. Ces pièces enserrent, ff. 8r-22v, l'Office de la
Transfiguration également de Pierre le Vénérable
(cf. le disque "Cluny la Transfiguration" ED 13091). Le second bloc, de
loin le plus important (f.25v et sq.) est constitué d'une
version remaniée du De Miraculis de Pierre le
Vénérable, abrégée d'un certain nombre
d'épisodes et truffée de textes adventices.
Le début du troisième bloc (f.70v et sq.) concerne
également Hugues de Semur, dont on transcrit deux actes en
faveur de sa fondation personnelle, le reclusoire féminin de
Marcigny-sur-Loire - déjà objet d'un éloge
appuyé dans les "Miracula" qui précèdent -, et le
statut par lequel l'abbé instaure, à l'octave de la
Pentecôte, une commémoraison générale de
tous les défunts inhumés au cimetière de Cluny.
Le dernier bloc rassemble les actes essentiels de l'histoire de la
liberté clunisienne (f. 80r et sq.). Le manuscrit se termine sur
la bulle délivrée par Urbain II à
Saint-Martin-des-Champs, en 1096, au moment de l'entrée du
prieuré dans l'Ecclesia cluniacensis et sur la Venerabilium
abbatum cluniacensium Chronologia .
Guillaume II, abbé de Cluny de 1207 jusqu'à son
abdication en 1215, vient d'Angleterre, il a été prieur
de Saint-Martin-des-Champs et sa mère a été
moniale à Marcigny-sur-Loire. On peut penser que l'abbé a
fait réaliser ce recueil comme un simple mémorial des
textes considérés comme essentiels de l'histoire
clunisienne. Les choix opérés sont très
instructifs. Au tournant des années 1100, le premier Cluny se
résume ainsi à l’œuvre liturgique de Pierre
le Vénérable; à une importante collection de
Miracles, à la fois monument à la mémoire d'Hugues
de Semur et de Pierre le Vénérable et mise en forme des
principaux idéaux de l'Ecclesia cluniacensis, en
particulier l'efficacité de sa pastorale funéraire;
enfin, aux textes fondateurs de l'exception clunisienne,
c'est-à-dire aussi bien les récits rappelant la
translation des principales reliques constitutives de son espace
sacré que les actes (charte de fondation, bulles papales) qui
bornent ce "sacré ban".
D'après Dominique Iogna-Prat
La musique proposée par ce manuscrit contribue à
l'idée de ce qu'a pu être la culture du XIIe
siècle; essentiellement vocale-verbale. Elle évite la
ligne droite, mais porte les accents, comme les piliers les
voûtes. Elle respecte et fait honneur aux siècles
passés en jouant avec les éléments formulaires de
base et privilégie la création avec un art de la courbe
mélodique de la phrase et du déploiement progressif des
"effets" que l'on ne retrouvera plus pendant longtemps.
Si ce manuscrit ne fait guère état de compositions
polyphoniques, malgré l'influence de l'École de
Saint-Martial-de-Limoges dans les proses, c'est que l'auteur semble
être allé jusqu'au bout de ce que peut être une
monodie non métrique, c'est-à-dire sans pulsations
régulières qui vont "fractionner" le temps en le
comptant, et ceci, sans pour autant aplatir le chant "sans heurt" que
l'on appellera "plane": ce chant transcrit encore un temps
linéaire, un temps mystique. Par ailleurs Pierre le
Vénérable montre ici encore sa connaissance de cultures
différentes - notamment grecque - comme l'indiquent ces "Kyrie
Eleison" (cf. plage n°6).
La fiabilité que l'on peut avoir en interprétant cette
musique à notre époque vient de la graphie du manuscrit;
les neumes sont sur une portée à quatre lignes, ce qui en
précise le contenu, et les clés (fa, ut, ...) indiquent
des choix de tessiture.
Les chants à la Vierge du manuscrit BNF Lat 17716 sont
différents de ceux de la Transfiguration (cf. le disque "Cluny
la Transfiguration" ED 13091) par l'usage de tessitures moins
extrêmes, une musique plus intériorisée, comme pour
mieux accompagner un choix de textes qui exalte avant tout la
"mère de miséricorde". Le lyrisme de ces chants semble
plus recueilli. Les mélismes soutiennent les métaphores
virginales; "Jardin à l'herbe fleurie" (1), "Rose
resplendissante" (4), "rose parfumée" (15), "Vierge de
miséricorde" (2-4-11-13-15), "qu'elles sont douces les mamelles
dont les gouttes éteignent les flammes terrible de l'enfer"
(3-16)
Seul le n° 12 présente un éclairage vraiment brillant
"un enfant dont la lumière dépasse le soleil".
Cette partie du manuscrit a bénéficié des travaux
publiés dans "Marie, le culte de la Vierge dans la
société médiévale" études
réunies par Dominique Iogna-Prat, Eric Palazzo et Daniel Russo
(Centre d'Études Médiévales d'Auxerre /
Éditions Beauchesne / Paris 1996).
Anne-Marie Deschamps
1 - CANDIDA VIRGINITAS (fol. 23)
Répons de procession à la Vierge.
Ce répons montre un parfait équilibre entre vocalises
émouvantes et paroles soutenues.
2 - PRECONIA VIRGINIS (fol. 23)
Pour l'Assomption et le samedi après la Pentecôte. Le
caractère apparemment naïf de cette courte prose ne doit
pas cacher la prosodie parfaite et une utilisation exemplaire du mode
de ré.
3 - GABRIELI, CELESTI NUNTIO (fol. 2)
La composition de cette prose suit le texte au plus près en
respectant les accents du texte souvent affirmés par de brefs
mélismes. Le goût des mélismes descendants qui
apportent de la douceur au chant ('mater', 'o', ...), courant au XIIe
siècle, est ici plein d'élégance.
4 - ROSA FLAG RANS (fol. 24)
Répons non identifié. Marie "temple de grâce" est
chantée sur de longues vocalises dans un registre médium
dont la virtuosité est cachée par la douceur.
5 - ORBIS TOTUS (fol. 3)
La musique illustre tout entière la "voix pleine
d'allégresse du monde entier vers Marie".
6 - KYRIE / 1 (fol. 5)
Ce 'Kyrie', par l'emploi du mot "ymas" en écho à la
culture grecque, illustre l'intérêt de Pierre le
Vénérable pour les cultures différentes.
7 - KYRIE / 2 (fol. 5/6)
Plus sage que le précédent, par un mode de ré
très classique, ce 'Kyrie' n'en parcourt pas moins un bel
ambitus vocal.
8 - BENEDICTA SIT BEATA MARIA (fol. 6)
Très proche de la prose pour la Trinité de
Saint-Martial-de-Limoges, l'allure et l'invention constante de cette
prose semble inspirée par l'espoir de la rencontre du
chœur céleste et du chœur terrestre.
9 - AGNUS DEI / qui sedes (fol. 22)
Cet 'Agnus' fait partie de l'Office de la Transfiguration; le principe
du trope (trouvaille), on dirait aujourd'hui création à
partir d'un thème ancien, est ici clairement exposé.
10 - AGNUS DEI / omnipotens eterna (fol. 22)
Sur cet 'Agnus' très traditionnel, il semble que le tropeur
à la Vierge ait laissé une large place aux
mélismes jubilatoires et méditatifs de plus en plus
développés jusqu'à la fin.
11 - MATER MISERICORDIE (fol. 23)
Répons non encore identifié pour un office de la Vierge.
La longue vocalise sur le mot "exora" (implore) et sur "mater
misericordie" rendent vivants la qualité mariale d'intercession.
Unidentified respond from the Office of the Virgin. The long
vocalisation on the word "exora" (implore) and on "mater misericordie"
highlights the Marian nature of the intercession.
12 - SICUT SOL (fol. 24)
Répons non identifié d'un office de la Vierge.
Cette pièce montre une fois de plus la correspondance
lumière-registre aigu, bien ancrée dans la culture vocale
du XIIe siècle.
13 - SALVE PORTA DEI (fol. 23)
Répons de Tierce pour un office de la Vierge.
14 - TEMPLUM PUDICICIE (fol. 24)
Prose inspirée de l'Office de la Vierge de
Saint-Martial-de-Limoges. L'écriture musicale permet une
économie de place dans le manuscrit: les voix se croisant et
étant identiques une fois sur deux, il suffit de noter une seule
fois la musique.
15 - AVE VIRGO SINGULARIS (fol. 24)
Ce répons à la Vierge d'usage liturgique non
identifié commence et finit par un beau mélisme, dans un
contexte très syllabique qui met en valeur les mots 'Virgo',
'vena', 'venie'.
16- AGNUS DEI / cujus ad imperium (fol. 22)
De par l'abondance de la partie tropée extrêmement
expressive dans sa virtuosité, le thème ancien prend un
sens émouvant.
Por alguna razón, la música vinculada a Cluny está
siempre rodeada de un cierto halo de misterio. Actualmente existen
grupos de investigadores dedicados a la búsqueda de
métodos para aliviar el sufrimiento del paciente en su lecho de
muerte a través de combinaciones de sonidos capaces de inducir
sentimientos de alivio y relajación profunda como paliativo a su
padecimiento tanto físico como emocional; pues bien, algunos de
estos especialistas han iniciado su estudio en manuscritos del siglo
XII procedentes de esta abadía borgoñona.
Cluny ejerció una poderosa influencia no solo sobre las cerca de
dos mil abadías nacidas de ella, sino sobre toda la cristiandad.
El ocaso de esta hegemonía política y cultural
comenzó en el siglo XII, con la aparición del
Císter, con Bernardo de Claraval como abanderado. Los
cistercienses profesaban la Regla de San Benito pero, escandalizados
por la relajación de las costumbres del clero, la
acumulación de riquezas y el excesivo lujo en la mesa y en el
culto, reclamaban indignados el retorno a la pureza, la austeridad y el
cumplimiento del espíritu original de la Regla en su integridad.
Se entabló una lucha sin cuartel entre monjes cistercienses y
cluniacenses; solo el octavo abad de Cluny, Pedro el Venerable,
consiguió paralizar temporalmente este declive irremediable.
Gracias a su singular talento diplomático distendió las
relaciones con los cistercienses, convirtiendo a Bernardo en uno de sus
mejores amigos a pesar de sus irreconciliables diferencias
ideológicas, y merced a sus intereses humanísticos supo
conducir a la abadía a su momento de máximo esplendor.
Pedro había nacido en el seno de una familia condal de Auvernia
y, si hemos de creer a los lisonjeros poetas de su tiempo,
poseía cualidades excepcionales: porte aristocrático,
dulce mirada, gracioso ademán, voz persuasiva, virtud atrayente,
palabra elegante y cultura universal. Músico, astrólogo,
geómetra, orador, dialéctico, ningún conocimiento
le era extraño, y la tolerancia era su divisa. Fue él
quien ofreció asilo en su abadía al también famoso
músico Pedro Abelardo, acusado de diversas herejías tras
el escándalo de su relación con Eloísa.
Defendió a los judíos contra las falsas acusaciones de
las que eran objeto, y creía en la posibilidad de un
acercamiento entre las culturas católica e islámica. Tras
su visita a España formó en su abadía una especie
de grupo de trabajo orientalista con colaboradores de la talla de
Roberto de Chester o de Ketton (sí, el mismo que introdujo la
trigonometría y la astronomía islámicas en
Inglaterra), Hermann de Carintia y otros doctos españoles y
francos, impulsando así la primera traducción del texto
de Corán al latín ¡en el tiempo récord de un
año! (una titánica tarea que incluso hoy resulta
admirable), albergando posiblemente la secreta esperanza de que si las
dos culturas consiguieran entenderse, las «guerras santas»
carecerían de sentido. Murió un día de Navidad,
viendo así cumplido un deseo que siempre había expresado
en sus oraciones. Entre sus muchas dotes se encontraba también
la de compositor. Sus obras (en especial un Kyrie que oiremos en este
disco) demuestran un singular conocimiento de otras músicas, en
especial la griega, aunque también hace uso profusamente de las
prácticas típicas de su época, como el uso de
metáforas sonoras (por ejemplo, en Sicut sol se asocian los
registros agudos con los términos relacionados con las ideas de
«luz» o «brillo»).
Este disco es una especie de segunda parte de otro anteriormente
publicado por L’Empreinte Digitale, que incluía el Oficio
de la Transfiguración de este mismo autor (ED 13091). En comparación con
el anterior, estos cantos procedentes del mismo manuscrito, pero
dedicados en esta ocasión a la Virgen, ofrecen texturas
más diáfanas y delicadas, menos extremadas. Lo que
escucharemos aquí, sin embargo, es canto llano, desnudo de
pretensiones polifónicas, en donde el énfasis se aplica a
través de la vocalización y el canto melismático;
podemos así sentir durante la audición la absoluta
libertad de la línea melódica, al servicio exclusivo de
la expresividad. Cada solista debe, durante la interpretación,
aunarse al resto del grupo, formar un todo, y en una especie de
comunión mística con el conjunto, expresar el sentido de
los textos sólo mediante el color de su voz y la
inspiración del momento particular. Esta es la gloriosa
impresión que los ejecutantes consiguen transmitir en este
particular y conmovedor registro. Resaltaremos aquí un hecho que
el común de los aficionados a la música antigua ya
conoce. El Ensemble Venance Fortunat siempre ha mostrado su
interés por la importancia del gesto durante la
interpretación y la preocupación por la adaptación
del sonido al entorno que sirve de escenario; una inquietud tal que
Anne-Marie Deschamps colabora asiduamente con expertos en
acústica para adaptar sus ejecuciones a la resonancia producida
por los diferentes tipos de piedra presentes en los entornos
arquitectónicos donde realizan su interpretaciones y
grabaciones. El presente registro fue realizado en la Abadía de
Valloires, y en él podremos percibir la belleza de sus ecos y
resonancias.
Belén Gallego
http://www.diverdi.com/files/boletin/15/2/111.pdf