Alleluia
Venance Fortunat

ALLELUIA est un cri de joie et de victoire.

L'empreinte digitale et l'ensemble Venance Fortunat fêtent leur quinzième collaboration avec un disque éclatant, lumineux, envoûtant. Essentiel: Alleluia, une anthologie enrichie d'enregistrements inédits.

Le disque comporte nombre de pièces déjà éditées au sein d'autres corpus et nouvelles pièces, toutes recueillies par rapport à cette thématique de l'exultation et de la vigueur.

Des chants grégoriens, des monodies, plain-chants et antiennes à la polyphonie, aux jeux liturgiques (naissance de l'opéra), dans le ferveur et la joie, l'ensemble Venance Fortunat nous invitate à explorer les trésors de la musique sacrée occidentale.










medieval.org

L'empreinte digitale ED 13150
compilación 2002



01 - Kyrie 'Eterne rex altissime, fons totius bonitatis'  ·  Manuscrit d'Apt   [5:40]   ED13060
02 - Alleluia! Vocavit Jesus  ·  Codex Callixtinus fol. 189 v° / mono: 119 r°   [4:01]   ED13023
03 - Alleluia! Dies sanctificatus, de la messe de Noël  ·  1er mode plagal, ton 2   [3:55]   ED13036
04 - Alleluia! Angelus Domini  ·  Organum pour l'octave de Pâques. Ms de Florence   [5:57]   ED13006
05 - Kyrie  ·  Manuscrit d'Apt   [6:14]   ED13123
06 - O ignis spiritus paracliti  ·  Hildegard von BINGEN   [6:43]   ED13133
07 - Vidi aquam  ·  Manuscrit d'Apt   [1:23]   INÉDIT
08 - Alleluia! In exitu Israel  ·  Manuscrit d'Apt   [2:34]   INÉDIT
09 - Alleluia! Dulcis spina  ·  Antiphonaire cistercien du XIIe s.   [2:08]   ED13006
10 - Alleluia! Dies sanctificatus  ·  Organum, extrait d'un alleluia chartrain attribué à Sigon   [2:00]   ED13006
11 - O qui fontem gratie  ·  Manuscrit d'Apt   [6:38]   INÉDIT
12 - Tibi laus  ·  Manuscrit d'Apt   [3:22]   INÉDIT
13 - Te Deum  ·  Version à deux voix de Gilles BINCHOIS   [6:15]   Les Trois Marie
14 - Alleluia! Angelus Domini  ·  Organum à deux parties, ms chartrains   [1:36]   ED13006
15 - Alleluia! Justus ut palma  ·  Monodie grégorienne, ton 1 et sequella d'un manuscrit aquitain   [4:06]   ED13013
16 - Alleluia! Inter natos  ·  Organum de l'École Notre Dame de Paris, ms. de Florence  (L'eau & le Baptême)   ED13060


Studio SM 12 17.46 Les Trois Marie 1989

ED13006 Chants des voûtes cisterciennes 1990
ED13013 Les Miracles de saint Nicolas 1991
ED13023 Le grand livre de saint-Jacques de Compostelle 1993
ED13036 Fulbert de Chartres 1994 (1989)
ED13060 L'eau & le Baptême 1996
ED13123 Altera Roma 2000
ED13133 Chants de l'amour divin 2001



soprani: Dominique Thibaudat (DT) Françoise Lévy (FL) Catherine Heugel-Petit (CHP)
alti: Anna-Maria Garriga (AMG) Catherine Ravenne (CR) Laura Gordiani (LG) Elisabeth Lagneau (EL)
haute-contre: Eric de Fontenay (EF)
ténors: Adrian Brand (AB) Michael Loughlin-Smith (MLS) Alain Brumeau (ABR)
barytons: Bruno Renhold (BR) Gabriel Lacascade (GL) Patrice Balter (PB)
basses: Philippe Desandré (PhD) Paul Medioni (PM) Antoine Sicot (AS)


Enregistrements et montage: Maurice Salaün,
sauf 13, Michel Blanvillain;
4, 9, 10, 14, 15: Arnaud Girard
Notice: Philippe Leroux / Anne-Marie Deschamps
Direction de production: Catherine Peillon









ALLELUIA
anthologie Venance Fortunat, Anne-Marie Deschamps


Alleluia! (Loué soit Yah-L'éternel)

Si pour Aurélien de Réomé (musicologue du Xle siècle), le chant sacré est «un absolu de prière» (1), alleluia est l'absolu de la jubilation. C'est le mot que l'homme partage avec les anges, ponctuation de bonheur dans les psaumes, annonce de Noël à l'orée de la chrétienté, ouverture du ciel dans l'Apocalypse. Alleluia chanté «comme un bruit de tonnerre» par une foule nombreuse, ou improvisé par un chantre créatif, par Sigon à Chartres ou Hildegard à Bingen. Il a donné à la musique la forme parfaite ABA, des milliers de fois suivie, étirée, prolongée de séquences musicales ou de trouvailles textuelles, avec mise en valeur, toujours, de la syllabe «magique» qui donne à la voix sa plénitude: alle-lu-ia.

(1) cité par Olivier Cullin dans Brève histoire de la musique au Moyen-Age ed. Fayard, Les chemins de la musique.

Anne-Marie Deschamps



Alleluia!
Acclamation liturgique dont la plupart des traducteurs respecte la forme hébraïque. Sa traduction serait «Louez Yah [vé]!». On la découvre dans le cantique final du livre de Tobie (1) dont elle amorce la dernière louange au Dieu d'Israël. Mais on la trouve surtout au début ou à la fin d'une vingtaine de psaumes (2).
La liturgie chrétienne, à l'instar de celle du Temple et de la Jérusalem céleste, retient l'Alleluia comme formule d'introduction ou de conclusion de nombreux versets, antiennes et répons. Avant que l'usage de la cloche ne fût répandu, l'Alleluia appelait les moines à la prière comme le faisaient depuis longtemps les fidèles du Dieu d'Israël.

(1) Tb 13, 17, 18.22 ou 23 selon les versions

(2) 106, 107, 111, 112, 113, 114, 116, 117, 118.13, 146, 147, 148, 149, 150 du texte hébreu, soit 104, 105, 106, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 134, 135, 145, 146, 147, 148 et 150 de la Septante et de la Vulgate.
Dictionnaire de la Bible, André-Marie Gérard ed. Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1989.



Au sujet de Venance Fortunat et du travail d'Anne-Marie Deschamps, le point de vue de Philippe Leroux*

Le point de vue lorsque j'ai rencontré Anne-Marie Deschamps et l'ensemble Venance Fortunat, je ne savais du grégorien que ce que j'avais pu en percevoir à travers les interprétations alors en usage. Ce magnifique travail paléographique qu'est le graduel et l'antiphonaire de l'abbaye de Solesmes gardait pour moi tout son mystère puisque je lisais cette musique avec mon pauvre savoir solfégique. De même, ma connaissance des organum se limitait aux diaphonies et à quelques grands organum mélismatiques que je me chantais en valeur quasi égales. Les informations complémentaires que m'a données Anne-Marie sur ce répertoire furent pour moi une révélation.

J'ai découvert tout d'abord que ces musiques étaient pratiquées à leur époque par des chantres n'ayant certainement pas à l'esprit cette religiosité un peu larmoyante avec laquelle on chante en général ce répertoire. On imagine aisément dans cette période où Résurrection et Passion étaient bien équilibrées, que ces femmes et ces hommes, parfois un peu rustres, après de longues périodes de jeûnes, ne chantaient pas les Alleluia avec componction et sentimentalisme.
L'autre aspect très important pour moi a été de vérifier au travers de ce répertoire que la musique n'est pas affaire de double-décimètre. Les neumes, et plus tard les formules mélodiques qui en découleront, sont à aborder davantage comme des figures temporelles où le critère principal est leur configuration morphologique plutôt que comme une suite discrète de notes et de valeurs de durée mises bout à bout. De cette constatation découle dans l'interprétation une souplesse de la ligne et une lecture non arithmétique des rythmes de cette musique. Ceci est d'ailleurs valable pour toute la musique polyphonique qui suit car les musiciens de l'époque avaient reçu une formation d'interprétation non métrique de ces musiques. Durant
cette période, c'est d'abord le texte qui imprime toute la subtilité de son rythme à la musique. Si dans la suite de l'histoire de la musique, le texte disparaît, il en résulte quand même que deux croches ne feront jamais tout à fait une noire comme nous l'ont montré plus récemment les découvertes sur la perception musicale.
J'ai compris aussi cette technique extraordinaire de composition qu'est le formulisme. Des agencements renouvelés de petites formules mélodico-rythmiques permettent de faire du neuf avec de l'ancien, ainsi que de s'inscrire dans une tradition sans tomber dans l'habitude. Car si cette dernière fige toute attitude vitale dans ce qu'elle a pu être à un moment donné, sans tenir compte de l'évolution des êtres, des sociétés, des conduites d'écoute..., la première renouvelle le discours musical tout en étant solidement enracinée dans les expériences heureuses de nos prédécesseurs.

20 juin 2002
* Philippe Leroux est compositeur








1 - KYRIE "Eterne rex altissime, fons totius bonitatis"
DT - FL - AB - GL - PhD - AS
Manuscrit d'Apt, XIVe s. - transcription Amédée Gastoué
Kyrie tropé à quatre parties de Fronciaco sur le Kyrie cum jubilo pour les fêtes de la Vierge. C'est une composition exemplaire où les quatre voix suivent des flux parallèles chacune à son rythme.
Tandis que la teneur "Kyrie" est à la base, la voix du ténor soliste peut se déployer.
Il semble que le XIVe s. commence vraiment à traiter cette tessiture de façon "moderne".

2 - ALLELUIA! VOCAVIT IHESUS
AB - BR - GL - PhD - PM - AS
Codex Callixtinus fol. 189 v° / mono: 119 r°
Organum fleuri attribué è "Gosselin, évêque des Soissonnais" . La monodie semble avoir été tirée de la polyphonie, cas exceptionnel; elle a été placée avec deux autres alleluia au choix dans la messe attribuée au pape Calixte. Sont attribuées à Gosselin (voir n° 3) les pièces composées en polyphonie particulièrement jubilatoires. Il s'agit ici véritablement de virtuosité.

3 - ALLELUIA! DIES SANCTIFICATUS de la messe de Noël
1er mode plagal (ton 2) monodie grégorienne (neumes de Laon).
Organum note-contre-note (contrepoint) du manuscrit 130 de Chartres, XIe siècle. Proposition de transcription d'après les neumes a campo aperto (sans ligne) d'A.-M. Deschamps.
DT-FL

4 - ALLELUIA! ANGELUS DOMINI (Florence)
DT - FL - CHP - ET - GL - AS - PhD
Mode de sol / transcription: Anne-Marie Deschamps.
Organum à deux parties pour l'octave de Pàques. Manuscrit de Florence (Italie - XIIIe siècle). Ce manuscrit, écrit à l'école de Notre-Dame de Paris sous le régne de Philippe Le Bel dans une écriture non mesurée, a été acheté au XVe siècle par le père de Laurent de Médicis, Piero il gottoso. C'est le manuscrit le plus complet de l'Ecole polyphonique de Notre-Dame: près de huit cent pièces dont celle-ci est une des plus développées.

5 - KYRIE
DT - FL - AG - LG - EL
Apt, Trésor de la Basilique Sainte-Anne, ms.16bis, f° 3v.

6 - O IGNIS SPIRITUS PARACLITI
DT - FL AG - LG - EL
Composition de Hildegard von Bingen pour les fêtes de la Pentecôte - XIIe siècle. Ed. Otto Müller / Salzburg - Traduction: Laurence Moulinier, Ed. La Différence.

7 - VIDI AQUAM
AS
Antienne pour l'aspersion de l'église (Ez 47/1 & 9).

8 - ALLELUIA! IN EXITU ISRAEL
DT - EL
Ps. 114 (E/S neumes d'Eseinheim, XIe siècle).

9 - ALLELUIA! DULCIS SPINA
DT - FL - CHP - ET - GL - AS - PhD
Mode de sol / transcription: Anne-Marie Deschamps.
Pour la fête de l'Exaltation de la Sainte-Couronne d'Epines. Antiphonaire cistercien du XIIe siècle (Paris, BN ).

10 - ALLELUIA! DIES SANCTIFICATUS
DT - FL - CHP - ET - GL - AS - PhD
Mode de ré /transcription : Anne-Marie Deschamps
De la messe du Jour de Noël. Organum, extrait d'un alleluia chartrain attribué à Sigon (Bernard a prêché à Chartres la croisade en 1148). Manuscrit de Chartres (France, XIe siècle)

11 - O QUI FONTEM GRATIE
GL - AB - DT - FL - PhD - AS
Transcription Anne-Marie Deschamps, d'après le manuscrit Plut. 29, Florence.
Grand conduit à deux voix qui se trouve dans les témoins de l’École Notre-Dame de Paris à Florence, Madrid et Wolfenbüttel, XIIIe - XIVe siècle. Forme à refrain assez rare dans les conduits; celui-ci a pu accompagner une grande procession. Écriture en déchant, strict sur le texte, plus souple sur les vocalises. La musique s'appuie, semble-t-il, plus sur les allitérations et les rimes que sur le nombre de pieds des vers irréguliers.

12 - TIBI LAUS
DT - FL - AB - GL - PhD - AS
Manuscrit originaire de l'abbaye de Saint Maur-des-Fossés / transcription: Michel
Huglo.
Hymne de saint Venance Fortunat pour le rituel des baptêmes, VIe' siècle. On est frappé par l'énergie de l'accentuation latine.

13 - TE DEUM
DT - FL - CR - GL - ABR - ET - AS
Version à deux voix de Gilles Binchois (†1460)
Mode de mi / transcription A.-M. Deschamps.

14 - ALLELUIA! ANGELUS DOMINI (Chartres)
DT - FL - CHP - ET - GL - AS - PhD
Mode de sol / transcription : A.-M. Deschamps.
Manuscrits chartrains (France, Xe & XIe siècles). Polyphonie: manuscrits de Chartres (France XIe siècle).
Organum à deux parties en déchant, pour le temps pascal, un des tout premiers exemples de polyphonie savante. Il est attribué è Sigon, chantre, disciple de Fulbert de Chartres.

15 - ALLELUIA! JUSTUS UT PALMA
DT - FL - CR - ET - GL -AS
Alleluia de la messe pour la fête de saint Nicolas. Monodie grégorienne (ton 1 - Editions Solesmes) suivie d'une sequella d'un manuscrit aquitain.

16 - ALLELUIA! INTER NATOS
DT - FL - AB - GL - PhD - AS
Organum de l'École Notre-Dame de Paris / Manuscrit de Florence, XIIIe siècle.
La superbe vocalise finale sur le mot "lohanne” redonne une nouvelle jeunesse à l'antique teneur qui quitte sa fonction de pilier d'accompagnement pour "déborder" sur le chant du soliste.