Laudario di Cortona · Ars Nova Italiana / August Wenzinger


IMAGE

medieval.org
Accord 200762
Enregistrement realise à Lugano en avril 1990 par Pierre Dumont








01 - I. LAUDA. Venite a laudare  [2:47]
baryton, chœur
02 - Ave maris stella  [1:49]
orgue

03 - II. ANNUNCIAZIONE. Dal ciel venne  [3:42]
basse, chœur
04 - Verbum caro  [1:01]
luth, vielle

05 - III. NATIVITÀ. Christo è nato  [4:13]
ténor, chœur
06 - Johannes de FLORENTIA. Quando la stella  [2:20]
flûte, vielle

07 - IV. ADORAZIONE DEI MAGI. Stella nuova  [3:29]
ténor, chœur
08 - Jacobo da BOLOGNA. Nel mio parlar  [3:28]
flûte, vielle, orgue, luth

09 - V. PASSIONE (BACIO DI JUDA). Plangiamo quel crudel  [3:50]
ténor, chœur
10 - Johannes de FLORENTIA. Con brachi assai  [2:20]
flûte, luth, vielle

11 - VI. CROCIFISSIONE. Ben è crudele  [4:51]
basse, chœur
12 - Jacobo da BOLOGNA. Prima virtute  [3:00]
luth, vielle

13 - VII. LAUDA. Onne homo ad alta voce  [3:10]
ténor, chœur
14 - Paulus de FLORENTIA. Benedicamus  [1:57]
vielle, luth, orgue

15 - VIII. RESURREZIONE - ASCENSIONE. Laudamo la resurrectione  [3:16]
ténor, chœur
16 - Johannes de FLORENTIA. O tu cara scienza  [4:31]
flûte, vielle

17 - IX. PENTECOSTE. Spirito sancto glorioso  [3:04]
baryton, chœur
18 - Jacobo da BOLOGNA. In verde prato  [2:54]
flûte, orgue, luth, vielle

19 - X. LAUDA. Amor dolce sença pare  (ténor, chœur)   [2:18]


Carlo Gaifa, ténor
Orazio Mori, baryton
James Loomis, basse

I cantori di Santomio, Vicenza (direction Pierluigi Righele)

Christo: Silvio Pigatto
Maria: Natalino De Tomasi
Angelo: Valter Voltolini
I tre Magi: Natalino De Tomasi, Silvio Pigatto, Nicola Sella

Conrad Steinmann, flûte à bec
Yasunori Imamura, luth
August Wenzinger, vielle
Hannelore Mueller, orgue

Direction: August Wenzinger



IMAGE







LES LAUDES ET L'ARS NOVA EN ITALIE

Les XIIIe et XIVe siècles représentent pour les villes-états italiennes une importante période de développement économique et culturel.

Cet essor, favorisé par les Croisades vers Byzance, Jérusalem et l'Orient (1096-1270), a renforcé la puissance et la richesse de cités portuaires comme Venise et Gênes, mais aussi de Florence, Milan et Rome, centre de la «Res publica christiana», et de nombreuses villes de moindre importance. C'est à cette période que remonte la fondation des premières universités: Bologne (1119), Padoue (1222), Naples (1224) et Rome (1244).

Les poètes n'utilisent plus le latin mais la langue populaire: ils ont pour noms Jacopone da Todi (vers 1230-1306), Dante (1265-1321), Pétrarque (1304-1374) ou encore Boccace (1313-1375) et sont contemporains des premiers maîtres de la peinture comme Giovanni Cimabue (1240-1302) et Giotto (vers 1266-1337).

Parallèlement, on observe des rivalités entre les différentes villes qui se disputent des zones d'influence, entre le pouvoir religieux et le pouvoir temporel, entre un clergé sécularisé et des réformateurs orthodoxes, voire hérétiques (Vaudois, Albigeois et Cathares).

Dans ce monde de dissensions et de confusion, François d'Assise (1182-1226), prédicateur itinérant originaire d'Ombrie, apporte le message d'une religiosité simple et naturelle et ouvre la voie, avec son «cantico delle Creature o Cantico del Sole», à une littérature religieuse abondante et de qualité: les laudes. Le premier grand poète à s'y être révélé est Jacopone da Todi, évoqué plus haut. Des confréries ne tardent pas à se constituer. Ce sont les «Laudesi», qui entonnent ces chants à l'occasion d'offices non liturgiques.

Les poètes et les compositeurs sont le plus souvent anonymes. La forme musicale est empruntée à la «ballata» profane. Le refrain («ripresa») est chanté par tout le chœur tandis que les couplets sont confiés au seul chef de chœur. Il arrive que le texte soit écrit sous forme dialoguée et réparti entre plusieurs intervenants.

Le «Laudario di Cortona» est le plus ancien recueil de laudes qui nous soit parvenu et l'on situe son origine entre 1260 et 1297. Il constitue une source particulièrement importante et instructive sur les débuts de la «melodia italiana» issue de la tradition du chant grégorien et du chant populaire. Ce manuscrit comprend 46 laudes. Nous en avons retenu 10 pour notre disque, qui suivent le cours de l'année ecclésiastique. On reste étonné devant la richesse mélodique de l'expression qui allie économie et diversité: alors que la mélodie d'une laude de facture intime comme «Da ciel venne l'angelo» se limite à l'intervalle de sixte et à une quadruple reprise de la ligne du couplet à la manière d'une litanie, la laude extatique «Amor dolce» étend son registre au-delà de la dixième. On remarquera également la composition formelle des vers, depuis les répétitions que nous venons de mentionner jusqu'à la forme en 3 parties AAB et ABA, ou bien encore l'opposition entre un refrain entonné dans lq grave et un couplet placé très haut.

Une première vague de laudes se propagea dans le pays en l'an 1233 que l'on fêta sous le nom «d'Année Alléluia». Les croisades des flagellants qui, parties de Pérouse vers 1260, traversèrent non seulement l'Italie, mais aussi l'Europe du Nord, donnèrent de l'ampleur au phénomène. Les principaux temps forts de cette évolution furent «l'Année Sainte de 1300», les Années de Famine (1315-1317) et les Années de la Grande Peste (1348-1349).

Ce chant typiquement italien eut une influence décisive sur le développement du style des premières décennies du XIVe siècle. L'élan donné depuis Paris par l'école «Ars Nova», vouée à la musique profane et instrumentale, trouva son plein épanouissement à Florence et dans les villes du Nord de l'Italie sous la forme d'un langage mélodique très élaboré. Il est fort probable que les madrigaux et les «cacce» d'un Jean de Florentia et d'un Jacobo da Bologna appartenaient au répertoire de la haute société, celle que nous dépeint le Décaméron de Boccace (1348) et qui trouva refuge et divertissement loin de la ville alors que la peste ravageait Florence.

Les documents de l'époque nous apprennent que ces pièces, composées à l'origine pour des voix de virtuoses, étaient souvent confiées à des instruments auxquels elles conviennent à merveille avec leurs longues parties sans texte.

On aimait à combiner des instruments aux sonorités les plus diverses (pour les cordes, là vielle; pour les vents, la flûte; pour les cordes pincées, le luth) auxquels se joignait l'orgue positif. Nous n'avons que peu d'informations sur les compositeurs de cette époque. Ils semblent avoir été des maîtres estimés, accomplissant des séjours de durée variable à la Cour et dans les résidences des princes et des puissants, avant de reprendre leurs pérégrinations. Il leur arrivait de côtoyer des troupes de musiciens ambulants.

Les laudes et l'Ars Nova constituent un important et précieux volet de la culture musicale italienne au crépuscule de la période gothique.

August Wenzinger



IMAGE