La musique instrumentale populaire occupe une place importante au sein
de la culture nationale russe. Les instruments populaires ainsi que
leur pratique ont accompagné l'homme russe toute sa vie. En
témoignent les œuvres littéraires de la Russie
kiévienne des 9e-13e siècles et celles qui lui sont tout
antérieures.
La musique instrumentale était associée à toutes
les fêtes populaires du calendrier:
- le carnaval (fin de l'hiver),
- la fête de Saint Jean-Baptiste (fête païenne du
solstice d'été),
- la fête des morts (printemps), et bien d'autres.
La musique était l'accompagnement indispensable des rites
nuptiaux, des festins royaux et des solennités des
communautés villageoises et citadines. Dans l'ancienne Russie,
instruments à vent et à percussion étaient
utilisés aussi dans les rangs des troupes militaires.
A la fin du premier millénaire de notre ère, la culture
russe comprenait déjà une grande diversité
d'instruments dont des instruments à vent, cordes et à
percussions. A cette même époque, les musiciens tendent
à former une catégorie professionnelle à part
entière: les trouvères. Ce fut même un
phénomène de masse.
Interprètes du folklore populaire, acteurs, chanteurs et
danseurs, ils étaient les détenteurs de l'art populaire
qui s'inspiraient, à cette époque lointaine, des rites et
traditions païens. C'est pourquoi, pendant de longs
siècles, ils subirent les foudres de l'église orthodoxe
russe: trouvères persécutés, instruments
détruits; malgré tout, les documents historiques ne
manquent pas. De plus, aux 16e-17e siècles, l’État
se joignit à l’Église dans sa lutte contre les
trouvères comme en atteste le fameux oukase édicté
par le Tsar, Alexis MIKHAILOVITCH en 1648: "Du redressement des
mœurs et de l'anéantissement des superstitions", dans
lequel ordre fut donné à la population de ne pas inviter
les trouvères et de confisquer, puis brûler leurs
instruments de musique quand on en découvrirait. Ceux qui
continuaient à en jouer devaient être punis de coups de
bâtons. Il va de soi que ces persécutions
laissèrent des traces. Les trouvères en tant que
catégories professionnelles d'artistes populaires les plus
brillants et les plus talentueux, la musique instrumentale populaire
subit une éclipse.
C'est seulement dans la seconde moitié du 19e siècle,
avec l'intérêt grandissant du public pour l'art populaire
et l'histoire russe, que la musique instrumentale populaire
connaît un regain d'audience. C'est ainsi qu'en 1883 pendant
presque deux mois, l'ensemble des bergers cornistes de Vladimir se
produisit à St-Pétersbourg sous la direction de N.V.
Koudratiev. Compositeurs, musiciens, spécialistes du folklore
furent stupéfiés par une manifestation d'art populaire
aussi extraordinaire. Ces concerts, au dire d'un témoin,
connurent "un succès exceptionnel": "La foule de
Saint-Pétersbourg restait immobile, comme fascinée. Ils
jouent d'une façon si expressive qu'il semble parfois qu'ils
prononcent des paroles."
Dictionnaire des instruments
LE COR
Les instruments de musique les plus répandus parmi les bergers
étaient les petits cors, ce qui explique le niveau
élevé du jeu sur ces petits cors de Vladimir. Les
nécessités de la profession obligèrent les bergers
des régions forestières de la Russie à communiquer
au moyen d'un système de signaux sonores. Bientôt le petit
cor ne fut plus employé dans ce seul but mais devint un
instrument de musique. Les bergers cornistes créèrent des
cors de différentes dimensions. Les cors au son perçant,
d'un registre élevé, et les cors basses. Les
manifestations les plus anciennes de la musique pour cor sont les
différentes mélodies d'appel, créés par
chaque berger à partir des particularités de
l'échelle des sons de son cor et de sa propre
interprétation. En fait, chaque berger composait sa
mélodie pour son propre instrument. Sur le présent disque
figure l'enregistrement de l'appel de deux cornistes qui
interprètent l'une des mélodies les plus répandues
"kirilla". Au 14e-16e siècles, en Russie, l'art du chant
polyphonique prend naissance et se développe. C'est à peu
près à la même époque qu'apparaissent des
compositions polyphoniques pour cors. Le timbre du cor de Vladimir
rappelle de façon frappante le son de la voix humaine et
l'existence d'instruments possédants divers diapasons et
registres a permis de transporter les traditions du chant populaire
polyphonique aux ensembles des cornistes de Vladimir. Il faut remarquer
que les bergers cornistes eux-mêmes appelaient leur formation
"chœur". En 1884 un chœur de cornistes dirigé par N.
KONDRATIEV représenta l'art populaire russe à
l'exposition universelle de Paris. Le trio des cornistes de Vladimir
interprète sur le présent enregistrement la danse
populaire russe: "Dans les prairies" dont il illustre bien le
caractère choral.
LA JALEIKA
L'instrument proche du cor de par sa fonction musicale est la jaleika,
flûte en bois, elle aussi instrument pastoral, utilisée
comme instrument solo pour l'interprétation de mélodies
et l'accompagnement des chants. Parfois la jaleika fait partie
des ensembles populaires instrumentaux. La jaleika est faite
d'un tube de bois assez court qui comprend une anche de roseau ou de
plume d'oie et se termine par un pavillon en corne de vache.
LA SVIRIEL
L'un des instruments russes les plus anciens est la sviriel,
flûte droite à sifflet faite de bois d'érable, de
merisier ou de saule. Cet instrument est peu à peu tombé
en désuétude. En même temps, les dernières
décennies ont vu apparaître toute une série de
musiciens professionnels qui manient la sviriel avec
virtuosité. Vous en trouverez un exemple sur ce disque.
LA CITHARE
Parmi les instruments à cordes du folklore populaire russe une
place toute particulière revient aux cithares. Lors des fouilles
archéologiques du Vieux Novgorod on a trouvé des cithares
datées du 11e siècle. Il faut noter que l'on
découvrit ces cithares dans des maisons ayant appartenu
à ces citadins d'origines diverses, ce qui souligne la
popularité universelle de l'instrument. En témoignent
également les nombreuses œuvres de la littérature
orale populaire: bylines (sorte de chanson de geste, ex.: le
Dit du Prince Igor), contes, proverbes et adages. L'imagination
populaire a doté les plus aimés des héros russes
de chansons épiques du don de jouer de la cithare. Il
existe plusieurs sortes de cithares russes, un des types les
plus anciens rappelle le psaltérion. Vers la moitié du
17e siècle on créa des cithares à cordes
pincées qui s'inspiraient des anciens psaltérions mais
subissaient aussi une attraction vers les instruments à clavier
et à cordes qui firent leur apparition à cette
époque en Russie tels le clavicorde et l'épinette.
L'acoustique et le jeu des cithares à cordes
pincées étaient d'une remarquable qualité. Les
créateurs réussirent essentiellement à
éviter les défauts du clavicorde, du clavecin et de
l'épinette (faiblesse du son, caractère mécanique
de la production des sons) et ils purent en même temps conserver
intact la tradition séculaire du jeu de cithare russe.
En 1914, N. Fomine, l'un des co-fondateurs de l'orchestre populaire
russe construisit, pour les cithares à cordes
pincées, une ingénieuse mécanique à clavier
permettant de produire sans difficultés différentes
combinaisons harmoniques. Par la suite les cithares à
clavier de Fomine furent employées de pair avec les cithares
à cordes pincées. Sur ce disque les auditeurs pourront se
familiariser avec le son de ces instruments grâce au duo de
joueuses de cithares russes: V. GORODOVSKAIA et N. TCHEKANOVA.
LA DOMRA ET LA BALALAIKA
La domra, instrument à cordes pincées, a connu un
destin original. De nombreuses sources écrites des 16e et 17e
siècles montrent que la domra jouit d'une
popularité constante auprès des trouvères. Avec
leur disparition la domra sortit de la vie musicale quotidienne
des Russes bien que d'après certains chercheurs ce ne fut pas
l'instrument lui-même qui disparut mais son appellation, selon
toute vraisemblance d'origine non-russe. La domra
elle-même continua d'exister dans l'art musical populaire sous un
nom qui nous est à tous familier aujourd'hui: la balalaïka.
Cette supposition n'est pas sans fondement. On ne mentionne plus la domra
dans les documents historiques dès la fin du 17e siècle
et c'est justement à ce moment que l'on parle de balalaïka.
La balalaika n'a pas toujours eu l'aspect que nous lui
connaissons aujourd'hui. Il existait des balalaïkas
à caisse triangulaire mais aussi dotées d'une caisse
demi-sphérique. On en tirait des sons en frappant les cordes
avec les doigts, en les faisant "vibrer", parfois à l'aide d'un
médiator. La balalaïka à caisse triangulaire
est la plus répandue surtout depuis la deuxième
moitié du 19e siècle. C'est elle que V. ANDREEV, musicien
chercheur, prit comme point de départ pour en faire un
instrument plus perfectionné. Conservant la forme de
l'instrument, la même technique de jeu, il conçut une
balalaïka à échelle chromatique différant de
la balalaïka populaire diatonique. En 1888, ANDREEV forma un
orchestre composé de toute une famille de balalaïkas,
du piccolo à la contrebasse. On fait remonter à cet
événement la création d'un orchestre populaire
russe. Sur le disque l'auditeur pourra entendre un ensemble de balalaïkas
semblable à la 1re formation d'ANDREEV.
En 1896, dans le nord de la Russie on découvrit un instrument
à cordes, à caisse demi-sphérique, qui servit de
modèle pour créer une domra russe moderne qui
fait désormais partie des divers orchestres et ensembles
d'instruments populaires russes. Au même rang que les instruments
à cordes pincées, cithares, domras, balalaïkas, on
trouve les instruments â archet largement
représentés dans l'art musical populaire.
LA VIOLE
Dans de nombreuses régions de Russie et principalement à
SMOLENSK, la viole jouissait d'une grande popularité. La
tradition liée son utilisation n'a pas 100 ans en Russie. Il ne
s'agissait pas seulement d'une exécution en solo sur la viole
mais aussi d'une composition pour ensembles soit de violes
seules soit de formations comprenant plusieurs instruments populaires
et des chants où figure une viole. Le disque présente un
enregistrement d'un ensemble de violes qui interprète
l'une des mélodies russes les plus connues: "Kamarinskaia" et la
chanson populaire: "Petit Père", que l'on chante
accompagné par la viole.
L'HARMONICA
L'un des plus récents instruments de musique populaire russe se
trouve être l'harmonica apparu en Russie dans la
première moitié du 19e siècle; il devint en vingt
ou trente ans l'instrument le plus populaire du peuple russe.
Différentes sortes d'harmonicas firent leur apparition: harmonica
de Saratov, de Livny, de Toula, qui se différencient par leur
diapason, leur timbre et leur aspect extérieur. Le
développement extraordinaire que connut l'harmonica
était lié à l'apparition, à
l'époque, d'une nouvelle forme de chansons russes: lês
"tchastouchki", courtes poésies rimées qui appartenaient
au registre populaire oral et qui étaient chantées sur un
rythme rapide. Elles différèrent des chansons populaires
russes de style polyphonique, créant un genre musical nouveau
à l'harmonie homophonique qui exigeait une structure harmonique
bien marquée. L'harmonica répondait à cette
exigence. Mais son répertoire dépassait largement le
cadre des accompagnements de "tchastouchki" et de danses populaires.
Son jeu se développa avec une forme d'improvisation
instrumentale sur des thèmes de chansons populaires russes, ce
qu'on appelle "Les motifs". L'évolution ultérieure de
l'harmonica conduisit au début du 20e siècle à
l'apparition d'un instrument possédant une gamme chromatique
plus perfectionnée qui reçut en Russie le nom de baian
(ou accordéon russe, du nom du BOIAN, aède
légendaire de l'ancienne Russie).
Ukraine · Biélorussie
Historique
Au 13e siècle, après le démantèlement de la
Russie Kiévienne en plusieurs royaumes, les territoires de
l'ancienne Russie, autrefois peuplés par une seule ethnie
slave-orientale connurent une évolution historique qui aboutit
à la formation de trois peuples: les Russes, les Ukrainiens et
les Biélorusses. Ils furent à l'origine de cultures
(englobant bien sûr la musique) qui bien que similaires n'en
avaient pas moins leurs particularismes. C'est dans la musique
populaire que la culture musicale des Ukrainiens et des
Biélorusses a puisé ses sources. Pendant des
siècles ils ont fabriqué des instruments, ont
élaboré formes et genres propres à leur musique
instrumentale populaire et ont créé des formations
musicales de toutes sortes. Trouvères dans la Russie
Kiévienne, joueurs de bandoura et de lyre aux
16e-19e siècles de tout temps les musiciens professionnels
jouèrent un grand rôle dans l'évolution de la
culture musicale. Violonistes, cymbaliers et joueurs de sopel
ne sont-ils pas les pères des célèbres ensembles
de musique populaire appelés "Trio orchestral" et qui nous sont
restés? Les Ukrainiens et les Biélorusses ont
inventé des instruments fort variés: instruments à
cordes, à vent et à percussion. Certains étaient
très répandus en Ukraine et en Biélorussie tels:
le cymbalum, le violon, le sopel appelé aussi doudka,
la lyre et la cornemuse; d'autres comme la bandoura
n'étaient représentés qu'en Ukraine.
Dictionnaire des instruments
LES BANDOURAS
Aux alentours des 15e-16e siècles, périodes de luttes
héroïques contre l'envahisseur étranger, la bandoura
fit son apparition. C'est à cette même époque que
les "doumas" ukrainiennes apparurent elles aussi. Les "doumas"
étaient des œuvres poétiques qui chantaient les
hauts-faits des héros populaires; elles reflétaient les
préoccupations éthico-morales élevées du
peuple. Les bandouras, instruments de musique cordes
pincées, étaient de par leur son l'instrument le plus
même de rendre le caractère épique ainsi que le
contenu de la "douma". C'est donc accompagné d'une bandoura
que l'on composait les "doumas". Le chanteur populaire ou
KOZBARDANDOURIST (de kozba qui est un autre nom pour la bandoura)
jouait un rôle de tout premier plan dans le domaine musical mais
également dans la vie politique du peuple ukrainien. Les
documents historiques ont porté a notre connaissance les
persécutions endurées par les musiciens ainsi que
l'extermination physique qu'ils subirent de la part des
étrangers qui envahirent l'Ukraine. La bandoura
était particulièrement renommée chez les Cosaques
de Zaporoje. Le Cosaque arborait sa bandoura aux
côtés de son sabre et jamais, ni chez lui, ni sur les
routes, il ne s'en séparait. Il n'était pas rare qu'un
cosaque perde la vue au cours d'un combat. Il prenait alors sa bandoura,
allait par villes et villages d'Ukraine et chantait des "doumas" qui
narraient les événements dont lui-même avait
été le témoin. Ainsi s'expliquent la connotation
dramatique et le fonds de profonde tristesse qui caractérisent
la "douma" où se côtoient héroïsme et sens
tragique. Instrument d'accompagnement des "doumas" et des chansons, la bandoura
se prêtait aussi l'exécution de danses. Un témoin
de cette époque écrit: "Les joueurs de bandoura
sont extrêmement joyeux; peuple subtil, ils savent plaisanter.
J'ai passé du temps regarder avec quel entrain ils
exécutent des danses ukrainiennes". La tradition voulait que les
joueurs de bandoura soient des hommes. Pourtant ces dix
dernières années une formation musicale féminine a
connu un succès extraordinaire en Ukraine. A dire vrai, elle se
limite l'interprétation de chansons lyriques et de danses. Les
"doumas", elles, comme autrefois, ne sont interprétées
que par des joueurs de bandoura mâles. Toutes les formes
de l'interprétation artistique des joueurs de bandoura
d'Ukraine mentionnées ci-dessus, figurent sur le disque.
LE VIOLON
En Ukraine le violon est aussi renommé que la bandoura.
Dès la fin du 16e siècle des documents écrits
mentionnent violons et violonistes. De nos jours la plupart des
violonistes jouent sur des instruments de facture industrielle. Les
habitants des Carpathes ou Goutsouls affectionnent tout
particulièrement le violon. C'est dans cette
région que les violonistes se sont forgés la culture
populaire qui leur est propre. Le répertoire des violonistes des
Carpathes ou Goutsouls est riche en danses et chants. On y trouve aussi
de la musique de concert. Les représentants de cette tradition
musicale populaire sont les frères KIRILL, SPIRIDON et LOUKA
PRILIPTCHAN dont l'enregistrement figure sur le disque. Dès le
16e siècle la renommée du violon s'étend a
la Biélorussie. Le répertoire des violonistes
biélorusses est très varié. On y trouve des danses
et des mélodies nuptiales; au cours du rite nuptial
biélorusse, rares sont les moments où le violon
se tait. Le violon ou comme on dit en Biélorussie: la
"MOUZIKA", accompagnait les fiancés a l'autel, se faisait
entendre sitôt après la bénédiction des
jeunes mariés, pendant la préparation de la miche de
pain, ainsi que pendant tout le banquet. De nos jours
Biélorusses et Ukrainiens utilisent le violon aussi bien
comme un instrument soliste que comme un instrument d'ensemble. Le violon
est une des constantes des formations instrumentales populaires ou
"trio orchestral". En Biélorussie ces ensembles portent le nom
de "Court". Ils sont composés le plus souvent d'un violon,
d'un cymbalum et d'un tambour de basque. Cet ensemble peut, bien
sûr, être élargi et il n'est pas rare d'y trouver la
sopel, sorte de flûte au registre aigu, la basetlia,
instrument semblable au violoncelle et un accordéon.
LA LYRE EN CERCEAU
Parmi les instruments à archet, on trouve en Biélorussie
et en Ukraine la lyre en cerceau, compagne de misère des
chanteurs errants qui déclamaient des poésies
mystico-religieuses tout en s'en accompagnant. Le son
mélancolique propre à cet instrument correspondait tout
à fait au style et au contenu du chant des joueurs de lyres.
Dans les années 20, avec la disparition en Ukraine et en
Biélorussie de près d'un siècle, l'art de la lyre
déclina rapidement à tel point qu'aujourd'hui cet
instrument a pratiquement disparu des mœurs musicales.
Désormais, la lyre n'est plus guère
employée que comme un instrument d'appoint dans des orchestres
professionnels populaires ukrainiens et biélorusses.
LE CYMBALUM
Le cymbalum, instrument à plusieurs cordes et à
percussion, est très répandu chez les Ukrainiens et plus
particulièrement chez les Biélorusses. Le son en est
sonore, savoureux et s'harmonise parfaitement avec les joyeuses danses
d'Ukraine et de Biélorussie. C'est au 16e siècle que le cymbalum
fit son apparition. Importé de l'Europe de l'Est par des
musiciens ambulants, il fut au goût des populations locales et
dès le 17e siècle on s'en servit couramment si l'on en
juge par les documents écrits de cette période. Noces,
fêtes rurales, s'accomplissaient aux accents du cymbalum.
Un répertoire se forgea ainsi; il comprenait: des marches
nuptiales, des chants et des danses. Actuellement on utilise le cymbalum
en instrument soliste ou d'ensemble. Dans les années 30 de ce
siècle en Biélorussie, un orchestre de cymbalums
vit le jour: il porte aujourd'hui le nom d'un de ses fondateurs, I.
JINOVITCH. On créa bientôt une version
améliorée du cymbalum: un cymbalum
à gamme chromatique (différents des instruments
populaires diatoniques) avec des variantes orchestrales.
LA SOPEL OU DOUDKA
Comme nous l'avons déjà dit précédemment,
l'un des instruments qui composait le "trio orchestral" était la
flûte à registre aigu, ou sopel, du nom que lui
donnèrent les Ukrainiens ou encore doudka d'après
les Biélorusses. La sopel ou doudka est un tube
de bois long de 30 à 45 cm troué en sa partie
supérieure de manière à produire un son strident.
Le registre de cet instrument est élevé bien que de nos
jours les facteurs se sont mis à fabriquer des sopels et
des doudkas au registre plus grave. On a donc formé des
ensembles de sopels et de doudkas qui accompagnent les
danses et les chants d'Ukraine et de Biélorussie. Parmi le
répertoire des joueurs de doudkas biélorusses, il
convient de distinguer les mélodies improvisées ou "jeu
spontané", du nom que leur donnent leurs interprètes.
Elles sont le reflet de chansons populaires que les musiciens ont
transformées et développées.
LA JALEIKA
Parmi les instruments à vent et à anche on
dénombre la jaleika (qu'on appelle aussi cor de berger
en Biélorussie) et la douda (cornemuse). En
Biélorussie il y a deux sortes de jaleika. L'une d'elle
est faite au moyen d'une tige de seigle ou de roseau arrivé
à maturité, à l'extrémité de
laquelle on entaille une anche. On pratique quelques trous pour les
doigts. On peut entendre une jaleika de ce type dans le
morceau: "chansons nuptiale de Minsk et de Gomel"
interprétées par V. PARKHOMENKO. L'existence de cet
instrument était brève et liée en
général à l'époque où le seigle et
le roseau étaient arrivés à maturité. On
fabriquait aussi des jaleikas de bois; pourvu d'un pavillon de
corne de vache cet instrument produisait un son nasillard et puissant
que l'on entendait de très loin. Ce sont les bergers qui
l'utilisaient. Elle est différente en Ukraine.
LA DOUDA
La douda ukrainienne ou biélorusse n'est pas autre chose
que l'instrument mondialement connu sous le nom de cornemuse. Dans un
soufflet de cuir on fiche 2 ou 3 tubes dont les
extrémités comportent des anches mobiles. L'un des tubes
sert à la mélodie, les autres ne produisent que des sons
invariables; on les appelle bourdons. Tout d'abord le musicien gonfle
le soufflet à l'aide d'un tuyau réservé à
cet usage. Ensuite au fur et à mesure que le musicien joue,
l'air va et vient entre le soufflet et les tuyaux d'où il
s'échappe en produisant des sons. Cela permettait au musicien de
chanter des petits refrains en même temps qu'il jouait. Un
spécimen de cette interprétation de la douda se
retrouve sur ce disque. Très longtemps la cornemuse accompagna
non seulement les fêtes, festivités villageoises et
foires, mais aussi les fêtes agricoles et les rites familiaux. Au
début du 20e siècle en Biélorussie, la cornemuse
disparut au profit de l'accordéon, du cymbalum et du violon. Par
contre on la trouve encore de nos jours dans la partie occidentale de
l'Ukraine.
TROMPE, TREMBITA et SOURMA
Dans les grandes forêts de Biélorussie et dans les
Carpathes en Ukraine, on se servait d'immenses trompes de bois longues
de 2 m1/2 sans trous et que bergers, bûcherons et flotteurs de
bois utilisaient comme un instrument d'appel. C'est au son de sa trompe
ou trembita que le berger goutsoul rassemblait pastoureaux et
troupeaux éparpillés dans la montagne. On jouait aussi
sur ces trompes des mélodies funèbres qui
annonçaient la mort d'un montagnard. La sourma
biélorusse, proche de la trembita avait elle aussi avant
tout un rôle d'appel. Elle marquait aussi le rythme de la vie
pastorale: c'est avec elle qu'on sonnait le réveil et que l'on
invitait les femmes à traire les animaux, le soir. Il arrivait
aussi que le berger se serve de la trompe pour avertir ses compagnons
de la perte d'une bete. Bien que le registre de la sourma soit
limité, les musiciens expérimentés peuvent
interpréter des mélodies simples, des chants et des
danses. L'auditeur pourra apprécier le son de ces instruments de
musique très anciens, grâce à l'enregistrement de
mélodies d'appel jouées à la trembita et
à la sourma.
DRYMBA
L'auditeur pourra entendre 2 autres instruments ukrainiens dans la
danse ukrainienne: "KOLOMIIKA" interprétée sur la drymba,
sorte de petit fer à cheval d'une longueur de 10 cm au centre
duquel se trouve une tige d'acier. Cet instrument existe dans le monde
entier sous des noms différents. A l'aide d'une main on tient la
drymba dans la bouche et avec les doigts de l'autre main on fait
vibrer la tige d'acier. En modifiant l'ouverture de la bouche,
l'interprète augmente l'une ou l'autre des harmoniques qui
accompagnent le son de la languette métallique. Le musicien
compose ainsi de simples mélodies qui résonnent sur le
ton de base qui dépend de la longueur et de l'épaisseur
de la languette. Peut-être l'attention de l'auditeur sera-t-elle
aiguisée par des sons peu familiers dans le morceau "trio
orchestral".
BOUGAI
Ces sons stridents à la hauteur indéfinissable qui
rappellent le mugissement du taureau sont produits sur l'instruments
ukrainien appelé bougaï (littéralement:
taureau). Le bougaï est un tambour de moyenne dimension
dont l'un des côtés est tendu d'une membrane. Au centre de
la membrane est fixée une touffe de crin de cheval que le
musicien, après l'avoir saisie entre ses doigts et les paumes de
ses deux mains, fera rouler, ce qui produira un son semblable à
un mugissement. Autrefois, cet instrument était très
employé par les jeunes a l'occasion de la fête du nouvel
an. Il servait à accompagner la KOLIADKA, chanson rituelle
autrefois chantée à l'occasion du nouvel an en Ukraine.
C'est avant tout comme un élément comique que le bougaï
s'emploie actuellement au sein de certaines formations de musiques
instrumentales populaires d'Ukraine.