Voyage en U.R.S.S. - 1. Russie, Ukraine, Biélorussie
Historique · Dictionnaire des instruments








Russie

Historique


La musique instrumentale populaire occupe une place importante au sein de la culture nationale russe. Les instruments populaires ainsi que leur pratique ont accompagné l'homme russe toute sa vie. En témoignent les œuvres littéraires de la Russie kiévienne des 9e-13e siècles et celles qui lui sont tout antérieures.

La musique instrumentale était associée à toutes les fêtes populaires du calendrier:
- le carnaval (fin de l'hiver),
- la fête de Saint Jean-Baptiste (fête païenne du solstice d'été),
- la fête des morts (printemps), et bien d'autres.

La musique était l'accompagnement indispensable des rites nuptiaux, des festins royaux et des solennités des communautés villageoises et citadines. Dans l'ancienne Russie, instruments à vent et à percussion étaient utilisés aussi dans les rangs des troupes militaires.

A la fin du premier millénaire de notre ère, la culture russe comprenait déjà une grande diversité d'instruments dont des instruments à vent, cordes et à percussions. A cette même époque, les musiciens tendent à former une catégorie professionnelle à part entière: les trouvères. Ce fut même un phénomène de masse.

Interprètes du folklore populaire, acteurs, chanteurs et danseurs, ils étaient les détenteurs de l'art populaire qui s'inspiraient, à cette époque lointaine, des rites et traditions païens. C'est pourquoi, pendant de longs siècles, ils subirent les foudres de l'église orthodoxe russe: trouvères persécutés, instruments détruits; malgré tout, les documents historiques ne manquent pas. De plus, aux 16e-17e siècles, l’État se joignit à l’Église dans sa lutte contre les trouvères comme en atteste le fameux oukase édicté par le Tsar, Alexis MIKHAILOVITCH en 1648: "Du redressement des mœurs et de l'anéantissement des superstitions", dans lequel ordre fut donné à la population de ne pas inviter les trouvères et de confisquer, puis brûler leurs instruments de musique quand on en découvrirait. Ceux qui continuaient à en jouer devaient être punis de coups de bâtons. Il va de soi que ces persécutions laissèrent des traces. Les trouvères en tant que catégories professionnelles d'artistes populaires les plus brillants et les plus talentueux, la musique instrumentale populaire subit une éclipse.

C'est seulement dans la seconde moitié du 19e siècle, avec l'intérêt grandissant du public pour l'art populaire et l'histoire russe, que la musique instrumentale populaire connaît un regain d'audience. C'est ainsi qu'en 1883 pendant presque deux mois, l'ensemble des bergers cornistes de Vladimir se produisit à St-Pétersbourg sous la direction de N.V. Koudratiev. Compositeurs, musiciens, spécialistes du folklore furent stupéfiés par une manifestation d'art populaire aussi extraordinaire. Ces concerts, au dire d'un témoin, connurent "un succès exceptionnel": "La foule de Saint-Pétersbourg restait immobile, comme fascinée. Ils jouent d'une façon si expressive qu'il semble parfois qu'ils prononcent des paroles."



Dictionnaire des instruments


LE COR

Les instruments de musique les plus répandus parmi les bergers étaient les petits cors, ce qui explique le niveau élevé du jeu sur ces petits cors de Vladimir. Les nécessités de la profession obligèrent les bergers des régions forestières de la Russie à communiquer au moyen d'un système de signaux sonores. Bientôt le petit cor ne fut plus employé dans ce seul but mais devint un instrument de musique. Les bergers cornistes créèrent des cors de différentes dimensions. Les cors au son perçant, d'un registre élevé, et les cors basses. Les manifestations les plus anciennes de la musique pour cor sont les différentes mélodies d'appel, créés par chaque berger à partir des particularités de l'échelle des sons de son cor et de sa propre interprétation. En fait, chaque berger composait sa mélodie pour son propre instrument. Sur le présent disque figure l'enregistrement de l'appel de deux cornistes qui interprètent l'une des mélodies les plus répandues "kirilla". Au 14e-16e siècles, en Russie, l'art du chant polyphonique prend naissance et se développe. C'est à peu près à la même époque qu'apparaissent des compositions polyphoniques pour cors. Le timbre du cor de Vladimir rappelle de façon frappante le son de la voix humaine et l'existence d'instruments possédants divers diapasons et registres a permis de transporter les traditions du chant populaire polyphonique aux ensembles des cornistes de Vladimir. Il faut remarquer que les bergers cornistes eux-mêmes appelaient leur formation "chœur". En 1884 un chœur de cornistes dirigé par N. KONDRATIEV représenta l'art populaire russe à l'exposition universelle de Paris. Le trio des cornistes de Vladimir interprète sur le présent enregistrement la danse populaire russe: "Dans les prairies" dont il illustre bien le caractère choral.

LA JALEIKA
L'instrument proche du cor de par sa fonction musicale est la jaleika, flûte en bois, elle aussi instrument pastoral, utilisée comme instrument solo pour l'interprétation de mélodies et l'accompagnement des chants. Parfois la jaleika fait partie des ensembles populaires instrumentaux. La jaleika est faite d'un tube de bois assez court qui comprend une anche de roseau ou de plume d'oie et se termine par un pavillon en corne de vache.

LA SVIRIEL
L'un des instruments russes les plus anciens est la sviriel, flûte droite à sifflet faite de bois d'érable, de merisier ou de saule. Cet instrument est peu à peu tombé en désuétude. En même temps, les dernières décennies ont vu apparaître toute une série de musiciens professionnels qui manient la sviriel avec virtuosité. Vous en trouverez un exemple sur ce disque.

LA CITHARE
Parmi les instruments à cordes du folklore populaire russe une place toute particulière revient aux cithares. Lors des fouilles archéologiques du Vieux Novgorod on a trouvé des cithares datées du 11e siècle. Il faut noter que l'on découvrit ces cithares dans des maisons ayant appartenu à ces citadins d'origines diverses, ce qui souligne la popularité universelle de l'instrument. En témoignent également les nombreuses œuvres de la littérature orale populaire: bylines (sorte de chanson de geste, ex.: le Dit du Prince Igor), contes, proverbes et adages. L'imagination populaire a doté les plus aimés des héros russes de chansons épiques du don de jouer de la cithare. Il existe plusieurs sortes de cithares russes, un des types les plus anciens rappelle le psaltérion. Vers la moitié du 17e siècle on créa des cithares à cordes pincées qui s'inspiraient des anciens psaltérions mais subissaient aussi une attraction vers les instruments à clavier et à cordes qui firent leur apparition à cette époque en Russie tels le clavicorde et l'épinette. L'acoustique et le jeu des cithares à cordes pincées étaient d'une remarquable qualité. Les créateurs réussirent essentiellement à éviter les défauts du clavicorde, du clavecin et de l'épinette (faiblesse du son, caractère mécanique de la production des sons) et ils purent en même temps conserver intact la tradition séculaire du jeu de cithare russe. En 1914, N. Fomine, l'un des co-fondateurs de l'orchestre populaire russe construisit, pour les cithares à cordes pincées, une ingénieuse mécanique à clavier permettant de produire sans difficultés différentes combinaisons harmoniques. Par la suite les cithares à clavier de Fomine furent employées de pair avec les cithares à cordes pincées. Sur ce disque les auditeurs pourront se familiariser avec le son de ces instruments grâce au duo de joueuses de cithares russes: V. GORODOVSKAIA et N. TCHEKANOVA.

LA DOMRA ET LA BALALAIKA
La domra, instrument à cordes pincées, a connu un destin original. De nombreuses sources écrites des 16e et 17e siècles montrent que la domra jouit d'une popularité constante auprès des trouvères. Avec leur disparition la domra sortit de la vie musicale quotidienne des Russes bien que d'après certains chercheurs ce ne fut pas l'instrument lui-même qui disparut mais son appellation, selon toute vraisemblance d'origine non-russe. La domra elle-même continua d'exister dans l'art musical populaire sous un nom qui nous est à tous familier aujourd'hui: la balalaïka.
Cette supposition n'est pas sans fondement. On ne mentionne plus la domra dans les documents historiques dès la fin du 17e siècle et c'est justement à ce moment que l'on parle de balalaïka. La balalaika n'a pas toujours eu l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui. Il existait des balalaïkas à caisse triangulaire mais aussi dotées d'une caisse demi-sphérique. On en tirait des sons en frappant les cordes avec les doigts, en les faisant "vibrer", parfois à l'aide d'un médiator. La balalaïka à caisse triangulaire est la plus répandue surtout depuis la deuxième moitié du 19e siècle. C'est elle que V. ANDREEV, musicien chercheur, prit comme point de départ pour en faire un instrument plus perfectionné. Conservant la forme de l'instrument, la même technique de jeu, il conçut une balalaïka à échelle chromatique différant de la balalaïka populaire diatonique. En 1888, ANDREEV forma un orchestre composé de toute une famille de balalaïkas, du piccolo à la contrebasse. On fait remonter à cet événement la création d'un orchestre populaire russe. Sur le disque l'auditeur pourra entendre un ensemble de balalaïkas semblable à la 1re formation d'ANDREEV.
En 1896, dans le nord de la Russie on découvrit un instrument à cordes, à caisse demi-sphérique, qui servit de modèle pour créer une domra russe moderne qui fait désormais partie des divers orchestres et ensembles d'instruments populaires russes. Au même rang que les instruments à cordes pincées, cithares, domras, balalaïkas, on trouve les instruments â archet largement représentés dans l'art musical populaire.

LA VIOLE
Dans de nombreuses régions de Russie et principalement à SMOLENSK, la viole jouissait d'une grande popularité. La tradition liée son utilisation n'a pas 100 ans en Russie. Il ne s'agissait pas seulement d'une exécution en solo sur la viole mais aussi d'une composition pour ensembles soit de violes seules soit de formations comprenant plusieurs instruments populaires et des chants où figure une viole. Le disque présente un enregistrement d'un ensemble de violes qui interprète l'une des mélodies russes les plus connues: "Kamarinskaia" et la chanson populaire: "Petit Père", que l'on chante accompagné par la viole.

L'HARMONICA
L'un des plus récents instruments de musique populaire russe se trouve être l'harmonica apparu en Russie dans la première moitié du 19e siècle; il devint en vingt ou trente ans l'instrument le plus populaire du peuple russe. Différentes sortes d'harmonicas firent leur apparition: harmonica de Saratov, de Livny, de Toula, qui se différencient par leur diapason, leur timbre et leur aspect extérieur. Le développement extraordinaire que connut l'harmonica était lié à l'apparition, à l'époque, d'une nouvelle forme de chansons russes: lês "tchastouchki", courtes poésies rimées qui appartenaient au registre populaire oral et qui étaient chantées sur un rythme rapide. Elles différèrent des chansons populaires russes de style polyphonique, créant un genre musical nouveau à l'harmonie homophonique qui exigeait une structure harmonique bien marquée. L'harmonica répondait à cette exigence. Mais son répertoire dépassait largement le cadre des accompagnements de "tchastouchki" et de danses populaires. Son jeu se développa avec une forme d'improvisation instrumentale sur des thèmes de chansons populaires russes, ce qu'on appelle "Les motifs". L'évolution ultérieure de l'harmonica conduisit au début du 20e siècle à l'apparition d'un instrument possédant une gamme chromatique plus perfectionnée qui reçut en Russie le nom de baian (ou accordéon russe, du nom du BOIAN, aède légendaire de l'ancienne Russie).








Ukraine · Biélorussie

Historique



Au 13e siècle, après le démantèlement de la Russie Kiévienne en plusieurs royaumes, les territoires de l'ancienne Russie, autrefois peuplés par une seule ethnie slave-orientale connurent une évolution historique qui aboutit à la formation de trois peuples: les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses. Ils furent à l'origine de cultures (englobant bien sûr la musique) qui bien que similaires n'en avaient pas moins leurs particularismes. C'est dans la musique populaire que la culture musicale des Ukrainiens et des Biélorusses a puisé ses sources. Pendant des siècles ils ont fabriqué des instruments, ont élaboré formes et genres propres à leur musique instrumentale populaire et ont créé des formations musicales de toutes sortes. Trouvères dans la Russie Kiévienne, joueurs de bandoura et de lyre aux 16e-19e siècles de tout temps les musiciens professionnels jouèrent un grand rôle dans l'évolution de la culture musicale. Violonistes, cymbaliers et joueurs de sopel ne sont-ils pas les pères des célèbres ensembles de musique populaire appelés "Trio orchestral" et qui nous sont restés? Les Ukrainiens et les Biélorusses ont inventé des instruments fort variés: instruments à cordes, à vent et à percussion. Certains étaient très répandus en Ukraine et en Biélorussie tels: le cymbalum, le violon, le sopel appelé aussi doudka, la lyre et la cornemuse; d'autres comme la bandoura n'étaient représentés qu'en Ukraine.



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LES BANDOURAS
Aux alentours des 15e-16e siècles, périodes de luttes héroïques contre l'envahisseur étranger, la bandoura fit son apparition. C'est à cette même époque que les "doumas" ukrainiennes apparurent elles aussi. Les "doumas" étaient des œuvres poétiques qui chantaient les hauts-faits des héros populaires; elles reflétaient les préoccupations éthico-morales élevées du peuple. Les bandouras, instruments de musique cordes pincées, étaient de par leur son l'instrument le plus même de rendre le caractère épique ainsi que le contenu de la "douma". C'est donc accompagné d'une bandoura que l'on composait les "doumas". Le chanteur populaire ou KOZBARDANDOURIST (de kozba qui est un autre nom pour la bandoura) jouait un rôle de tout premier plan dans le domaine musical mais également dans la vie politique du peuple ukrainien. Les documents historiques ont porté a notre connaissance les persécutions endurées par les musiciens ainsi que l'extermination physique qu'ils subirent de la part des étrangers qui envahirent l'Ukraine. La bandoura était particulièrement renommée chez les Cosaques de Zaporoje. Le Cosaque arborait sa bandoura aux côtés de son sabre et jamais, ni chez lui, ni sur les routes, il ne s'en séparait. Il n'était pas rare qu'un cosaque perde la vue au cours d'un combat. Il prenait alors sa bandoura, allait par villes et villages d'Ukraine et chantait des "doumas" qui narraient les événements dont lui-même avait été le témoin. Ainsi s'expliquent la connotation dramatique et le fonds de profonde tristesse qui caractérisent la "douma" où se côtoient héroïsme et sens tragique. Instrument d'accompagnement des "doumas" et des chansons, la bandoura se prêtait aussi l'exécution de danses. Un témoin de cette époque écrit: "Les joueurs de bandoura sont extrêmement joyeux; peuple subtil, ils savent plaisanter. J'ai passé du temps regarder avec quel entrain ils exécutent des danses ukrainiennes". La tradition voulait que les joueurs de bandoura soient des hommes. Pourtant ces dix dernières années une formation musicale féminine a connu un succès extraordinaire en Ukraine. A dire vrai, elle se limite l'interprétation de chansons lyriques et de danses. Les "doumas", elles, comme autrefois, ne sont interprétées que par des joueurs de bandoura mâles. Toutes les formes de l'interprétation artistique des joueurs de bandoura d'Ukraine mentionnées ci-dessus, figurent sur le disque.

LE VIOLON
En Ukraine le violon est aussi renommé que la bandoura. Dès la fin du 16e siècle des documents écrits mentionnent violons et violonistes. De nos jours la plupart des violonistes jouent sur des instruments de facture industrielle. Les habitants des Carpathes ou Goutsouls affectionnent tout particulièrement le violon. C'est dans cette région que les violonistes se sont forgés la culture populaire qui leur est propre. Le répertoire des violonistes des Carpathes ou Goutsouls est riche en danses et chants. On y trouve aussi de la musique de concert. Les représentants de cette tradition musicale populaire sont les frères KIRILL, SPIRIDON et LOUKA PRILIPTCHAN dont l'enregistrement figure sur le disque. Dès le 16e siècle la renommée du violon s'étend a la Biélorussie. Le répertoire des violonistes biélorusses est très varié. On y trouve des danses et des mélodies nuptiales; au cours du rite nuptial biélorusse, rares sont les moments où le violon se tait. Le violon ou comme on dit en Biélorussie: la "MOUZIKA", accompagnait les fiancés a l'autel, se faisait entendre sitôt après la bénédiction des jeunes mariés, pendant la préparation de la miche de pain, ainsi que pendant tout le banquet. De nos jours Biélorusses et Ukrainiens utilisent le violon aussi bien comme un instrument soliste que comme un instrument d'ensemble. Le violon est une des constantes des formations instrumentales populaires ou "trio orchestral". En Biélorussie ces ensembles portent le nom de "Court". Ils sont composés le plus souvent d'un violon, d'un cymbalum et d'un tambour de basque. Cet ensemble peut, bien sûr, être élargi et il n'est pas rare d'y trouver la sopel, sorte de flûte au registre aigu, la basetlia, instrument semblable au violoncelle et un accordéon.

LA LYRE EN CERCEAU
Parmi les instruments à archet, on trouve en Biélorussie et en Ukraine la lyre en cerceau, compagne de misère des chanteurs errants qui déclamaient des poésies mystico-religieuses tout en s'en accompagnant. Le son mélancolique propre à cet instrument correspondait tout à fait au style et au contenu du chant des joueurs de lyres. Dans les années 20, avec la disparition en Ukraine et en Biélorussie de près d'un siècle, l'art de la lyre déclina rapidement à tel point qu'aujourd'hui cet instrument a pratiquement disparu des mœurs musicales. Désormais, la lyre n'est plus guère employée que comme un instrument d'appoint dans des orchestres professionnels populaires ukrainiens et biélorusses.

LE CYMBALUM
Le cymbalum, instrument à plusieurs cordes et à percussion, est très répandu chez les Ukrainiens et plus particulièrement chez les Biélorusses. Le son en est sonore, savoureux et s'harmonise parfaitement avec les joyeuses danses d'Ukraine et de Biélorussie. C'est au 16e siècle que le cymbalum fit son apparition. Importé de l'Europe de l'Est par des musiciens ambulants, il fut au goût des populations locales et dès le 17e siècle on s'en servit couramment si l'on en juge par les documents écrits de cette période. Noces, fêtes rurales, s'accomplissaient aux accents du cymbalum. Un répertoire se forgea ainsi; il comprenait: des marches nuptiales, des chants et des danses. Actuellement on utilise le cymbalum en instrument soliste ou d'ensemble. Dans les années 30 de ce siècle en Biélorussie, un orchestre de cymbalums vit le jour: il porte aujourd'hui le nom d'un de ses fondateurs, I. JINOVITCH. On créa bientôt une version améliorée du cymbalum: un cymbalum à gamme chromatique (différents des instruments populaires diatoniques) avec des variantes orchestrales.

LA SOPEL OU DOUDKA
Comme nous l'avons déjà dit précédemment, l'un des instruments qui composait le "trio orchestral" était la flûte à registre aigu, ou sopel, du nom que lui donnèrent les Ukrainiens ou encore doudka d'après les Biélorusses. La sopel ou doudka est un tube de bois long de 30 à 45 cm troué en sa partie supérieure de manière à produire un son strident. Le registre de cet instrument est élevé bien que de nos jours les facteurs se sont mis à fabriquer des sopels et des doudkas au registre plus grave. On a donc formé des ensembles de sopels et de doudkas qui accompagnent les danses et les chants d'Ukraine et de Biélorussie. Parmi le répertoire des joueurs de doudkas biélorusses, il convient de distinguer les mélodies improvisées ou "jeu spontané", du nom que leur donnent leurs interprètes. Elles sont le reflet de chansons populaires que les musiciens ont transformées et développées.

LA JALEIKA
Parmi les instruments à vent et à anche on dénombre la jaleika (qu'on appelle aussi cor de berger en Biélorussie) et la douda (cornemuse). En Biélorussie il y a deux sortes de jaleika. L'une d'elle est faite au moyen d'une tige de seigle ou de roseau arrivé à maturité, à l'extrémité de laquelle on entaille une anche. On pratique quelques trous pour les doigts. On peut entendre une jaleika de ce type dans le morceau: "chansons nuptiale de Minsk et de Gomel" interprétées par V. PARKHOMENKO. L'existence de cet instrument était brève et liée en général à l'époque où le seigle et le roseau étaient arrivés à maturité. On fabriquait aussi des jaleikas de bois; pourvu d'un pavillon de corne de vache cet instrument produisait un son nasillard et puissant que l'on entendait de très loin. Ce sont les bergers qui l'utilisaient. Elle est différente en Ukraine.

LA DOUDA
La douda ukrainienne ou biélorusse n'est pas autre chose que l'instrument mondialement connu sous le nom de cornemuse. Dans un soufflet de cuir on fiche 2 ou 3 tubes dont les extrémités comportent des anches mobiles. L'un des tubes sert à la mélodie, les autres ne produisent que des sons invariables; on les appelle bourdons. Tout d'abord le musicien gonfle le soufflet à l'aide d'un tuyau réservé à cet usage. Ensuite au fur et à mesure que le musicien joue, l'air va et vient entre le soufflet et les tuyaux d'où il s'échappe en produisant des sons. Cela permettait au musicien de chanter des petits refrains en même temps qu'il jouait. Un spécimen de cette interprétation de la douda se retrouve sur ce disque. Très longtemps la cornemuse accompagna non seulement les fêtes, festivités villageoises et foires, mais aussi les fêtes agricoles et les rites familiaux. Au début du 20e siècle en Biélorussie, la cornemuse disparut au profit de l'accordéon, du cymbalum et du violon. Par contre on la trouve encore de nos jours dans la partie occidentale de l'Ukraine.

TROMPE, TREMBITA et SOURMA
Dans les grandes forêts de Biélorussie et dans les Carpathes en Ukraine, on se servait d'immenses trompes de bois longues de 2 m1/2 sans trous et que bergers, bûcherons et flotteurs de bois utilisaient comme un instrument d'appel. C'est au son de sa trompe ou trembita que le berger goutsoul rassemblait pastoureaux et troupeaux éparpillés dans la montagne. On jouait aussi sur ces trompes des mélodies funèbres qui annonçaient la mort d'un montagnard. La sourma biélorusse, proche de la trembita avait elle aussi avant tout un rôle d'appel. Elle marquait aussi le rythme de la vie pastorale: c'est avec elle qu'on sonnait le réveil et que l'on invitait les femmes à traire les animaux, le soir. Il arrivait aussi que le berger se serve de la trompe pour avertir ses compagnons de la perte d'une bete. Bien que le registre de la sourma soit limité, les musiciens expérimentés peuvent interpréter des mélodies simples, des chants et des danses. L'auditeur pourra apprécier le son de ces instruments de musique très anciens, grâce à l'enregistrement de mélodies d'appel jouées à la trembita et à la sourma.

DRYMBA
L'auditeur pourra entendre 2 autres instruments ukrainiens dans la danse ukrainienne: "KOLOMIIKA" interprétée sur la drymba, sorte de petit fer à cheval d'une longueur de 10 cm au centre duquel se trouve une tige d'acier. Cet instrument existe dans le monde entier sous des noms différents. A l'aide d'une main on tient la drymba dans la bouche et avec les doigts de l'autre main on fait vibrer la tige d'acier. En modifiant l'ouverture de la bouche, l'interprète augmente l'une ou l'autre des harmoniques qui accompagnent le son de la languette métallique. Le musicien compose ainsi de simples mélodies qui résonnent sur le ton de base qui dépend de la longueur et de l'épaisseur de la languette. Peut-être l'attention de l'auditeur sera-t-elle aiguisée par des sons peu familiers dans le morceau "trio orchestral".

BOUGAI
Ces sons stridents à la hauteur indéfinissable qui rappellent le mugissement du taureau sont produits sur l'instruments ukrainien appelé bougaï (littéralement: taureau). Le bougaï est un tambour de moyenne dimension dont l'un des côtés est tendu d'une membrane. Au centre de la membrane est fixée une touffe de crin de cheval que le musicien, après l'avoir saisie entre ses doigts et les paumes de ses deux mains, fera rouler, ce qui produira un son semblable à un mugissement. Autrefois, cet instrument était très employé par les jeunes a l'occasion de la fête du nouvel an. Il servait à accompagner la KOLIADKA, chanson rituelle autrefois chantée à l'occasion du nouvel an en Ukraine. C'est avant tout comme un élément comique que le bougaï s'emploie actuellement au sein de certaines formations de musiques instrumentales populaires d'Ukraine.