Voyage en U.R.S.S. - 2. Ouzbékistan, Tadjikistan, Géorgie
Historique · Dictionnaire des instruments








Ouzbékistan · Tadjikistan

Historique


Depuis les temps les plus reculés, deux tribus occupent un vaste territoire d'Asie Centrale: les Tadjiks. Quoique les ancêtres des Ouzbeks aient été des Turcs nomades et que les Tadjiks remontassent a des tribus de Perse Orientale; quoique ces deux peuples parlassent des langues différentes, leur cohabitation multiséculaire sur des territoires limitrophes ou communs, leur longue collaboration dans le domaine des sciences et des arts, une large pratique de leurs langues mutuelles ont contribué au rapprochement de leurs cultures nationales où la musique occupe une place essentielle. L'art musical de ces peuples s'est développé sur les mêmes bases modèles, mélodiques et rythmiques, avec les mêmes principes formels. Si bien qu'il est fréquent de rencontrer les mêmes mélodies pour chant avec deux variantes de texte, l'une Ouzbek, l'autre Tadjik. Les instruments de musique rencontrés dans les vallées du Tadjikistan sont également des instruments ouzbeks. Le propre de la culture musicale des Ouzbeks et des Tadjiks, apparentée d'ailleurs à la tradition monodique de nombreux autres peuples orientaux, est d'avoir été durant des siècles exclusivement orale. Cette tradition se conserve même quand apparaît au Moyen Age un état féodal dont le centre est Boukhara (9e-10e siècles) où se forment des corporations de musiciens professionnels populaires que la culture musicale des deux peuples atteint un haut niveau artistique. Les musiciens professionnels ouzbeks et tadjiks utilisent différentes formes de musique populaire vocale et instrumentale qui aboutirent à la création d’œuvres nouvelles d'une plus grande ampleur. Ce sont les "makomes". Le "makom" tadjik et ouzbek est une suite comportant plusieurs pièces et divisée en deux grandes parties, la première exclusivement instrumentale, la seconde instrumentale et vocale. La première partie s'intitule "mouchkilot" (littéralement "difficulté") et la deuxième "nasr" ("prose"), c'est-à-dire œuvre musicale accompagnée d'un texte. Le mouchkilot comprend cinq pièces principales jouées sur des instruments à vent ou à cordes.

Ce sont :
1) Le TASNIF ("mélodie"),
2) Le TARDJE (littéralement "répétition" ou reprise, joué sur le même rythme que les pièces précédentes),
3) Le GARDOUN ("Voûte Céleste"),
4) Le MOUKHAMMAS,
5) Le SAKIL (pièce à mouvement lent).

La première partie du "makon" sert en quelque sorte de grande ouverture instrumentale, divisée en nombreuses pièces à deuxième partie vocale qui comprend quatre subdivisions:

1) Le SARAKHABAR, ouverture,
2) Le TALKIN, sorte de mélodie vocale,
3) Le MASR, autre sorte de mélodie vocale,
4) L'OUFAR, final sur un rythme de danse.

Les plus grands poètes tadjiks et ouzbeks ont écrit les poèmes dont sont tirés les textes de ces morceaux. Il s'agit de Roudaki, mort en 1941, de Saadi (1184-1291), Djami (1414-1492), Navoï (1441-1501). Entre les principaux morceaux de la partie vocale du "makom" trouvent place de plus petites pièces appelées "tarona". Les mélodies dont sont issues les "makoms" étaient célèbres et utilisées en tant que constructions mélodiques précises sur tel ou tel mode. Instrumentalistes et chanteurs, partant de ces mélodies de base, improvisaient, se livraient à des variations qu'ils agrémentaient de motifs et fioritures diverses. Le long processus de développement de la musique professionnelle tadjik et ouzbek a abouti à la création d'un cycle comprenant 6 "makoms", le "chackmak". Il contient les makoms suivants :
"BOURZOUK" - "ROST" - "NAVO" - "DOUGOKH" - "SEGOKH" - "IROK",
dont les titres proviennent des principaux modes harmoniques selon lesquels ils ont été composés. Dans la vallée du Ferghana et à Tachkent, les makoms développaient des traditions ouzbékes purement locales. Il s'agit des "Tchorgokh", "Baïot", "Goulior-Chakhnoz". Chacun de ces makoms comprend 5 ou 6 parties portant parfois le même titre, par exemple: "Baïot I", "Baïot II" etc.

Différentes pièces des deux grandes parties instrumentales et vocales des makoms figurent sur ce disque, il s'agit des "Izok", "Baïot", "Navo", "Donghokhi", interprétés par des solistes et par des ensembles d'instruments populaires. Dans la musique traditionnelle tadjike et ouzbèke on trouve des ensembles instrumentaux de différentes compositions. Au Xe siècle, déjà, le célèbre philosophe médiéval AL-FARABI (871-950) écrivait que les instruments qui s'harmonisaient le mieux étaient le tanbour et le roubab; le roubab et les instruments à vent en bois. On peut voir sur un grand nombre de miniatures médiévales des ensembles d'instruments populaires. Ces ensembles se répartissaient en deux sortes selon les fonctions qu'ils remplissaient et les conditions où ils apparaissaient dans la vie quotidienne. Les premiers de ces ensembles étaient composés d'instruments à vent (karnaï, sournaï) et à percussion (nagora, doïra).



Dictionnaire des instruments


LE KARNAÏ
Le karnaï est une trompette de laiton sans trous, longue de 3 mètres. Pendant qu'il joue, le musicien tient l'instrument avec le pavillon dirigé vers le haut et en se tournant il envoie les sons dans différentes directions. La voix forte et éclatante du karnaï retentit très loin, pour cette raison depuis bien longtemps, il était utilisé pour les signaux et les appels.

LE SOURNAÏ
Le sournaï est un instrument à vent, à anche en bois. Le son du sournaï est excessivement perçant et puissant.
La manière d'en jouer est intéressante: les musiciens ont recours à une méthode particulière de respiration et ils arrivent à produire un son même pendant l'inspiration de l'air. Dans un ensemble la mélodie jouée sur le sournaï iest accompagnée par les fanfares assourdissantes des karnaïs et les rythmes des instruments à percussion, la nagora, sorte de timbale double, faïte de deux pots d'argile inégaux dont les extrémités ouvertes sont tendues d'une membrane de peau et la doira, grand tambourin, muni d'anneaux métalliques. La musique de ces ensembles accompagnait aussi les spectacles de funambules. Les mélodies liées à ce spectacle très apprécié des Ouzbeks et des Tadjiks se jouent souvent seules désormais. On peut entendre sur le présent compact le son d'un ensemble traditionnel d'instruments populaires à vent et à percussion. La mélodie "Doutchava l" ("Deux Piliers") accompagne justement la performance d'un funambule. Le deuxième type d'ensemble instrumental ouzbek et tadjik est composé de différents instruments à cordes (doutar, tambour, ghidjah, sato, roubab, tchang) et de la doïra. S'y adjoint parfois le maï, flûte traversière ou le kochnaï, instrument à vent à anche, fait de deux tubes de roseau, de même grandeur et liés ensemble. Le léger décalage dans l'accordage des tuyaux du kochnaï lui donne un timbre caractéristique. Les possibilités expressives de ces ensembles leur permettent d'accompagner chants et danses en lieu clos.

LE DOUTAR

L'un des instruments populaires tadjik et ouzbek les plus répandus et les plus aimés est le doutar. C'est un instrument à deux cordes dont la caisse a la forme d'une poire, avec un long manche. On en tire des sons en faisant vibrer les cordes avec les doigts de la main droite. Au répertoire des morceaux pour le doutar figurent des variantes instrumentales de mélodies et les pièces instrumentales des makoms, dont l'une d'elles est interprétée sur ce compact.

LE TANBOUR
Le tanbour, instrument à trois cordes pincées fut l'un des instruments de musique fondamentaux des anciennes tribus ouzbèkes et tadjikes. Il était très répandu à Boukhara. AL-FARABI (871- 950) en parle dans son œuvre "Le grand livre de la musique", le tanbour, contrairement à d'autres instruments à cordes pincées, en usage aujourd'hui en Ouzbékistan et au Tadjikistan, possède une échelle diatonique. Mais comme les cordes de l'instrument sont disposées très haut sur le manche, l'interprète, en augmentant ou diminuant le pincement de la corde, peut modifier la hauteur du son d'un demi-ton seulement. Grâce à ce procédé, les joueurs de tambour obtiennent un vibrato des cordes accompagné d'un effet d'écho. Il existe des variantes de cet instrument: tchortor, pandjto, chachtor (tanbours à 4, 5, 6 cordes).

LE SETOR
Dans les régions montagneuses du Tadjikistan, on rencontre le setor qui rappelle le tanbour. Il possède 3 cordes principales et 8 a 12 cordes sympathiques, accordées sur les premières notes de la corde mélodique.

LE ROUBAB
On trouve fréquemment des cordes sympathiques sur les instruments des peuples orientaux, et le roubab, instrument a cordes pincées et le sato, instrument a archet. Il existe plusieurs sortes de roubabs: le roubab de Boukhara ou du Ferghana, de Kachgar, de Doulan, du Badakhchan, ou du Pamir qui diffèrent par la forme de la caisse et le nombre de cordes. La table d'harmonie supérieure des roubabs de toutes sortes est ouverte d'une membrane de peau qui donne la sonorité du tambour à ces instruments. On interprète traditionnellement sur les roubabs des mélodies monophoniques, mais le roubab est utilisé aussi pour accompagner les chansons de tous genres.

LE GHIDJAK
Le ghidjak est l'un des instruments a cordes et à archet les plus populaires en Ouzbekistan et au Tadjikistan. Il possède 3 ou 4 cordes, une caisse sphérique dont la partie supérieure est couverte d'une membrane de peau. Sur les anciens instruments, on tendait des cordes de soie, aujourd'hui elles sont métalliques. On interprète sur le ghidjak des morceaux de makoms et des mélodies de danses ou vocales populaires en recourant a différentes notes d'agrément et a des petits ornements mélodiques (Vorschlag et Nordente) ainsi qu'a des vibratos avec glissando sur moins d'un demi-tour. Ces procédés donnent une particulière expresivité d'interprétation grâce a la richesse des nuances dynamiques déployées par les joueurs de ghidjak.

LE SATO
Le sato se distingue par la beauté particulière de son timbre, cet instrument est mentionné par le célèbre Ibn-Sina, connu en Europe sous le nom d'Avicienne (vers 980-1037) dans son "Livre de la Délivrance de l’Âme". Le sato ressemble extérieurement au tanbour mais sa caisse est plus grosse et son manche atteint 130-140 cm. Son jeu nécessitant une grande habilité technique, on le trouve principalement parmi les musiciens professionnels qui y jouent essentiellement des morceaux lyriques et méditatifs.

LE TCHANG
A la fin du XIXe siècle apparut en Ouzbékistan et au Tadjikistan, le tchang, instrument à cordes et à percussion qui rappelle par son aspect et la façon dont on joue les petits cymbalums européens. Il faut noter qu'autrefois on connaissait sous le nom de tchang un tout autre instrument, sorte de harpe angulaire, qui a complètement disparu aujourd'hui. Les instruments à percussion occupent une grande place dans l'art musical des peuples d'Orient. Tels les timbales, les tambours, les tambours de basque.

LA DOIRA
Les rythmes interprétés sur ces instruments, formules de caractère et d'harmonie différents, les oussoulis, dans leur principe sont toujours liés aux particularités métrorythmiques de la mélodie et du texte poétique des chants. En Ouzbékistan et au Tadjikistan les oussoulis sont le plus souvent interprétés à la doira, instrument jouissant de possibilités exceptionnelles du point de vue du rythme, du timbre et de la dynamique. La doïra entre dans la composition de différents ensembles instrumentaux et est utilisée seule pour accompagner des danses spécifiques: les "Tchirmanda Ouin" (danses avec la doïra). Au programme du disque figure une danse "Zang" (c'est ainsi qu'on appelle les bracelets à clochettes que mettent les danseurs aux bras et aux pieds). Elle permettra d'entendre l'interprétation des joueurs de doïra.
A côté des œuvres purement musicales on emploie toute une série d'instruments populaires pour accompagner le récit des "dastanes", légendes épiques des peuples ouzbeks et tadjiks. Les interprètes de dastanes, poètes improvisateurs et musiciens de grand talent, développaient en prose à partir d'un canevas une légende séculaire. Ils chantaient avec art en s'accompagnant au doutar ou à la doumbraka (variante du doutar) les épisodes poétiques du dastane, qui relataient les épreuves spirituelles des héros de l'épopée. Dans certaines régions d'Ouzbékistan il existe une tradition qui veut que l'on interprète les dastanes en émettant des sons rappelant la sonorité d'une voix "rauque". Les légendes épiques les plus connues appartiennent au cycle de dastanes "Gour-Ougly" qui racontent la vie et les hauts faits des héros qui ont vaincus les ennemis de leur peuple. Le sujet du dastane "Gour-Ougly" se rencontre fréquemment chez de nombreux peuples d'Orient. On trouvera sur le disque un fragment musical d'un dastane Ouzbek qui porte ce titre.








Géorgie

Historique



Aux portes de l'Asie, il y a environ trois mille ans, les ancêtres des Géorgiens, membres des tribus Hittites et Ibères, fondèrent deux royaumes, la Colchide et l’Ibéride. Celui d'Ourartou (IV-VIe siècles avant J.C.) fut édifié sur les plateaux de l'Arménie à la même époque. Après sa chute, la population se mêla, aux côtés des Arméniens, aux Haïasses; c'est de cette fusion que naquit le peuple arménien. Soumis aux régimes des conquérants, les Arméniens et les Géorgiens surent conserver leur authenticité, en dépit d'innombrables influences (persane, grecque, macédonienne, arabe, etc.). La musique occupait une place importante chez ces peuplades, comme en témoigne au VIe siècle avant notre ère l'historien grec Xenophon. Il nous apprend que les Cazes (ancêtres des Géorgiens) marchaient au combat en s'accompagnant de chants et en dansant. Le géographe grec Strabon signale l'apparition précoce de chœurs dans les fêtes religieuses et païennes, dès le 1er siècle avant J.C.



Dictionnaire des instruments


LE SVIREL, LE SALAMOURI
Aujourd'hui encore l'instrument favori des bergers, c'est aussi le plus ancien, comme l'atteste la découverte de svirels datant du IIe siècle avant J.C. sur les sites archéologiques de Garni, en Arménie et de Mtskheta en Géorgie. C'est un instrument à trois trous, fabriqués à partir de longs os d'oiseaux (probablement de cigogne). De nos jours il comporte huit trous, et qu'il soit en bois, en roseau ou parfois en métal, il est toujours délicatement décoré. Il existe de nombreux svirels en Arménie, avec ou sans sifflet. En Géorgie, le plus répandu est le salamouris. Le son en est doux et assourdi dans les graves, fort et perçant dans les aigus. C'est un véritable outil pour le berger, qui en joue au départ du troupeau, et peut communiquer aussi avec les autres bergers. Cet instrument accompagne également les réjouissances. Son nom signifie "salut", "salutation". Les salamouris font souvent partie des ensembles vocaux et instrumentaux. Certains musiciens excellent à jouer sur deux instruments à la fois, comme il en est proposé un exemple sur ce compact.

L'ATCHARPAN
Les Abkhazes, peuple dont le territoire est intégré à l'actuelle Géorgie, chérissaient particulièrement l'atcharpan, flûte ouverte qui tire son nom de la plante "atcharpan", utilisée pour sa fabrication. Le musicien, tout en jouant, émet un bourdonnement grave et obtient ainsi deux sons à la fois. Une légende d'Abkhazie raconte l'origine de l'atcharpan. Un héros "narte" (tribu vivant au Nord-Ouest du Caucase) du nom de Kiatavan, gardait un troupeau dans la montagne. La chaleur était torride, et il somnolait lorsqu'il entendit une voix l’interpeller:
"Hé, Kiatavan! Mon frère narte,
Tu t'endors! Mais ne vois-tu pas
Que tes brebis broutent la plante
Par laquelle tu seras immortel?"
Kiatavan sursauta; il vit les brebis paître l'atcharpan, dont il ne restait plus qu'une racine. Comme il allait s'en emparer, un mouton l'attrapa. Kiatavan aussitôt la lui reprit, mais la marque des dents de l'animal demeura incrustée dans la tige. Pour lui rendre sa forme, il souffla dedans; aussitôt s'en échappa un son envoûtant. Kiatavan commence alors à jouer, et la mélodie s'envole vers la vallée. Ainsi naquit l'atcharpan, svirel typiquement pastoral. Les ritournelles sont liées en majorité a la vie des bergers et a leurs croyances: ils jouent en suivant leur troupeau, pour favoriser l'appétit de leurs bêtes et leur donner plus de lait.
Les autres instruments à vent, a anche, répandus dans ces deux régions sont la zourna, le doudouk, la volinka.

LA ZOURNA

Très ancienne, elle est évoquée à maintes reprises dans la célèbre épopée arménienne "David Sasouski", qui date du 9e siècle. Toutes les taches paysannes s'exécutaient au son de la zourna (les vendanges, la mouture du grain, le transport des fardeaux, etc.), et les jours de fête, sa présence était indispensable comme elle l'est demeurée aujourd'hui encore. Un jeu "forte" ou "fortissimo", un son puissant, un timbre perçant, destinaient cet instrument a la musique en plein air. Le trio est la formation la plus fréquente: le maître joue la mélodie, le second musicien émet des bourdonnements étouffés en jouant, cependant qu'un troisième les accompagne en frappant sur un dool (tambour). Le répertoire des zournas comprend des danses, des musiques rituelles, des hymnes, par exemple les hymnes au matin "Saari" et "Zorka" que l'on jouait lorsque les festins se prolongeaient jusqu'à l'aube.

LE DOUDOUK
La technique de jeu est exactement la même que pour la zourna, mais le timbre en diffère complètement: doux et lyrique, c'est peut-être l'instrument à vent le plus beau; avec ses nuances raffinées, sa tonalité souple, il a des accents de voix humaine. Le son expressif et pénétrant est parfaitement mis en valeur par les mélodies lyriques arméniennes. Les danses sont exécutées par des ensembles de doudouk accompagnés d'un dool, que l'on frappe avec les doigts, tandis qu'on emploie des baguettes s'il s'agit de zournas.
En Géorgie, les chants se mêlent spontanément à la musique. Au début du siècle, on y rencontrait encore des musiciens itinérants: les mestvires, qui chantaient et jouaient de la cornemuse. Ils se produisaient sur les places les jours de marché. Leurs chansons, quoique préparées, donnaient le sentiment d'improvisations. Le chanteur se présentait à un repas de fête sans y avoir été invité, comme le voulait la tradition: il demandait leurs noms aux convives, et les intégrait à l'une des chansons de son répertoire. L'humour fin et la satire acerbe des mestvires expliquent leur très grande popularité. Ils transmettaient leur art à des élèves qui les suivaient de village en village. Ils apprenaient pendant trois ans à improviser des vers, à chanter et à jouer de la cornemuse.

LE GOUDASTVIRI (cornemuse)
Le mot gouda signifie outre, et stviri est le suffixe apposé au nom des instruments à vent. La poche est en peau, reliée à trois tuyaux, dont deux sont mélodiques, et dont le troisième sert à insuffler l'air. Le goudastviri n'a pas de tuyau bourdon, et c'est en cela qu'il se distingue des autres cornemuses. Il permet au musicien d'interpréter des morceaux relativement complexes à deux tonalités, ce qui reflète l'évolution précoce, en Géorgie, du chant choral.

LE PARAKAPZOUK
Instrument arménien proche du goudastviri, utilisé par les musiciens itinérants, qui en jouaient seuls ou pour accompagner des spectacles de funambules. Cet instrument n'apparaît plus aujourd'hui que dans les ensembles traditionnels.

LES TCHIANOURI ET LES TCHOUNIRI
Instruments à deux, trois ou quatre cordes, dont la caisse est ronde et couverte dans sa partie supérieure d'une peau. Avant de les utiliser, on les expose au soleil ou à une source de chaleur pour en améliorer la sonorité. Ils sont tellement sensibles au vent et l'humidité, que les Svani (Géorgiens) en les écoutant, pouvaient déterminer le temps qu'il ferait. Le morceau "Satchidao" proposé sur ce compact (tchouniri et pandouri - instruments à cordes pincées) accompagne les compétitions de tchidaoba (lutte géorgienne).

L'APKHERTSA
Instrument à deux cordes et archet, occupant une place prépondérante en Abkhazie. Selon les conteurs, il aurait été créé par le désespoir que suscitèrent plusieurs siècles de guerres incessantes. Ses mélodies soulageaient le peuple de ses souffrances. Autrefois, quand les armées avançaient sur l'ennemi, un soldat les précédait en jouant de l'apkhertsa pour les entraîner. S'il était blessé, un autre le remplaçait aussitôt. D'ailleurs, le nom de cet instrument signifie littéralement "qui pousse à avancer". Considéré aussi comme un moyen de calmer la douleur, il servait aux musiciens pour chanter et jouer des pièces sacrées au chevet des blessés et des malades. En effet la maladie, selon les traditions abkhazes, révèle la présence de Dieu, et le chant recèle ainsi la double faculté d'éloigner le mal et d'apaiser Dieu pour qu'il accorde la guérison. D'une manière générale, l'apkhertsa est lié à de nombreux rites issus des anciennes pratiques païennes: incantations à la pluie, ou pour remercier le dieu de la chasse, Djeïchanou. Les récits héroïques forment une part importante du répertoire pour apkhertsa. Consacré au célèbre musicien-chanteur Jana Atchba, qui vécut dans la première moitié du XIX siècle, la chanson proposée ici est interprétée par le "Nartaa", un chœur d'anciens (ses membres sont âgés de quatre-vingts à cent ans).

LE PANDOURI
Très ancien, il est indissociable des croyances et des coutumes. Pour le fabriquer, il fallait abattre un arbre en été, un jour de pleine lune, puis le façonner d'une seule pièce en évidant le côté qui avait été exposé au soleil. Pour la résonance, on perçait la table d'harmonie avec du plomb en fusion. Le pandouri est le symbole de la joie; aussi était-il interdit de l'employer dans une famille ayant perdu l'un des siens, le deuil étant porté durant un an. Son nom est souvent attribué à d'autres instruments à cordes;il est cité pour la première fois dans des manuscrits du Xe siècle.

LE TCHONGOURI
II comporte quatre cordes, sa caisse en forme de poire est faite de pièces de bois collées. Ces deux instruments ont des bases communes: un même répertoire, des traditions de jeu et des possibilités expressives et techniques.

LE DOOL
C'est un tambour double face, tendu de peaux de veau ou de mouton. On en joue avec les mains ou avec des baguettes de bois, la première étant légèrement recourbée, l'autre plus fine et droite, chacune servant a frapper l'une des deux faces. L'une des peaux étant plus épaisse, on obtient de multiples tonalités. La rythmique est exécutée différemment sur le dool, la nagara (petit tambour en céramique) et le dafet; l'ensemble confère diversité et animation aux orchestres populaires.