Musiques Ouïgures, Turkestan Chinois / Xinjiang



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OCORA C 559092/93
1988-1989







La musique des Ouïgours.

"Le premier qui connut le chant fut Khezr, un ami de Dieu. Il enseigna son savoir a l'eau, source indispensable de vie. Et l'eau apprit a chanter. Puis, le premier porteur d'eau écouta le chant et fut charmé par les modulations nées des vagues, des courants et des rapides. Après avoir porté quantité de seaux en écoutant la musique accompagner sa marche, il apprit a chanter. Puis les muletiers qui s'arrêtaient au bord de l'eau pour faire boire leurs bêtes apprirent, eux-aussi, le chant de l'eau. Ainsi, peu a peu, tout le monde connut le chant de Khezr transmis par l'eau."

Ce mythe d'origine, rapporté par un musicien, relie le chant à l'eau et témoigne de la valeur accordée à l'art vocal par les Ouïgours. Le milieu naturel de ce peuple du Turkestan chinois apparaît comme une immense plaine désertique parsemée d'oasis et bordée de montagnes. L'eau, rare dans ces étendues sablonneuses, est un bien précieux pour ces hommes au même titre que leur riche tradition musicale qu'ils considèrent comme un bien vital.


Géographie et population du Xinjiang.

Le Xinjiang, appellation chinoise vieille de plus de deux millénaires qui signifie "Nouvelles Marches", est situé a l'extrême nord-ouest de la République populaire de Chine. Province la plus vaste du pays, elle représente, avec 1,6 million de km2, un sixième de la superficie nationale. Bordé par d'imposants systèmes montagneux au nord (l'Altaï mongol) a l'ouest (le Pamir) et au sud (les monts Kunlun), le Xinjiang est constitué à 22 % de déserts, le Taklamakan, le bassin aride de Dzoungarie et la lagune mouvante de Lopnur.

Ces deux caractéristiques antinomiques, déserts et glaciers, s'accompagnent d'un réseau hydrographique riche et typique par son endoreïsme fréquent. Les torrents descendant des glaciers favorisent l'émergence d'oasis bien délimitées mais luxuriantes qui permettent une exploitation agricole: blé, coton, maïs, tabac, riz, arbres fruitiers variés, vignes, cucurbitacées, etc.

Au centre de la région, l'axe montagneux des Tianshan marque une limite horizontale entre le nord et le sud du Xinjiang. Ce barrage naturel difficilement contournable affecte les voies de communication de la région. La capitale de la province, Urumči, est située au nord, ce qui a favorisé le développement de la partie septentrionale. Le sud est un peu considéré comme le parent pauvre et les gens du nord regardent de haut leurs voisins méridionaux.

En raison de ces conditions géographiques, le Xinjiang est relativement peu peuplé en comparaison avec la frange orientale de la Chine. Ses 13,61 millions d'habitants (au dernier recensement de 1982), concentrés sur les marges désertiques, se répartissent en une mosaïque ethnique. Si les Ouïgours sont majoritaires avec 6 millions d'habitants, on trouve aussi beaucoup d'autres populations turco-mongoles, tels que les Kazakhs, les Kirghizs, les Ouzbeks, les Mongols, les Taghur, les Tatars ainsi que les Hui (musulmans han), les Han (Chinois), les Tadjiks, les Xibo et les Russes. Par ailleurs, 500 000 Ouïgours environ se trouvent en U.R.S.S.: 200 000 au Kazakhstan, dans la vallée de l'Ili, et 300 000 en Ouzbekistan où ils sont plus ou moins assimilés aux Ouzbeks.

Point de passage et carrefour entre l'extrême Asie et le Proche-Orient, le Xinjiang est encore aujourd'hui relativement enclavé. Depuis 1983, quatre voies d'accès sont possibles. La logique des frontières incite le voyageur à emprunter la route de Pékin, mais c'est sans compter les 2 500 kilomètres a vol d'oiseau qui séparent la capitale chinoise de la capitale de la province reliées par quatre longues journées de train, unique ligne ferroviaire du Xinjiang. Munis de vêtements chauds, le voyageur préférera rejoindre le district tadjik du Xinjiang depuis le Pakistan en empruntant la "Karakorum Highway" qui se fraye un chemin entre les sommets de la chaîne himalayenne (6 000 m d'altitude). Enfin, grâce à l'amélioration des relations sino-soviétiques, on peut traverser les républiques soviétiques de Khirghizie ou du Kazakhstan pour atteindre Kashgar ou la vallée de l'Ili.

Mais l'isolement du Turkestan chinois ne doit pas oblitérer sa position stratégique dans l'organisation géopolitique de cette partie du monde. Cinq pays ont des frontières mitoyennes avec le Xinjiang: la Mongolie, l'Union Soviétique, l'Afghanistan, le Pakistan et l'Inde.


Histoire des Ouïgours.

La longue histoire du peuple ouïgour est difficile à résumer et apparaît, aujourd'hui encore, très confuse. Le Turkestan chinois a été depuis le IIe A.C. le théâtre de luttes souvent violentes entre diverses populations qui, au fil du temps, se sont mélangées et acculturées.

Les découvertes archéologiques et épigraphiques, ont établi que les Ouïgours sont issus des Huns, les premiers maîtres de l'Asie centrale. Sur une stèle datée de 460 A.D. se trouve la première mention faite des On Oghur, les Dix Ouïgours, qui forment une confédération clanique alors située dans le nord de l'actuelle Mongolie.

De 745 à 840 les Ouïgours s'organisent en un empire qui maintient d'excellentes relations avec la dynastie chinoise des Tang à laquelle ils paient un tribut et rendent hommage. Mais l'état de vassalité des Ouïgours est privilégié car plusieurs khaghan de l'époque épousent des filles d'empereurs chinois, et nouent ainsi des relations d'alliés.

En grande majorité de religion shamaniste et bouddhiste, principalement dans les hautes classes sociales, les Ouïgours adoptent vers 760 le manichéisme comme religion officielle. Sous cette influence, les Ouïgours utilisent deux systèmes d'écriture, l'écriture manichéenne et l'écriture dite "ouïgoure" dérivée du sogdien. Cet outil permettra aux Ouïgours d'être les civilisateurs des peuples turco-mongols voisins, au moins entre le IXe et le XIIIe siècle. Ainsi, l'empire gengiskhanide adoptera l'écriture ouïgoure pour rédiger son code législatif.

Après huit années de luttes intestines, l'empire ouïgour s'écroule en 840 après que les Kirghizs lui aient porté les derniers coups. La population fuit l'envahisseur et se scinde en deux groupes, l'un cherchant refuge vers l'est dans les territoires chinois, l'autre vers l'ouest et le sud-ouest on quelques années plus tard il fonde, avec les populations autochtones de culture indo-européenne, de nouveaux états. Cette paix recouvrée favorise un nouvel essor culturel. C'est alors que l'islam supplante le manichéisme: au Xe siècle, la Kashgarie est islamisée et trois siècles plus tard c'est l'ensemble du Xinjiang qui est converti a l'islam sunnite d'obédience hanifite.

Au cours des siècles suivants, les Ouïgours investissent peu à peu l'ensemble de l'actuel Xinjiang, au fur et 'à mesure du recul des Tibétains. Organisés en un ensemble de petits khanats, ils se livrent périodiquement à des luttes hégémoniques qui favorisent tantôt le khanat de Kashgar, tantôt celui de Khotan ou de Yarkän.

Au début du XXe siècle, les grandes puissances voisines, notamment la Russie et la Grande-Bretagne depuis son protectorat indien, tentent des opérations de séduction envers le Xinjiang, région très riche en ressources naturelles et constituant un carrefour stratégique. Mais après la mise en place du nouveau régime chinois en 1949, le Turkestan est rattaché a la République populaire de Chine qui, en 1955, l'érige en Province autonome ouïgoure du Xinjiang.




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Tradition musicale.

Les Histoires Dynastiques chinoises attestent l'existence de traditions musicales dans les "Nouvelles marches" dès une époque très reculée. Au IIe siècle A.C., le premier ambassadeur chinois, Zhang Qian, rapporta à la capitale une suite chantée des contrées centre-asiatiques. Plus tard, au VIe siècle, un musicien de Qiuci (actuellement Kuča), Su Zhi-po, fit partie de la suite d'une princesse ouïgoure en route vers la capitale pour épouser l'empereur des Tang. Sous la même dynastie, au moins huit ensembles de musique des "Nouvelles marches" étaient représentés au Ministère de la musique à la capitale de l'empire chinois, dont ceux de Qiuci, de Shule (actuellement Kashgar), de Gaochang (Turfan), de Yutian (Khotan) et de Yizhou (Qumul).

Cette époque des Tang connaît un essor des échanges culturels entre la Chine et le Xinjiang. Par la Route de la Soie, beaucoup d'instruments d'Asie centrale ou du Moyen-Orient parviennent entre les mains des Chinois qui les adoptent, après y avoir apporté quelques modifications, tels le suonai (surnay) et le pipa (barbat).

Si la musique d'art ouïgoure est attestée dès l'antiquité, la tradition classique du Muqam comme telle remonte de source sûre au moins au XVe siècle, époque où s'exerça une forte acculturation islamique. Compte tenue de la circulation des musiciens à ces époques, il est probable que le répertoire ouïgour fut alors organisé selon les catégories modales (muqam) en usage dans l'Orient musulman, et que le répertoire fut étendu par quelques emprunts aux traditions voisines.

Bien qu'il y ait lieu de penser qu'elles se soient maintenues relativement isolées des influences extérieures, les musiques savantes et populaires des Ouïgours se rattachent par certains traits à celles de leurs proches voisins. La structure du Muqam en suites de compositions fixes est aussi celle du Shashmaqâm tadjik-ouzbek qui partage dix de ses muqam avec la tradition ouïgoure, bien qu'avec des contenus différents. Cette structure, ainsi que le style de certains čong näghmä évoque par ailleurs le Sufiyana Kalâm du Kashmir, région qui jouxte le Xinjiang. Les racines du On ikki muqam se prolongeraient donc également vers l'ancien monde indo-persan et touranien. On remarque dans ce sens que les trois modes (rag) afghans les plus courants sont proches des modes ouïgours dominants, et que des éléments de la musique urbaine du nord du Pakistan (Chitral, Hunza) et du Kashmir se retrouvent dans certaines chansons de Kashgar.


Les traditions du Muqam au Xinjiang.

L'adoption d'une taxinomie irano-arabe n'implique pas que les noms des muqam (comme Čarigah, Segah, Nava) s'appliquent aux mêmes contenus modaux que dans les traditions du Moyen-Orient ou dans les anciens traités. De plus, le terme Muqam, qui à l'origine s'applique à des catégories modales, possède plutôt chez les Ouïgours le sens de suite de compositions, et par extension, celui très général de musique savante; (c'est dans ce sens que nous écrivons Muqam avec une majuscule). Enfin, s'il existe bien une cohérence modale entre les différentes pièces composant chacune des suites (muqam), dans bien des cas cependant, le déroulement d'une suite comporte des modulations qui occultent totalement le mode initial, de sorte qu'il est souvent impossible d'identifier certaines sections d'un muqam par leur seule gamme modale.

Pour les Ouïgours, le terme de muqam implique deux principes déterminants:
Pour les Ouïgours, le terme de muqam implique deux principes déterminants:
- un muqam doit avoir une "tête de muqam" (introduction au rythme non-mesuré) sans laquelle on ne peut parler de muqam:
- a cette introduction doit succéder une suite organisée de pièces dont la structure répond à des exigences modales et rythmiques.
Ce peu de contraintes implique que le terme muqam peut être appliqué à une suite de chansons précédée d'une "tête".

En fait, il existe au Xinjiang plusieurs traditions de Muqam. Une analyse formelle de ces variantes régionales, nous a amenés à la typologie suivante:

1) Le muqam complet, à dominante heptatonique.
On le trouve principalement en Kashgarie, lieu de naissance du On ikki muqam (lit. "Douze muqam"), qui représente, aux yeux des Ouïgours eux-mêmes, la forme parfaite du muqam, avec ses trois grandes sections, baš et čong näghmä, dastan, mäšräp.
On peut rattacher à ce On ikki muqam, quatre formes incomplètes: ainsi les muqam de Ili et de Kuča qui n'ont plus de čong näghmä. Les muqam de Turfan ne comportent ni dastan ni mäšräp. Quant à ceux de Khotan, ils enchaînent à la suite du baš muqam, une série de chansons populaires. Toutes ces formes, si distinctes soient-elles, sont cependant à rapprocher, car elles ne doivent leur diversité qu'à des paramètres historico-géographiques. Exceptée la vallée de l'Ili, toutes les régions mentionnées sont les plus importantes oasis du Xinjiang du sud qui ont été dans une même mouvance intellectuelle, dont le centre était Kashgar, Yarkän ou Khotan. En ce qui concerne Ili, c'est en 1883 qu'un certain Muhämät, de Kashgar, a transmis aux habitants de la vallée septentrionale le On ikki muqam, dans son intégralité.

2) Le muqam constitué d'une "tête" et de chansons populaires, à dominante pentatonique.
Il s'agit du muqam de Qumul qui doit sa spécificité à une proximité avec les terres chinoises qui ont influencé sa tradition musicale. Bien qu'appartenant à la sphère culturelle ouïgoure, la région de Qumul a intégré beaucoup d'éléments chinois.

3) Le muqam constitué d'un baš de chants populaires organisés, à dominante hexatonique.
Il s'agit du répertoire des Dolan, groupe ethnique sur lequel nous reviendrons plus loin. Ces muqam comportent cinq parties distinctes, dont les noms sont propres aux Dolan (cf. vol. 2, 1 6):
- muqam, introduction au rythme non-mesuré,
- čikitmä, en 3/4, marque le début de la danse.
- sänäm, est le nom de la danse en 2/4,
- sänäqs, appelé quelquefois "premier sirilma" est en 2/4,
- sirilma, danse en 2/4 dont le nom signifie "queue", c'est-à-dire fin du muqam.


Structure et formes du On ikki muqam.

L'ensemble du répertoire classique, On ikki muqam, est organisé en douze suites (muqam) chacune baptisée d'un nom propre qui correspond plus ou moins un mode implicite de référence: Rak (ou "Rak muqam"), Čäbbiyat (Čäp-bayat), Mušaviräk, Čärigah, Pänjigah, Özhal (Ozzal), Ajäm, Ošaq, Bayat, Nava, Segah, Iraq. Ce corpus de compositions canoniques exclut - de nos jours - la création et l'improvisation, mais autorise des arrangements, voire des transformations.

Le nombre de muqam a semble-t-il varié dans le passé entre dix, treize et dix-sept. Au cours du XIXe siècle on a réorganisé le répertoire afin d'arriver à douze muqam, probablement pour des raisons symboliques et en référence aux fameux douze muqam théoriques de Safiuddîn al-Urmawî (XIIIe siècle) et Ebn-e Ghaybî-e Marâghî.

Par leur forme et leur organisation interne, chacun des douze muqam constitue une suite de vingt à trente pièces destinées a être interprétées dans un certain ordre. Ces pièces correspondent a des formes qui se différencient par leurs aspects métro-rythmiques, leur place, leur fonction, leur structure interne et leur contenu littéraire. Théoriquement, un muqam se déroule en trois parties: 1a) baš muqam, 1b) čong näghmä, 2) dastan, 3) mäšräp.

Les différentes pièces qui se succèdent dans chaque section pour former un muqam complet sont les suivantes:

· 1ère section (čong näghmä, "grands airs"): Le baš muqam ("tête du muqam", ouverture) est un prélude non-mesuré, en principe vocal et instrumental, mais parfois joué sur un instrument seul (cf. vol. 1, 1, 3). Le täzi (ou täzä, "mise en ordre") est une composition vocale en 6/4, très longue, lente et solidement structurée, réputée complexe et difficile. (Cf. fin du täzi, vol. 1, 4). Le märghul (de l'arabe "mélisme") est le "double" instrumental d'une pièce vocale; il suit le même rythme, mais dans un tempo un peu plus rapide et dans un ton plus léger, introduisant fréquemment des modulations. Toutes les formes peuvent avoir un märghul, sauf le sänäm et les mäšräp; les pièces qui ne sont pas des märghul sont nécessairement chantées. Les autres pièces sont les suivantes: le nuskhä, (de l'arabe "texte") est en 5/4 ou 4/4; le säliqä (de l'arabe: "goût inné", en ouïgour: "habileté"), en 4/4, connaît deux variantes: kičik säliqä ("petit") en 4/4 et čong säliqä ("grand") en 5/8 (vol. 1, 4); le jula ("brillant") en 4/4 est destiné à la danse (vol. 1, 4); le sänäm (du persan "idole" ou "beauté") est un chant de danse en 4/4, au caractère enjoué (cf. vol. 1, 10); le päšro (du persan "préambule") est généralement en 4/4 (vol. 1, 6); il est considéré comme un "pont" entre les deux sections et est suivi du täkit (de l'arabe "réitération") en 6/8.

· 2ème section: (dastan, "histoires" ou "airs narratifs"). Ces pièces vocales, au nombre de trois ou quatre (éventuellement dansées), ont la réputation d'être plus populaires et plus faciles à chanter que certaines pièces des čong näghmä. Le 1er dastan est le plus souvent en 4/4, le 2ème en 7/8, le 3ème et le 4ème en 3/4 ou 6/8 (cf. vol. 1, 2, 5, 7, 8, 9).

· 3ème section: Deux a sept mäšräp (de l'arabe "lieu où l'on boit"). Ce terme désigne en ouïgour une chanson de muqam et par extension une fête avec musique et danse. Ils sont enchaînés par ordre de tempo croissant, sur des rythmes en 7/8 puis en 2/4. Pour conclure le muqam, on rappelle un bref passage du baš muqam.

La plupart des textes sont des poèmes classiques ghazal, dont la métrique est quantitative (aruzi, comme les vers grecs et arabes), mais lessänäm et mäšräp sont en général sur des poèmes populaires en vers syllabiques. Les textes des čong näghmä sont généralement tirés des anciens poètes écrivant en turc caghatay, comme Fuzulî ou ºAli Shîr Navâ'î. Les textes des dastan, moins classiques, sont tirés des épopées fameuses ou des histoires d'amour de Ghärip et Sänäm, Farhad et Širin ou Yusup Ahmat.


Le contexte du Muqam des Dolan.

Le Muqam dolan se distingue du On ikki muqam par deux grandes caractéristiques. Tout d'abord, il est entièrement dansé; les mouvements exécutés évoquent les parties de chasse et s'achèvent en une ronde autour du butin, suggéré au centre, puis par un tournoiement de chacun des danseurs sur lui-même qui exprime sa joie du combat victorieux. Par ailleurs, la durée d'un muqam dolan est brève, six à huit minutes, à la différence du On ikki muqam dont les amples suites durent deux heures environ. Ces différences soulignent la spécificité des Dolan.

Officiellement les Dolan sont intégrés à l'ethnie ouïgoure de laquelle les ethnographes chinois ne les distinguent pas. Cependant, nous avons relevé suffisamment de différences entre ces deux populations pour considérer les Dolan comme un sous-groupe ethnique des Ouïgours. L'ethnohistoire des Dolan n'a jamais été étudiée. Il existe beaucoup de mythes d'origine qui les rattachent aux Ouïgours de Yarkän. Mais le terme dolan semble avoir une étymologie mongole, et un mythe d'origine raconte que les ancêtres formaient un clan mongol émigré au Xinjiang. Quoiqu'il en soit, les Dolan d'aujourd'hui parlent une forme dialectale de l'ouïgour, possèdent une terminologie de parenté et des règles de mariage différentes des Ouïgours. En outre, ils distinguent toujours les concepts de "musique dolan" et de "musique ouïgoure".

Les Dolan n'étant pas reconnus comme une ethnie distincte, aucun recensement de leur population n'a été publié. Ils peuplent une bande rectangulaire située sur les marges du Taklamakan, allant de Mural Bäši à Avat au nord, et de Poskam à Mäkit au sud. Comme leurs voisins ouïgours, les Dolan sont des agriculteurs, mais ce secteur économique est relativement faible, étant donnés les aléas du réseau hydrographique du Taklamakan occidental, et l'élevage des moutons est un complément d'activité vital.

Les Dolan jouent de la musique soit quand ils partent faire paître le troupeau en emportant avec eux un petit instrument, soit à l'occasion de grandes fêtes (mäšräp) organisées régulièrement. Les villages dolan sont très petits et assez éloignés les uns des autres, pourtant, lors des mäšräp, cent à trois cents personnes des deux sexes et de tous âges se retrouvent, certains ayant marché des dizaines de kilomètres pour y participer. La fête dure au minimum cinq heures et commence en fin de journée, lorsque les travaux agricoles sont achevés et que les troupeaux sont rentrés. Le mäšräp est organisé pour fêter un mariage, l'arrivée ou le retour d'un voyageur, une bonne récolte, etc. Mais, outre ces événements heureux, la fête a lieu en réalité chaque semaine, car les villageois sont obligés de prendre en charge, à tour de rôle, l'organisation d'un mäšräp. Ce système de prestation est réglé par une coutume qui permet de désigner, lors d'un mäšräp, l'organisateur du mäšräp suivant.

Pendant ces nuits de fête, les performances musicales se succèdent et s'intercalent a des saynètes. Les musiciens et les acteurs sont alternativement actifs et passifs, c'est-à-dire que tous les participants entrent en scène et en sortent selon leur gré. Pendant les performances musicales, on joue deux ou trois muqam dolan, et tout le monde danse. Puis, on se "divertit" avec les saynètes dont le rôle social n'est pas à négliger. En effet, elles soudent la communauté et permettent de résoudre les différends ainsi, elles sont l'occasion offerte au jeune homme de déclarer publiquement son amour pour l'élue, ou aux amis de faire remarquer leurs liens de solidarité. Les saynètes sont également l'opportunité pour deux personnes brouillées de faire état des raisons de leur querelle devant la communauté et de l'annuler par la suite.

L'importance et le rôle dévolus aux mäšräp sont bien illustrés par cette affirmation d'un paysan dolan: "Nous avons besoin des mäšräp pour vivre!"


Place des muqam dans la culture ouïgoure.

Un jour, un vieux joueur de dap définit pour nous le Muqam en ces termes: "le Muqam, c'est la mère. Chacun des vers sont ses enfants. Nous sommes tous des héritiers des Muqam, ce sont nos parents. C'est pourquoi, la transmission des Muqam, de génération en génération, est si importante et nous est indispensable. Car, s'il n'y a pas de mère, il ne peut y avoir d'enfant. Et sans mère, l'enfant n'est pas éduqué et ne peut atteindre l'âge adulte."

Cette métaphore de parenté est très fréquente. Les Ouïgours sont à la fois fiers et admiratifs de leur Muqam. Ils ne le traitent pas comme une œuvre créée par eux, mais plutôt, en lui conférant une identité anthropomorphique, ils lui assignent une antériorité et se pensent, eux-mêmes, en terme de descendants.

Mais, ceci n'implique pas que le Muqam soit devenu un objet de musée intouchable. Les premiers enregistrements de Muqam, faits au début des années soixante, sont très différents de ce que l'on peut entendre actuellement au Xinjiang. En effet, participant à tous les événements de la vie, le Muqam se transforme. En outre, chaque maître marque le Muqam de sa propre interprétation, même si la part donnée à l'improvisation est presque inexistante comparée au rôle qu'elle joue dans les maqâm de tradition arabe ou persane.

Le Muqam n'est pas traité par les Ouïgours avec le respect affecté témoigné à un objet précieux, mais plutôt avec une sorte de boulimie d'un bien vital. Tous ont droit au Muqam; il n'existe aucun a priori excluant un individu quelconque de jouer ou d'écouter le Muqam. Les femmes comme les hommes, les vieux comme les jeunes, les pieux comme les moins pieux peuvent s'exercer à l'art du Muqam. Ce répertoire savant est joué à tout instant et ne nécessite aucune préparation spirituelle de l'exécutant. Lors d'une fête de mariage, d'une réunion entre amis, ou pour souhaiter la bienvenue au voyageur, ou même pour mendier, on entend jouer du Muqam. Cependant il n'est pas usuel d'exécuter un muqam en entier. Les musiciens enchaînent volontiers des parties de plusieurs muqam, et leur choix est motivé par les réactions de l'assistance, par l'atmosphère de la fête, ou les desiderata du public. En effet, chaque muqam a un ethos: Rak, Čäbbiyat, Mušaviräk et Pänjigah sont considérés comme des muqam gais tandis que Čarigah, Ošaq, Nava et Özhal sont considérés comme tristes. De plus, chaque muqam a un public privilégié, c'est-à-dire, une catégorie de personnes qui l'apprécie davantage. Cette proposition est d'ailleurs équivalente puisque chacun des muqam est aussi l'emblème d'une catégorie sociale. Ainsi, l'un de nos informateurs établissait les correspondances suivantes: Rak correspond aux femmes célibataires; Čäbbiyat aux femmes mariées encore jeunes; Pänjigah aux jeunes hommes célibataires; Mušaviräk aux jeunes hommes mariés; Ošaq et Čarigah aux orphelins et aux gens tristes et malheureux; Nava aux amoureux non déclarés; et Segah aux ermites.

On peut distinguer deux types de performances du Muqam: l'une officielle et solennelle, rassemblant des groupes de plusieurs dizaines de musiciens (et danseurs) à l'image de la musique symphonique; l'autre, conforme à la tradition ouïgoure, mettant à contribution un soliste ou un petit nombre d'interprètes. Pour compenser la lourdeur des grands ensembles, on "orchestre" parfois les compositions, distribuant certaines phrases à des instruments en particulier, contrastant les solos et les tutti de l'orchestre, etc. Ce style reflète une volonté d'imiter un modèle occidental. Compte tenu de l'avis des vieux Ouïgours et du goût du public occidental éclairé, on s'est limité ici à des interprétations du second type. Ainsi allégées de la masse orchestrale, les mélodies déploient tantôt avec retenue leurs subtiles irisations, tantôt jaillissent comme un feu d'artifice dans une ambiance de fête. Bien qu'il n'y ait pas d'improvisation proprement dite, les solistes font preuve d'une grande liberté dans l'interprétation du schéma mélodique, introduisent selon leur goût beaucoup de fioritures, broderies et diminutions qui mettent à contribution toutes les ressources spécifiques de leurs instruments.

En définitive, le Muqam ouïgour, constitutif de la musique savante, est un répertoire très ancien mais qui a conservé toute sa vigueur et n'est pas resté figé dans sa forme originelle.


Les Chansons.
Les chansons forment le versant populaire de la musique ouïgoure (vol. 2). De même que pour la musique savante des muqam, il existe plusieurs traditions régionales et chaque oasis possède son propre répertoire de chansons. Les grandes distinctions sont plus particulièrement pertinentes lorsqu'il s'agit des régions frontalières avec une zone appartenant à une autre aire musicale: ainsi la vallée de l'Ili qui a adopté plus que tout autre des traits ouzbeks et l'oasis de Qumul, des éléments chinois.

Les thèmes des chansons ouïgoures appartiennent à des registres assez peu variés. La majorité d'entre elles sont des chansons d'amour, amours réussies ou déçues, dont les textes sont souvent extrêmement savoureux car ils abondent en métaphores; les autres sont des chants épiques relatant les actes héroïques de tel ou tel personnage historique, ou chantent la solitude du berger. Il existe aussi quelques chants "fonctionnels" qui accompagnent les travaux champêtres.

Le fait remarquable est que tous les Ouïgours savent chanter et connaissent un grand nombre de chansons. La plupart sont capables de s'accompagner eux-mêmes au dutar, instrument présent dans tous les foyers. Hommes, femmes, enfants et vieillards ont l'habitude de chanter pour combler la solitude ou pour égayer une soirée passée entre amis et susciter la danse.




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Les aspects techniques.

Les modes. La mélodie ouïgoure se distingue d'emblée par l'ampleur de sa tessiture et par les sauts de la ligne mélodique. En ce sens, elle se démarque des autres traditions d'Asie centrale et du Moyen-Orient, mais se rapproche du style turc. Ce trait est aussi perceptible dans les chants populaires.

L'échelle générale du Muqam ouïgour ne comporte que des intervalles de tons, de demi-tons et leurs combinaisons. Une étude plus poussée pourrait mettre en évidence des nuances de micro-intervalles, car l'interprétation correcte des mouvements mélodiques et des ornements implique constamment des fluctuations de l'intonation. Quoiqu'il en soit, la marge de tolérance est grande, si bien que ce système demeure à peu près "compatible" avec la gamme occidentale tempérée (malgré certaines frictions comme dans vol. 1, 4).

Le On ikki muqam est fondamentalement heptatonique: sur une échelle diatonique s'organisent les modes d'Ut de Ré, de Si ou Mi, Sol et La, d'une manière comparable aux anciens modes ecclésiastiques occidentaux, auxquels s'ajoutent des modes "chromatiques" plus "orientaux" (vol. 1, 10; vol. 2, 3, 13). Mais la grande originalité de la musique ouïgoure est l'intégration - souvent au sein d'une même mélodie - de modes pentatoniques ou hexatoniques. (Soulignons qu'il ne s'agit pas d'emprunts à la musique chinoise). Ces passages incessants du système heptatonique au système pentatonique, combinés à des modulations et des transpositions à l'intérieur de chaque système, confèrent au Muqam ouïgour une extrême fluidité modale, probablement sans équivalent au monde (cf. par exemple le märghul de Muišaviräk, vol. 1, 7). Même dans les pièces très homogènes du point de vue modal, cette tendance à la modulation apparaît dans de petits motifs, dans une fugitive inflexion du chant ou une allusion a une note. Comme de surcroît certaines sections de muqam résultent de l'interférence de deux modes différents, on comprendra qu'il est difficile de définir un muqam entier par un seul mode, ce que d'ailleurs les Ouïgours s'abstiennent bien de faire. Tout au plus peut-on cerner un mode dominant dans certaines pièces ou sections.

En plus des douze modes dominants explicitement nommés dans le Muqam classique, on trouve, au milieu des compositions, des modulations importantes qui étendent encore la palette modale de la musique ouïgoure. De même, la musique populaire possède des modes propres mais sans les nommer, bien que certains soient très courants en Orient sous diverses appellations.

Par ailleurs, le Muqam dolan, qu'il faut bien distinguer du On ikki muqam malgré des points communs entre leurs taxinomies respectives, utilise des modes spécifiques, principalement penta- ou hexatoniques. Ses suites (muqam), modalement plus homogènes que celles du On ikki muqam, sont au nombre de neuf ou dix, soit Rak, Dogamät, Bom Bayawan, Zil Bayawan, Čöl Bayawan (ou Čöl Iraq), Sim Bayawan, Özhal, Khodäk, Jula, Mašaviräk. Seuls les deux premiers évoluent sur une gamme de sept notes.

Les rythmes. Du point de vue du rythme, les compositions classiques ouïoures se rattachent au style centre-asiatique qui se caractérise par la relative brièveté des cycles rythmiques. Les formules rythmiques sont néanmoins très nombreuses, couvrant surtout 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 temps, et leur réalisation sur le tambourin dap varie pour chaque type de pièce. L'originalité de la rythmique ouïgoure est l'articulation de formules rythmiques en durées inégales de 2 et 3 temps, comme 3 + 2 = 5 temps, 3 + 2 + 2 = 7, 3 + 3 + 2 = 8, 3 + 2 + 2 + 2 = 9. La subdivision des parties ternaires en duolets, donnant une surprenante impression de flottement, est une des particularités remarquables de la rythmique ouïgoure, qui est a peu près sans équivalent dans la musique orientale. En dehors de ces traits, on retrouve dans beaucoup d'airs populaires et de dastan, une forme de 4 temps syncopés, très courante dans le monde arabe et notée dès le Xe siècle par al-Fârâbî: 4 (cf. vol. 1, 7; vol. 2, 9, 10, 19, etc).

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Les instruments.

Le dutar (dont le nom signifie "deux cordes") est un luth a long manche répandu, sous des formes différentes, depuis le Kurdistan jusqu'au Xinjiang. En Asie Centrale il est toujours monté, comme par le passé, de cordes en soie accordées en quinte, quarte ou unisson. Le dutar ouïgour est le plus grand des instruments de cette famille, la longueur de corde vibrante atteignant 105 cm. Il est entièrement fait de bois de mûrier finement décoré d'incrustations d'os et de corne. Le dutar est joué dans la musique populaire, pour l'accompagnement des chansons, aussi bien que dans le Muqam, en particulier dans l'école de Khotan. Comme tous les luths ouïgours, ses frettes donnent une échelle chromatique.

Le tanbur est un autre type de luth à long manche typique de l'Asie centrale. La forme ouïgoure est plus longue que les spécimens ouzbek, tadjik ou kashmiri, la corde vibrante atteignant 125 cm et couvrant deux octaves et demi. Les cinq cordes métalliques sont accordées Sol-Sol, Do1, Sol-Sol; la mélodie se joue seulement sur la double corde aiguë, les autres servant de bourdon; comme dans les autres luths de cette famille, on les pince avec l'index muni d'un onglet.

Bien que son nom désigne dans d'autres cultures un luth à cordes pincées, le satar ouïgour (et ouzbek) est une adaptation du tanbur, joué avec un archet. Dix ou douze cordes sympathiques accordées selon les modes renforcent la résonance de l'unique corde mélodique. Le satar semble être l'instrument de prédilection du Muqam classique.

Le rawap (ou rabap) de Kashgar est un instrument original rattaché à la famille des rabâb à cordes pincées, caractérisés par leur table de résonance en parchemin. Il comporte cinq cordes - dont deux doubles - accordées en quarte et quinte, une octave au-dessus du dutar. A la jonction du manche et de la caisse en forme de bol se placent deux excroissances en forme de come; elles n'ont qu'une fonction décorative et symbolique, l'ensemble de la caisse étant censé représenter un crâne de bélier. Le rawap se tient sur l'avant-bras, de manière à libérer le jeu du plectre extrêmement dense et rapide. Le rawap sert aussi bien la musique populaire que le Muqam classique. Sous une forme très proche, on le trouve représenté dès le début du XlVe siècle.

Le ghijäk est une viéle à pique répandue dans toute l'Asie sous des noms et des formes variés. La forme actuelle du ghijäk ouïgour est assez récente, et en tout cas très originale: dans toutes les autres formes de cet instrument, la table d'harmonie est en parchemin, mais dans la forme ouïgoure récente, le parchemin est tendu à l'intérieur de la caisse de résonance entre les deux hémisphères, et soutient une âme en contact avec la table en bois.

Le čang est une variété de cymbalum à quatorze quadruples cordes frappées par des mailloches, dont l'introduction récente est due à l'influence chinoise. Toutefois cet instrument est originaire du Moyen-Orient et appartient à la culture de la Perse, du Kashmir et de l'Inde où on l'appelle santur. On le trouve également en Ouzbekistan (čang) et il est donc probable qu'il existait par le passé dans la région de Kashgar.

Le dap (de l'arabe daf ou duff) est un tambour sur cadre de 23 cm de diamètre environ, monté d'une peau d'âne. On le frappe avec les doigts des deux mains en émettant des timbres variés.


L'ensemble traditionnel dolan présente quelques instruments très spécifiques et sans équivalent parmi les Ouïgours du Xinjiang. De plus, l'association de ces trois instruments et leur rôle respectif très différencié constitue une formation des plus originales.

Le qalun, joué surtout par les Dolan, est une grande cithare en forme de trapèze-rectangle comportant généralement seize doubles cordes en métal couvrant plus de deux octaves sur une gamme diatonique. On pince les cordes de la main droite avec un plectre tandis qu'avec la main gauche on exécute des vibratos et des glissandos sur certaines notes à l'aide d'une clef métallique. Ce type d'instrument est très ancien et se trouve dans certaines miniatures persanes du XVe siècle environ, exactement sous la même forme. D'après des sources de cette époque, ses cordes étaient en cuivre torsadé. Certainement répandu dans tout l'Orient, il est à l'origine du qânûn arabe et du surmandal du Rajasthan. Son nom dérive de l'arabe qânûn, terme d'origine grecque.

Le ghijäk dolan est une autre forme de l'ancienne vièle rabâb déjà décrite au Xe siècle par al-Fârâbî et dont on trouve des variétés archaïques dans toute l'Asie. Sa corde unique mélodique est en crin de cheval et sa caisse est constituée d'une calebasse recouverte d'un parchemin comme table d'harmonie. L'originalité du ghijäk dolan réside dans l'adjonction de sept à huit cordes sympathiques. De plus, son jeu présente une particularité très intéressante: la main droite ne joue que dans une position, mais, en variant la pression des doigts, obtient des sons situés à la quinte supérieure. Ce phénomène (parfois difficile à contrôler) provient de la texture hétérogène de la corde en crin, qui donne des sons complexes et très riches en harmoniques. Par rapport aux autres instruments de l'ensemble dolan, le ghijäk trace l'épure de la mélodie.

Le rawap dolan, instrument spécifique de cette ethnie, est un luth à long manche, sans frette, à la table d'harmonie en parchemin, pincé avec un plectre. Des formes très proches sont attestées dès le début du XVe siècle dans les miniatures timourides. Il est proche du shidirghu mentionné à cette époque par Ebn-e Ghaybî-e Marâghî, sur lequel "les peuples du Turkestan jouent les maqâm ºUshshâq, Navâ, Bûlsalîk". La spécificité du rawap dolan est qu'en plus de ses cinq cordes simples sur lesquelles se déplace la main gauche, il possède douze double cordes sympathiques, que l'on pince à vide. Elles donnent une gamme diatonique et leur timbre est plus clair et métallique que celui des cordes jouées avec la main gauche. L'art du jeu du rawap dolan consiste a mêler les deux sonorités, donnant l'impression que deux instruments jouent ensemble.




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Les pièces - Volume 1

Au lieu de présenter un seul muqam joué d'un bout à l'autre et dans l'ordre, on a préféré, dans ces premiers disques de musique ouigoure, esquisser un panorama plus diversifié à travers plusieurs muqam et plusieurs formations. Cela se justifie par le fait que la performance intégrale d'un muqam dure environ deux heures, et surtout par le fait que, dans la pratique, les musiciens jouent plus volontiers des extraits de muqam, sous formes de pièces isolées ou de grandes sections.

1. Baš muqam de Čarigah (Mämät Turdi, chant et satar).
Mämät Turdi de Yarkan s'accompagne ici au grand luth à archet satar, qui fut l'instrument de prédilection des maîtres du Muqam. Son interprétation témoigne que l'esprit de la grande tradition du Muqam a bien été conservé dans toute sa profondeur et sa force. Čarigah muqam repose sur une gamme correspondant au "mode de Si" proche du Segâh turc (transposée ici sur Fa#: Ré Do Si La Sol FA# Mi Ré). Très stable, le baš muqam comporte une modulation-transposition sur la quarte.

2. Dastan de Rak: märghul du 1er dastan, 2ème dastan et märghul, 3ème dastan et märghul, 4ème dastan et märghul (Šämšidin, chant et tanbur; Mämät Turdi, satar).
Cette suite de dastan prouve que dans les mains des maîtres, l'association de deux instruments complets comme le satar et le tanbur est susceptible de rendre l'essence du Muqam mieux qu'une grande formation orchestrale. Les dastan de Rak sont parmi les pièces les plus jouées et les plus représentatives du répertoire classique. Après le märghul du premier dastan (en 4/4), se déploie une ligne ondulante mesurée en sept temps (3 + 2 + 2). Une subtile subdivision des trois temps en deux moitiés, accroît encore la fluidité du rythme, qui, bien que régulièrement mesuré, se dérobe à la pulsation. Les 3ème et 4ème dastan tournent sur un rythme régulier en 3/4 - 6/8. Le märghul commence sur une gamme voisine de l'air pécédent, mais sa conclusion (Čurigah) introduit le mode dominant de Rak, comparable à un "mode de Ré": Ré Do Si La Sol Fa Mi RE. Rak possède une structure pentatonique sous-jacente et ses deux déplacements de la tonique sur le Si et le Fa# constituent des modulations.

3. Baš muqam de Ošaq (Yusanjan Jami, tanbur).
Ošaq est un nom de maqâm courant au Moyen-Orient, mais aucun ne s'approche de la forme ouïgoure. Son mode est ambigu car il combine trois aspects: à partir d'un "diatonique majeur" Ré Mi Fa# SOL La Si Do, on polarise tantôt le Fa#, tantôt le Si. Plusieurs muqam et beaucoup de mélodies combinent ces deux aspects modaux. Il s'agit là encore d'un trait typique des mélodies ouïgoures.

4. Čong näghmä de Čäbbiyat: fin du täzä et märghul, jula et märghul, sänäm, čong säliqä (Abdurehim Niyaz, chant et čang; Abliz, ghijäk; Mämät Äli, tanbur; Ömär Tokhte, dap).
La gamme de Čäbbiyat (Do Si(b) La Sol Fa Mi Ré DO si) présente une nette inclination pentatonique (Do La Sol Mi Ré DO). On y retrouve, comme dans les muqam précédents, les modulations centrées sur la sensible (Si) puis la tierce (Mi). Vers la fin de la section jouée ici, le mode initial est abandonné au profit d'un "mode de Mi" combiné avec une gamme pentatonique. Ce muqam ne ressemble à aucun mode du Moyen-Orient, excepté le muqam tadjik-ouzbek Buzruk.

5. Premier dastan et märghul de Özhal (Šämšidin, chant et tanbur; Mämät Turdi, satar)
Ce muqam relativement homogène peut être considéré comme un "mode de La": (do) RE Mi Fa Sol La Sib (do) Ré (en hauteur relative).

6. Özhal, päšro märghul (Dolqun, ghijäk; Davut Avut, rawap; Nortay, dutar; Qavul, dap; Tunisa Salaydin & Äli, chant).

7. Premier dastan et märghul de Mušaviräk (Abdurehim Niyaz, chant et čang; Abliz, chant et ghijäk; Mämät Äli, tanbur; Ömär Tokhte, dap).
La structure et le rythme de la mélodie sont assez proches du dastan de Özhal. Il s'agit d'une composition complexe, très représentative de la virtuosité modale du Muqam ouïgour. De l'enchevêtrement des modulations et transpositions, il est difficile de dégager un mode dominant, mais la trame de l'ensemble du muqam est Sol Fa Mi Ré Do Si(b) LA SOL Fa (#) Ré.

8 - 2ème et 3ème dastan märghul de Nava (Dolqun, ghijäk; Davut Avut, rawap; Nortay, dutar; Qavul, dap; Tunisa Salaydin & Äli, chant).
Nava est une autre forme de ce qu'on peut appeler "mode de Si" (transposé sur la quinte): (Fa#) Ré Do Si La Sol FA#. Nava ouïgour n'a rien de commun avec ses homologues arabo-persans, mais se rapproche du maqâm turc Segâh.

10. Sänäm de Kashgar (Dolqun, ghijäk; Davut Avut, rawap; Nortay, dutar; Qavul, dap; Tunisa Salaydin & Äli, chant).
Les sections s'enchaînent dans trois modes différents (transcrits un ton en dessous): Sol Fa Mi Ré Do, puis Sol Fa Mib Ré Do Si Lab Si puis Fa Mi Ré Do Si La Sol. Les sänäm des čong näghmä sont issus des sänäm populaires et sont dansés. Les sänäm populaires sont dansés et joués lors des fêtes. Chaque tradition musicale régionale possède son propre sänäm, et actuellement on assiste au Xinjiang a une prolifération de sänäm locaux qui sont des créations contemporaines, composées pour justifier la revendication d'un répertoire local. Le sänäm de Kashgar est ancien, et cet air traditionnel se situe entre le répertoire savant, des muqam, et celui des chansons populaires.




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Volume 2

Première partie: Muqam des Dolan

1. Bom Bayawan (Rehim Qader, Abdurehim Abdurasul, Ömär Osman: chant et dap; Äli Mämät, qalun; Osman Qader, ghijäk; Mämät Turdi, rawap).
L'interprétation des muqam dolan s'écarte par bien des traits des interprétations du On ikki muqam ou même des chansons populaires (nakhša), et bouscule les habitudes des musiciens orientaux. Sur une structure parfaitement définie et connue de tous, chaque instrument suit ses propres chemins mélodiques dans une hétérophonie délibérée où l'unisson mélodique le cède à l'unisson rythmique. L'impression chaotique que peuvent donner certaines phases du muqam n'est pas ici le fait d'un manque de compétence, mais un trait esthétique: nous sommes bien à Mäkit, centre jalousement fermé du Muqam des Dolan où la pédagogie de conservatoire n'a pas pénétré. Du reste, le terme savant de muqam dissimule mal la fonction originelle de ces chants: danses propitiatoires de chasse et de guerre volontiers détournées vers la transe. La gamme de ce muqam est Sol Fa Mi Ré Do Si La Sol Fa# Mi Ré.

2. Appangzida Barat way "Monsieur Barat du village de Appangzi" (Mämät Turdi, rawap dolan).
Cette chanson populaire dolan met en lumière le jeu du rawap: l'alternance des cordes a vide et des cordes mélodiques constitue une dissociation de plus qui enrichit l'interprétation des mélodies dolan.

3. Dogamät (Mämät Turdi, rawap; Rehim Qader, Abdurehim Abdurasul, Ömär Osman, chant et dap; Osman Qader, ghijäk).
Ce muqam contraste avec les autres par une gamme heptatonique qui évoque le Moyen-Orient plus que l'Asie Centrale: Do Si La Sol Fa# Mib RE Do Sib La Sol.

4. Baš muqam de Čöl Bayawan (Avut Iziz, ghijäk dolan).
Le ghijäk assume en quelque sorte le rôle de pierre angulaire dans l'ensemble du Muqam dolan; il trace la ligne mélodique dans son dépouillement fondamental, contrairement au qalun et au rawap qui dessinent d'amples arabesques et entrelacs autour de cette ligne. Leur virtuosité et volubilité contrastent avec l'ascétique ghijäk dont la voix rauque s'étrangle parfois pathétiquement, laissant résonner les harmoniques supérieurs comme un écho céleste.

5. Sirilma de Zil Bayawan (Mämät Turdi, qalun solo).
Dans un autre muqam, cette pièce fait apparaître la fonction mélodique et rythmique du qalun qui, par rapport à la mélodie vocale, tisse comme un contrepoint séparé.

6. Khuš saz "Air joyeux", chanson populaire dolan (Avut Iziz, rawap; Šämšidin, tanbur).
Il s'agit d'une œuvre composée en 1963 par le joueur de rawap, un vieux paysan dolan. Le rythme comporte une subtilité remarquable: structuré comme un quatre temps anodin et symétrique, une moitié de mesure est en fait allégée de deux quarts de temps, le tout faisant sept temps rapides.


Deuxième partie: Chansons populaires.

7. Asmanda ay barmu? "La lune est-elle dans le ciel?" chanson populaire de Kuča (Risalät Khapiz, dutar et chant).
Bien que l'air soit en quatre temps, les accents du dutar ne se placent jamais sur le premier temps: ils se répartissent sur les temps faibles, mais en évitant toute récurrence qui pourrait sur-indiquer la structure rythmique. Il s'agit là d'un autre trait remarquable de la rythmique ouïgoure.

8. Qädrimgä yetär sänmu? "Connais-tu ma valeur?" chanson populaire de Yarkän (Osman Yunus, dutar et chant; Iminjan Hošuy, ghijäk).
Le rythme de cette chanson est particulièrement subtil car la mélodie semble se glisser entre les cinq temps de la mesure tandis que l'accompagnement évite de poser des repères métriques trop évidents. Le mode et la mélodie très ample sont typiques de la région de Kashgar.

9. Serilma chanson populaire de Yarkän (Ayšamgul, dutar et chant).
Serilma est le nom d'une danse. Le texte de la chanson est un petit atlas géographique qui énumère les villes du Xinjiang. La danse est exécutée par un homme déguisé en femme, qui mime les soins de beauté féminins.

10. Janza qiz "La jeune fille chérie", chanson populaire de Yarkän (Ayšamgul, dutar et chant).
C'est une chanson complexe qui présente trois aspects modaux successifs.

11. Chanson de Kashgar (Tusunjan, rawap et chant).

12. Ayaräy, chanson populaire de la vallée de l'Ili (Ghäppär Äkhmät, dutar et chant).
Il s'agit d'un chant épique dans un mode pentatonique narrant la lutte des Ouïgours contre l'envahisseur mongol.

13. Össek, chant populaire de la vallée de l'Ili (Šir Äli Hašim, ghijäk).
Maître de ghijäk au Conservatoire d'Urumči, Šir Äli interprète une chanson en six sections dont est extraite cette séquence. Si le mode est courant en Orient, la tournure mélodique, l'ornementation et les modulations finales sont typiquement ouïgoures.

14. Sapiraq nakhšisi, "Le chant des pédoncules", chanson populaire de Yarkän (Pätäm, dutar et chant).
Le caractère mélancolique de la mélopée est accentué par l'impression de flottement produite par un rythme à cinq temps joué en rubato.

15. Köngül ösmäydu bu šähärdä "Mon cœur ne s'ouvre pas dans cette ville", chanson populaire de Yarkän (Pätäm, dutar et chant).

16. Qäsqär qizi, "La jeune fille de Kashgar" (Tunisa Salaydin, chant; Davut Avut, rawap; Nortay, dutar; Qavul, dap; Dolqun, ghijäk).
Cette chanson populaire de Kashgar est un emblème de la ville. Le texte loue la beauté des Kashgariennes. La fin de la chanson, en cinq temps, est une évocation de Sapiraq nakhšisi (14).

17. Asmanda ay barmu? "La lune est-elle dans le ciel?" version de Kashgar (Musajan Dozi, dutar).
C'est un air typiquement ouïgour, qui mélange des éléments hepta- et pentatoniques.

18. Mušaviräk (Mangläškhan, tanbur et chant; Abdu Kadir, satar; Ämärjan & Äkhät, deux dutar; Abdu Wällä, dap).
Extrait des chansons populaires formant le muqam Mušaviräk de Keriya sur une "gamme modale de La" avec des tournures et des modulations pentatoniques.

19. Tumuz isiq khät yizip köydi pišanäm, "Quand il fait chaud, j'écris et ça brûle ma tête", chanson populaire de Khotan (Mämät Usun, rawap et chant).

20. Ačilidi gülum, "Ma fleur s'ouvre", chanson populaire de Khotan (Mämät Usun, rawap et chant).

21. Laylang, chanson populaire dolan (Mämät Awla Mämät, chant).
Il s'agit d'un chant que les paysans dolan chantent dans leur champs au moment des récoltes et auquel on attribue une vertu stimulante pour le travail. C'est un des rares chants du répertoire qui n'a pas d'accompagnement instrumental. Il présente une des dominantes spécifiques de la palette modale ouïgoure: la gamme (Do Mi Fa Sol Lab) apparaît en tant que modulation dans la majorité des airs classiques ou populaires.

Sabine Trebinjac, Jean During





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Introducción a la música uigur

Geografía del Xinjiang e Historia de Los Uigures.


El Turquestán chino o Xinjiang se encuentra situado al noroeste de la República Popular China y es fronterizo de cinco países. Grandes desiertos y altísimas sierras caracterizan la geografía de esta vasta región (cf. mapas). Es en condiciones naturales muy difíciles que viven 13,61 millones de habitantes pertenecientes a trece etnias diferentes. Los Uigures, pueblo Turcomongol de agricultores, constituyen el grupo mayoritario (6 millones).

Descendientes de los Hunos, los Uigures se organizaron en el norte de Mongolia en un poderoso imperio entre los siglos VIII y IX. Derrotados por los Kirghiz (840 AD), se refugiaron en el actual Xinjiang y fundaron allí con las poblaciones autóctonas de origen indoeuropeo, nuevos estados. Primero chamanistas y budistas, han abrazado el maniqueísmo antes de convertirse al islam sunnita (siglo X). En 1949, el Turquestán ha sido integrado a la República Popular China que le otorgó, en 1955 el estatuto de Provincia autónoma uigur del Xinjiang.


Tradiciones del muqam uigur. (Vol. 1)

La música del Turquestán es atestada desde la antigüedad (siglo II AC) y la apertura de la Ruta de la Seda ha favorecido los intercambios culturales entre Asia Central y el imperio chino. Después, ha marcado la islamización la tradición musical uigur y su repertorio clásico del Muqam ha sido probablemente influenciado en el siglo XV por las tradiciones iraníes y turanias. Pero la adopción de una taxonomía arábigo-persa no le quita nada a la originalidad del Muqam uigur.

La palabra Muqam significa para los Uigures una suite de composiciones y por extensión, música culta. Sin embargo, no se puede considerar el Muqam uigur como el único repertorio ya que existen en el Xinjiang tres tradiciones regionales :

- el muqam completo, On ikki muqam (doce muqam) con dominante heptatónica. Se encuentra en el norte y sudoeste del Xinjiang.
- el muqam constituido por un preludio sin medida y de canciones populares, con dominante pentatónica, que es la típica forma del este.
- el muqam constituido por un preludio sin medida y de cantos populares organizados, con dominante hexatónica, que es un repertorio propio a los Dolan.


Estructuras y formas del On ikki muqam

El On ikki muqam se organiza en doce suites, de unas dos horas de duración cada una, divididas en tres secciones:
- el čong näghmä, "grandes aires", empieza con un preludio sin medida (Vol. 1, 1, 3) seguido por entre seis y diez piezas cantadas entre las cuales se intercalan su "doble" instrumental (Vol. 1, 4, 6);
- los dastan, "aires narrativos", son tres o cuatro piezas vocales (Vol. 1, 1, 2, 5, 7, 8, 9);
- y finalmente, la sección de los mäšräp, "lugar donde se bebe", comprende de dos a siete canciones bailadas que se enlazan por orden de tiempo creciente. Estas veinte a treinta piezas, que se siguen según un orden definido dentro de tres secciones, se diferencian por su forma metro-rítmica, su estructura interna, y su contenido literario. Para terminar el muqam, se evoca un breve pasaje del preludio.


Los muqam de los Dolan.

Los Dolan, que viven en pequeños oasis situados en los márgenes occidentales del desierto del Taklamakan, alrededor de Mäkit, son un subgrupo étnico de los Uigures, y su economía es principalmente pastoril. Interpretan sus muqam durante grandes fiestas semanales, mäšräp, cuyo papel social es muy importante. A diferencia del On ikki muqam, los nueve o diez muqam de los Dolan son breves, duran de seis a ocho minutos, y son bailados en su totalidad. Los movimientos ejecutados durante las cinco partes que forman un muqam relatan partidas de caza y el torbellino final de los bailarines puede desembocar en un trance (Vol. 2, 1 hasta


Lugar de los muqam en la cultura uigur.

Los uigures estiman mucho sus muqam y se enorgullecen de ellos. Pero estos sentimientos no les han llevado a paralizar la forma de los muqam, que al estar presentes en todos los acontecimientos de la vida, se transforman. Además, cada Maestro marca con su propio estilo el repertorio de los muqam: le añade a la línea melódica aquí y allí floreos, adornos y disminuciones, a pesar de que la improvisación sea mínima con respecto a las tradiciones de Oriente Medio.

Socialmente, los muqam son propiedad de todos los uigures ya que no existe ningún a priori que le impida a nadie tocar o escuchar un muqam. Estas suites, tocadas durante bodas, reuniones entre amigos, o por mendigos, son rara vez ejecutadas en su totalidad, y se prefiere enlazar piezas de diferentes muqam, para hacerse eco del ambiente del momento, ya que cada muqam tiene un ethos que le es propio. El muqam uigur, constitutivo de la música culta, es un repertorio muy antiguo que ha conservado toda su vitalidad.


Las canciones. (Vol. 2)

Las canciones constituyen el aspecto más popular de la música uigur. Asi como los muqam, existen varias tradiciones regionales y cada oasis posee su propio repertorio de canciones. La mayoria de las canciones tienen como tema el amor, siendo las demás, historias épicas (Vol. 2, 12), endechas (Vol. 2, 19) o evocaciones de labores del campo (Vol. 2, 21). Todos los uigures saben cantar y conocen un vasto repertorio de canciones; muchos saben tocar el dutar.


Aspectos técnicos.

Los modos. Al contrario de las demás tradiciones centro-asiáticas y de Oriente Medio, la melodía uigur se destaca por la amplitud de su tesitura, por saltos de la línea melódica y por una escala que solo tiene intervalos de tonos, semitonos, y sus combinaciones. Además, la especificidad modal del On ikki muqam es que, aún siendo heptatónica, diatónica o cromática (Vol. 1, 10; Vol. 2, 3, 13), muchas de sus melodías integran también modulaciones pentatónicas o hexatónicas (Vol. 1, 7). Esta complejidad modal marcada por transiciones de un sistema a otro aumenta con la posible interferencia de dos modos diferentes dentro de una misma sección de muqam.

Los ritmos. Aunque los ciclos rítmicos uigures sean relativamente cortos, se destacan por la cantidad de sus variaciones en su realización y por la asociación de duraciones desiguales de dos y tres tiempos que permiten subdividir formulas ternarias en dosillos. Estas características se codean también con formas rítmicas más corrientes, como el cuatro tiempos sincopados (Vol. 1, 7; Vol. 2, 9, 10, 19).

Los instrumentos. Los instrumentos de cuerdas ocupan el sitio más importante en la música popular y culta de los uigures. Observemos en la familia de los laúdes:
- el dutar de dos cuerdas de seda montadas sobre un largo mango y zunchos que dan una escala cromática (Vol. 2, 7, 8, 9, etc.);
- el tanbur de cinco cuerdas metálicas punteadas de las que solo la doble cuerda aguda toca la melodía (Vol. 1, 3);
- el satar adaptado del tanbur tiene de diez a doce cuerdas simpáticas y una cuerda melódica frotada con un arco; es el instrumento noble del muqam (Vol. 1, 1);
- el rawap tiene cinco cuerdas que se tocan con un plectro y su caja, cubierta por una tabla de harmonia [?] de pergamino, evoca una cabeza de carnero (Vol. 2, 11, 19, 20);
- la vihuela de pico, ghijiäk se diferencia de las demás formas centro-asiáticas por un pergamino tendido dentro de la caja esférica que mantiene el alma en contacto con la tabla de madera (Vol. 2, 13);
- para terminar, el čang, cimbalum de catorce cuerdas cuádruples, golpeadas con mazas, es de origen chino pero pertenece a la familia de los santur originaria de Oriente Medio

El dap es un pequeño tambor sobre bastidor con una piel de burro golpeada con los dedos de las dos manos (Vol. 2, 4, 6 hasta 10).

El conjunto tradicional dolan presenta varios instrumentos muy específicos: la cítara, qalun (Vol. 2, 5): la vihuela, ghijiäk, con su cuerda única y sus siete cuerdas simpáticas (Vol. 2, 4), el laúd rawap de cinco cuerdas y doce dobles cuerdas simpáticas (Vol. 2, 6).

Traducido por Marie-Christine Reverte



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